Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 31 MAI 2023
(n° 2023/ 94 , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18545 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGUKM
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Septembre 2022 -Juge de la mise en état de PARIS - RG n° 20/03272
APPELANTES
BUREAU CENTRAL FRANCAIS DES SOCIÉTÉS D'ASSURANCES CONTRE LES ACCIDENTS D'AUTOMOBILES (BCF), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
N° SIRET : 408 974 988
représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
Société REALE SEGUROS GENERALES
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 3] ESPAGNE
représentées par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant et plaidant par Me Thomas HOFFMANN, avocat au barreau de PARIS, toque L 0286
INTIMÉES
S.A. YUZZU (anciennement dénommée TOURING ASSURANCES)
[Adresse 7]
[Adresse 8]
BELGIQUE
représentée par Me Clément MICHAU de l'AARPI PENNEC & MICHAU Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : A0586
S.A. MAAF ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, domicilié audit siège en cette qualité
[Adresse 9]
[Localité 5]
N° SIRET : 542 07 3 5 80
représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
LA MAPA MUTUELLE D'ASSURANCE (MAPA), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 13]
[Localité 2]
représentée par Me Yoann ALLARD de l'AARPI ABSYS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0152
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre
M Julien SENEL, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par, Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*******
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 11 avril 2015, un, accident de la circulation est survenu sur l'autoroute A9 dans le sens [Localité 14]/[Localité 11], à hauteur de la commune de [Localité 10] (34) entre quatre véhicules à moteur.
Les véhicules impliqués dans l'accident sont:
- Un véhicule de marque CITROEN BERLINGO conduit par Madame [B] et assuré auprès de la compagnie TOURING ASSURANCES de droit belge, devenue la société anonyme YUZZU (ci-après Yuzzu)
- Un véhicule de marque MERCEDES BENZ SPRINTER conduit par Monsieur [U] et assuré auprès de la société anonyme Mutuelle Assurance des Artisans de France (ci-après MAAF ),
- Un ensemble routier composé d'un tracteur de marque MAN, immatriculé en Espagne et assuré auprès de la compagnie MAPFRE de droit espagnol et d'une remorque de marque KRONE SREM assurée auprès de la compagnie REALE SEGUROS GENERALES SA, de droit espagnol représentée par le Bureau Central Français (ci-après BCF)
- Un véhicule de marque TOYOTA HILUX appartenant à Monsieur [E], assuré auprès de la compagnie d'assurance MAPA ( la MAPA ).
La MAPA a procédé à l'indemnisation de son assuré ainsi que de sa fille mineure, passagère du véhicule au moment de l'accident et blessée.
YUZZU pour le compte de qui il appartiendra, a indemnisé les préjudices de M. [U], de la remorque assurée par REALE SEGUROS GENERALES et les dommages autoroutiers.
Les assureurs ont convenu qu'aucune faute de conduite ne pouvait être démontrée à l'égard de l'un des quatre conducteurs et que la charge finale de la répartition des conséquences de l'accident devait s'opérer par parts viriles entre les assureurs des véhicules impliqués.
Toutefois, aucun remboursement n'est intervenu entre eux.
PROCÉDURE
Dans ce contexte, la compagnie YUZZU a assigné devant le tribunal judiciaire de Paris :
- la MAAF, selon acte d'huissier signifié le 2 avril 2020,
- la MAPA, selon acte d' huissier signifié le 2 avril 2020,
le BCP représentant la compagnie REALE SEGUROS GENERALES, selon acte d' huissier signifié le 1er avril 2020.
