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14/06/2023 | FRANCE | N°21/14461

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 14 juin 2023, 21/14461


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 14 JUIN 2023



(n° 2023/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14461 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFUF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2021 - Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/06468





APPELANTS



Monsieur [V] [I]

né le 31 Décembre 1960 à [Localit

é 19] (94)

[Adresse 12]



Madame [D] [FC] épouse [R]

née le 02 Juin 1960 à [Localité 18] (42)

[Adresse 5]



Monsieur [M] [FC]

né le 20 Juillet 1961 à [Localité 18] (42)

[Adresse...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n° 2023/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14461 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFUF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Juillet 2021 - Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/06468

APPELANTS

Monsieur [V] [I]

né le 31 Décembre 1960 à [Localité 19] (94)

[Adresse 12]

Madame [D] [FC] épouse [R]

née le 02 Juin 1960 à [Localité 18] (42)

[Adresse 5]

Monsieur [M] [FC]

né le 20 Juillet 1961 à [Localité 18] (42)

[Adresse 2]

Madame [FB] [FC] épouse [FF]

née le 24 Septembre 1966 à [Localité 18] (42)

[Adresse 4]

Madame [X] [N] épouse [EZ]

née le 25 Octobre 1953 à [Localité 18] (42)

[Adresse 6]

Madame [L] [N] épouse [EW]

née le 13 Janvier 1956 à [Localité 18] (42)

[Adresse 10]

Monsieur [F] [N]

né le 06 Octobre 1956 à [Localité 18] (42)

[Adresse 13]

Madame [A] [N] épouse [P]

née le 04 Août 1957 à [Localité 18] (42)

[Adresse 1]

Monsieur [O] [N]

né le 26 Octobre 1960 à [Localité 15] (69)

[Adresse 8]

Monsieur [S] [N]

né le 13 Avril 1951 à [Localité 18] (42)

[Adresse 16] - SUEDE

Monsieur [EX] [N]

né le 28 Octobre 1952 à [Localité 18] (42)

[Adresse 9]

Monsieur [Y] [I]

né le 23 Décembre 1965 à [Localité 17] (75)

[Adresse 3]

représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIMEE

S.A.R.L. CABINET GENEALOGIQUE [Z] [E] & ASSOCIES, RCS NANTES n°532812484, ayant son siège social

[Adresse 7]

[Localité 11]

représentée par Me Jean-Daniel DECHEZELLES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0073

ayant pour avocat plaidant Me Vincent CROUIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

[J] [U] veuve [FA] est décédée le 17 mars 2019, sans postérité connue.

Me [T] [G], notaire à [Localité 14], chargé du règlement de sa succession, a donné mandat le 28 avril 2019 au cabinet généalogique [Z] [E] (CGEL) de retrouver des héritiers ou d'établir l'absence d'héritiers de la défunte.

Le CGEL a identifié en qualité d'héritiers, quatre cousins au 6e degré dans la branche paternelle :

- M. [K] [W],

- M. [FD] [W],

- M. [FE] [C],

- M. [FG] [N],

et douze cousins au 5e degré dans la ligne maternelle :

- Mme [FB] [FC] épouse [FF],

- M. [M] [FC],

- Mme [D] [FC] épouse [R],

- M. [O] [N],

- M. [F] [N],

- Mme [X] [N] épouse [EZ],

- M. [EX] [N],

- M. [V] [I],

- M. [Y] [I],

- M. [S] [N],

- Mme [L] [N] épouse [EW],

- Mme [A] [N] épouse [P].

Le CGEL leur a proposé la signature d'un contrat de révélation de droits successoraux prévoyant des honoraires à hauteur de 40 % HT de l'actif net mobilier et immobilier, en ce y compris tout contrat d'assurance-vie, devant revenir à chacun.

Par courrier du 23 octobre 2019, le CGEL proposait une réduction de ses honoraires à hauteur de 15 % HT de l'actif net mobilier et immobilier, en ce y compris tout contrat d'assurance-vie, devant revenir à chacun des héritiers de la branche maternelle, les consorts [FC], [N] et [I].

