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08/06/2023 | FRANCE | N°21/18997

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 08 juin 2023, 21/18997


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 08 JUIN 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18997 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESY2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 septembre 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-21-007354





APPELANT



Monsieur [F] [B]

né le [Date naissance 4] 1951 à

[Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 7]



représenté et assisté de Me Floriane BOURGEOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P521





INTIMÉE



La BRED BANQUE POPULAIRE, société an...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18997 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESY2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 septembre 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-21-007354

APPELANT

Monsieur [F] [B]

né le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 8]

[Adresse 6]

[Localité 7]

représenté et assisté de Me Floriane BOURGEOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P521

INTIMÉE

La BRED BANQUE POPULAIRE, société anonyme coopérative de banque prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 552 091 795 00492

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée et assistée de Me Jean-Philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [F] [B] est titulaire d'un compte-courant ouvert dans les livres de la société BRED Banque Populaire.

Il bénéficie d'une carte bancaire à débit différé lui permettant d'effectuer des paiements en ligne avec système d'authentification à distance.

Le 24 novembre 2020, un paiement de 3 700 euros a été effectué au bénéfice de VBET et un autre paiement de 3 500 euros au bénéfice de BETCLIC, générant un découvert bancaire lorsqu'ils ont été débités, le 10 décembre 2020.

Le 1er décembre 2020, M. [B] a contacté la banque par téléphone pour contester ces opérations.

Par courrier du 9 décembre 2020, la banque a refusé de donner suite à cette contestation.

M. [B] a émis une nouvelle contestation par courrier du 15 décembre, a déposé une main courante d'utilisation frauduleuse de sa carte bancaire le 16 décembre 2020 puis a mis en demeure la banque de lui rembourser le montant de ces deux opérations par courrier recommandé du 26 janvier 2021.

Saisi le 11 juin 2021 par M. [B] d'une demande tendant principalement à la condamnation de la société BRED Banque Populaire au paiement de la somme de 7 200 euros en remboursement des deux opérations de paiement en ligne, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 28 septembre 2021 auquel il convient de se reporter, a débouté M. [B] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Le tribunal, sur le fondement des articles L. 133-16 et L. 133-23 du code monétaire et financier, a considéré que la banque rapportait la preuve que M. [B] avait autorisé les opérations litigieuses au moyen d'un dispositif d'authentification (3D Secure) et qu'il était en possession de sa carte bancaire. Il a en conséquence relevé que M. [B] ne rapportait pas la preuve d'un détournement de ses instruments de paiement et que le caractère frauduleux n'était pas établi.

Par déclaration du 29 octobre 2021, M. [B] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de conclusions remises le 8 décembre 2021, l'appelant demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de condamner la société BRED à lui payer la somme de 7 200 euros au titre du remboursement des deux débits indûment réalisés sur son compte le 24 novembre 2020 au profit de VBET et BETCLIC,

- de condamner la société BRED à 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'appelant, au visa des articles L. 561-10-2 et L. 133-23 du code monétaire et financier soutient que la banque était tenue à un devoir de vigilance qui aurait dû la conduire à détecter les anomalies apparentes telles que le changement de numéro de téléphone du client, la destination inhabituelle des virements, le montant inhabituel des virements et la fréquence inhabituelle des virements. Il estime que les deux opérations étaient manifestement irrégulières.

L'appelante sollicite en conséquence le remboursement de la somme de 7 200 euros en remboursement de son préjudice financier causé par la faute de la banque.

Aux termes de conclusions remises le 7 mars 2022, la société BRED Banque populaire demande à la cour :

- de juger que M. [B] est défaillant à démontrer le caractère prétendument non autorisé des deux opérations de paiement en ligne d'un montant total de 7 200 euros effectuées via le service « 3D-secure », outre les graves négligences du demandeur à l'origine de son préjudice,

- de juger en conséquence qu'elle n'a commis aucun manquement légal ou contractuel de nature à engager sa responsabilité à l'encontre de M. [B],

- de débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- de confirmer en conséquence le jugement en toutes ses dispositions,

- en tout état de cause, de condamner M. [B] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [B] aux entiers dépens.

L'intimée, au visa des articles L. 133-16, L. 133-23, L. 133-6 du code monétaire et financier, de l'article 2 de l'arrêté du 29 juillet 2009 et des conditions générales fait valoir que M. [B] a valablement donné son consentement aux opérations en communiquant et en validant le code à usage unique reçu son téléphone via un message au sein de l'application mobile BRED. Elle précise également que M. [B] était en possession de sa carte bancaire lors des opérations.

Elle souligne que M. [B] échoue à rapporter la preuve d'un manquement contractuel de la banque et d'un lien de causalité avec le préjudice allégué.

