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13/06/2023 | FRANCE | N°22/08792

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 13 juin 2023, 22/08792


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 13 JUIN 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08792 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYMC



Décision déférée à la Cour : jugements des 15 mai 2015, rectifié le 19 juin 2015 rendus par le TGI de Paris confirmé par arrêt du 10 octobre 2017 de la cour d'appel de Paris.

Après arrêt de la cour de Cass

ation rendu le 13 mai 2020 qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 10 octobre 2017 par la cour d'appel de Paris et renvoyée l'affaire devant la cour d'appel de...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 13 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08792 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYMC

Décision déférée à la Cour : jugements des 15 mai 2015, rectifié le 19 juin 2015 rendus par le TGI de Paris confirmé par arrêt du 10 octobre 2017 de la cour d'appel de Paris.

Après arrêt de la cour de Cassation rendu le 13 mai 2020 qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 10 octobre 2017 par la cour d'appel de Paris et renvoyée l'affaire devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

DEMANDEURS À LA SAISINE :

Monsieur [J] [C] né le 8 mai 1960 à [Localité 5] (Soudan Français) agissant ès-qualités de représentant légal de [V] [J] né le 12 juin 2006 à [Localité 5] (Mali)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Madame [H] [D] né le 22 septembre 1972 à [Localité 5] (Mali) agissant ès-qualités de représentant légal de [V] [J] né le 12 juin 2006 à [Localité 5] (Mali)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentés par Me Julie MADRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0688

DEFENDEUR À LA SAISINE :

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE NATIONALITE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mai 2023, en audience publique, l'avocat des demandeurs à la saisine et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

M. [C] [J] et Mme [D] [H] ont, en leur qualité de représentants légaux de l'enfant mineur [V] [J], né le 12 juin 2006 à [Localité 5] (Mali), fait assigner le ministère public devant le tribunal de grande instance de Paris par un acte du 2 avril 2013, afin que celui-ci soit jugé français par filiation paternelle.

Par un jugement du 15 mai 2015, rectifié le 19 juin 2015, le tribunal a dit que [V] [J], né le 12 juin 2006 à [Localité 5] (Mali), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, rejeté les autres demandes, et condamné M. [C] [J] et Mme [D] [H] en qualité de représentants légaux de [V] [J] aux dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.

Par un arrêt du 10 octobre 2017, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, rejeté tout autre demande, et condamné M. [C] [J] et Mme [D] [H], ès-qualité, aux dépens.

Par un arrêt du 13 mai 2020, la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée, laissé les dépens à la charge du Trésor public, en application de l'article 700 du code de procédure civile, et rejeté la demande formée par M. [J] et Mme [H] en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour de cassation a énoncé :

« Vu les articles 455 et 563 du code de procédure civile :

3. Les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions.

4. Pour constater l'extranéité de l'enfant, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'en l'état des discordances affectant, d'une part, les différents actes de naissance de celui-ci produits à l'appui de la demande de certificat de nationalité française devant les premiers juges, d'autre part, les deux versions du jugement en vertu duquel ces deux actes auraient été dressés, M. [R]... et Mme [Y]... ne font pas la preuve d'un état civil certain et ne peuvent donc pas être admis à démontrer un lien de filiation avec un père français.

5. En statuant ainsi, sans s'expliquer sur le jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 4 août 2016 par le tribunal de grande instance de Kayes (Mali) et les actes subséquents, produits pour la première fois devant elle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

M. [C] [J] et Mme [D] [H] ont saisi la cour d'appel de Paris, par une déclaration du 6 mai 2022.

Par des conclusions notifiées le 6 mars 2023, M. [C] [J] et Mme [D] [J], en leur qualité de représentants légaux de M. [V] [J], demandent à la cour de dire l'action recevable, infirmer le jugement du 15 mai 2015 et le jugement rectificatif du 19 juin 2015, juger que l'enfant [V] [J], né le 12 juin 2006 à [Localité 5] (Mali), est de nationalité française, ordonner, en application des articles 28 et 28-1 du code civil, les mentions subséquentes sur les actes d'état civil, condamner l'État à payer les dépens, ainsi que, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 000 euros directement au profit de Me Julie MADRE, avocat au titre de l'aide juridictionnelle, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Vu les dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2022 par le ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 15 mai 2015, tel que rectifié par le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 19 juin 2015 en tout son dispositif, en conséquence, dire que [V] [J], se disant né le 12 juin 2006 à [Localité 5] (Mali), n'est pas français, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, débouter M. [C] [J], né le 8 mai 1960 à [Localité 5] (Mali), et Mme [D] [H], née le 22 septembre 1972 à [Localité 5] (Mali), représentant leur enfant mineur, de leurs demandes, et les condamner aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 7 mars 2023 ;

MOTIFS

Invoquant l'article 18 du code civil, M. [C] [J] et Mme [D] [J], en leur qualité de représentants légaux de [V] [J], soutiennent que celui-ci est français par filiation paternelle pour être né le 12 juin 2006 à [Localité 5] (Mali), de M. [C] [J], né le 8 mai 1960 à [Localité 5] (Soudan français), celui-ci ayant été réintégré dans la nationalité française par un décret du 1er juin 2004.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

[V] [J] n'étant pas titulaire d'un certificat de nationalité française, ses représentants légaux supportent donc la charge de la preuve, étant précisé que le ministère public ne conteste pas la nationalité française de M. [C] [J].

