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01/06/2023 | FRANCE | N°21/19286

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 01 juin 2023, 21/19286


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 01 JUIN 2023



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19286 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CETVB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 août 2021 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-21-005481





APPELANTS



Monsieur [T] [H] à titre personnel et ès-

qualités d'ayant droit de Monsieur [H] [R] décédé le [Date décès 7] 2016

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 16] (59)

[Adresse 12]

[Localité 14]



représenté par Me Geor...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19286 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CETVB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 août 2021 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-21-005481

APPELANTS

Monsieur [T] [H] à titre personnel et ès-qualités d'ayant droit de Monsieur [H] [R] décédé le [Date décès 7] 2016

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 16] (59)

[Adresse 12]

[Localité 14]

représenté par Me Georges FERREIRA de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1905

substitué à l'audience par Me Marie DE LARDEMELLE, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 29

Madame [I] [H] à titre personnel et ès-qualités d'ayant droit de Monsieur [H] [R] décédé le [Date décès 7] 2016

née le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 16] (59)

[Adresse 6]

[Localité 11]

représentée par Me Georges FERREIRA de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1905

substitué à l'audience par Me Marie DE LARDEMELLE, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 29

Madame [M] [H] à titre personnel et ès-qualités d'ayant droit de Monsieur [H] [R] décédé le [Date décès 7] 2016

née le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 16] (59)

[Adresse 8]

[Localité 10]

représentée par Me Georges FERREIRA de la SELARL CABINET DE L'ORANGERIE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1905

substitué à l'audience par Me Marie DE LARDEMELLE, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 29

INTIMÉES

LA BANQUE POSTALE, société anonyme prise en la personne de ses dirigeants sociaux

N° SIRET : 421 100 645 00033

[Adresse 3]

[Localité 13]

représentée par Me Jean-Philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812

substitué à l'audience par Me Armand COULON de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812

LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE anciennement dénommée LA BANQUE POSTALE FINANCEMENT, société anonyme prise en la personne de ses dirigeants sociaux domiciliés audit siège en cette qualité

N° SIRET : 487 779 035 00046

[Adresse 1]

[Localité 15]

représentée par Me Jean-Philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812

substitué à l'audience par Me Armand COULON de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

[R] [H], né le [Date naissance 9] 1947, a souscrit auprès de la société Banque Postale Financement deux « prêts auto » :

- Le 29 septembre 2014 : contrat n° 50265060397 portant sur un capital de 8 000 euros, remboursable en 48 mensualités de 179,35 euros hors assurance incluant un taux nominal de 3,64 %,

- Le 29 janvier 2016 : contrat n° 50360480052, portant sur un capital de 6 000 euros remboursable en 48 mensualités de 138,99 euros hors assurance incluant un taux nominal de 5,30 %.

Aucune assurance n'a été conclue pour ces crédits.

[R] [H] est décédé le [Date décès 7] 2016.

Par acte du 25 mai 2018, ses héritiers Mmes [I] et [M] [H] et M. [T] [H] ont saisi le tribunal judiciaire de Paris en nullité des contrats et remboursement des sommes versées par [R] [H], sollicitant en outre 6 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par leur de cujus et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a renvoyé l'affaire devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Paris lequel a, par jugement du 27 août 2021 28 janvier 2021, débouté les consorts [H] de l'ensemble de leurs demandes et a mis les dépens à leur charge.

Le tribunal a retenu que la réalité des revenus, des charges et de la situation de famille de [R] [H] avait été vérifiée, que le taux d'endettement était adapté à ses revenus, que l'objet des prêts qui était d'acquérir un véhicule d'occasion et de faire face à des réparations était courant, que le fait qu'il ait été dans l'incapacité de se déplacer seul et dépendait d'aides pour se déplacer n'était pas contradictoire avec le fait de vouloir acquérir un véhicule à faible prix pour se faire transporter, qu'aucun élément n'était de nature à laisser supposer à la banque l'existence d'un affaiblissement intellectuel et qu'aucune faute de la société Banque Postale Financement n'était établie.

Par déclaration au greffe en date du 4 novembre 2011, les consorts [H] ont interjeté appel.

