Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 31 MAI 2023
(n° 2023/ , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/05211 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOJ4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Février 2022 - Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 22/50008
APPELANTS
Monsieur [J] [I] [G] [Y]
né le 17 Novembre 1976 à [Localité 13]
[Adresse 4]
[Localité 2] / LUXEMBOURG
Madame [N] [Z] [K] [Y] épouse [M]
née le 10 Janvier 1967 à [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Madame [O] [H] [P] épouse [Y]
née le 02 Juillet 1980 à [Localité 11]
[Adresse 4]
[Localité 2] / LUXEMBOURG
représentés et plaidant par Me Pierre SAINT-MARC GIRARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0941
INTIME
Monsieur [B] [V] [L] [E] [Y]
né le 25 Janvier 1970 à [Localité 12]
[Adresse 6]
[Localité 7]
représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
ayant pour avocat plaidant Me Hélène REOL, substituant Me Nicolas LAURENT-BONNE, avocats au barreau de PARIS, toque : L0056
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller
Mme [N] PAULMIER-CAYOL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE :
[E] [Y] est décédé le 2 mars 2007, laissant pour lui succéder :
[T] [A], son conjoint survivant, avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens, ayant opté pour le quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit,
-leurs quatre enfants : Mmes [U] et [N] [Y], et MM. [B] et [J] [Y].
Par testament olographe daté du 26 novembre 1987, [E] [Y] a légué à son épouse la plus forte quotité permise par l'article 1094-1 du code civil.
[E] [Y] était propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 6], dont il avait fait donation, le 8 février 1996, à ses quatre enfants de 120/530èmes en pleine propriété, conservant pour sa part les 410/530èmes de la propriété de cet immeuble.
Mme [U] [Y] a cédé la totalité de ses droits immobiliers indivis dans l'immeuble à ses frères et s'urs.
[T] [A] est décédée le 10 février 2021, laissant pour lui succéder ses quatre enfants.
Par acte notarié du 14 octobre 2008, [T] [A] avait fait donation à Mme [N] [Y], de la quote-part en nue-propriété détenue dans l'immeuble à concurrence des 779/3392èmes.
Par testament du 8 mai 2007, [T] [A] a institué comme légataires universels de la quotité disponible Mme [N] [Y] et M. [J] [Y].
Par codicille du 1er décembre 2019, elle a maintenu sa volonté, a légué en outre à sa fille Mme [N] [Y] l'ensemble de ses meubles et effets personnels garnissant sa chambre, a désigné cette dernière comme exécutrice testamentaire, et a légué à son fils M. [J] [Y] quelques meubles.
Ainsi, la propriété indivise de l'immeuble situé [Adresse 6] est répartie de la façon suivante :
-1778/3392èmes (environ 52,42%) pour Mme [N] [Y],
-807/3392èmes (environ 23,79%) pour M. [B] [Y],
-807/3392èmes (environ 23,79%) pour M. [J] [Y].
Par acte signé le 10 février 2021, M. [J] [Y] a donné mandat à sa s'ur Mme [N] [Y] pour administrer et gérer ses droits indivis dans l'immeuble.
Monsieur [B] [Y] a assigné selon la procédure accélérée au fond Mme [N] [Y] et M. [J] [Y], ainsi que l'épouse de ce dernier Mme [O] [P], devant le président du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir nommer un administrateur provisoire pour gérer et administrer l'immeuble indivis.
