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08/06/2023 | FRANCE | N°21/18820

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 08 juin 2023, 21/18820


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 08 JUIN 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18820 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESKC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er octobre 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-21-007613





APPELANTE



Madame [N] [D] veuve [E]

née le [Date naissance 5]

1930 à [Localité 6] (75)

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

assistée ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18820 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CESKC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er octobre 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 11-21-007613

APPELANTE

Madame [N] [D] veuve [E]

née le [Date naissance 5] 1930 à [Localité 6] (75)

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

assistée de Me Karène BIJAOUI-CATTAN de la SELEURL KBC AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0613

substituée à l'audience par Me Camille CHAKER de la SELEURL KBC AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0613

INTIMÉE

LA BANQUE POSTALE, société anonyme à direction et conseil de surveillance prise en la personne de ses dirigeants sociaux domiciliés audit siège en cette qualité

N° SIRET : 421 100 645 00033

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée et assistée de Me Jean-Philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [N] [D] veuve [E] a ouvert un compte-courant dans les livres de la société La Banque Postale.

Âgée de 91 ans, Mme [E] a donné procuration à son fils, M. [L] [E], 73 ans, pour gérer son compte bancaire.

Invoquant deux virements frauduleux d'un montant total de 6 000 euros, opérés les 14 et 15 novembre 2020 au bénéfice d'une certaine [S] [Y], Mme [E] a, le 16 novembre, contesté auprès de la banque les deux virements, réclamé leur remboursement et a, le même jour, déposé plainte auprès des services de gendarmerie.

Par courriers des 22 décembre 2020 et 16 février 2021, la banque a refusé de faire droit à la demande de remboursement.

Saisi le 17 juin 2021 par Mme [E], d'une demande tendant principalement à la condamnation de la société La Banque Postale au paiement des sommes de 6 000 et 1 000 euros en réparation de ses préjudices financier et moral, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement réputé contradictoire rendu le 1er octobre 2021 auquel il convient de se reporter, a débouté Mme [E] de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Sur le fondement des articles L. 133-4, L. 133-18 et L. 133-23 du code monétaire et financier, le tribunal a considéré que les deux virements avaient été effectués avec un « certicode » à usage unique adressé sur le téléphone portable de la titulaire et via la communication de codes d'accès à son espace personnel, que Mme [E] échouait à rapporter la preuve d'une fraude et d'une faute de la banque.

Par déclaration du 27 octobre 2021, Mme [E] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 18 janvier 2023, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de juger que la société La Banque Postale demeure entièrement responsable du préjudice subi par elle,

- de débouter la société La Banque Postale de toutes ses demandes,

- de condamner la société la Banque Postale à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de son préjudice financier et la somme de 1 000 euros à titre des dommages-intérêts au titre des démarches accomplies et de la résistance abusive de la société La Banque Postale,

- de condamner la société La Banque Postale à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société La Banque Postale aux entiers dépens.

L'appelante au visa des articles L. 133-19 et L. 133-20 du code monétaire et financier soutient avoir fait l'objet d'un détournement de ses coordonnées bancaires indiquant ne pas avoir ajouté de nouveaux bénéficiaires, ne pas avoir donné ses codes de l'espace en ligne et ne pas avoir procédé aux deux virements. Elle sollicite en conséquence le remboursement des sommes par la société La Banque Postale.

Visant les articles L. 133-23 du code monétaire et financier et 9 du code de procédure civile, elle fait valoir que la charge de la preuve incombe à la société La Banque Postale, cette dernière devant fournir les éléments relatifs à la validation des transactions et, le cas échéant, à la fraude ou la négligence grave de l'utilisateur.

Elle estime que le premier juge a renversé la charge de la preuve et que rien n'établit que les transactions ont été dûment validées par Mme [E] et que la banque ne rapporte pas la preuve de l'envoi du sms.