Sur la preuve de l'état civil

Il appartient à M. [C] [J] et Mme [D] [J] d'établir que l'enfant [V] [J] dispose d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil, qui dispose que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Les représentants légaux de l'enfant produisent les pièces suivantes :

- un jugement du tribunal de grande instance de Kayes (Mali) du 4 août 2016, qui procède à l'annulation du jugement supplétif d'acte de naissance du 17 août 2010, dit que [V] [J] est né le 12 juin 2006 à [Localité 5], cercle de [Localité 6], de [C] et de [D] [H] et ordonne la transcription du dispositif en marge du registre d'état civil de l'intéressé ;

- le volet n° 3, délivré le 5 décembre 2016, de l'acte de naissance de l'enfant, qui indique notamment qu'il est né le 12 juin 2006 à [Localité 5] de [C] [J] et de [D] [H]. Cet acte précise qu'il a été établi sur le fondement du jugement du 4 août 2016.

Le ministère public critique ces pièces à différents titres.

En premier lieu, le ministère public soutient que [V] [J] dispose de deux actes de naissance, l'un établi sur le fondement du jugement supplétif d'acte de naissance du 17 août 2010, l'autre établi suite au prononcé du jugement du 4 août 2016. Toutefois, ce dernier jugement a annulé le jugement du 17 août 2010, de sorte que le ministère public ne peut pas utilement faire valoir que l'acte de naissance établi au regard de ce jugement du 17 août 2010 est encore valide.

En deuxième lieu, le ministère public soutient que le jugement du 4 août 2016 est irrégulier sur le plan international aux motifs que ce jugement régularise une fraude, qu'un jugement supplétif de naissance ne peut pas être annulé sauf s'il est inexistant dans la mesure où l'article 137 du code civil malien permet uniquement l'annulation d'un acte et non d'un jugement, que le jugement est dépourvu de motivation et que le nom du représentant du ministère public n'est pas indiqué par le jugement.

Au regard de ces moyens, il y a lieu de rappeler que l'accord franco-malien de coopération en matière de justice du 9 mars 1962 prévoit en substance, par ses articles 31 et suivants, que les décisions maliennes ont l'autorité de chose jugée en France si, notamment, elles remplissent les conditions prévues par la législation française.

Or, si le ministère public invoque une fraude, il se borne à procéder par une affirmation générale sans démontrer l'existence d'une intention frauduleuse, alors que les représentants de l'enfant se sont bornés à saisir le juge malien dans les conditions prévues par le droit malien.

Ensuite, le ministère public affirme que l'article 137 du code civil malien ne permet pas l'annulation d'un jugement, alors qu'en réalité, cet article vise uniquement la question de l'annulation des actes d'état civil et non pas celle des jugements.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le ministère public, le jugement du 4 août 2016 est motivé, avec une référence à la requête, une référence aux témoignages de deux personnes dont les noms et qualités sont précisées et la relation des faits qui justifient la solution.

Enfin, si le jugement ne précise pas le nom du représentant du ministère public, il indique que « le ministère public ayant reçu communication du dossier de la procédure a déclaré s'en rapporter à justice », ce qui est suffisant du point de vue des exigences de l'ordre public international français. Il n'appartient pas en effet au juge français de vérifier la bonne application par le juge malien des dispositions de procédure civile malienne, étant au demeurant précisé que si l'article 462 du code de procédure civile malien dispose que le jugement contient l'indication du nom du représentant du ministère public s'il a assisté aux débats, le jugement du 4 août 2016 n'indique pas que le ministère public a assisté aux débats.

En conséquence, la cour retient que l'état civil de l'enfant [V] [J] est fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil.

Sur la preuve de la filiation

M. [C] [J], qui est français, a reconnu l'enfant [V] [J] le 30 mai 2017 devant l'officier d'état civil de la mairie de [Localité 7].

Sa filiation est donc établie, contrairement à ce que soutient le ministère public, dans la mesure où en application de l'article 311-17 du code civil, la reconnaissance volontaire de paternité est valable si elle a été faite en conformité soit de la loi personne de son auteur soit de la loi personnelle de l'enfant. Le ministère public n'établit pas en effet que la reconnaissance effectuée en France par le père français n'est pas intervenue conformément aux dispositions du code civil.

En conséquence, l'enfant [V] [J] est jugé français.

Le jugement du tribunal de grande instance de Paris est infirmé.

Sur les dépens et la demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

Les dépens sont mis à la charge du Trésor public.

Le Trésor public est par ailleurs condamné à payer à Maître Julie MADRE la somme de 2 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991. 

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Juge que [V] [J], né le 12 juin 2006 à [Localité 5] (Mali), est de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code de procédure civile ;

Condamne le Trésor public à payer à Maître Julie MADRE la somme de 2 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/08792
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;22.08792 ?
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