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06/06/2023 | FRANCE | N°22/06920

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 06 juin 2023, 22/06920


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 06 JUIN 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06920 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTAB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 mars 2022 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/04234





APPELANT



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE

PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 2]

[Localité 4]



représenté à l'audience par Madame Brigitte RAYNAUD, substitut général





I...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 06 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06920 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTAB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 mars 2022 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/04234

APPELANT

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté à l'audience par Madame Brigitte RAYNAUD, substitut général

INTIME

Monsieur [O] [K] né le 5 février 1990 à [Localité 5] (Sénégal),

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Karima OUELHADJ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2558

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2023, en audience publique, le ministère public et l' avocat de l'intimé ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 4 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, jugé irrecevable la demande de M. [O] [K] d'ordonner au Service des cartes nationales d'identité et des passeports de la Mairie du [Localité 3] de délivrer une carte nationale d'identité à son nom, jugé irrecevable la demande de M. [O] [K] d'ordonner au 2ème bureau de la Sous-direction de la citoyenneté des Libertés Publiques de la Préfecture de Police de délivrer une carte nationale d'identité à son nom, jugé que M. [O] [K], né le 5 février 1990 à [Localité 5] (Sénégal), est de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et laissé les dépens à la charge de chacune des parties ;

Vu la déclaration d'appel formée par le ministère public en date du 1er avril 2022;

Vu les dernières conclusions notifiées le 29 juin 2022 par le ministère public qui demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 4 mars 2022 en ce qu'il a jugé que M. [O] [K] est de nationalité française, statuant à nouveau, débouter M. [O] [K] de l'ensemble de ses demandes, dire que M. [O] [K], se disant né le 5 février 1990 à [Localité 5] (Sénégal), n'est pas Français, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner M. [O] [K] aux entiers dépens ;

Vu les conclusions notifiées le 14 septembre 2022 par M. [O] [K] qui demande à la cour de débouter le ministère public en toutes ses demandes, confirmer le jugement entrepris du 4 mars 2022 (RG N° 19/04234), dire et juger que M. [O] [K], né le 5 février 1990 à [Localité 5] (Sénégal), est français en vertu de l'article 18 du code civil, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, y ajoutant, condamner l'État à verser à M. [O] [K] la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et condamner l'État, tant aux dépens de première instance qu'aux dépens d'appel dont distraction, pour ceux d'appel, à Me Karima OUELHADJ, avocat par application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 12 janvier 2023 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 4 avril 2022 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 18 du code civil, M. [O] [K] soutient qu'il est français par filiation paternelle pour être né le 5 février 1990 à [Localité 5] (Sénégal), de M. [H] [K], né le 8 mars 1973 à [Localité 5] (Sénégal), celui-ci étant le fils de M. [C] [K], né le 1er juillet 1936 à [Localité 5] (Sénégal) lequel a souscrit une déclaration de nationalité française le 22 mai 1985 devant le tribunal d'instance de Paris 20ème.

M. [O] [K], se disant né le 5 février 1990 à [Localité 5] (Sénégal), est titulaire d'un certificat de nationalité française délivré le 26 mai 2000 par le greffier en chef du service de l'état civil des Français nés et établis hors de France.

Aux termes de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve, en matière de nationalité, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité délivré conformément aux article 31 et suivants.

Le ministère public conteste la nationalité française de M. [O] [K] et soutient qu'il ne dispose pas d'un état civil certain.

Conformément à l'article 47 du code civil, « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Et, au regard de cet article, lorsqu'un acte de l'état civil étranger assure la publicité d'une décision de justice, cet acte devient indissociable de cette décision, dont l'opposabilité en France demeure subordonnée au contrôle de sa régularité internationale.

En appel, concernant son état civil, M. [O] [K] produit :

- une copie littérale d'acte de naissance, délivrée le 19 septembre 2018 issu du registre de l'année 1998 n°1057, indiquant qu'il est né le 5 février 1990 à [Localité 5] de [H] [K], né le 8 mars 1973 à [Localité 5], maçon, domicilié à [Localité 5] et de [I] [B], née le 2 mars 1974 à [Localité 5], ménagère, domiciliée à [Localité 5], l'acte ayant été dressé le 14 décembre 1998 à la suite d'un jugement supplétif n°1300 du 16 décembre 1992 rendu par le tribunal départemental de Bakel ;

- une copie de son acte de naissance transcrit sur les registres de l'état civil français le 27 septembre 2013 indiquant qu'il est né le 5 février 1990 à [Localité 5] de [H] [K], né le 8 mars 1973 à [Localité 5] et de [I] [B], née le 12 décembre 1974 à [Localité 5], l'acte ayant été dressé le 14 décembre 1998 à la suite d'un jugement supplétif n°1300 du 16 décembre 1992 rendu par le tribunal départemental de Bakel ;

- une copie certifiée conforme, délivrée le 9 avril 2019, du jugement d'autorisation d'inscription de naissance rendu le 16 décembre 1992 par le tribunal d'instance de Bakel déclarant que [O] [K] est né le 5 février 1990 à [Localité 5], fils de [H] et de [I] [B], « autorisant en conséquence, la transcription de sa naissance dans les registres du centre d'état civil de [Localité 5] dès réception du jugement et à la suite du dernier acte inscrit et disant que mention en sera faite au registre de l'année de naissance de l'acte le plus rapproché de la date à laquelle elle aurait dû être établie ainsi que sur le double de ce registre conservé au greffe du tribunal régional de Tambacounda »;