Ces derniers refusant de signer le contrat de révélation de droits successoraux, le CGEL, par acte en date du 20 novembre 2019, a formé opposition à partage entre les mains de Me [G].

Par ordonnance en date du 17 décembre 2020, le président du tribunal judiciaire de Nantes a ordonné la mainlevée de l'opposition à partage.

Saisi par le CGEL, le tribunal judiciaire de Paris a, par jugement du 1er juillet 2021, notamment :

- condamné Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à payer au cabinet généalogique [Z] [E] la somme correspondant à 15 % hors taxes sur l'actif net devant leur revenir à chacun dans la succession de [J] [U], en ce y compris tous éventuels capitaux d'assurance vie,

- débouté le cabinet généalogique [Z] [E] de sa demande de dommages intérêts,

- condamné in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à payer au cabinet généalogique [Z] [E] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] aux dépens,

- rappelé que la décision est exécutoire de droit,

- rejeté toute autre demande.

Les consorts [FC], [N] et [I] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 juillet 2021.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 10 janvier 2022, les appelants demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 1er juillet 2021 en toutes ses dispositions, et dès lors en ce qu'il a :

* condamné Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à payer au cabinet généalogique [Z] [E] la somme correspondant à 15% hors taxes sur l'actif net devant leur revenir à chacun dans la succession de [J], [B], [H] [U], en ce y compris tous éventuels capitaux d'assurance vie »,

* condamné in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à payer au cabinet généalogique [Z] [E], la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] aux dépens,

* rappelé que la décision est exécutoire de droit,

* rejeté toute autre demande, mais uniquement lorsqu'il a rejeté les demandes des appelants,

et statuant à nouveau,

sur la condamnation à indemniser la société CGEL à hauteur de 15% de l'actif net de la succession sur le fondement de la gestion d'affaires :

- de juger que la société CGEL ne justifie d'aucune dépense utile ou nécessaire au sens des articles 1301 et suivants du code civil,

en conséquence,

- de débouter la société CGEL de l'intégralité de ses demandes,

sur leurs demandes reconventionnelles :

- de juger que la société CGEL a commis une faute en faisant opposition au partage entre les mains du notaire sans justifier d'aucune créance ni d'aucun titre,

- de juger que cela a causé un préjudice aux concluants,

en conséquence,

- de condamner la société CGEL à régler à chacun d'eux une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi,

- de débouter la société CGEL de l'intégralité de ses demandes,

sur l'appel incident formé par la société CGEL sur les demandes formulées au titre de la gestion d'affaires :

- de débouter la société CGEL de l'intégralité de ses demandes,

sur les demandes formées au titre de l'enrichissement sans cause :

- de débouter la société CGEL de l'intégralité de ses demandes,

- de débouter la société CGEL de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner la société CGEL à verser Mesdames [FB] [FF] née [FC], [D] [FC], Mme [X] [N], Mme [L] [N], Mme [A] [N], Messieurs [M] [FC], [F] [N], [O] [N], [S] [N], [EX] [N], [V] [I], [Y] [I] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 février 2022, le cabinet généalogique [Z] [E], intimé demande à la cour de :

- le dire recevable et bien fondée en son appel incident,

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 1er juillet 2021 par la quatrième chambre, deuxième section du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

* condamné Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à indemniser le CGEL de ses préjudices nés du refus des héritiers de rémunérer son travail,

* condamné in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à indemniser le CGEL de ses frais irrépétibles, ainsi qu'en tous les dépens d'instance,

- « réformer » le jugement rendu le 1er juillet 2021 par la quatrième chambre, deuxième section du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

* condamné Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à payer au cabinet généalogique [Z] [E] la somme correspondant à 15 % hors taxes sur l'actif net devant leur revenir à chacun dans la succession de [J], [B], [H] [U], en ce compris tous éventuels capitaux d'assurance-vie, limitant ainsi significativement leurs obligations indemnitaires,