Sur incident du BCF et de la société REALE SEGUROS GENERALES soulevant la prescription de l'action de la société MAPA au titre du préjudice matériel de son assuré, auxquels se sont joints les autres assureurs, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 23 septembre 2022 ,
- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par le Bureau Central Français, la compagnie d' assurance REALE SEGUROS GENERALES SA, la société anonyme YUZZU et société anonyme et compagnie Mutuelle-Assurance des Artisans de France à l'encontre de la compagnie d'assurance MAPA tant au titre de la prescription qu'au titre du non-respect des conditions de mise en 'uvre de la subrogation,
- déclaré prescrite et donc irrecevable l'action intentée par le Bureau Central Français ainsi que par la compagnie d'assurance REALE SEGUROS GENERALES SA,
- condamné in solidum le Bureau Central Français, la compagnie d'assurance REALE SEGUROS GENERALES SA et la compagnie Mutuelle-Assurance des Artisans de France à payer à la société anonyme YUZZU la somme de 2000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ces sommes produisant intérêts au taux légal à compter de la date de la décision ;
- réservé les dépens ;
- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;
- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état à une date déterminée, pour conclusions au fond en demande ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration électronique du 31 octobre 2022 , enregistrée au greffe le 15 novembre 2022, le BUREAU CENTRAL FRANCAIS (BCF) et la compagnie REALE SEGUROS GENERALES ont interjeté appel .
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 février 2022, BCP et la société REALE SEGUROS GENERALES demandent à la cour :
«'Vu l'article 2224 du code civil,
STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE RENDUE LE 23 SEPTEMBRE 2022 PAR le JUGE DE LA MISE EN ETAT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS
RECEVOIR Le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS en son appel et le déclarer bien-fondé;
Y faisant droit,
INFIRMER la décision entreprise,
Et, Statuant à nouveau,
A titre principal
Juger que les demandes formulées par la société MAPA au titre du préjudice matériel de
Monsieur [M] [E] à hauteur de 13.925,28 € sont prescrites,
Déclarer irrecevables les demandes de la société MAPA au titre du préjudice matériel de
Monsieur [M] [E] à hauteur de 13.925,28 €,
Débouter la société MAPA de ses demandes à l'encontre du BUREAU CENTRAL FRANÇAIS,
Réserver les frais irrépétibles et les dépens de première instance,
Condamner la compagnie MAPA à verser la somme de 2.000 € au BUREAU CENTRAL FRANÇAIS en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel.
A titre subsidiaire
Juger que l'action de la société REALE SEGUROS GENERALES est recevable,
Rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société YUZZU à l'encontre de la société REALE SEGUROS GENERALES,
Condamner la société YUZZU à verser la somme de 1.000 € à la société REALE SEGUROS GENERALES en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'incident devant le juge de la mise en état,
Réserver les dépens de première instance.
Condamner la société YUZZU à verser la somme de 1.000 € à la société REALE SEGUROS GENERALES en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Condamner la société YUZZU aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maitre Eric ALLERIT, membre de la Selarl TBA, admis à se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'»
Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2023, l'intimée YUZZU S.A. (anciennement dénommée TOURING ASSURANCES) , demande à la cour :
«'Vu les articles 1240 et suivants et 1346 et suivants du code civil,
Vu l'article L. 121-12 du code des assurances,
Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,
Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
- DECLARER la société YUZZU recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;
- INFIRMER l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de PARIS le 23 septembre 2022, mais seulement en ce qu'elle a rejeté les fins de non-recevoir soulevées à l'encontre de la société MAPA ;
- CONFIRMER l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire
de [Localité 12] le 23 septembre 2022, notamment en ce qu'elle a déclaré prescrite et donc irrecevable l'action intentée par le BCF et la compagnie REALE SEGUROS et en ce qu'elle a condamné in solidum le BCF, la compagnie REALE SEGUROS et la MAAF à payer à la compagnie YUZZU la somme de 2000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance.
STATUANT A NOUVEAU
Sur les demandes de la MAPA :
- DECLARER prescrites les demandes de la MAPA au titre du préjudice matériel de son assuré à hauteur de 14.340,30 € ;
- DECLARER irrecevables les demandes de la MAPA ;
- DEBOUTER la MAPA de ses demandes ;
Sur les demandes de la compagnie REALE SEGUROS :
- DECLARER prescrites les demandes de la compagnie REALE SEGUROS ;
- DECLARER irrecevables les demandes de la compagnie REALE SEGUROS ;
- DEBOUTER la compagnie REALE SEGUROS de l'ensemble de ses demandes ;
Par ailleurs et en tout état de cause :
- CONDAMNER in solidum tous les succombants à payer à la compagnie YUZZU la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum tous les succombants aux entiers dépens ;
- DEBOUTER les parties de toute demande, fin, prétention, formulée à l'encontre de la compagnie YUZZU.'»
