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08/06/2023 | FRANCE | N°21/18644

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 08 juin 2023, 21/18644


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 08 JUIN 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18644 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERW7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 septembre 2021 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-20-005267





APPELANTE



La BNP PARIBAS, société anonyme agissa

nt poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 662 042 449 00014

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Bén...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 08 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18644 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERW7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 septembre 2021 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-20-005267

APPELANTE

La BNP PARIBAS, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 662 042 449 00014

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON de la SELARL DOUCHET-DE LAVENNE-ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J131

INTIMÉ

Monsieur [M] [R] [K] [Z]

né le [Date naissance 1] 1998 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté et assisté de Me Sandie CALME, avocat au barreau de PARIS, toque : D1323

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/052590 du 07/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 7 décembre 2006, M. [M] [R] [K] [Z] a ouvert auprès de la société BNP Paribas, avec l'autorisation de son représentant légal, un compte de dépôt ne bénéficiant d'aucune facilité de caisse.

Suivant offre d'avenant acceptée le 10 juillet 2018, la convention de compte souscrite a été modifiée, sans novation, afin d'adosser au compte de dépôt un moyen de paiement supplémentaire.

Le 13 août 2018, un chèque volé d'un montant de 41 200 euros a été déposé sur le compte de M. [R] [K] [Z]. Plusieurs virements ont ensuite été opérés depuis ce compte vers des comptes externes les 13 et 14 août 2018 pour un montant total de 40 000 euros environ.

Le chèque frauduleux ayant fait l'objet d'un rejet pour opposition sur chèque volé et inscrit au débit du compte de M. [R] [K] [Z] trois jours plus tard, le solde du compte du défendeur s'est trouvé débiteur.

Dans ces circonstances et après avoir pu annuler certains virements frauduleux opérés pour un montant total de 10 116,80 euros, la société BNP Paribas a mis en demeure le 20 septembre 2018, M. [R] [K] [Z] d'avoir à régulariser le solde débiteur de son compte dans le délai de 60 jours, sous peine de clôture du compte.

Saisi le 14 novembre 2018 par la société BNP Paribas d'une demande tendant principalement à la condamnation de M. [R] [K] [Z] au paiement de la somme de 21 569,89 euros au titre du solde débiteur du compte, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 2 septembre 2021, auquel il convient de se reporter, a :

- condamné M. [R] [K] [Z] à verser à la société BNP Paribas la somme de 12 913,73 euros au titre du solde du compte de dépôt, avec intérêts légaux à compter du 14 novembre 2018,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté M. [R] [K] [Z] de sa demande au titre de la perte de fonds de son compte Cardif assurance vie,

- condamné M. [R] [K] [Z] à verser à la société BNP Paribas la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [R] [K] [Z] aux dépens.

Le tribunal, faisant application des articles L. 133-4, L. 133-16 et 17, L. 133-19, L. 133-23 du code monétaire et financier et de l'article 1931 du code civil, a d'abord relevé que la société BNP Paribas avait manqué à son devoir de vigilance en autorisant des opérations anormales sur le compte de dépôt de M. [R] [K] [Z] pour ensuite considérer que ce dernier avait manqué à son obligation élémentaire en matière de préservation de la confidentialité des dispositifs de sécurité de son compte bancaire, justifiant ainsi un partage de responsabilité de 60 % pour le débiteur et de 40 % pour la banque.

En conséquence, il a condamné M. [R] [K] [Z] à verser à la société BNP Paribas la somme de 12 913,73 euros, fait droit à la demande de capitalisation des intérêts et considéré que M. [R] [K] [Z] ne démontrait pas de faute de la banque ni de préjudice relatif à son compte Cardif assurance vie.

Par déclaration du 26 octobre 2021, la société BNP Paribas a interjeté appel du jugement.