* débouté le cabinet généalogique [Z] [E] de sa demande de dommages et intérêts,

* condamné in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à payer au cabinet généalogique [Z] [E] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, limitant ainsi significativement le montant de l'indemnité due au titre des frais irrépétibles de première instance,

et statuant à nouveau,

- condamner Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à lui payer la somme correspondant à 40 % hors taxes sur l'actif net devant leur revenir à chacun dans la succession de [J], [B], [H] [U], en ce compris tous éventuels capitaux d'assurance-vie, équivalent pour chacun d'eux, à la somme de 10 318,45 euros HT, soit 12 382,14 euros TTC,

- condamner in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à lui payer la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement rendu le 1er juillet 2021 par la quatrième chambre, deuxième section du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a condamné Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à payer au cabinet généalogique [Z] [E] la somme correspondant à 15 % hors taxes sur l'actif net devant leur revenir à chacun dans la succession de [J] [U], en ce compris tous éventuels capitaux d'assurance-vie, équivalent pour chacun d'eux, à la somme de 3 869,42 euros HT, soit 4 643,30 euros TTC,

à titre plus subsidiaire,

- juger que le cabinet généalogique [Z] [E] a droit à une indemnisation au titre de l'enrichissement injustifié,

et en conséquence,

- condamner Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à payer au cabinet généalogique [Z] [E], la somme correspondant à 40 % hors taxes sur l'actif net devant leur revenir à chacun dans la succession de [J] [U], en ce compris tous éventuels capitaux d'assurance-vie, équivalent pour chacun d'eux à la somme de 10 318,45 euros HT, soit 12 382,14 euros TTC,

en tout état de cause :

- débouter Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à lui payer, chacun, la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par lui,

- condamner in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à lui payer la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

- condamner in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à lui payer la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

- condamner in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] aux dépens d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 7 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la gestion d'affaires

Il est acquis qu'à défaut de contrat, le généalogiste successoral peut solliciter l'application des dispositions relatives à la gestion d'affaires.

L'article 1301-2 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations, dispose que celui dont l'affaire a été utilement gérée doit remplir les engagements contractés dans son intérêt par le gérant, et qu'il rembourse au gérant les dépenses faites dans son intérêt et l'indemnise des dommages qu'il a subis en raison de sa gestion.

Pour condamner sur ce fondement les consorts [FC], [N] et [I] à payer à la société CGEL une indemnisation fixée à 15 % hors taxes de l'actif net de la succession, en ce compris les capitaux d'assurance sur la vie, le tribunal a retenu que, sans les recherches entreprises et les diligences accomplies par le généalogiste, les consorts [FC], [N] et [I] n'auraient pas été en mesure de connaître leurs droits éventuels à la succession de [J] [U].

Les appelants, qui font valoir qu'il existait des relations entre la défunte et certains d'entre eux, en particulier M. [Y] [I], soutiennent surtout qu'à défaut pour l'intimée de rapporter la preuve des dépenses utiles et nécessaires effectuées, il y a lieu de débouter la société CGEL de toute demande formée au titre de la gestion d'affaires.

L'intimée insiste sur l'utilité de son intervention, excipant même de son caractère déterminant, en rappelant l'existence du mandat notarial initial, et faisant valoir que son intervention est d'intérêt public, permettant, par le règlement et la liquidation de la succession, la fixation notamment des droits réels immobiliers et la perception par le Trésor Public des droits de mutation par décès. Elle soutient que le taux d'indemnisation qu'elle réclame est justifié et raisonnable eu égard à l'ampleur et à l'efficience du travail accompli, de l'ensemble des charges inhérentes à toute activité commerciale et des garanties offertes par un généalogiste qui supporte l'aléa relatif à ses recherches et engage ses responsabilités financière et juridique en cas d'erreur ou omission éventuelle ; elle sollicite une indemnisation rémunératoire en cohérence avec les frais de régie de l'administration domaniale dans des situations comparables, tout en rappelant sa vocation commerciale à tirer profit de son travail.

Dans l'hypothèse où seules les dépenses spécifiques, utiles et nécessaires qu'elle a exposées lui ouvriraient droit à remboursement sur le fondement de l'article 1301-2 du code civil, elle évoque, en sus des dépenses matérielles faites dans l'intérêt de celui dont l'affaire est gérée, l'indemnisation des dommages subis en distinguant deux postes de préjudices :

- les dépenses liées aux investissements et installations du généalogiste professionnel (salariés, locaux, bases de données, charges administratives, assurances...),

- les honoraires qu'elle aurait pu percevoir en travaillant sur d'autres dossiers, ainsi que la perte de chiffre d'affaires, et de marge, à laquelle elle estime pouvoir prétendre.