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 janvier 2023, l'intimée La MAPA MUTUELLE D'ASSURANCE (MAPA) , demande à la cour :
«'Vu la loi du 5 juillet 1985,
Vu l'article 2226 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
- RECEVOIR la MAPA en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
- CONFIRMER la décision attaquée en ce qu'elle a rejeté les fins de non-recevoir soulevées contre la MAPA ;
- DEBOUTER la société YUZZU SA, le BCF et la société REALE SEGUROS, la MAAF en toutes leurs demandes contraires ;
- CONDAMNER tout succombant à verser à la MAPA la somme de 3.000 € au titre de
l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.'»
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 janvier 2023, l'intimée MAAF ASSURANCES , demande à la cour :
«Vu les articles 2224 et 2226 du code civil,
Vu l'ordonnance frappée d'appel,
Vu les pièces au dossier,
INFIRMER l'ordonnance frappée d'appel.
Statuant à nouveau,
JUGER irrecevable la demande indemnitaire de la société MAPA au titre de l'indemnisation du préjudice matériel de monsieur [E] et chiffré à la somme de 13.925,28 euros en raison du fait que ladite action est prescrite.
CONDAMNER la société YUZZU à rembourser à la société MAAF ASSURANCES la somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'elle lui a totalement réglée en exécution de l'ordonnance précitée.
Y ajoutant,
CONDAMNER la société MAPA à verser à la société MAAF ASSURANCES la somme
de 2.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.'»
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 février 2023.
Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
I Sur la recevabilité des demandes formées par la société MAPA au titre du préjudice matériel de M. [E]
A l'appui de leur appel, BCF et la société REALE SEGUROS GENERALES font valoir que la somme réclamée par la société MAPA subrogée dans les droits de son assuré, M. [E], au titre de la réparation de son véhicule est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil et qu'elle est prescrite pour avoir été formée par conclusions postérieures au 11 avril 2020. Elles expliquent qu'il n'est juridiquement pas fondé de soumettre l'ensemble des victimes d'un accident au même délai de prescription, que si l'article 2226 du code civil vise à éviter que le contentieux du dommage corporel soit morcelé entre celui du dommage physiologique et celui des pertes matérielles, il n'en résulte pas que cette disposition s'applique à toutes les personnes ayant subi des dommages lors d'un événement dès lors que l'une des victimes a subi des dommages corporels. Ils ajoutent que d'ailleurs, s'agissant de l'action de la société REALE SEGUROS GENERALES subrogée dans les droits d'un assuré, victime de dommage matériel dans le même accident, elle a été déclarée prescrite en application de l'article 2224 du code civil.
BCF précise également qu'il n'a intenté aucune action et formulé aucune demande en première instance, seule la société REALE SEGUROS GENERALES a formé une demande.
En réplique, la société MAPA rappelle que M. [E] et son enfant [S] ont été victimes de l'accident de la circulation du 11 avril 2015, que l'enfant a subi un préjudice corporel que la société MAPA a indemnisé. La société MAPA fait valoir que l'esprit de l'article 2226 du code civil consiste à permettre au juge de statuer sur tous les types de préjudices dès lors qu'ils sont apparus dans le cadre d'une procédure en lien avec un dommage corporel, d'autant que cette disposition prévoit explicitement que l'action décennale bénéficie également à la victime indirecte, à savoir celle qui n'a pas subi un dommage corporel. Or, elle fait valoir que M. [E] a subi des dommages qui rentrent dans la catégorie des préjudices corporels tel celui de son préjudice d'angoisse de mort imminente tant pour lui que pour sa fille lequel peut être inclus dans les souffrances endurées dont la notion recoupe aussi le préjudice moral.
Elle fait aussi valoir que les sommes qu'elle réclame constituent une défense au fond non soumise à prescription, qu'en tout état de cause, elles viendront en compensation avec celles de la société YUZZU or, la reconnaissance par la société YUZZU dans l'assignation du 2 avril 2020 du droit des autres assureurs est interruptive de prescription au profit de ces derniers, dont la société MAPA, en application de l'article 2240 du code civil.