Aux termes de conclusions remises le 17 février 2023, la société La Banque Postale demande à la cour :

- de confirmer le jugement,

- de juger que les deux virements litigieux ont été réalisés sur l'accès personnel banque en ligne (BEL) de Mme [E] par la saisie de son identifiant et mot de passe et par la saisie d'un code Certicode reçu par sms sur le téléphone mobile de M. [E],

- de juger que sa responsabilité n'est pas engagée,

- de juger que Mme [E] a fait preuve d'une négligence grave de nature à l'exonérer de toute éventuelle responsabilité retenue à son encontre,

- de débouter Mme [E] de l'ensemble de ses demandes, fin et prétention à son encontre,

- en tout état de cause, de condamner Mme [E] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme [E] aux entiers dépens.

L'intimée, au visa des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, de l'article L. 133-6 du code monétaire et financier et des conditions générales de la banque à distance, soutient que les deux virements ont été réalisés sur l'accès personnel banque en ligne via la saisie de l'identifiant et du mot de passe de Mme [E] et par la saisie d'un certicode reçu par sms sur le téléphone de M. [E] comme le démontre les documents versés aux débats. Elle déclare dès lors que la banque ne pouvait s'opposer à une opération émanant de sa cliente parfaitement authentifiée et dûment autorisée par cette dernière.

Elle soutient ensuite qu'elle était tenue au principe de non-ingérence, de sorte qu'elle devait procéder aux virements conformément à son mandat.

Visant l'article L. 133-16 du code monétaire et financier, l'intimée affirme que Mme [E] est à l'origine de son propre préjudice du fait de sa négligence fautive et de son inaction suite à la réception d'un sms l'informant de l'ajout d'un bénéficiaire et qu'elle n'avait, avec son fils, qu'une seule obligation qui était de conserver les éléments confidentiels du compte bancaire ce qu'elle n'a pas fait.

En dernier lieu, l'intimée souligne que Mme [E] ne justifie pas du moindre préjudice imputable à la banque.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 11 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de remboursement des sommes prélevées au titre des deux virements

Pour rejeter cette demande, le premier juge a relevé que les deux virements contestés avaient été réalisés avec le concours de Mme [E] et grâce à l'activation d'un Certicode envoyé par SMS sur le portable communiqué par la cliente et via la communication de code d'accès sur son espace personnel en ligne, que le numéro du portable utilisé n'était pas contesté et qu'aucune faute de la banque n'était démontrée.

À hauteur d'appel, Mme [E] conteste toujours avoir ajouté un nouveau bénéficiaire « [S] [Y] » et être l'auteur des virements litigieux. Elle soutient qu'aucun SMS ne lui a été envoyé, qu'aucun code à six chiffres n'a été transmis par elle à la banque et qu'il s'agit de virements frauduleux qu'elle a immédiatement contestés par l'intermédiaire de son fils. Elle estime qu'elle a été victime d'un détournement de ses coordonnées bancaires, que sa responsabilité n'est pas engagée et que la banque a commis une faute résultant d'une défaillance du système de sécurité de la part du prestataire de service de paiement.

Elle rappelle qu'il incombe à la banque de démontrer que les transactions litigieuses ont été authentifiées et validées par elle ou son fils et qu'il lui incombe également de rapporter la preuve d'une fraude ou d'une négligence grave. Elle estime que l'intimée ne prouve pas qu'elle a adressé un SMS ni qu'il a été reçu.

Aux termes des articles L. 133-16 et L. 133-17 du code monétaire et financier, il appartient à l'utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité des dispositifs de sécurité personnalisés et d'informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l'instrument de paiement ou des données qui lui sont liées.

Cependant, c'est à ce prestataire qu'il appartient en application des articles L. 133-19 IV et L. 133-23 du même code de rapporter la preuve que l'utilisateur qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave, à ses obligations.

Il est admis que cette preuve ne peut se déduire du seul fait que l'instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés.

En cas d'utilisation d'un dispositif de sécurité personnalisé, il appartient également au prestataire de prouver que l'opération en cause a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Les conditions générales transmises par la société La Banque Postale, dont l'application n'est pas contestée, exposent les modalités de sécurisation des opérations réalisées depuis l'espace client avec l'utilisation concomitante de l'identifiant et du mot de passe, la présomption de consentement du client sauf preuve contraire et l'authentification renforcée lorsqu'un code de sécurité à usage unique est utilisé. Ainsi les modalités de fonctionnement de la banque en ligne sont opposables à Mme [E].

