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13/06/2023 | FRANCE | N°22/06337

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 13 juin 2023, 22/06337


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 13 JUIN 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06337 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRKS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 novembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/04177





APPELANT



Monsieur [P] [Y] né le 28 septembre 2000 à Diawar

a (Sénégal)



[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Hatem HSAINI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 212



(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE num...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 13 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06337 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRKS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 novembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/04177

APPELANT

Monsieur [P] [Y] né le 28 septembre 2000 à Diawara (Sénégal)

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Hatem HSAINI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 212

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2022/006564 du 18/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 3])

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE NATIONALITE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mai 2023, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 26 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a jugé que la procédure est régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, jugé irrecevable la demande de M. [P] [Y] tendant à voir annuler la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française à son profit, débouté M. [P] [Y] de l'ensemble de ses demandes, jugé que M. [P] [Y], né le 28 septembre 2000 à Diawara (Sénégal), n'est pas français, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, rejeté la demande formée par M. [P] [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné celui-ci aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 24 mars 2022 de M. [P] [Y] ;

Vu les conclusions notifiées le 4 mars 2023 par M. [P] [Y] qui demande à la cour de déclarer l'appel recevable, infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 26 novembre 2021, et juger que M. [P] [Y], né le 28 septembre 2000 à Diawara (Sénégal), est de nationalité française ;

Vu les conclusions notifiées le 8 août 2022 par le ministère public qui demande à la cour de dire la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, confirmer le jugement de première instance en tout son dispositif, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner M. [P] [Y] aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 14 mars 2023 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 10 juin 2022 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 18 du code civil, M. [P] [Y] soutient qu'il est français par filiation paternelle pour être né le 28 septembre 2000 à Diawara (Sénégal), de M. [E] [Y], né le 20 février 1966 à Diawara (Sénégal), celui-ci étant le fils de [V] [Y], né le 22 mars1922 à Diawara (Sénégal), de nationalité française.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

M. [P] [Y] n'étant pas titulaire d'un certificat de nationalité française, il supporte donc la charge de la preuve.

Sur l'état civil de M. [P] [Y]

Il lui appartient d'établir qu'il dispose d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil, qui énonce que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

M. [P] [Y] produit à ce sujet une copie littérale, délivrée le 28 juin 2022, d'acte de naissance, dressé le 2 octobre 2000, qui indique notamment qu'il est né le 28 septembre 2000 à Diawara, de [E] [Y] et de [Z] [C].

Il justifie ainsi d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47, le ministère public indiquant lui-même que cette copie est probante (conclusions p. 4, dernière ligne).

Sur la nationalité du grand-père de M. [P] [Y]

Il appartient par ailleurs à M. [P] [Y], qui revendique la nationalité française par filiation, d'établir que son grand-père, [V] [Y], était français.

Il soutient à ce sujet que son grand-père est devenu français suite à l'indépendance du Sénégal, pour avoir établi son domicile de nationalité en France.

Il produit à ce sujet les pièces suivantes :

- Une copie littérale, délivrée le 22 novembre 2021, d'acte de naissance de [V] [Y], qui indique notamment que celui-ci est né le 22 mars 1922 à Diawara (Sénégal) ;

- Le certificat de nationalité française délivré à son grand-père par le président du tribunal d'instance de Rouen le 15 janvier 1969 au motif qu'il a établi son domicile de nationalité en France lors de l'indépendance du Sénégal ;

- Le certificat de nationalité française délivré à son grand-père par le magistrat chargé du service de la nationalité de [Localité 3] le 17 janvier 1992 au motif qu'il a établi son domicile de nationalité en France lors de l'indépendance du Sénégal ;

- Une attestation, du 11 mars 1982, de la Direction des affaires maritimes de Normandie, qui indique que [V] [Y] a travaillé pour la Compagnie générale maritime à compter de 1951 ;

- Une attestation, du 15 mars 1982, de la Compagnie générale maritime, indiquant que [V] [Y] a navigué à compter du 17 août 1957.

Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler, de manière générale, que les effets sur la nationalité de l'accession à l'indépendance des anciens territoires d'Afrique (hors Algérie, Mayotte et Territoire des Afars et des Issas), sont régis par la loi n° 60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre 1er du code civil. Il en résulte qu'ont conservé la nationalité française :

- les originaires du territoire de la République française tel que constitué le 28 juillet 1960,

- les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,

- celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l'un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,

- enfin, celles, originaires de ces territoires, qui avaient établi leur domicile hors de l'un des Etats de la Communauté lorsqu'ils sont devenus indépendants.

Le domicile de nationalité s'entend du lieu de résidence effective, présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des occupations professionnelles et des attaches familiales.

La cour retient qu'il résulte des pièces produites par M. [P] [Y] que son grand-père, dont l'état civil est établi par un acte fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil, a fixé son domicile de nationalité en France lors de l'indépendance du Sénégal et qu'il était donc français, étant précisé que si le ministère conteste, par une formule générale, que [V] [Y] était français, il ne critique pas les attestations précitées des 11 et 15 mars 1982.

Sur la filiation et la nationalité du père de M. [P] [Y]

Il appartient également à M. [P] [Y] d'établir que son père, M. [E] [Y], est le descendant de [V] [Y] et qu'il est de nationalité française.

M. [P] [Y] produit les pièces suivantes :

- Un acte de naissance, délivré le 5 mars 1992, qui indique que M. [E] [Y] est né le 20 février 1966 à Diawara, de [V] [Y] et [F] [Y] ;

- Le certificat de nationalité française délivré, le 30 avril 1992 par le juge d'instance de [Localité 3] à M. [E] [Y], en application de l'article 17 du code de la nationalité ;

- Une copie de la carte de nationalité française délivrée à M. [E] [Y] le 20 décembre 2022 ;

- Le passeport français délivré à M. [E] [Y] le 14 novembre 2022.

Il établit ainsi l'état civil de son père, par un acte fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil.

Le ministère public ne conteste pas par ailleurs que M. [E] [Y] est le fils de [V] [Y], ce dont il faut déduire que le premier est de nationalité française ;

Sur la filiation de M. [P] [Y]

Il appartient en outre à M. [P] [Y] d'établir sa filiation à l'égard de M. [E] [Y].

Comme l'indique le ministère public, en application de l'article 311-14 du code civil, la filiation doit être établie en application de la loi personnelle de la mère, c'est-à-dire de la loi sénégalaise, M. [P] [Y] n'alléguant pas que celle-ci serait française.

Comme l'indique également le ministère public, l'article 191 du code sénégalais de la famille prévoit une présomption de paternité concernant le mari de la mère.

Or, M. [P] [Y] produit une copie, délivrée le 6 février 2008, de l'acte de mariage de M. [E] [Y] et de [Z] [C], le mariage ayant été célébré le 14 mars 1996 à Diawara. Cette pièce est fiable et probante au sens de l'article 47 du code civil.

Il en résulte que M. [P] [Y], né le 28 septembre 2000, établit sa filiation à l'égard de M. [E] [Y].

Sur la nationalité de M. [P] [Y]

Pour établir sa nationalité, M. [P] [Y] produit, outre les pièces déjà citées, les éléments suivants :

- Une copie du passeport français qui lui a été délivré le 27 avril 2018 ;

- Un certificat, délivré par le ministère français des armées, de participation de M. [P] [Y] à la journée « défense et citoyenneté ».

Dans la mesure où M. [P] [Y] établit que ses grand-père et père sont de nationalité française, il justifie de sa nationalité française.

Le jugement est donc infirmé.

Sur les dépens

Les dépens sont mis à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS

Constate que la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable en l'espèce, a été respectée ;

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Juge que M. [P] [Y], né le 28 septembre 2000 à Diawara (Sénégal), est de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Met les dépens à la charge du Trésor public.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/06337
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;22.06337 ?
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