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06/06/2023 | FRANCE | N°21/16177

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 06 juin 2023, 21/16177


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 06 JUIN 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16177 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEKLK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 septembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/18895 infirmé par arrêt du 16 avril 2019 rendu par la cour d'appel de Paris.

Après arrêt du 10 fÃ

©vrier 2021 rendu par la Cour de cassation qui a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 avril 2019, et a renvoyées les parties devant...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 06 JUIN 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16177 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEKLK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 septembre 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/18895 infirmé par arrêt du 16 avril 2019 rendu par la cour d'appel de Paris.

Après arrêt du 10 février 2021 rendu par la Cour de cassation qui a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 avril 2019, et a renvoyées les parties devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.

APPELANT

Monsieur [H] [P] né le 15 août 1996 à Reghaia (Algérie).

[Adresse 6]

[Localité 5]

[Localité 1] /ALGERIE

représenté par Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0754

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2021/019696 du 03/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - service nationalité

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté à l'audience par Madame Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2023, en audience publique, l' avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

M. [H] [P] est né le 15 août 1996 à Reghaia (Algérie).

Par un acte du 1er décembre 2015, il a fait assigner le ministère public devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'être jugé de nationalité française.

Par un jugement du 7 septembre 2017, ce tribunal a déclaré M. [H] [P] irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, jugé que M. [H] [P], se disant né le 15 août 1996 à Reghaia (Algérie), à le supposer né français, a perdu la nationalité française le 25 octobre 2012, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, et condamné M. [H] [P] aux dépens.

Le tribunal a retenu que les conditions prévues par l'article 30-3 du code civil sont réunies.

Par un arrêt du 16 avril 2019, cette cour a constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, infirmé le jugement, statuant à nouveau, dit M. [H] [P] recevable à apporter la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, dit que M. [H] [P], né le 15 août 1996 à Reghaia (Algérie), est de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, laissé les dépens à la charge du Trésor public.

Par un arrêt du 10 février 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la Cour d'appel de Paris autrement composée, condamné M. [P] aux dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile, a rejeté la demande, dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Cet arrêt énonce notamment :

« Vu les articles 30-3 du code civil et 122 du code de procédure civile :

Aux termes du premier de ces textes, celui qui réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français. Le tribunal devra, dans ce cas, constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6.

Ce texte interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude.

Edictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir (1re Civ., 13 juin 2019, pourvoi n° 18-16.838, publié).

Pour dire français M. D..., l'arrêt retient qu'il résulte de l'article 126 du code de procédure civile que le juge doit apprécier les conditions d'application de la fin de non-recevoir de l'article 30-3 du code civil au moment où il statue sur l'action de l'intéressé.

En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes sus-visés ».

Le 2 septembre 2021, M. [H] [P] a saisi la cour.

Par ses dernières conclusions notifiées le 25 février 2022, M. [H] [P] demande à la cour de réformer le jugement rendu le 7 septembre 2017 par le tribunal de grande instance de Paris, statuant à nouveau, juger qu'il est admis à faire la preuve de sa nationalité française, juger que sa filiation est établie à l'égard d'un français, juger qu'il est de nationalité française, débouter le ministère public de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, et laisser les dépens à la charge de la partie défenderesse.

Par ses dernières conclusions notifiées le 21 avril 2022, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement de première instance et ordonner la mention prévue par les articles 28 du code civil, 1059 du code de procédure civile et le décret n°65-422 du 1er juin 1965 portant création d'un service central au ministère des affaires étrangères.

Par une ordonnance du 9 février 2023, la clôture a été prononcée.

MOTIFS

M. [H] [P], se disant né le 15 août 1996 à Reghaia (Algérie), soutient que ses arrières-arrières-grands-parents maternels, [E] [I] et [J] [M], ont été admis à la qualité de citoyens français par un jugement du tribunal de Bougie (Algérie) du 30 mai 1922. Il en déduit qu'il tient la nationalité française de sa mère, Mme [W] [I], née le 24 octobre 1962 à Tazmalt (Algérie).

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

M. [H] [P] n'étant pas titulaire d'un certificat de nationalité française, il supporte donc la charge de la preuve.

Le ministère public lui oppose les dispositions de l'article 30-3 du code civil, qui énoncent que « Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français ».

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue.

Le délai d'un demi-siècle de résidence à l'étranger s'apprécie au jour de l'introduction de l'action déclaratoire de nationalité française

La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l'article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative.

L'application de l'article 30-3 du code civil est en conséquence, subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l'absence de possession d'état de l'intéressé et de son parent français, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger.

La résidence habituelle à l'étranger s'entend d'une résidence hors du territoire national. Lorsque l'ascendant direct de celui qui revendique la nationalité française est né avant la date de l'indépendance, la condition d'absence de résidence en France pendant plus d'un demi-siècle ne doit être appréciée que dans la personne de l'ascendant direct de l'intéressé.

L'article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Edictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir.

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a dit en conséquence, dans son arrêt rendu le 13 juin 2019 (pourvoi n°18-16.838, publié), que la solution retenue par l'arrêt du 28 février 2018 (1ère Civ., pourvoi n° 17-14.239) dont la solution est invoquée par l'appelante doit, donc, être abandonnée.

Cet article empêche l'intéressé, si les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation.

Dans ce cadre, M. [H] [P] ne soutient pas avoir lui-même déjà résidé en France ni disposer de la possession d'état de français.

Il ne soutient pas non plus que sa mère Mme [W] [I], épouse [P], a la possession d'état de français mais il fait valoir qu'elle a résidé en France, de sorte que les conditions de l'article 30-3 du code civil ne sont pas réunies selon lui.

A ce sujet, M. [H] [P] produit les pièces suivantes :

- Une attestation, datée du 6 mars 2003, établie par M. [T] indiquant héberger gratuitement Mme [W] [I], épouse [P], au [Adresse 3] ;

- Une attestation, datée du 14 mars 2003, établie par M. [C] indiquant héberger gratuitement Mme [W] [I], épouse [P], au [Adresse 3] ;

- Une attestation, datée du 31 mars 2003, de dépôt d'un dossier de certificat de nationalité française, au nom de Mme [W] [I], épouse [P], mentionnant que celle-ci demeure chez Mme [C], [Adresse 3] ;

- Une demande, datée du 18 mars 2003, d'ouverture d'un compte dans une banque à Paris, qui indique que Mme [W] [I], épouse [P], demeure chez M. [T] au [Adresse 3] ;

- Une demande, datée du 18 mars 2003, de services auprès de la même banque, au nom de Mme [W] [I], sans indication d'une adresse ;

- Deux avis d'opérations bancaires des 18 et 31 mars 2003, sans indication d'une adresse ;

- Une décision, datée du 25 juin 2003, de refus de délivrance à Mme [W] [I], épouse [P], d'un certificat de nationalité française, qui mentionne cette même adresse ;

- Un relevé de compte bancaire du mois d'août 2003 indiquant que Mme [W] [I] demeure chez M. [T] au [Adresse 3].

Or, comme le soutient le ministère public, ces pièces n'établissent pas que Mme [W] [I], épouse [P], a déjà résidé en France.

En premier lieu, les deux attestations d'hébergement, datées des 6 et 14 mars 2003, ne visent aucune durée d'hébergement, de sorte que si elles renseignent sur une présence, alléguée, en France au cours du mois de mars 2003, elles ne permettent pas d'établir l'existence d'une résidence.

En second lieu, les autres pièces qui mentionnent une adresse en France, à savoir l'adresse des attestants et non pas une adresse propre, ont été établies au regard des déclarations de Mme [W] [I], épouse [P]. Elles ne constituent pas des éléments objectifs permettant de déterminer un lieu de résidence.

Il importe dès lors peu qu'un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 27 octobre 2016 a jugé que Mme [W] [I], épouse [P], est de nationalité française dès lors que ce jugement est postérieur à l'expiration du délai de cinquante ans prévu par l'article 30-3, étant d'ailleurs relevé que ce jugement indique l'adresse de l'intéressée, qui se trouve en Algérie.

Le jugement du 7 septembre 2017 a donc retenu à juste titre que les conditions prévues par l'article 30-3 sont réunies.

Il est confirmé de ce chef, sauf en ce qu'il a jugé que M. [H] [P] est irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française.

M. [H] [P], qui succombe, est condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a jugé que M. [H] [P] est irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française ;

L'infirme de ce chef,

Statuant à nouveau sur ce chef, 

Dit que M. [H] [P], se disant né le 15 août 1996 à Reghaia (Algérie), n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne M. [H] [P] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/16177
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;21.16177 ?
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