La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2023 | FRANCE | N°22/02143

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 30 mai 2023, 22/02143


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 30 MAI 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02143 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFEE6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 octobre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/08208





APPELANT



Monsieur [O] [G] né le 15 janvier 1979 à [Localité

3] (Algérie),



[Adresse 1]

46000 AlGÉRIE



représenté par Me Abderrazak BOUDJELTI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0094





INTIME



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la per...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 30 MAI 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02143 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFEE6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 octobre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/08208

APPELANT

Monsieur [O] [G] né le 15 janvier 1979 à [Localité 3] (Algérie),

[Adresse 1]

46000 AlGÉRIE

représenté par Me Abderrazak BOUDJELTI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0094

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté à l'audience par Madame Brigitte RAYNAUD, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 avril 2023, en audience publique, l' avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 28 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, jugé M. [O] [G] irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, jugé que M. [O] [G] est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, dit que l'enregistrement de plein droit de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [O] [G] au consulat général de France à Oran est acquis le 2 février 2017, jugé recevable la demande en annulation de l'enregistrement de cette déclaration présentée à titre reconventionnel par le ministère public, annulé l'enregistrement intervenu le 2 août 2017 de la déclaration de nationalité française souscrite sur le fondement de l'article 21-14 du code civil, par M. [O] [G], au consulat général de France à Oran, jugé que M. [O] [G], se disant né le 15 janvier 1979 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas français, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et l'a condamné aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle ;

Vu la déclaration d'appel en date du 27 janvier 2022 par M. [O] [G] ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 17 août 2022 par M. [O] [G] qui demande à la cour de, en la forme, dire que l'appel est recevable au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, au fond, le dire fondé, en conséquence, infirmer le jugement dont appel, dire qu'il est français par filiation, subsidiairement, dire qu'en tout état de cause, il est français en vertu de la déclaration de nationalité souscrite le 2 février 2017 et devenue définitive après l'expiration du délai de six mois prévu par la loi, ordonner les mentions prévues par l'article 28 du code civil, condamner le ministère public (l'État) à verser à Maître [H] la somme de 2000 € HT soit 2400 € TTC (TVA à 20%) sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle, Me [H] s'engageant à renoncer à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle et mettre les dépens à la charge du ministère public (l'État) ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2022 par le ministère public qui demande à la cour de, à titre principal, juger que M. [O] [G], se disant né le 15 janvier 1979 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas de nationalité française par filiation, infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a dit que l'enregistrement de plein droit de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [O] [G] au consulat général de France à Oran est acquis le 2 février 2017, confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a jugé recevable la demande en annulation de l'enregistrement de cette déclaration présentée à titre reconventionnel par le ministère public, confirmer l'annulation de l'enregistrement intervenu le 2 août 2017 de la déclaration de nationalité française souscrite sur le fondement de l'article 21-14 du code civil par M. [O] [G], au consulat général de France à Oran, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, condamner M. [O] [G] aux entiers dépens, à titre subsidiaire, infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a jugé M. [O] [G] est irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, juger que M. [O] [G] n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a jugé que M. [O] [G] est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner M. [O] [G] aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 12 janvier 2023 ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 10 mars 2022 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 18 du code civil, M. [O] [G], se disant né le 15 janvier 1979 à [Localité 3] (Algérie), soutient qu'il est français par filiation maternelle pour être née de Mme [N] [P], née le 11 octobre 1948 à [Localité 3] (Algérie), elle-même née d'une mère, [Y] [S] [U], née en 1919 à [Localité 3], c'est-à-dire sur le territoire d'un ancien département français d'Algérie. Il indique que sa mère n'a pas perdu la nationalité française à l'indépendance de l'Algérie.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

Sur l'application de l'article 30-3 du code civil

Le ministère public lui oppose toutefois l'application de l'article 30-3 du code civil, moyen qui doit être examiné en premier lieu et non pas à titre subsidiaire contrairement à ce qu'il soutient, dans la mesure où cet article empêche de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation.

Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que l'article 30-3 du code civil dispose que:

« Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français.

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue ».

La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l'article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative.

L'application de l'article 30-3 du code civil est en conséquence, subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l'absence de possession d'état de l'intéressé et de son parent, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger.

L'article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Édictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir (Civ 1ère, 13 juin 2019, pourvoi n°18-16.838).

M. [O] [G] indique que ses parents ont vécu en France en 1975 et produit notamment les pièces suivantes :

- Le justificatif d'une inscription de son père à l'agence nationale français pour l'emploi en février et en juin 1975 ;

- Un courrier de refus, daté du 9 décembre 1997, de renouvellement du titre de séjour de son père en raison de son absence du territoire français ;

- Un courrier de la préfecture de la Seine-et-Marne du 25 septembre 1995 indiquant que sa mère a quitté le territoire français depuis plus de dix ans et que son titre de séjour est périmé depuis le 1er octobre 1986 ;

Or, les deux premières de ces trois pièces concernent le père de M. [O] [G] et non pas sa mère, alors qu'il revendique la nationalité française par filiation maternelle.

