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30/05/2023 | FRANCE | N°22/02953

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 30 mai 2023, 22/02953


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 30 MAI 2023



(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02953 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFG5F



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 décembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/12169





APPELANTE



Madame [T] [E] [M] [X] née le 23 décembre 1961 Ã

  [Localité 4] (Argentine),



[Adresse 5]

[Localité 3], BOLIVIE



représentée par Me Nicolas UZAN de la SELARL CABINET D'AVOCATS JACQUIN UZAN, avocat au barreau de PARIS, toque :...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 30 MAI 2023

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02953 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFG5F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 décembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/12169

APPELANTE

Madame [T] [E] [M] [X] née le 23 décembre 1961 à [Localité 4] (Argentine),

[Adresse 5]

[Localité 3], BOLIVIE

représentée par Me Nicolas UZAN de la SELARL CABINET D'AVOCATS JACQUIN UZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0153

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Madame M.-D. PERRIN, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 avril 2023, en audience publique, l' avocat de l' appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 9 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, jugé que Mme [T] [E] [M] [X], est admise à faire la preuve qu'elle a la nationalité française par filiation, débouté le ministère public de ses demandes, jugé que Mme [T] [E] [M] [X], née le 23 décembre 1961 à [Localité 4] (Argentine), n'est pas française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et l'a condamnée aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 7 février 2022 de Mme [T] [E] [M] [X].

Vu les conclusions notifiées le 26 septembre 2022 par Mme [T] [E] [M] [X] qui demande à la cour de la juger recevable en son appel et bien-fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions, juger le ministère public irrecevable en son appel incident et mal-fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions d'intimé et d'appelant à titre incident, rejeter l'argumentation et l'appel incident du ministère public, confirmer le jugement, dire la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, juger que Mme [T] [E] [M] [X] est admise à faire la preuve qu'elle a la nationalité française par filiation, débouter le ministère public de ses demandes, juger que Mme [T] [E] [M] [X], née le 23 décembre 1961 à [Localité 4] (Argentine), est française, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner le ministère public aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 7 décembre 2022 par le ministère public qui demande à la cour d'infirmer le jugement , et statuant de nouveau, dire que Mme [T] [E] [M] [X], née le 10 octobre 1963 à Chuquisaca (Bolivie), n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française, dire que Mme [T] [E] [M] [X], née le 10 octobre 1963 à Chuquisaca (Bolivie), est réputée avoir perdu la nationalité française le 7 novembre 1986, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner Mme [T] [E] [M] [X] aux entiers dépens.

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 9 février 2023 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 15 avril 2022 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 18 du code civil, Mme [T] [E] [M] [X] soutient qu'elle est française par filiation paternelle pour être née le 23 décembre 1961 à La Plata (Argentine), de M. [Z] [B] [M] [F], né le 6 novembre 1936 à Tarija (Bolivie), celui-ci étant le fils de [L] [Y] [D] [P] [G] [K] DE GRANCHANT, né le 27 mars 1906 à Meulan (Seine et Oise, France).

Le ministère public lui oppose les dispositions de l'article 30-3 du code civil selon lesquelles « Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français ».

Il y a lieu de rappeler que la présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l'article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative et que l'application de cet article est en conséquence, subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l'absence de possession d'état de l'intéressé et de son parent français, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger. Il y a également lieu de rappeler que l'article 30-3 interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude.

Le tribunal judiciaire de Paris a retenu que le délai de cinquante ans prévu par l'article 30-3 a débuté le 6 novembre 1936 et est échu le 7 novembre 1986, qu'il n'est pas justifié d'une résidence de l'appelante et de ses ascendants au cours de cette période mais que les conditions d'application de l'article 30-3 ne sont pas réunies, aux motifs que le père de Mme [T] [E] [M] [X], M. [Z] [M] [F], né le 6 novembre 1936 en Bolivie, a été inscrit le 19 février 1953 sur les registres consulaires des Français de l'étranger et que son grand-père, [L] [K] [M], a jouit de la possession d'état de français puisqu'il s'est vu délivrer une carte nationale d'identité française le 19 février 1953 puis un passeport français le 22 décembre 1977.

Mme [T] [E] [M] [X] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle est admise à faire la preuve de sa filiation et ajoute qu'elle produit des attestations et des certificats de formation à la langue française, dont il résulte qu'elle dispose de la possession d'état de française.

Au regard de ces éléments, la cour relève que l'appelante ne soutient pas qu'elle ou son père ont déjà résidé en France.

Quant à la condition relative à la possession d'état, le tribunal judiciaire a retenu à tort que l'inscription de M. [Z] [M] [F] sur les registres consulaires des Français de l'étranger le 8 novembre 1937 permet à lui seul de retenir sa possession d'état de français, en l'absence de tout autre élément à cet égard. Par ailleurs, il importe peu que son père ait été jugé de nationalité française par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 février 2017, dès lors que ce jugement a été prononcé postérieurement à l'expiration du délai de cinquante ans prévu par l'article 30-3 du code civil.

En ce qui la concerne, Mme [T] [E] [M] [X] produit une attestation de sa tante, Mme [T] [N] [O] [F], selon laquelle elle « n'a jamais perdu le rapport à la langue et la culture françaises », une attestation de sa cousine, Mme [T] [W] [I] [O], indiquant qu'elle a toujours tenu à garder ses origines françaises et à les transmettre à ses enfant, et une attestation d'une connaissance, Mme [A] [V], selon laquelle elle a un grand intérêt à renouer avec ses origines françaises. Toutefois, ces attestations sont rédigées en des termes généraux et ne font état d'aucun élément concret, circonstancié et daté. Mme [T] [E] [M] [X] produit également des certificats de suivi de cours de langue française en 2008, 2011, et 2012, qui ont toutefois eu lieu en Bolivie. Or, même appréciés globalement, ces éléments ne démontrent pas l'existence d'une possession d'état de française, en l'absence de démonstration de faits démontrant l'existence d'un rattachement continu et univoque à la France.

Ainsi, comme le soutient le ministère public, les conditions prévues par l'article 30-3 du code civil sont réunies, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la situation du grand-père de Mme [T] [E] [M] [X], contrairement à ce qu'a retenu le jugement, qui est en conséquence infirmé.

Dès lors, Mme [T] [E] [M] [X] n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française. Elle est réputée n'avoir jamais été française en application de l'article 23-6 du code civil, auquel renvoie l'article 30-3.

Mme [T] [E] [M] [X], qui succombe, est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Constate que la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile a été respectée ;

Infirme le jugement ;

Juge que Mme [T] [E] [M] [X], née le 23 décembre 1961 à La Plata (Argentine), n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française ;

Juge que Mme [T] [E] [M] [X] est réputée n'avoir jamais été française ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Condamne Mme [T] [E] [M] [X] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/02953
Date de la décision : 30/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-30;22.02953 ?
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