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06/06/2023 | FRANCE | N°20/16935

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 06 juin 2023, 20/16935


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 06 JUIN 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16935 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWE6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 mars 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 17/08736





APPELANT



Monsieur [P] [D] né le 23 février 1976 à [Localité

5] (Algérie),



[Adresse 4]

[Localité 5] / ALGÉRIE



représenté par Me Nadir HACENE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298







INTIME



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la pe...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 06 JUIN 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/16935 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWE6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 mars 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 17/08736

APPELANT

Monsieur [P] [D] né le 23 février 1976 à [Localité 5] (Algérie),

[Adresse 4]

[Localité 5] / ALGÉRIE

représenté par Me Nadir HACENE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Madame Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 avril 2023, en audience publique, l' avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 13 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté la régularité de la procédure au regard de l'article 1043 du code de procédure civile, débouté M. [P] [D] de l'ensemble de ses demandes, jugé que M. [P] [D], se disant né le 23 février 1976 à [Localité 5] (Algérie), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et l'a condamné aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel de M. [P] [D] en date du 22 novembre 2022 ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 16 février 2023 par M. [P] [D] qui demande à la cour de déclarer recevable l'appel et rejeter la demande adverse de caducité, infirmer le jugement de première instance et dire que M. [P] [D] est de nationalité française, condamner le Trésor public aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 11 mai 2022 par le ministère public qui demande à la cour à titre principal, de déclarer caduc l'appel formé par M. [P] [D], à titre subsidiaire, de déclarer irrecevable l'appel formé par M. [P] [D], à titre infiniment subsidiaire, de confirmer le jugement qui a jugé que M. [P] [D], se disant né le 23 février 1976 à [Localité 5] (Algérie), n'est pas de nationalité française, et statuant à nouveau, de dire que M. [P] [D], se disant né le 23 février 1976 à [Localité 5] (Algérie), n'est pas de nationalité française, d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, de le débouter en conséquence de l'intégralité de ses demandes et de le condamner aux dépens;

Vu l'ordonnance d'incident du 30 juin 2022 qui a déclaré l'appel recevable et mis les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 30 mars 2023 ;

MOTIFS :

Sur l'article 1043 du code de procédure civile

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production de l'avis de réception en date du 12 avril 2023 de la lettre adressée au ministère de la Justice. La déclaration d'appel n'est donc pas caduque.

Sur la recevabilité de l'appel

La question de la recevabilité de l'appel soulevée à titre subsidiaire par le ministère public a été tranchée par l'ordonnance d'incident du 30 juin 2022 laquelle n'a pas fait l'objet d'un déféré. Cette demande est en conséquence irrecevable.

Sur le fond

Invoquant l'article 29-3 du code civil, M. [P] [D], se disant né le 23 février 1976 à [Localité 5] (Algérie), soutient qu'il est français par filiation maternelle pour être le descendant de M. [I] [T], né en 1913 à [Localité 3] (Algérie) qui a souscrit une déclaration de nationalité française le 26 janvier 1963 devant le tribunal d'instance de Forcalquier (Alpes de Haute-Provence), enregistrée le 30 octobre 1963. Il indique que sa mère, Mme [C] [T], mineure de 18 ans au moment de cette déclaration, a suivi la condition de son père et a conservé la nationalité française.

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à M. [P] [D] qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, dès lors qu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du code civil.

Il doit notamment établir qu'il dispose d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil, qui énonce que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française».

Pour juger que M. [P] [D] ne justifiait pas d'un état civil probant au sens de l'article 47 du code civil, les premiers juges ont notamment retenu que l'acte de naissance de l'intéressé ne pouvait recevoir force probante dès lors notamment que n'était pas produite la décision de rectification mentionnée en marge dudit acte indissociable de l'acte rectifié.

En cause d'appel, M. [P] [D] produit comme en première instance :

- une copie intégrale de l'acte de naissance n°475 en langue française délivrée le 29 mai 2016 dont il résulte qu'il est né le 23 février 1976 à [Localité 5] de [I] et de [C] [T] demeurant à [Localité 6], l'acte ayant été dressé le 24 février 1976 sur déclaration du directeur de l'hôpital (pièce n°9 de l'appelant).

- une copie intégrale de l'acte de naissance n°475 en arabe et sa traduction en langue française délivrée le 14 mai 2018 dont il résulte qu'il est né le 23 février 1976 à [Localité 5] de [I] [D] et de [C] [T] demeurant à [Localité 6], l'acte ayant été dressé le 24 février 1976 sur déclaration de M. [G] [O]. Cet acte porte en marge la mention suivante : « En vertu de l'ordonnance rendue en date du 12/12/2005 sous le numéro 1073 par le procureur de la République près le tribunal de [Localité 5] de sorte que l'acte de naissance n°02134 sera rectifié comme suit : (le prénom du père [I]) (le nom de famille de la mère [T] au lieu de [B]) (Prénom de la mère : [C] » (pièces n°12 et 13 de l'appelant).

M. [P] [D] ne communique pas l'ordonnance du 12 décembre 2005 visée par la copie intégrale de l'acte de naissance, délivrée le 14 mai 2018.

En premier lieu, l'appelant fait valoir qu'il n'a pas à produire cette ordonnance rectificative en se prévalant de la jurisprudence du tribunal de grande instance et de la cour d'appel de Paris (ses pièces n° 21 à 24). Toutefois, comme justement relevé par le jugement, l'acte de naissance de M. [P] [D] est indissociable de l'ordonnance rectificative mentionnée en marge dudit acte et l'absence de production de celle-ci ne permet pas de s'assurer du caractère probant de l'acte de naissance de l'intéressé.

En second lieu, M. [P] [D] fait notamment valoir que le protocole franco-algérien du 28 août 1962 a une force supérieure à l'article 47 du code civil ; que son acte de naissance algérien étant revêtu du sceau de l'Etat Algérien et ayant été régulièrement signé par l'autorité compétente conformément audit protocole, celui-ci doit être reçu dans l'ordre juridique interne français.

Si dans les rapports entre la France et l'Algérie, les actes, revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour le délivrer dans l'un des deux pays, sont dispensés de légalisation par l'article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962, publié par décret du 29 août 1962, cet article n'a pas pour effet d'écarter l'application de l'article 47 du code civil aux actes d'état civil établis en Algérie.

Les juridictions françaises sont également tenues de vérifier la régularité internationale des décisions de justice rendues lorsqu'elles ont vocation à suppléer l'absence d'actes d'état civil ou à les rectifier, lesquelles doivent être produites pour permettre ce contrôle.

En outre, l'article 37 du même protocole, auquel se réfère l'appelant, dispose que « Les officiers de l'état civil des deux Parties contractantes se donneront mutuellement et directement avis de tous les actes de l'état civil dressés par eux et qui doivent être mentionnées en marge d'actes dressés sur le territoire de l'autre Partie. Les autorités compétentes de l'une des Parties contractantes délivreront aux autorités diplomatiques ou consulaires de l'autre partie les expéditions des actes de l'état civil concernant leurs ressortissants lorsque ces autorités en feront la demande ».

Mais, il ne résulte de ce texte, ni une interdiction faite aux autorités de l'un des Etats d'apprécier la force probante d'un acte émanant de l'autre Etat au regard en ce qui concerne la France des dispositions de l'article 47 du code civil, ni une obligation de procéder à une levée d'acte pour consulter les autorités algériennes quant à la régularité des pièces versées aux débats de sorte que les développements de M. [P] [D] sur le fait qu'une levée d'actes aurait pu permettre de vérifier si la décision de rectification concernait bien l'acte de naissance sont inopérants.

Enfin, ainsi que l'indique le ministère public, cet acte de naissance n° 475 présente des insuffisances puisque l'article 63 de l'ordonnance algérienne du 19 février 1970 impose notamment l'indication de la date de naissance de la mère et du père, ce qui constitue des mentions substantielles. En l'absence de ces mentions, il n'est pas établi qu'il y a une identité de personne entre la mère mentionnée dans l'acte et la mère revendiquée dont il tiendrait la nationalité française.

En outre les deux copies intégrales de l'acte de naissance comportent des divergences, celle délivrée le 29 mai 2018 ne visant pas en marge l'ordonnance rectificative et mentionnant comme déclarant le directeur de l'Hôpital.

Or, M. [P] [D] ne s'explique pas sur ces insuffisances, ni sur ces divergences alors que l'acte de naissance est un acte unique, conservé dans les registres des actes de naissance d'une année précise et détenu par un seul centre d'état civil de sorte que les copies de cet acte doivent comporter les mêmes références et le même contenu.

Au regard de ces éléments, la cour retient que M. [P] [D] n'établit pas disposer d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil.

Nul ne pouvant prétendre à la nationalité française à quelque titre que ce soit, s'il ne justifie pas d'un état civil fiable et certain au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil, le jugement doit être confirmé.

Sur les dépens

Les dépens seront supportés par M. [P] [D] , qui succombe en ses prétentions.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Dit que la déclaration d'appel n'est pas caduque,

Déclare irrecevable la demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable,

Confirme le jugement,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne M. [P] [D] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/16935
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;20.16935 ?
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