En l'espèce, il n'est pas sérieusement contestable que les deux virements litigieux des 14 et 15 novembre 2020 ont été réalisés sur l'accès personnel Banque en ligne (BEL) de Mme [E] par la saisie de son identifiant personnel et de son mot de passe. Aucun relevé de compte n'a néanmoins été transmis à la cour par Mme [E].

Il ressort également des pièces produites que le 10 novembre 2020 « [S] [Y] » a été ajoutée à la liste des bénéficiaires sur l'accès personnel Banque en ligne.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, la banque justifie, par les pièces n° 14 et n° 15, de l'envoi, le 10 novembre 2020 à 17h35 d'un SMS sur le téléphone mobile [XXXXXXXX01]. Ce téléphone, dont il n'est pas contesté qu'il est bien celui qui a été communiqué et enregistré depuis le 5 novembre 2017 comme étant celui qui est rattaché au compte de Mme [E], est attribué à M. [E], fils de Mme [E] et bénéficiaire d'une procuration générale pour gérer ce compte. La cour relève que l'envoi de ce SMS ne suffit pas, à lui seul, pour procéder à l'ajout d'un bénéficiaire. Il en est de même de sa seule lecture. Ainsi, l'activation du code de six chiffres à usage unique communiqué est seule de nature à permettre cet ajout. Ainsi, bien qu'elle s'en défende, les pièces produites établissent qu'à 17h37 l'ajout du nouveau bénéficiaire a pu être effectif, nécessairement après l'activation du code à usage unique transmis à M. [E].

L'appelante affirme ne pas connaître [S] [Y] mais la cour relève qu'elle ne produit pas le résultat de l'enquête pénale pour les faits d'escroquerie alors que la plainte précisait le nom et les coordonnées bancaires de la bénéficiaire des deux virements.

Il apparaît également que M. [E], nécessairement informé dès le 10 novembre 2020 des opérations de virements en préparation, n'a émis aucune contestation entre le 10 et le 16 novembre, date de sa contestation. Il ressort également des pièces produites que le mel du 15 novembre adressé par M. [E] à Mme [X] de la Banque Postale est curieusement intitulé « perte chéquier » même s'il exprime la contestation de deux virements.

Ces éléments établissent que M. [E], mandataire de Mme [E], a bien été rendu destinataire de ce code et que le consentement aux opérations litigieuses a valablement été donné, sans que le dispositif n'ait été affecté d'une déficience technique.

Ainsi, il est suffisamment démontré que les virements litigieux ont bien été effectués avec l'utilisation des identifiants et code personnels de Mme [E] et par la saisie d'un code reçu par SMS sur le téléphone mobile de M. [E]. La version de l'appelante se heurte à la réalité du processus technique qui a permis les débits contestés.

Ainsi, en n'ayant pas pris les mesures raisonnables pour préserver la sécurité de ses données personnelles de ses identifiants et de ses mots de passe, Mme [E], ou son mandataire, ont commis une négligence grave, leur comportement les ayant conduits à valider les virements litigieux dont Mme [E] se prétend victime. L'absence de réaction après la réception du SMS concourt également à cette négligence grave et au préjudice qui en a découlé, puisque les virements n'auraient pu être effectués sans ajout d'un bénéficiaire, même sur une simple lecture du SMS.

Il en résulte qu'en application des principes de non-ingérence et de non immixion qui s'imposent à un établissement bancaire, la Banque Postale ne pouvait s'opposer à des virements émanant de sa cliente parfaitement authentifiés et dûment autorisés par cette dernière. Sa responsabilité ne peut donc être mise en cause.

Partant, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

Succombant en son appel Mme [E] est tenue aux dépens et condamnée à payer à l'intimée la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [N] [D] veuve [E] à payer à la société La Banque Postale la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [N] [D] veuve [E] aux dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/18820
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.18820 ?
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