Aux termes de conclusions remises le 13 décembre 2021, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de condamner M. [R] [K] [Z] à lui payer la somme de 21 569,89 euros, assortie des intérêts au taux légal du 14 novembre 2018 jusqu'à parfait paiement, au titre du solde débiteur du compte chèques,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts, conformément aux termes de l'article 1343-2 du code civil,

- de condamner l'intimé à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de le condamner, en outre, en tous les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'appelante fait valoir que M. [R] [K] [Z] est le seul responsable du solde débiteur de son compte chèque de par son imprudence et son comportement, que la banque a, quant à elle respecté ses obligations en contrepassant les chèques irréguliers trois jours après que le chèque ait été crédité sur le compte bancaire.

En conséquence, elle demande la condamnation de M. [R] [K] [Z] au paiement de la somme de 21 569,89 euros assortie des intérêts au taux légal et sollicite également la capitalisation des intérêts.

Aux termes de conclusions remises le 8 janvier 2022, M. [R] [K] [Z] demande à la cour de confirmer le jugement.

L'intimé soutient que le premier juge a correctement considéré qu'il y avait lieu à un partage de responsabilité.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 11 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préliminaire, la cour constate que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a débouté M. [R] [K] [Z] de sa demande au titre de la perte de fonds de son compte Cardif Assurance-vie.

À l'appui de sa demande en paiement, la société BNP Paribas verse aux débats les documents relatifs à l'ouverture de compte chèques, le courrier recommandé de mise en demeure et de préavis de clôture de compte du 20 septembre 2018 dans un délai maximum de 60 jours, le courrier du 14 novembre 2018 d'information préalable et de mise en demeure de régler la somme de 31 686,69 euros dans un délai de 30 jours sous peine d'inscription au FICP, le courrier du 14 novembre 2018 de notification de clôture juridique du compte, les relevés de compte de l'intimé du 9 octobre 2016 au 9 novembre 2018, les encaissements comptabilisés et le récépissé de déclaration d'escroquerie déposée le 12 septembre 2018 par M. [R] [K] [Z].

Pour s'opposer à la demande, M. [R] [K] [Z] fait valoir qu'il a été victime d'une fraude, qu'il était en Allemagne quand les opérations ont été enregistrées sur son compte, que la banque aurait dû être vigilante sur la signature portée au dos du chèque qui n'était manifestement pas sa signature, que cette irrégularité était facilement détectable pas un employé normalement diligent, que cette faute de la banque est à l'origine de son préjudice. Il ajoute qu'il n'a aucun revenu propre en dehors de sa bourse universitaire et que ses parents ne peuvent pas l'aider à rembourser cette somme. Il estime que le premier juge a procédé à un juste partage de responsabilité.

Il est constant que M. [R] [K] [Z] est titulaire d'un compte de dépôt dans les livres de la société BNP Paribas. Les relevés de son compte montrent qu'il est resté constamment créditeur entre le 9 octobre 2016 et jusqu'au 13 août 2018, date à laquelle un chèque d'un montant de 41 200 euros a été porté au crédit du compte, tandis que cinq virements de 4 000 €, 4 000 €, 6 000 €, 6 000 € et 10 000 € ont été effectués le même jour au débit du compte puis deux autres de 5 000 € le lendemain, alors que le chèque est revenu impayé le 16 août 2018.

Il ressort néanmoins des pièces produites que M. [R] [K] [Z] a reconnu avoir accepté que son frère communique ses coordonnées bancaires à un individu prénommé [S] pour gagner 1 000 euros facilement. Il est ainsi établi qu'il a sciemment participé à l'escroquerie en s'associant avec un tiers à une opération inhabituelle et douteuse et que le fait d'être un jeune majeur ne suffit nullement à qualifier d'abus de faiblesse ou d'escroquerie une complicité active dans le processus de fraude.

Ce moyen de pure mauvaise foi doit être écarté.

Il soutient en second lieu que la banque a commis des fautes en ne vérifiant pas la validité des chèques d'une part et en manquant à son obligation de vigilance en n'alertant pas son client lors des virements dont le motif, le nombre, le montant et l'identité du bénéficiaire étaient suspects, d'autre part.