La société YUZZU fait valoir en premier lieu les mêmes moyens que les appelants au titre de la prescription de l'action de la société MAPA; en second lieu, elle expose que la société MAPA ne justifie pas de sa subrogation tant conventionnelle que légale dans les droits de M. [E].
La société MAAF fait valoir que l'action de la société MAPA est prescrite car elle est soumise au délai de prescription de l'article 2224 du code civil. Elle rappelle que le préjudice corporel est celui d'[S] [E] dont la société MAPA a indemnisé les souffrances endurées et que le préjudice matériel est celui de M. [E], que la victime matérielle et la victime corporelle ne sont pas les mêmes.
Sur ce,
Vu les articles 2224 et 2226 du code civil ;
Vu les articles 789 et 122 du code de procédure civile ;
Sur les conditions de la subrogation de la société MAPA
Il ressort des pièces communiquées par cette dernière qu'elle justifie être subrogée dans les droits de son assuré, M. [E] conformément aux dispositions de l'article L.121-12 du code des assurances, contrairement aux allégations de la société YUZZU contestant la police d'assurance alors que celle-ci (pièce 15 ' la société MAPA) a été souscrite par M. [E] et désigne un véhicule dont les caractéristiques ( n° de série, marque, modèle) sont identiques à celles du véhicule accidenté mentionné sur le rapport d'expertise amiable établi à la suite de l'accident à la requête de la société MAPA et non contesté par la société YUZZU. (pièce 1 - la société MAPA)
Sur la prescription
Il n'est pas contesté que l'assureur subrogé dans les droits de la victime d'un dommage ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci, de sorte que son action contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action de la victime et que le point de départ de la prescription est identique à celui de l'action du subrogeant.
Par ailleurs, il est constant que l'article 2224 du code civil institue une prescription de cinq ans pour les actions mobilières ou personnelles et que l'article 2226 alinéa 1er du même code, par dérogation à l'article 2224, prévoit d'après la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 qui l'a institué, que l'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé.
Les victimes visés par ce texte sont la victime d'un dommage corporel et la victime indirecte. Par victime indirecte, il convient d'entendre victime par ricochet, c'est-à-dire celle qui subit par répercussion du dommage corporel d'une victime, un dommage.
En l'occurrence, il n'est pas contesté que la fille mineure de M. [E] a subi un dommage corporel lors de l'accident de la circulation du 11 avril 2015 que la société MAPA a indemnisé.
Il n'est pas non plus contesté que lors de cet accident, le véhicule de M. [E] a été endommagé par les autres véhicules impliqués dans l'accident et que ce dommage a été indemnisé par la société MAPA.
Il est ainsi constaté que le dommage subi par le véhicule de M. [E] résulte du choc entre les véhicules et non du dommage corporel subi par sa fille.
Dès lors, M. [E] ne peut être considéré comme victime par ricochet de l'accident, au titre du dommage causé à son véhicule.
Il ne résulte pas non plus des pièces communiquées que la société MAPA ait indemnisé à M. [E] un préjudice moral du fait du préjudice corporel subi par sa fille qui aurait pu éventuellement soumettre l'action au titre du préjudice matériel à la prescription décennale de l'article 2226 du code civil.
Il résulte de l'ensemble de ces motifs que le préjudice matériel subi par M. [E] et indemnisé par la société MAPA ne résulte pas du préjudice corporel subi par sa fille.
Dès lors, l'action subrogatoire exercée par la société MAPA au titre du préjudice matériel subi par M. [E] est soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.
Sur l'interruption du délai de prescription par la reconnaissance par le débiteur du droit contre lequel il prescrivait
Il résulte aussi de l'article 2240 du code civil que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit ne bénéficie qu'au créancier concerné par cette reconnaissance.
En l'occurrence, il ressort de l'assignation formée par la société YUZZU à l'égard de la société MAPA qu'elle vise à condamner la société MAPA in solidum avec les autres assureurs à lui payer diverses sommes «'au titre du recours en contribution sur les sommes versées'».