La troisième vise la situation de sa mère mais il ne saurait s'en déduire que celle-ci a effectivement eu une résidence en France, la possession d'un titre de séjour, dont une copie n'est au demeurant pas produite, n'impliquant pas nécessairement une telle résidence. De surcroit, M. [O] [G], sur qui pèse la charge de la preuve, ne peut pas utilement se fonder sur les seuls termes d'un courrier d'une préfecture pour prétendre démontrer la réalité d'une résidence de sa mère en France, alors qu'il ne fournit aucun élément concret attestant de la résidence qu'il allègue.

Par ailleurs, M. [O] [G] n'allègue pas que sa mère a bénéficié de la possession d'état de française, même s'il produit le certificat de nationalité française délivré à sa mère le 27 octobre 2014 par le greffier en chef du service de la nationalité de [Localité 4]. Ce certificat ne peut, en tout état de cause, démontrer l'existence d'une possession d'état, dès lors qu'il a été délivré postérieurement à l'expiration du délai de cinquante ans prévu par l'article 30-3 du code civil, étant en outre précisé que ce certificat indique que la mère de M. [O] [G] est domiciliée en Algérie.

Enfin, M. [O] [G] n'allègue pas qu'il a déjà lui-même résidé en France ou qu'il jouit de la possession d'état de Français.

Ainsi, les conditions de l'article 30-3 sont réunies, comme l'a retenu à juste titre le jugement.

Le jugement sera cependant infirmé en ce qu'il a déclaré M. [O] [G] irrecevable à faire la preuve, qu'il a par filiation, la nationalité française, l'article 30-3 du code civil n'édictant pas une fin de non-recevoir.

Il y a lieu de juger que M. [O] [G] n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française, qu'il est réputé l'avoir perdue à la date du 4 juillet 2012 et de constater son extranéité.

Sur la déclaration de nationalité française

M. [O] [G] a souscrit une déclaration de nationalité française au consulat général de France à Oran sur le fondement de l'article 21-14 du code civil, qui dispose que « Les personnes qui ont perdu la nationalité française en application de l'article 23-6 ou à qui a été opposée la fin de non-recevoir prévue par l'article 30-3 peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants. Elles doivent avoir soit conservé ou acquis avec la France des liens manifestes d'ordre culturel, professionnel, économique ou familial, soit effectivement accompli des services militaires dans une unité de l'armée française ou combattu dans les armées françaises ou alliées en temps de guerre. Les conjoints survivants des personnes qui ont effectivement accompli des services militaires dans une unité de l'armée française ou combattu dans les armées françaises ou alliées en temps de guerre peuvent également bénéficier des dispositions du premier alinéa du présent article ».

Le jugement a retenu que son enregistrement de plein droit est acquis le 2 février 2017 mais a jugé recevable la demande en annulation de l'enregistrement de cette déclaration présentée à titre reconventionnel par le ministère public et annulé l'enregistrement.

M. [O] [G] demande toutefois à la cour de juger qu'il est français en vertu de la déclaration de nationalité souscrite le 2 février 2017 et devenue définitive après l'expiration du délai de six mois prévu par l'article 26-3 du code civil, qui énonce que « le ministre ou le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire refuse d'enregistrer les déclarations qui ne satisfont pas aux conditions légales » et que « la décision de refus d'enregistrement doit intervenir six mois au plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la preuve de recevabilité de la déclaration ». Il soutient en effet que la décision de refus d'enregistrement de sa déclaration est datée du 17 août 2017 et est donc postérieure à l'expiration du délai de six mois prévu par cet article.

Le jugement a retenu à juste titre que M. [O] [G] a produit, contrairement à ce que soutient le ministère public, le récépissé du dépôt, le 2 février 2017, de son dossier de déclaration de nationalité française, que le refus d'enregistrement lui a été notifié le 17 août 2017, soit au-delà du délai de six mois prévu par l'article 26-3, et que l'enregistrement est donc de plein droit acquis.

Néanmoins, le jugement a également retenu à juste titre, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, que le ministère public est recevable à contester l'enregistrement de la déclaration puisqu'il a soulevé son moyen de contestation par des conclusions le 28 février 2019 soit dans le délai de deux ans prévu par l'article 26-4 du code civil dans l'hypothèse où les conditions légales ne sont pas satisfaites, ce que M. [O] [G] ne conteste pas.

Le jugement a également prononcé, à juste titre, l'annulation de l'enregistrement. L'article 21-14 du code civil, précité, exige en effet que l'intéressé ait « conservé ou acquis avec la France des liens manifestes d'ordre culturel, professionnel, économique ou familial ». Or, M. [O] [G] n'allègue ni ne prouve remplir ces conditions.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a annulé l'enregistrement de la déclaration souscrite par M. [O] [G].

Sur les dépens

M. [O] [G], qui succombe, est condamné aux dépens.

Sa demande formée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle est par ailleurs rejetée.

PAR CES MOTIFS

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a jugé M. [O] [G] irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française,

L'infirme de ce chef,

Statuant à nouveau :

Dit que M. [O] [G], se disant né le 15 janvier 1979 à [Localité 3] (Algérie), n'est pas admis à faire la preuve qu'il, par filiation, la nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Rejette la demande de M. [O] [G] au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Condamne M. [O] [G] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/02143
Date de la décision : 30/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-30;22.02143 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award