Il est admis que la banque chargée d'encaisser un chèque, après s'être assurée de l'identité du déposant et avoir vérifié qu'il en est bien le bénéficiaire, n'est tenue de contrôler que la régularité formelle du titre et de n'en détecter que les anomalies apparentes aisément décelables par un employé de banque normalement diligent.

En l'absence d'anomalie apparente, il ne peut donc être reproché à l'établissement bancaire une quelconque faute dans l'encaissement d'un chèque, étant précisé que le banquier n'est pas doté de pouvoirs d'investigation quant à l'origine et l'importance des fonds versés ou quant aux opérations réalisées par ses clients au regard d'un principe de non-immixtion dans la gestion des comptes bancaires de ses clients.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le chèque litigieux a été crédité immédiatement conformément aux usages bancaires et aux conditions générales de banque qui précisent que le montant du chèque est porté au crédit du compte sous réserve d'encaissement. Le chèque déposé le 13 août s'est avéré volé dès le 16 août et a été débité immédiatement.

Ainsi, le déposant du chèque était donc habilité par mandat tacite de M. [R] [K] [Z] qui lui avait remis ses coordonnées bancaires à son frère.

Aucune faute ne peut donc être reprochée à la banque sur ce point.

S'agissant des sept virements qui auraient dû paraître suspects à la banque, il ressort des articles L. 133-4, L. 133-6, L. 133-7 et L. 133-21 du code monétaire et financier et des conditions générales du compte de dépôt (articles VII et VIII) que ces opérations doivent être considérées comme des virements autorisés, M. [R] [K] [Z] ayant donné son consentement à leur exécution.

Il est admis que le banquier est tenu, à l'égard de son client, d'un principe de non-ingérence et de non-immixtion dans ses affaires. Ainsi la banque n'avait pas à contrôler le motif des virements ni leur destination qu'elle n'avait pas à suspecter a priori.

Il doit être rappelé que le client est responsable de l'utilisation, de la conservation et de la confidentialité de ses codes d'activation ou de sa clé digitale.

En l'espèce, tous les virements litigieux ont été effectués par internet via l'application internet « Mabanque » qu'après validation du titulaire du compte pré-enregistré par la banque.

Ainsi, ces ordres de virement ayant été autorisés régulièrement par M. [R] [K] [Z], ils relevaient de sa seule responsabilité et la société BNP Paribas n'avait aucune raison de contrôler ces opérations.

Ainsi, ces opérations litigieuses n'ont pu être réalisées que par la complicité active de M. [R] [K] [Z].

M. [R] [K] [Z] a donc fait preuve de négligence grave en communiquant des informations et données personnelles à un tiers qu'il ne connaissait pas, aucun manquement ne pouvant être reproché à la société BNP Paribas qui a pris soin de récupérer une partie des sommes transférées, d'un montant de 10 116,80 euros, ce qui démontre sa célérité.

Ainsi, la société BNP Paribas ne saurait être tenue responsable des opérations frauduleuses commises grâce aux imprudences graves et fautives de M. [R] [K] [Z].

Partant, le jugement est infirmé en ce qu'il a retenu un partage de responsabilité et condamné M. [R] [K] [Z] à verser à la banque la somme de 12 913,73 euros.

M. [R] [K] [Z] doit être condamné au paiement de la somme non contestée de 21 569,89 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2018, date de la mise en demeure.

La capitalisation sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

M. [R] [K] [Z] qui succombe supportera les dépens de l'appel. L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [M] [R] [K] [Z] à verser à la société BNP Paribas la somme de 12 913,73 euros ;

Statuant de nouveau dans cette limite,

Condamne M. [M] [R] [K] [Z] à payer à la société BNP Paribas la somme de 21 569,89 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2018 au titre du solde débiteur de son compte ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Y ajoutant,

Condamne M. [M] [R] [K] [Z] aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice de Me Benedicte de Lavenne, avocate, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/18644
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.18644 ?
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