Par jugement selon la procédure accélérée au fond du 17 février 2022, le délégué du président du tribunal judiciaire de Paris a notamment statué dans les termes suivants :
-rejetons la fin de non-recevoir,
-désignons la SELARL BPV représentée par Maître Béatrice Vardon, administrateur judiciaire, [Adresse 3], en qualité d'administrateur provisoire de l'indivision constituée entre M. [B] [Y], Mme [N] [Y] et M. [J] [Y] et son épouse, avec mission de :
*se faire remettre par tout détenteur en ce compris les indivisaires tous documents utiles pour l'accomplissement de sa mission et convoquer, le cas échéant, lesdits indivisaires pour examiner avec eux les différentes solutions qui s'offrent à eux pour organiser la gestion des biens indivis,
*gérer et administrer le bien immobilier en indivision situé [Adresse 6],
*recevoir les loyers, en donner quittance, faire toute démarche permettant leur encaissement à leur date d'exigibilité, procéder à leur indexation, et plus généralement faire tous actes utiles à la gestion du bien immobilier,
-disons que l'administrateur provisoire aura le pouvoir d'accomplir les actes de gestion et d'administration nécessaires à l'administration des immeubles en indivision, et notamment de prendre, dans les limites de ses pouvoirs, toute mesure urgente pour la sauvegarde du bien, dans l'intérêt de l'indivision et procéder au recouvrement des sommes nécessaires à l'entretien des biens indivis,
-disons que la mission est donnée pour une durée de 12 mois à compter de la présente ordonnance et rappelons qu'elle sera éventuellement prorogée,
-fixons à 2 000 euros la provision que devra verser M. [B] [Y] à l'administrateur judiciaire, à valoir sur ses frais et honoraires, directement entre ses mains, et disons qu'à défaut du versement de cette provision dans le délai d'un mois à compter de la présente décision, la nomination de l'administrateur sera caduque et privée d'effet.
M. [J] [Y], Mme [N] [Y] et Mme [O] [P] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 9 mars 2022.
Le 30 mars 2022, l'affaire a été fixée à bref délai conformément à l'article 905 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 13 mars 2023, les appelants demandent à la cour de :
-réformer la décision entreprise en ce qu'elle :
* rejette la fin de non-recevoir,
* désigne la Selarl BPV représentée par Maître Béatrice Vardon, administrateur judiciaire, [Adresse 3], tel : [XXXXXXXX01] en qualité d'administrateur provisoire de l'indivision constituée entre M. [B] [Y], Mme [N] [Y] épouse [M] et M. [J] [Y] et son épouse avec mission de :
$gt;se faire remettre par tout détenteur en ce compris les indivisaires tous documents uti les pour l'accomplissement de sa mission et convoquer, le cas échéant, lesdits indivisaires pour examiner avec eux les différentes solutions qui s'offrent à eux pour organiser la gestion des biens indivis,
$gt; gérer et administrer le bien immobilier en indivision situé [Adresse 6],
$gt; recevoir les loyers, en donner quittance, faire toute démarche permettant leur encaissement à leur date d'exigibilité, procéder à leur indexation, et plus généralement faire tous actes utiles à la gestion du bien immobilier,
*dit que l'administrateur provisoire aura le pouvoir d'accomplir les actes de gestion et d'administration nécessaires à l'administration des immeubles en indivision, et notamment de prendre, dans les limites de ses pouvoirs, toute mesure urgente pour la sauvegarde du bien, dans l'intérêt de l'indivision et procéder au recouvrement des sommes nécessaires à l'entretien des biens indivis,
*dit que la mission est donnée pour une durée de 12 mois à compter de la présente ordonnance et rappelons qu'elle sera éventuellement prorogée,
* fixe à 2 000 euros la provision que devra verser M. [B] [Y] à l'administrateur judiciaire, à valoir sur ses frais et honoraires, directement entre ses mains, et dit qu'à défaut du versement de cette provision dans le délai d'un mois à compter de la décision, la nomination de l'administrateur sera caduque et privée de tout effet,
* dit que la rémunération de l'administrateur provisoire sera fixée sur la base du barème en usage dans le ressort du tribunal judiciaire de Paris pour la rémunération des administrateurs judiciaires civils et sera mise à la charge de l'indivision,