Aux termes de leurs conclusions notifiées par RPVA le 3 février 2022, ils demandent à la cour :

- de les recevoir en leurs demandes, fins et conclusions et les en déclarer bien fondés,

- d'infirmer le jugement,

- de juger que la société Banque Postale et la société Banque Postale Financement ont manqué à leur devoir de mise en garde et ont engagé leur responsabilité contractuelle,

- de condamner in solidum la société Banque Postale et la société Banque Postale Financement à leur verser la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi [R] [H],

- de condamner in solidum la société Banque Postale et la société Banque Postale Financement à leur verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour leur propre préjudice moral,

- de condamner in solidum la société Banque Postale et la société Banque Postale Financement à leur verser la somme de 5 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de prononcer toute compensation nécessaire de créance,

- de condamner la Banque Postale et la Banque Postale Financement aux entiers dépens,

- d'ordonner l'exécution provisoire.

Ils reprochent à la société Banque Postale intervenue comme intermédiaire et à la société Banque Postale Financement qui a octroyé les crédits, de ne pas avoir alerté leur père sur les conséquences de l'absence de souscription d'une assurance, alors qu'elles savaient que son état de santé s'était particulièrement dégradé, ni d'avoir vérifié si les emprunts « auto » étaient adaptés à ses besoins alors qu'il était atteint d'une maladie cardiaque depuis plus de quinze ans et avait eu deux AVC en 2012 et 2013 et était en fauteuil roulant. Ils ajoutent qu'aucune voiture n'est inscrite à l'actif de la succession de [R] [H], que les copies d'écran de souscription des crédits sont illisibles, incompréhensibles et ne correspondent en aucun cas aux montants des emprunts souscrits. Ils considèrent que les emprunts n'auraient jamais dû être conclus, que le préjudice de [R] [H] s'analyse tout d'abord en une perte de chance d'avoir souscrit à un contrat dans de meilleures conditions et en l'occurrence avec une assurance adaptée, alors même qu'il est décédé sans assurance décès malgré son état de santé dégradé et que ses ayants droits ne peuvent bénéficier de l'exonération partielle ou en totalité de la charge de l'emprunt qui aurait pourtant été permise si [R] [H] avait été parfaitement mis en garde et qu'ils n'ont pas à supporter les manquements de la banque dans le passif de la succession de leur père et époux. Ils estiment ce préjudice à 6 000 euros et indiquent qu'en outre les intimées doivent être condamnées in solidum à leur rembourser en leur qualité d'ayants droits de [R] [H] la somme de 5 265,23 euros correspondant aux montants déjà versés, à parfaire, outre 3 000 euros de dommages et intérêts pour leur propre préjudice et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par RPVA le 13 avril 2022, la société Banque Postale Consumer Finance demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter les consorts [H] de toutes leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 13 avril 2022, la société Banque Postale demande à la cour :

- de la recevoir en ses conclusions, l'y déclarant bien fondée ;

- de juger qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- de débouter les consorts [H] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

- de les condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elles contestent avoir manqué à tout devoir de mise en garde, relèvent que le taux d'endettement était inférieur à 33 % pour chacun des crédits, que [R] [H] a volontairement choisi de ne pas prendre d'assurance, que les contrats ont été souscrits à distance et qu'elles n'avaient pas connaissance de l'état de santé de [R] [H], que le devoir de non-ingérence interdit à la banque de s'immiscer dans les affaires du client, qu'elles n'ont pas à se substituer à leur client dans l'appréciation de l'utilité du crédit demandé. Elles soulignent que les demandeurs ne démontrent pas la faute commise ni l'existence d'un préjudice en lien avec la faute invoquée. Elles ajoutent qu'il ne peut y avoir de condamnation solidaire entre elles.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 11 avril 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il n'est pas contesté que les crédits ont été souscrits par l'intermédiaire de la société Banque Postale auprès de la société Banque Postale Financement qui est devenue la société Banque Postale Consumer Finance.

La cour n'est tenue que par les demandes qui figurent au dispositif, étant observé que les consorts [H] développent dans leurs motifs des demandes de remboursement des sommes versées au titre du crédit qui ne sont pas reprises dans le dispositif de leurs écritures.

Sur la demande en paiement de la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par [R] [H]

A l'appui de cette demande, les consorts [H] soutiennent d'une part que la banque a manqué à son obligation de mise en garde en ce qui concerne la souscription d'assurance décès et d'autre part en ce qui concerne l'étude des besoins financiers et concrets du souscrivant.

