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25/05/2023 | FRANCE | N°21/08110

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 25 mai 2023, 21/08110


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 25 MAI 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08110 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSDM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 novembre 2020 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-19-014706





APPELANTE



La société BOURSORAMA, société anonyme prise en la personne de ses rep

résentants légaux y domiciliés

N° SIRET : 351 058 151 00744

[Adresse 2]

[Localité 5]



représentée par Me Thierry GICQUEAU de l'ASSOCIATION GICQUEAU -VERGNE, avocat au barreau de PARIS,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 25 MAI 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08110 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSDM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 novembre 2020 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-19-014706

APPELANTE

La société BOURSORAMA, société anonyme prise en la personne de ses représentants légaux y domiciliés

N° SIRET : 351 058 151 00744

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Thierry GICQUEAU de l'ASSOCIATION GICQUEAU -VERGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : R147

INTIMÉE

Madame [X] [P]

née le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 6] (78)

[Adresse 3]

[Localité 4]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère chargée du rapport

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 9 février 2017, Mme [X] [P] a ouvert un compte de dépôt auprès de la société Boursorama.

Le 7 novembre 2017, la société Boursorama a consenti à Mme [P] un crédit personnel d'un montant de 5 000 euros remboursable au taux de 1,932 % en 48 mensualités d'un montant de 112,47 euros, assurance comprise.

Son compte restant débiteur, Mme [P] a été, par courrier du 13 avril 2018, mise en demeure de régulariser la situation de son compte débiteur.

En l'absence de tout paiement, la banque s'est prévalu, par lettre recommandée du 27 avril 2018, de la déchéance du terme du prêt personnel.

Saisi le 9 octobre 2019 par la banque d'une demande tendant principalement à la condamnation de l'emprunteuse au paiement d'une somme de 5 220,95 euros au titre du prêt et 1 623,21 au titre du solde débiteur de son compte, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement rendu par défaut le 13 novembre 2020 auquel il convient de se reporter, a débouté la banque de l'intégralité de ses demandes.

Le tribunal a principalement retenu que la banque ne justifiait pas d'une signature électronique sécurisée ni de la teneur des contrats allégués.

Par une déclaration en date du 27 avril 2021, la société Boursorama a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 30 juin 2021, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de condamner l'emprunteuse à lui payer la somme de 5 220,95 euros en principal avec intérêts au taux de 1,93 % à compter du 27 avril 2018 et la somme de 1 623,21 en principal avec intérêts de retard à taux légal à compter du 13 avril 2018,

- de condamner l'emprunteuse au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient aux visas des articles 15 et 16 du code de procédure civile que le premier juge a soulevé d'office le moyen sans l'inviter au préalable à présenter ses observations sur ce point, au mépris du principe du contradictoire et alors qu'elle était en possession des éléments permettant de justifier la signature et la teneur des contrats allégués.

Par arrêt avant dire droit du 23 février 2023, la cour de céans a soulevé d'office le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts, ordonné la réouverture des débats sur ce moyen soulevé d'office, invité la société Boursorama à faire valoir ses observations et à produire les pièces susvisées, renvoyé l'affaire à l'audience du 22 mars 2023 à 14'h pour plaider et réservé les frais irrépétibles et les dépens.

Dans ses écritures remises le 10 mars 2023, la société Boursorama indique qu'elle produit l'intégralité des relevés de compte à partir de l'ouverture dudit compte mais qu'elle n'a plus en sa possession la FIPEN qui avait été remise à Mme [P] lors de l'ouverture du compte. Elle ajoute que le contrat atteste de cette remise en page 4. Elle estime avoir respecté ses obligations précontractuelles et n'encourir aucune déchéance du droit aux intérêts.

La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées suivant acte d'huissier remis le 5 juillet 2021 à étude à l'emprunteuse qui n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 10 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Il n'y a pas lieu de répondre aux moyens tirés du non-respect du contradictoire par le premier juge, l'appelant n'ayant formulé aucune demande à ce titre.

Les contrats litigieux sont soumis aux dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Sur la preuve de l'existence du contrat de compte de dépôt et du contrat de crédit

L'appelante admet que l'offre de prêt qu'elle a consenti à Mme [P] est une offre de prêt électronique qui ne comporte pas de signature graphique de l'emprunteur.

Aux termes de l'article 1366 du code civil dispose que : « L'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'état l'intégrité ».

L'article 1367 alinéa 2 du même code dispose que « lorsqu'elle est électronique, la signature consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garanti, dans des conditions fixées par décret en conseil d'État ».

L'article premier du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017, relatif à la signature électronique, énonce que la fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en 'uvre une signature électronique qualifiée, et que constitue « une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement dont il s'agit et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié, répondant aux exigences de l'article 29 du règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement ».