*dit que l'administrateur provisoire rendra compte de sa mission au magistrat chargé du contrôle des administrations judiciaires de la présente juridiction, auquel il soumettra pour examen tous les frais exposés et sa demande d'honoraires,
* dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* déboute toute demande à ce titre,
* dit que les dépens seront supportés par l'indivision administrée, sauf en cas de caducité de la désignation, les frais demeurant alors à la charge du demandeur,
* rejetons toute autre demande plus ample ou contraire,
statuant à nouveau :
-déclarer irrecevable et subsidiairement infondée la demande de M. [B] [Y] visant à la désignation d'un administrateur provisoire,
-débouter, en conséquence, M. [B] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions et notamment de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire de l'indivision existant entre lui et ses frère et s'ur,
-condamner M. [B] [Y] à verser à Mme [N] [Y], à M. [J] [Y] et à Mme [O] [P], épouse [Y], la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [B] [Y] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Pierre Saint-Marc Girardin, Avocat aux offres de droit.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 13 mars 2023, M. [B] [Y], intimé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 17 février 2022 en toutes ses dispositions,
- débouter Mme [N] [Y], M. [J] [Y] et Mme [O] [P] épouse [Y] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner M. [J] [Y] et Mme [N] [Y] au paiement de la somme de 2 500 euros chacun, à M. [B] [Y], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [J] [Y] et Mme [N] [Y] aux entiers dépens d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats, en la personne de Maître Patricia Hardouin, avocat au Barreau de Paris conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2023.
L'affaire a été appelée à l'audience du 5 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le litige n'est pas relatif à l'indivision successorale consécutive au décès de la mère [T] [A] mais à l'indivision existant sur le bien situé [Adresse 6], dont le père, [E] [Y] était propriétaire, et dont il avait fait donation, le 8 février 1996, à ses quatre enfants de 120/530èmes en pleine propriété, conservant pour sa part les 410/530èmes de la propriété de cet immeuble, Mme [U] [Y] ayant ensuite cédé la totalité de ses droits immobiliers indivis dans l'immeuble à ses frères et s'urs, et [T] [A] ayant cédé ses droits sur cet immeuble à la fille [N].
Sur la fin de non recevoir tirée de l'existence d'un mandat tacite
Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.
Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'un mandat tacite donné à Madame
[N] [Y], faute de preuve de l'existence de ce mandat tacite.
Les appelants se prévalent en effet de l'existence d'un mandat tacite donné par Monsieur [B] [Y] à sa s'ur [N] de sorte que la demande de désignation d'un administrateur judiciaire ne peut qu'être déclarée irrecevable en l'absence d'intérêt à agir.
Ils font valoir que Monsieur [B] [Y] n'a jamais contesté le fait que Madame [N] [Y] assurait la gestion du bien indivis en raison du mandat express donné par son frère Monsieur [J] [Y] et qu'aux termes des échanges survenus le 16 février 2021 entre Monsieur [J] [Y] et son frère [B], ce dernier avait consenti à la gestion des biens indivis par sa s'ur, sa seule exigence portant sur l'existence d'un compte distinct « pour éviter tout mélange ».
Ils soutiennent que ce « compte distinct » a été ouvert, ceci avant toute demande de Monsieur [B] [Y], au nom de Madame [N] [Y], l'indivision n'ayant pas la personnalité morale permettant l'ouverture d'un compte à son nom.
Monsieur [B] [Y], intimé, répond que les appelants essaient à nouveau en cause d'appel d'opérer une confusion entre la gestion de l'indivision successorale de leur mère et la gestion de l'immeuble indivis situé [Adresse 6].) qui ne dépend pas de l'indivision successorale, alors que s'il est vrai qu'il est en indivision sur plusieurs biens immobiliers dépendant de la succession de sa mère (immeubles situés notamment à [Localité 9] dans le Calvados et à [Localité 10]), sa demande est purement circonscrite à la gestion de l'immeuble de l'avenue de la Motte-Picquet.