Il n'est pas contesté que la société MAPA a sollicité en première instance par conclusions notifiées pour la première fois le 6 novembre 2020, la condamnation in solidum des assureurs à une somme d'argent d'une part au titre des frais médicaux résultant du préjudice corporel de [S] [E] et des souffrances endurées par celle-ci et d'autre part, au titre des réparations à opérer pour le véhicule de M. [E].
Au vu de ces éléments, la demande de la société YUZZU en tant qu'elle reconnaît dans ses conclusions que la charge définitive de l'indemnisation des dommages consécutifs à l'accident doit être répartie par parts égales entre les assureurs et qu'elle exerce une action en contribution contre eux, s'analyse en une reconnaissance du droit de créance de la société MAPA au titre du préjudice matériel indemnisé à M. [E].
Il s'ensuit que l'assignation délivrée par la société YUZZU a interrompu le délai de prescription de l'action subrogatoire de la société MAPA.
Cette interruption de prescription n'a toutefois d'effet que dans les relations entre la société YUZZU et la société MAPA, qu'en effet la demande en paiement formée par cette dernière par conclusions du 6 novembre 2020 ne vaut pas défense au fond au sens de l'article 71 du code de procédure civile à l'égard des autres assureurs dont la demande est postérieure.
Il en résulte que la demande subrogatoire formée par la société MAPA au titre du préjudice matériel de M. [E] est prescrite à l'égard de la société REALE SEGUROS GENERALES représenté par BCF et à l'égard de la société MAAF.
L' ordonnance déférée est infirmée sur ce point.
Compte tenu de la solution retenue à l'égard de la société REALE SEGUROS GENERALES représentée par BCF, il n'y a pas lieu de statuer sur leurs demandes subsidiaires, sauf à constater que seul l'assureur la société REALE SEGUROS GENERALES a formé une demande en paiement .
L' ordonnance déférée est par conséquent devenue définitive en ce qu'elle a déclarée prescrite et donc irrecevable l'action intentée par la société REALE SEGUROS GENERALES.
En revanche, la cour constate que BCF ne forme aucune demande en propre, il convient d'infirmer cette ordonnance en ce qu'elle a déclaré prescrite l'action engagée par le BCF.
II Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
En première instance
Le juge de la mise en état a réservé les dépens de première instance.
Le BCF et la société REALE SEGUROS GENERALES demandent à la fois que les dépens de première instance soient réservés et que la société YUZZU soit condamnée aux dépens de première instance.
Les autres parties ne forment aucune demande s'agissant des dépens de première instance.
Au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer l' ordonnance déférée qui a réservé les dépens de première instance.
S'agissant de l'indemnité fixée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
la société MAAF demande que la société YUZZU soit condamnée à lui rembourser cette indemnité, faisant valoir qu'elle soutenait les mêmes moyens que la société YUZZU.
La société YUZZU demande la confirmation de l' ordonnance sur ce point.
Au vu des conclusions soutenues par la société MAAF en première instance, il est établi que la société MAAF soutenait la même demande que la société YUZZU et que le juge de la mise en état a partiellement fait droit à leur demande.
Dans ces conditions, il y a lieu d'infirmer l' ordonnance en ce qu'elle a condamné la société MAAF à payer à la société YUZZU une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance.
En appel
Parties perdantes, la société REALE SEGUROS GENERALES représentée par BCF et la société YUZZU seront condamnés aux dépens d'appel.
En revanche, les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement, en dernier ressort, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme partiellement l' ordonnance rendue le 23 septembre 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris en ses dispositions contestées en appel ;
Statuant à nouveau,
Dit que la demande subrogatoire formée par la société MAPA au titre du préjudice matériel de M. [E] est prescrite à l'égard de la société REALE SEGUROS GENERALES représentée par le BCF et à l'égard de la société MAAF;
Dit que cette demande est donc irrecevable à l'égard de la société REALE SEGUROS GENERALES représentée par le BCF et à l'égard de la société MAAF;
Constate que BCF ne forme aucune demande en propre ;
Déboute la société YUZZU de sa demande en première instance d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de la société MAAF ;
Y ajoutant,
Condamne la société REALE SEGUROS GENERALES représentée par BCF et la société YUZZU aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Rejette toutes les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE