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06/06/2023 | FRANCE | N°21/20382

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 06 juin 2023, 21/20382


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 06 JUIN 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20382 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWVB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 mars 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/11828





APPELANT



Monsieur [Z] [B] né le 10 janvier 1954 à [Localité 3

] (Algérie)



[Adresse 4].

[Localité 3] - ALGÉRIE



représenté par Me Nadir HACENE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298







INTIME



LE MINISTERE PUBLIC pris en la per...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 06 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20382 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWVB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 mars 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/11828

APPELANT

Monsieur [Z] [B] né le 10 janvier 1954 à [Localité 3] (Algérie)

[Adresse 4].

[Localité 3] - ALGÉRIE

représenté par Me Nadir HACENE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Mme Brigitte RAYNAUD, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2023, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 18 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, débouté M. [Z] [B] de l'ensemble de ses demandes, jugé que M. [Z] [B], se disant né le 10 janvier 1954 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas français, ordonné les mentions prévues par l'article 28 du code civil, l'a condamné aux dépens et a rejeté la demande de distraction des dépens ;

Vu la déclaration d'appel de M. [Z] [B] en date du 23 novembre 2021 ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 29 mars 2023 par M. [Z] [B] qui demande à la cour d'infirmer le jugement de première instance et dire qu'il est de nationalité française et condamner le Trésor public aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 28 mars 2023 par le ministère public qui demande à la cour de à titre principal, constater la caducité de l'appel, à titre subsidiaire, confirmer le jugement de première instance en tout son dispositif, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, et condamner M. [Z] [B] aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 6 avril 2023 ;

MOTIFS 

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par l'envoi d'une lettre recommandée au ministère de la Justice dont l'avis de réception a été signé le 3 avril 2023.

Invoquant l'article 23 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, M. [Z] [B] soutient qu'il est français par filiation pour être né le 10 janvier 1954 à [Localité 3] (Algérie), de [O] [B], lui-même fils légitime de [P] [N] épouse [B], fille légitime de [Y] [N], né en 1850 à [Localité 3] (Algérie), admis à la qualité de français de statut civil de droit commun par décret en date du 15 février 1881.

N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il appartient à M. [Z] [B] en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française en justifiant d'une chaîne de filiation interrompue jusqu'à l'admis revendiqué au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil qui énonce que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité et que celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Les effets sur la nationalité française de l'accession à l'indépendance des départements français d'Algérie sont régis par l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966, dont les dispositions sont codifiées aux articles 32-1 et 32-2 du code civil. Il résulte de ces textes que les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie le 3 juillet 1962 ont conservé de plein droit la nationalité française, alors que les Français de statut de droit local originaires d'Algérie qui se sont vus conférer la nationalité de cet État ont perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, sauf s'ils justifient avoir souscrit la déclaration récognitive prévue aux articles 2 de l'ordonnance précitée et 1er de la loi du 20 décembre 1966.

La renonciation au statut civil de droit local devait avoir été expresse et ne pouvait résulter que d'un décret d'admission à la qualité de citoyen français ou d'un jugement pris en vertu du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, de la loi du 4 février 1919 ou de celle du 18 août 1929

L'article 32-1 du code civil dispose que « Les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne ».

Sur l'état civil de l'appelant et de ses ascendants

Pour retenir que M. [Z] [B] ne justifiait ni pour lui ni pour son père revendiqué d'un état civil probant, le tribunal a considéré que les actes d'état civil produits ne comportaient ni l'âge ni la profession des parents.

En appel, pour justifier de son état civil et de celui de ses ascendants, M. [Z] [B] produit de nouvelles copies d'actes :

- une copie intégrale, délivrée le 6 décembre 2022 comportant un code-barre, de l'acte de naissance de M. [Z] [B] indiquant qu'il est né le 10 janvier 1954 à 20h à [Localité 3] de [O] [S], âgé de 39 ans cultivateur et de [T] [W] [V], âgée de 26 ans, ménagère, l'acte ayant été dressé le 11 janvier 1954 sur déclaration du père par [I] [G], officier d'état civil. (pièce 58 de l'appelant)

- une copie intégrale, délivrée le 6 décembre 2022 comportant un code-barre, de l'acte de naissance de [O] [B] indiquant qu'il est né le 11 janvier 1915 à 9h à [Localité 3] de [L], âgé de 50 ans cultivateur et de [P] [N], âgée de 36 ans, ménagère, l'acte ayant été dressé le 13 janvier 1915 sur déclaration du père par [M] [K], officier d'état civil. (pièce 60 de l'appelant)

- un extrait du registre matrice concernant [B] [L] [D] [E], cultivateur, numéro 241 du registre matrice n°05 indiquant qu'il était âgé de 25 ans en 1890, présumé né en 1865. Est également mentionné qu'il s'est marié à [Localité 3] avec [P] [N] en 1894 (pièce 63 de l'appelant )

- un extrait du registre matrice délivré le 21 avril 2022 concernant [P] [N] [R] [Y] [H] [U], numéro 716 du registre matrice n°15 indiquant qu'elle était âgée de 12 ans en 1890, présumée née en 1878. Est également mentionné qu'elle s'est mariée à [Localité 3] avec [L] [B] en 1894 (pièce 65 de l'appelant)

Ainsi, ces actes de naissance comportent les âges et profession des parents de celui dont la naissance est relatée et permettent d'identifier les parents. Il doit être en conséquence retenu que M. [Z] [B] justifie d'un état civil probant pour lui, son père et [P] [N], la différence de numéro d'acte, en marge, relevé par le ministère public entre l'extrait du registre matrice concernant [P] [N] délivré le 21 avril 2022 et celui délivré le 29 mai 2018 relevant manifestement d'une erreur, le numéro étant identique dans le corps de l'acte.

Sur la chaîne de filiation

M. [Z] [B] qui soutient que [O] [B] est né de [P] [N], doit justifier du mariage de celle-ci avec [L] [B]. A cette fin, il produit :

- une copie conforme à la minute du jugement rendu par le tribunal de Lakhadaria le 16 novembre 1996 qui a prononcé la validation du mariage coutumier célébré en 1894 entre les défunts [L] [B] et [N] [P] et ordonné la transcription sur les registres appropriés ; (pièce n°17 de l'appelant),

- un extrait des registres des actes de mariage (transcription) délivré le 30 mai 2018 indiquant que le 11 février 1997 a été transcrit le mariage célébré en 1894, jugement du 16 novembre 1996, entre [B] [L], né à [Localité 3] en 1865, fils de [X] [C] et de [N] [A], née à [Localité 3] le 12 septembre 1800, fille de [Y] [H] [U]. (pièce 14 de l'appelant ),

- une copie intégrale délivrée le 27 mars 2022 de l'acte de mariage transcrit le 16 novembre 1996 à la suite du jugement rendu le même jour, de [L] [B], présumé né en 1865 à [Localité 3], fils de [X] [C] et de [P] [N], née le 12 septembre 1878 à [Localité 3], fille de [Y] [H] [U] (pièce 67 de l'appelant).

Le ministère public critique la régularité internationale du jugement rendu le 16 novembre 1996 en considérant qu'il est contraire à l'ordre public international dès lors qu'il a été rendu sans que le ministère public ne soit partie à l'instance. Il soutient qu'avant l'ordonnance algérienne du 27 février 2005, la communication au parquet des causes intéressant l'état des personnes était prévue par le 2° de l'article 141 du code de procédure civile algérien et que le jugement rendu le 16 novembre 1996 se réfère à cet article.

Mais, d'une part, ce jugement ne vise pas l'article 141 cité par le ministère public. D'autre part, l'appelant justifie que c'est l'ordonnance du 27 février 2005 qui, modifiant la loi n°84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille, a ajouté un article 3 bis aux termes duquel « le ministère public est partie principale dans toutes les instances tendant à l'application des dispositions de la présente loi. » Il s'en déduit que le ministère public n'était pas partie à la procédure en 1996. Le ministère public ne démontre pas non plus que l'article 141 qui évoque la communication « au procureur général » est applicable au procureur de la République devant le tribunal de Lakhdaria). Ainsi, l'absence de communication du dossier au procureur général ne viole par le principe de la contradiction mais constituerait, à supposer l'article 141 précité applicable, une violation des règles de procédure algériennes qui ne peut être relevée par la cour sous peine de réviser le jugement étranger, ce qui est prohibé. En application de l'article 1er de la convention franco-algérienne du 4 août1964 relative à l'exequatur et à l'extradition, ce jugement est déclaré opposable en France.

M. [Z] [B] justifie ainsi que son père [O] [B] est le fils de [P] [N], et que cette dernière est au regard de l'extrait matrice précité, la fille de [Y] [H] [U].

Dans ses conclusions, le ministère public admet que [Y] [U] [N] a été admis à la qualité de citoyen français par décret du 15 mars 1881.

Il s'ensuit que M. [Z] [B] établit par une chaîne de filiation ininterrompue qu'il est le descendant de [Y] [U] [N]. Il est donc de nationalité française. Le jugement est infirmé.

Les dépens sont laissés à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS

Constate l'accomplissement des formalités prévues par l'article 1040 du code de procédure civile,

Infirme le jugement,

Dit que M. [Z] [B], né le 10 janvier 1954 à [Localité 3] (Algérie) est de nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/20382
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;21.20382 ?
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