Il fait valoir que par des écrits de son conseil, il a manifesté à de nombreuses reprises son opposition au mandat de Madame [N] [Y] :
- par courrier officiel du 2 juin 2021 : « s'agissant du bien indivis, mon client ne souhaite pas donner mandat à sa s'ur [N] pour gérer »;
-' par courrier officiel du 20 septembre 2021 : « Monsieur [Y] ne valide en rien le fait que sa s'ur [N] assure la gestion de l'immeuble ».
La preuve du mandat, même tacite, reste soumise aux règles générales de la preuve des conventions et doit répondre aux exigences des articles 1341 et suivants du code civil.
Il appartient aux juges du fond de constater souverainement l'existence du mandat tacite, notamment, le cas échéant, au vu de la connaissance par le prétendu mandant des actes accomplis par le prétendu mandataire et de l'absence d'opposition du premier.
En dehors des situations spécialement visées par la loi, il convient, d'une manière générale, d'interpréter la volonté des parties, pour savoir s'il y a mandat tacite. Cette interprétation s'appuie sur certains faits qui, eu égard aux circonstances, peuvent faire présumer ou non l'existence d'un mandat tacite.
Il est constant que par acte signé le 10 février 2021, M. [J] [Y] a donné mandat à sa s'ur Mme [N] [Y] pour administrer et gérer ses droits indivis dans l'immeuble indivis.
Ces deux parties ont la majorité des deux tiers dans l'indivision.
Aux termes d'échanges intervenus entre les deux frères le 16 février 2021, Monsieur [B] [Y] a pour sa part conditionné l'octroi d'un mandat à sa s'ur à l'ouverture d'un compte au nom de l'indivision puisqu'il a écrit : « Concernant le versement des loyers, peux-tu me confirmer qu'il s'agit bien d'un compte dédié au nom de l'indivision pour éviter tout mélange ' ».
Cet échange fait suite au fait que Madame [N] [Y] ait pris en mains la gestion de l'immeuble suite au mandat express donné par son frère [J] et démontre une première réserve émise par l'intimé sur l'acceptation de cette situation le mettant devant le fait accompli.
Le fait que Madame [N] [Y] expose avoir en réalité déjà ouvert un compte distinct avant ce mail, établit que l'avis et l'accord de Monsieur [B] [Y] pour qu'elle gère l'indivision n'avait pas encore été sollicité.
L'opposition de Monsieur [B] [Y] s'est manifestée à plusieurs reprises, de façon claire, nonobstant le fait qu'il ait pu demander que sa s'ur prenne en charge certains actes de gestion, puisque, de fait, la gestion de l'indivision devait se poursuivre et qu'elle l'assumait et il ne saurait en être déduit son accord pour lui donner mandat.
Par suite, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de l'existence d'un mandat tacite non prouvé.
Sur le fond et la nécessité de nommer un administrateur provisoire
Pour faire droit à la demande de désignation d'un administrateur provisoire, le premier juge a retenu :
- l'existence d'une mésentente familiale ancienne et d'une perte de confiance en l'absence d'information et de reddition des comptes par Madame [N] [Y]
- le fait que Madame [N] [Y] se serait comportée comme la propriétaire de la totalité du bien décidant seule du montant des loyers, de leur recouvrement et de leur encaissement sur un compte bancaire ouvert à son nom personnel, sans en référer à Monsieur [B] [Y] qui est pourtant propriétaire de près d'un quart de l'immeuble, ni procéder à la reddition des comptes
- la mise en 'uvre d'un mode de gestion opaque de Madame [N] [Y] pratiqué sans vision d'ensemble où les ressources sont accaparées, les états locatifs ne sont pas établis et les travaux sont décidés sans justification d'un avis technique d'un professionnel du bâtiment ni de la mise en concurrence des entreprises retenues, et sans concertation avec Monsieur [B] [Y].
L'article 815-6 du code civil dispose :
« Le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun.
Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l'indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l'emploi. Cette autorisation n'entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l'héritier.