Les appelants répliquent que la société CGEL ne verse aux débats aucun élément pour justifier de ces préjudices allégués et estiment que l'intimée entend voir indemniser le refus par un client d'une proposition contractuelle. Ils ajoutent que les héritiers de la branche paternelle de [J] [U] ont quant à eux accepté de signer le contrat de révélation de droits successoraux de sorte que le généalogiste a déjà reçu bien plus que le remboursement des dépenses évoquées.

L'indemnisation du généalogiste sur le fondement de l'article 1375, suppose à la fois que soit établi son droit à indemnisation lequel résulte de l'utilité de son intervention, et qu'il justifie des diligences accomplies et dépenses spécifiques, utiles et nécessaires exposées pour identifier les héritiers, les rechercher ou établir avec certitude leur qualité, lesquelles sont la mesure de son indemnisation, qui exclut toute autre rémunération.

La cour constate que l'intimée ne produit aucune pièce relatives aux dépenses spécifiques, utiles et nécessaires dont elle peut obtenir le remboursement au titre de la gestion d'affaires, qui ne sont au demeurant pas chiffrées.

Les dépenses liées à ses investissements et installations du généalogiste professionnel (salariés, locaux, bases de données, charges administratives, assurances...) qui ne sont pas davantage chiffrées et étayées, ne constituent en toute hypothèse pas des dépenses spécifiques susceptibles d'être remboursées au titre de la gestion d'affaires ni un dommage subi en raison de sa gestion.

La perte de chance commerciale dont elle sollicite l'indemnisation en faisant valoir que le temps passé sur ce dossier n'a pas été consacré à un autre pour lequel elle aurait pu percevoir des honoraires n'est pas non plus établie.

Enfin, le défaut de chiffre d'affaires correspondant aux honoraires contractuellement fixés pour ce dossier n'est pas subi par le généalogiste en raison de son intervention pour découvrir des héritiers mais en raison de l'exercice, par les héritiers, de leur liberté contractuelle.

Par conséquent, infirmant le jugement entrepris, la société CGEL sera déboutée de ses demandes, principale et subsidiaire, au titre de la gestion d'affaires.

Sur l'enrichissement sans cause

A titre infiniment subsidiaire, la société CGEL demande une indemnisation au titre de l'enrichissement injustifié, chiffrée à 40 % hors taxes sur l'actif net, sur le fondement de l'article 1303 du code civil aux termes duquel, en dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.

Elle affirme de nouveau que, sans son intervention, les héritiers de la branche maternelle de [J] [U] n'auraient pu faire valoir leurs droits dans sa succession, que leur enrichissement correspond donc à l'intégralité de l'actif net mobilier et immobilier devant leur revenir dans la succession de [J] [U] et qu'il s'est fait à son détriment puisqu'elle n'a pas perçu la rémunération afférente à la mission qu'elle a pourtant accomplie.

Pour s'opposer à la demande subsidiaire de la société CGEL, les appelants font valoir qu'ils tirent leurs droits successoraux de l'application des règles de la dévolution successorale, de sorte que leur enrichissement n'est pas sans cause.

Cependant, comme le souligne à juste titre l'intimée, même si ces règles de dévolution successorale leur conféraient un droit, ils n'auraient pu l'exercer s'ils en ignoraient l'existence.

Néanmoins, la société CGEL ne rapporte pas la preuve de son appauvrissement, lequel ne saurait se confondre avec le défaut de bénéfice de la rémunération prévue dans le cadre du contrat qui n'a pas été conclu.

Compte tenu de sa carence, elle sera déboutée de sa demande au titre de l'enrichissement injustifié.

Sur la demande indemnitaire reconventionnelle des appelants

Les appelants demandent, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, la réparation du préjudice né du retard dans le règlement de la succession en raison de l'opposition à partage formée par la société CGEL qu'ils estiment injustifiée.

L'intimée soutient qu'elle a usé de son droit d'opposition issu de l'article 882 du code civil de façon raisonnable et proportionnée et que les consorts [FC], [N] et [I] n'établissent pas la réalité de leur préjudice et ne justifient pas du montant de l'indemnité réclamée.

Il y a lieu de rappeler que les consorts [FC], [N] et [I] ont, par acte du 11 mars 2020, saisi le juge des référés d'une demande de mainlevée de l'opposition à partage notifiée par la société CGEL le 20 novembre 2019. Le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes a, par ordonnance du 17 décembre 2020, retenu que la société CGEL ne justifiait nullement de sa qualité de créancière, à défaut de contrat de révélation de succession signé et de droit à rémunération sur le fondement de la gestion d'affaires, et qu'elle n'établissait pas non plus d'une fraude à ses droits, de sorte que son opposition était « constitutive d'un trouble manifestement illicite ».

Le caractère manifestement illicite de l'opposition de la société CGEL ainsi judiciairement constaté est de nature à démontrer l'existence d'une faute de sa part.

Cependant, les intimés, qui ont pu exercer l'action utile à la levée de l'opposition injustifiée, ne justifient pas du préjudice allégué.

A défaut de preuve de la réalité et de l'étendue de leur préjudice, ils seront déboutés de leurs demandes respectives de dommages et intérêts.

Sur les frais et dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Il convient, en application de cette disposition, de condamner l'intimée aux dépens d'appel et d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les consorts [FC], [N] et [I] aux dépens de première instance, qui seront également mis à la charge de la société CGEL dès lors qu'elle succombe en sa demande principale. Par conséquent, le jugement frappé d'appel sera également infirmé en ce qu'il a condamné les consorts [FC], [N] et [I] à lui payer une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande que la société CGEL soit condamnée à leur payer à ce titre in solidum une somme de 3 000 euros pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement prononcé le 1er juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

- condamné Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à payer au cabinet généalogique [Z] [E] la somme correspondant à 15 % hors taxes sur l'actif net devant leur revenir à chacun dans la succession de [J] [U], en ce y compris tous éventuels capitaux d'assurance vie,

- condamné in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] à payer au cabinet généalogique [Z] [E] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [FB] [FF], Mme [D] [FC], M. [M] [FC], Mme [X] [N], M. [F] [N], M. [O] [N], M. [S] [N], Mme [L] [N], M. [EX] [N], Mme [A] [N], M. [V] [I] et M. [Y] [I] aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Déboute la SARL CGEL (cabinet généalogique [Z] [E] et associés) de ses demandes au titre de la gestion d'affaires ;

Condamne la SARL CGEL (cabinet généalogique [Z] [E] et associés) aux dépens de première instance ;

Déboute la SARL CGEL (cabinet généalogique [Z] [E] et associés) de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;

Confirme le jugement prononcé le 1er juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a débouté Mme [FB] [FC] épouse [FF], M. [M] [FC], Mme [D] [FC] épouse [R], M. [O] [N], M. [F] [N], Mme [X] [N] épouse [EZ], M. [EX] [N], M. [V] [I], M. [Y] [I], M. [S] [N], Mme [L] [N] épouse [EW] et Mme [A] [N] épouse [P] de leur demande de dommages et intérêts ;

Y ajoutant,

Déboute la SARL CGEL (cabinet généalogique [Z] [E] et associés) de sa demande au titre de l'enrichissement injustifié ;

Condamne la SARL CGEL (cabinet généalogique [Z] [E] et associés) aux dépens de l'instance d'appel ;

Condamne la SARL CGEL (cabinet généalogique [Z] [E] et associés) à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel la somme de 3 000 euros à Mme [FB] [FC] épouse [FF], M. [M] [FC], Mme [D] [FC] épouse [R], M. [O] [N], M. [F] [N], Mme [X] [N] épouse [EZ], M. [EX] [N], M. [V] [I], M. [Y] [I], M. [S] [N], Mme [L] [N] épouse [EW] et Mme [A] [N] épouse [P], créanciers in solidum.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/14461
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;21.14461 ?
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