Elle indique que si M. [B] n'était pas à l'origine des opérations de paiement, il aurait manqué à son obligation de conservation des moyens de paiement et d'authentification et aurait fait preuve de négligence dans la surveillance de ses comptes.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 11 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action en responsabilité

En l'espèce, il est constant que M. [B], titulaire d'un compte courant ouvert dans les livres de la société BRED Banque populaire associé à une carte bancaire, est bénéficiaire d'une authentification à distance dit « 3D-Secure » lui permettant d'effectuer des paiements à distance par Internet en saisissant un code à usage unique reçu par SMS avant de valider un paiement.

Deux paiements en ligne sont intervenus au profit des sociétés Vbet et Betclic le 24 novembre 2020 pour un montant total de 7 200 euros selon relevés de compte versés aux débats.

M. [B] justifie avoir signalé à sa banque dès le 1er décembre 2020 ne pas être à l'origine de ces deux paiements en niant avoir été destinataire de SMS d'authentification. Il justifie également avoir déposé une main courante d'utilisation frauduleuse de sa carte bancaire le 16 décembre 2020 et précise que son numéro de portable n'a jamais changé.

Il ajoute sans être contesté que son conseiller lui aurait précisé que son numéro de portable ([XXXXXXXX01]) aurait été modifié le 23 novembre 2020 par un [XXXXXXXX02] qui n'est pas le sien et nie avoir procédé à ce changement.

Pour rejeter la demande d'indemnisation de M. [B], le premier juge a considéré que la banque démontrait que les opérations avaient été authentifiées par l'intermédiaire du service 3D Secure et que le caractère frauduleux des opérations n'était pas établi.

Si aux termes des articles L. 133-16 et L. 133-17 du code monétaire et financier, il appartient à l'utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité des dispositifs de sécurité personnalisés et d'informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l'instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, c'est à ce prestataire qu'il appartient en application des articles L. 133-19 IV et L. 133-23 du même code de rapporter la preuve que l'utilisateur qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave, à ses obligations.

Il est admis que cette preuve ne peut se déduire du seul fait que l'instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés.

En cas d'utilisation d'un dispositif de sécurité personnalisé, il appartient également au prestataire de prouver que l'opération en cause a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

Ainsi, il appartient à la banque qui se prévaut d'une faute lourde de son titulaire, au sens de l'article L. 132-3 du code monétaire et financier, d'en rapporter la preuve.

Les conditions d'utilisation des cartes émises par la société BRED Banque populaire reprennent ces dispositions légales (articles 5, 5-4, 9).

En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Pour refuser le remboursement des sommes débitées, la société BRED Banque populaire soutient que M. [B], qui ne conteste pas être titulaire du service 3D Secure, a valablement donné son consentement pour réaliser les deux opérations de paiement en ligne litigieuse en validant les codes à usage unique reçus sur son téléphone portable par notification push. Elle précise qu'il ne s'agissait pas d'un SMS mais directement d'un message au sein de l'application mobile BRED sur le téléphone mobile de M. [B].

Elle verse aux débats les documents d'authentification des deux opérations de 3' 700 et de 3 500 euros.

En l'espèce, il résulte des débats et des pièces produites que la carte bancaire n'a été ni volée, ni perdue.

La seule pièce probante sur laquelle se fonde la société BRED Banque populaire (pièce 1) est un relevé informatique retraçant deux opérations litigieuses via le système 3D Secure pour des sommes de 3 700 euros au profit de Vivaro LDT (Vbet) et 3 500 euros au profit de Betclic le 24 novembre 2020 indiquant l'envoi pour chaque opération d'un push, via un moyen d'authentification par téléphone portable. Ce document ne précise pas à quel numéro de portable a été adressé le message et M. [B] a contesté avoir modifié le numéro de son téléphone portable, fait qui n'a pas fait l'objet d'observations dans les écritures de l'intimée.

Ces éléments sont insuffisants à établir que M. [B] a bien été rendu destinataire de ces codes et qu'il a valablement donné son consentement aux opérations litigieuses, ni que le dispositif n'était pas affecté d'une déficience technique, ni encore que l'intéressé aurait contribué par sa faute ou par négligence grave à la réalisation desdites opérations. Le fait de signaler la difficulté à sa banque le 1er décembre 2020 alors qu'il dispose d'une carte à débit différé ne saurait être considéré comme tardif.

Il s'ensuit que c'est en inversant la charge de la preuve que le premier juge a débouté M. [B] de sa demande. Le jugement doit être infirmé, la société BRED Banque populaire déclarée responsable du préjudice subi par M. [B] et condamnée à lui verser la somme de 7 200 euros en indemnisation de son préjudice financier.

Succombant en appel, la société BRED Banque populaire est tenue aux entiers dépens de l'instance et condamnée à payer à M. [B] la somme de 1 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société BRED Banque populaire à payer à M. [F] [B] la somme de 7 200 euros au titre de son préjudice financier ;

Condamne la société BRED Banque populaire aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société BRED Banque populaire à payer à M. [F] [B] la somme de 1 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/18997
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.18997 ?
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