Il peut également soit désigner un indivisaire comme administrateur en l'obligeant s'il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s'appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l'administrateur, s'ils ne sont autrement définis par le juge. »
Les appelants opposent l'absence d'urgence et d'atteinte portée aux intérêts communs, faisant valoir qu'une divergence de position entre les indivisaires n'est pas constitutive d'un péril, que l'information de Monsieur [B] [Y] a été assurée.
Ils critiquent la décision entreprise en ce qu'elle aurait relevé une gestion opaque.
L'intimé se prévaut de la mésentente générale consécutive au litige existant dans la succession de la mère et soutient que les parties ne parviennent pas à s'entendre sur le partage de cet immeuble et sa mise en copropriété auxquels ses frère et s'ur s'opposent.
Il fait valoir que l'information ne lui est donnée que de façon parcellaire, que les décisions sont prises avant que son avis ait été sollicité et soutient qu'à l'opacité dans la gestion quotidienne de l'immeuble, s'ajoutent des dysfonctionnements dans sa gestion financière.
L'article 815-3 du code civil dispose : »Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;
2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;
3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;
4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux. »
L'opposition entre les indivisaires est corroborée par la présente procédure et par le fait que les échanges entre les parties relatifs à la gestion de l'immeuble ne se fait que par avocat interposé.
Monsieur [B] [Y] fait ainsi valoir que sa consultation n'est que de pure forme et qu'il n'est pas répondu aux demandes de précision qu'il exprime avant de pouvoir donner son avis.
Il indique ainsi, pour exemple, que par courrier en date du 8 septembre 2021, le conseil de Monsieur [J] [Y] et Madame [N] [Y] l'informait de la nécessité de réaliser des travaux dans un appartement situé au 6ème étage dans l'intérêt commun selon devis daté du 31 août 2021, mais qu'il a fait constater par huissier le 9 septembre 2021, soit le lendemain de l'envoi du devis, que les travaux de l'appartement du 6ème étage étaient d'ores et déjà en cours de réalisation depuis une bonne semaine.
Bien qu'il y ait mésentente, la modification de l'article 815-3 du code civil par la loi n° 2006-738 du 23 juin 2006 permet à celui ou à ceux des héritiers titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis de s'affranchir de la règle de l'unanimité : sans l'avis des autres, voire contre, ils sont en droit d'accomplir tous les actes d'administration ressortissant à l'exploitation normale des biens indivis ainsi que de vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision.
La seule mésentente des indivisaires ne saurait suffire à justifier la désignation en justice d'un administrateur provisoire de l'indivision, encore faut-il rechercher les conséquences de cette mésentente sur l'administration de l'indivision.
La désignation d'un administrateur provisoire de l'indivision a vocation à intervenir lorsque la mésentente a pour effet de paralyser l'administration de l'indivision, de sorte que la désignation de l'administrateur provisoire apparaisse comme le seul moyen de dépasser le conflit et de mener à bien la gestion et de façon plus générale, la mésentente justifie la désignation d'un administrateur provisoire chaque fois qu'il en résulte un péril pour l'intérêt commun des indivisaires.
En l'espèce, en raison de la majorité des 2/3 détenues par Monsieur [J] et Madame [N] [Y], seule l'information de Monsieur [B] [Y] est requise puisque le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis qui ont pris, à cette majorité, l'une des décisions énumérées par l' article 815-3 du code civil sont tenus d'en informer les autres indivisaires.
Madame [N] [Y] gère l'indivision comme le faisait sa mère, qui n'était pas non plus un professionnel de l'administration de biens immobiliers, et à l'égard de laquelle Monsieur [B] [Y] n'émettait alors aucune critique.
La gestion et l'administration de l'indivision qui porte sur un immeuble dont les 21 appartements sont donnés à bail peut apparaître comme complexe mais est assurée par Madame [N] [Y] en continuité des pratiques antérieures de la mère des parties et l'intimé ne justifie d'aucune carence dans la gestion ni d'aucun péril pour l'indivision.