S'agissant de l'assurance décès, outre qu'elle n'est pas obligatoire, la situation de santé de [R] [H] qu'ils décrivent était précisément de nature à ne pas permettre une telle souscription ou à la rendre très onéreuse. Une fiche conseil en assurance a été signée par [R] [H] pour chacun des contrats et compte tenu de son âge, ce dernier ne pouvait effectivement prétendre qu'à une assurance décès. Par définition, celle-ci ne pouvait être souscrite que dans le but de diminuer son passif successoral. Il ne saurait donc être soutenu que le défaut de souscription d'une telle assurance et donc le fait de ne pas payer de telles cotisations d'assurance a causé de son vivant un préjudice à [R] [H] dont ses ayants droit auraient hérité.

S'agissant de l'adéquation des crédits avec les besoins de l'emprunteur, il convient de rappeler que le banquier n'a pas de devoir de conseil ou de mise en garde concernant l'opportunité de l'opération principale financée. Ainsi la banque n'avait pas à rechercher si [R] [H] était en mesure de conduire lui-même lorsqu'il a contracté le premier crédit destiné à acquérir un véhicule ni s'il était économiquement raisonnable 2 ans plus tard de réparer un véhicule pour un montant proche de son prix d'acquisition lors du second contrat. Ainsi que l'a relevé le premier juge, les crédits souscrits étaient des opérations courantes pour des montants relativement modiques qui n'étaient pas de nature à alerter la banque. Le seul fait qu'une mention « deux assu cochées + manque signature page 10 » soit présente sur la fiche interne d'étude du prêt démontre uniquement qu'il manquait certaines formalités préalables à la souscription du prêt qui ont été obtenues ensuite et non que le prêt n'était pas adapté à la situation de [R] [H] ni qu'il n'était pas en mesure de comprendre la portée de ce qu'il signait, ce qui n'est d'ailleurs pas soutenu par les consorts [H] qui ne demandent pas l'annulation des contrats ni ne démontrent qu'il présentait un affaiblissement intellectuel.

La banque est en revanche tenue d'un devoir de mise en garde par rapport au risque d'endettement généré par le crédit contracté au regard des capacités financières de l'emprunteur. Il est toutefois admis qu'en l'absence de risque d'endettement, le banquier n'est pas tenu à ce devoir de mise en garde. En l'espèce, la banque a, pour chaque crédit, fait signer une fiche d'informations précontractuelles et une fiche de dialogue ressources et charges, vérifié la solvabilité de [R] [H] dans les conditions de l'article L. 311-10 du code de la consommation en recueillant un justificatif du domicile de l'emprunteur, un justificatif de l'identité de l'emprunteur et un justificatif du revenu de l'emprunteur (avis d'imposition) et aucun des crédits n'a jamais fait dépasser à [R] [H] un taux d'endettement de 33 %. Il n'est d'ailleurs pas argué de ce que de son vivant, il ait eu des difficultés pour rembourser.

Le fait que la succession n'ait pas retrouvé de véhicule au nom de [R] [H] ne saurait être reproché à la banque. La cour observe d'ailleurs que les crédits souscrits étaient en effet des crédits personnels et non des crédits affectés.

Les consorts [H] doivent donc être déboutés de cette demande.

Sur la demande en paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral directement subi par les consorts [H]

Il n'est pas démontré que la banque ait commis une faute ayant causé un préjudice moral aux consorts [H]. Le seul préjudice dont ils font état est économique puisqu'ils soutiennent en substance que faute pour [R] [H] d'avoir souscrit une assurance, la succession est grevée d'un passif qui n'existerait pas si l'assurance avait soldé les crédits. En tout état de cause, la banque n'ayant pas commis de faute, cette demande doit être rejetée.

Le jugement doit donc être confirmé.

Sur les autres demandes

Les consorts [H] qui succombent doivent supporter in solidum la charge des dépens d'appel. Il apparaît en outre équitable de leur faire supporter sous la même solidarité la charge des frais irrépétibles de la société Banque Postale Consumer Finance à hauteur d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

et de débouter la société Banque Postale de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mmes [I] et [M] [H] et M. [T] [H] aux dépens d'appel et au paiement à la société Banque Postale Consumer Finance d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/19286
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;21.19286 ?
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