- l'authentification d'un acte d'état civil par l'officier d'état civil de [Localité 5] qui atteste que l'acte n°1057 de l'année 1998 dressé le 14 décembre 1998 est bien attribué à M. [O] [K], né le 5 février 1990 à [Localité 5], de [H] [K], né le 8 mars 1973 à [Localité 5], maçon, domicilié à [Localité 5] et de [I] [B], née le 2 mars 1974 à [Localité 5], ménagère, domiciliée à [Localité 5] ;

En premier lieu, le ministère public relève que l'acte de naissance produit par M. [O] [K] est différent de celui qu'il avait versé lors de sa demande de certificat de nationalité française. En effet, l'acte de naissance délivré le 28 juillet 1999 (pièce n°4 du ministère public) ne comporte pas l'âge, les lieux de naissance, domicile et profession des parents contrairement à la copie de l'acte délivrée le 19 septembre 2018. Or, M. [O] [K] ne justifie pas que ses ajouts résultent d'un jugement alors que l'acte de naissance est un acte unique dont les copies doivent être identiques, sauf en cas d'ajout résultant d'un jugement.

De même, comme le souligne le ministère public, la copie certifiée conforme délivrée le 9 avril 2019 du jugement d'autorisation d'inscription de naissance rendu le 16 décembre 1992 par le tribunal d'instance de Bakel n'est pas semblable à celle qui avait été produite lors de la demande de certificat de nationalité française, ce qui la rend inopposable. En effet, la copie la plus récente ne mentionne pas le nom des deux témoins, la rubrique n'étant pas renseignée ; le dispositif de la copie délivrée le 9 avril 2019 « autorise la transcription de la naissance dans les registres du centre d'état civil de [Localité 5] dès réception du jugement et à la suite du dernier acte inscrit et dit que mention en sera faite au registre de l'année de naissance de l'acte le plus rapproché de la date à laquelle elle aurait dû être établie ainsi que sur le double de ce registre conservé au greffe du tribunal régional de Tambacounda » alors que la copie la plus ancienne « autorise l'inscription du présent jugement par l'officier de l'état civil de l'arrondissement de Daiwara, commune de Bakel sur les registres de naissance à la date de l'année à laquelle il aurait dû être reçu et de l'acte le plus rapproché de sa date ainsi que sur le double de ce registre destiné au greffe du tribunal de première instance de Tabacounda » ; sur la copie délivrée le 9 avril 2019, il est précisé que le ministère public a été entendu en ses réquisitions alors que la copie la plus ancienne ne fait pas mention des réquisitions du parquet ; et enfin, la copie la plus ancienne présente Mme [I] [B] comme l'épouse du père ce qui n'est pas le cas dans la copie la plus récente.

Or, aux termes de l'article 53 de la convention de coopération en matière judiciaire signée entre la France et le Sénégal le 29 mars 1974 la partie à l'instance qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire doit produire une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaire à son authenticité.

Les multiples divergences entre les deux copies du jugement, portant sur des mentions substantielles, ne permettent pas de garantir l'authenticité de l'une quelconque des deux copies, la note adressée à l'intéressé par le greffier en chef du tribunal d'instance de Bakel n'expliquant pas les divergences mais simplement la différence de forme des deux documents qui n'est pas en cause en l'espèce. En effet, le greffier en chef indique qu'il n'est pas en mesure de délivrer une expédition certifiée conforme au jugement « pour la bonne et simple raison que les minutes ne pas disponibles » et que « tout ce que nous pouvons faire, c'est de vous délivrer un extrait du répertoire de l'année à laquelle le jugement a été rendu, c'est ce qui explique la différence de forme entre les deux documents qui vous ont été délivrés ».

En conséquence, l'acte de naissance dressé en exécution du jugement du 16 décembre 1992 est dépourvu de caractère probant au regard de l'article 47 du code civil.

La circonstance que l'acte de naissance étranger a été transcrit par le consul général de France à Dakar n'a pas pour effet de rendre les dispositions de l'article 47 du code civil inopérantes dès lors que la valeur probante de cette transcription est subordonnée à celle de l'acte étranger à partir duquel la transcription a été effectuée. La transcription n'ayant pas pour effet de purger de ses vices l'acte au vu duquel elle a été faite, il convient, par conséquent de constater que M. [O] [K] n'a pas d'état civil certain et ne peut, dès lors faire la preuve qu'il est français à quelque titre que ce soit. Le jugement qui dit que M. [O] [K] était de nationalité française est infirmé.

Succombant à l'instance, M. [O] [K] est condamné aux dépens et ne saurait prétendre à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Constate que la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile a été respectée ;

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Dit que M. [O] [K], se disant né le 5 février 1990 à [Localité 5] (Sénégal), n'est pas français,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Rejette la demande formée par M. [O] [K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [O] [K] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/06920
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;22.06920 ?
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