Mme [N] [Y] a notamment ouvert le compte 57001241 41 à la Société Générale sur lequel sont versés les revenus fonciers perçus de la gestion de l'immeuble objet de la présente procédure dont elle produit le relevé et le compte 57001258 87 destiné à la gestion des biens indivis autres que l'immeuble de [Adresse 6].
Au 7 août 2021, le compte bancaire ouvert au nom de Madame [N] [Y] pour l'indivision présentait un solde créditeur de 142.488,32 €.
Si Monsieur [B] [Y] a pu reprocher à sa s'ur de ne pas lui avoir versé ses revenus fonciers au titre de sa quote-part indivise ni au titre de l'exercice 2020, clôturé, ni au titre de l'exercice 2021, se prévalant d'un courrier de son conseil sur ce point, les revenus de 2020 ont été perçus exclusivement par la mère, usufruitière, décédée en février 2021, de sorte qu'en l'état du règlement de sa succession aucune distribution de ceux-ci ne peut avoir lieu et les revenus au titre de l'exercice 2021 ne pouvaient être distribués tant que l'exercice n'était pas terminé, ainsi que Madame [N] [Y] a répondu au conseil de son frère.
Une avance a néanmoins été versée à chacun des indivisaires soit 15 000 euros pour Monsieur [B] [Y] et son frère et 33 048,32 euros pour Madame [N] [Y] dont les droits sont plus importants que ceux de ses frères.
Monsieur [B] [Y] reproche ensuite à sa s'ur de lui avoir imposé de payer sa quote-part des taxes foncières, charge de l'indivision qui dispose largement des fonds nécessaires à son entier paiement, mais ne justifie pas que cette demande concernait le bien composant l'indivision objet du litige, soit l'immeuble de [Adresse 6].
Les appelants justifient que Madame [N] [Y] a ;
- veillé à l'entretien de l'immeuble et intervient en cas de dégradations (Cf. pièces 32 et 33 mais encore PA II-9 à propos de la porte d'accès à l'immeuble),
- veillé au renouvellement des baux et en justifie auprès de ses co-indivisaires (Cf. pièce 32),
- veillé au paiement des factures diverses liées à l'immeuble (Cf. pièces 1, 16 à 21),
- assuré de la mise en conformité des appartements avant la signature des baux (Cf. par exemple pièces 18 et 19 mais encore PA II-7 et II-6),
- entrepris les démarches utiles en vue de la réalisation des travaux nécessaires à la mise en location d'appartements qui ne l'étaient pas ou plus et sollicité notamment des devis à cette fin (Cf. pièce 4, 8, 13, 38, 39).
Les taxes et charges sont toutes réglées à bonne date.
Faute pour Monsieur [B] [Y] d'établir que l'indivision est en péril ou que la gestion de Madame [N] [Y] est contraire à l'intérêt commun, la seule mésentente des parties, alors que deux d'entre elles disposent de la majorité des deux tiers, ne suffit pas à devoir désigner un administrateur provisoire à l'indivision.
Il y a donc lieu de d'infirmer le jugement sur le fond en ce qu'il a fait droit à la demande de Monsieur [B] [Y].
Sur les demandes accessoires
L'équité commande de faire droit à la demande des appelants présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'intimé est condamné à leur verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.
Partie perdante, l'intimé ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir tirée de l'existence d'un mandat tacite non prouvé ;
Infirme le jugement en ce qu'il a désignés la SELARL BPV représentée par Maître [S] [X], administrateur judiciaire, [Adresse 3], en qualité d'administrateur provisoire de l'indivision constituée entre M. [B] [Y], Mme [N] [Y] et M. [J] [Y] et son épouse ;
Y substituant,
Déboute Monsieur [B] [Y] de sa demande aux fins de voir nommer un administrateur provisoire pour gérer et administrer l'immeuble indivis ;
Condamne Monsieur [B] [Y] à payer à Monsieur [J] [Y] et Madame [N] [Y] une indemnité de 2 000 euros le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [B] [Y] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,