En l'espèce, l'appelante produit aux débats les attestations de qualification et de conformité l'enveloppe et les fichiers de preuve concernant le contrat litigieux, créé par la société DocuSign, prestataire de service de certification électronique ainsi que les captures d'écran correspondant aux signatures figurant sur le contrat de prêt.

Aux termes de du document remis à Mme [P], cet organisme de certification atteste du consentement du signataire ayant apposé sa signature électronique sur le (ou les) documents (s) contenu (s) dans le présent fichier de preuve.

Plus particulièrement, il atteste que le 9 février 2017 à 13h51, Mme [P] a signé le contrat d'ouverture de compte de dépôt et détaille le contenu, notamment la transaction n° W0BOURSO-SERVID01-7268146636-20170209135040- HKN6V9QG6TSWDC15 et que le 7 novembre 2017 à 18h42, elle a signé le contrat de crédit portant le numéro de transaction suivant': W0BOURSO-SERVID01- 8924612646-20171107184131-ZRVKZT6WJBB7G469.

Ainsi, l'appelante démontre que le contrat a bien été signé de façon électronique, via un code transmis à Mme [P], dont l'adresse mail est précisée qui, pour signer électroniquement, a reproduit ce code sur son ordinateur, réalisant ainsi une signature électronique par un mode sécurisé attesté par une société de services de certification électronique.

D'ailleurs, en annexe technique, cet organisme indique que « Le fichier de traçabilité résultant du traitement des opérations effectuées pour l'ensemble des transactions constitutives du fichier de preuve. Son contenu au haut format XML est destiné à être consulté par un expert en informatique dans le cadre d'un éventuel audit ».

Ainsi, ces pièces établissent que la signature électronique concerne bien Mme [P] qui a d'ailleurs bénéficié des fonds qui lui ont été débloqués le 14 novembre 2017.

Seules deux échéances ont été remboursées en décembre 2017 et janvier 2018.

En définitive, l'appelante produit des éléments extrinsèques justifiant de la réalité du contrat, et le jugement est donc infirmé en toutes ses dispositions.

Sur la recevabilité de la demande en paiement

Aux termes de l'article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur, doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Le prêteur dispose donc, à peine d'irrecevabilité, d'un délai de deux ans pour agir contre l'emprunteur en cas de défaillance de celui-ci dans l'exécution de ses obligations.

En application de l'article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d'une demande en paiement de vérifier d'office, même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur, que l'action du prêteur s'inscrit bien dans ce délai.

Il résulte de l'historique de compte que Mme [P] a cessé de payer les mensualités de remboursement à compter du mois de février 2018 et son compte est devenu débiteur à compter du 3 janvier 2018 avant d'être clôturé le 18 avril 2018. En l'assignant par acte du 9 octobre 2019, l'appelante a agi dans le délai susvisé et son action est par conséquent recevable.

Sur la demande en paiement

À l'appui de sa demande, l'appelante produit aux débats le contrat d'ouverture de compte avec le fichier de preuve identifié par la société DocuSign en sa qualité de prestataire de services de certification électronique sous la référence de dossier n° W0BOURSO-SERVID01-7268146636-20170209135040-HKN6V9QG6TSWDC15, le formulaire d'auto-certification de résidence fiscale, le contrat de crédit avec le fichier de preuve identifié par la société DocuSign en sa qualité de prestataire de services de certification électronique sous la référence de dossier n° W0BOURSO-SERVID01-8924612646-20171107184131-ZRVKZT6WJBB7G469, la fiche dialogue, la notice d'information sur l'assurance, la fiche conseil en assurance, le justificatif de la consultation du fichier des incidents de remboursement de crédits aux particuliers, l'historique de compte, le relevé du compte de dépôt, la lettre de mise en demeure préalable du 13 avril 2018, la lettre de déchéance du terme et de mise en demeure du 27 avril 2018 et la relance du 21 mai 2018, les justificatifs de revenus et le décompte de créance.

Elle se prévaut de la déchéance du terme du contrat au 27 avril 2018. Elle produit une lettre recommandée de mise en demeure préalable du 13 avril 2018 exigeant le règlement sous huit jours de la somme de 1 612,24 euros au titre du solde débiteur de son compte, sous peine de déchéance du terme du contrat puis d'une lettre recommandée en date du 27 avril 2018 de notification de la déchéance du terme et de mise en demeure du règlement du solde du contrat et du compte courant.

C'est donc de manière légitime que la société Boursorama se prévaut de l'exigibilité des sommes dues.

La cour a soulevé d'office un moyen susceptible d'entraîner la déchéance du droit aux intérêts.

La société Boursorama ne produit pas la FIPEN malgré la demande expresse de la cour.

Or il résulte de l'article L. 312-12 du code de la consommation que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

Cette fiche d'informations précontractuelles est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 341-1), étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'information.

À cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle le prêteur attire l'attention de l'emprunteur sur la fiche d'information précontractuelle remise afin d'en prendre connaissance, ne permet de démontrer l'exécution par le prêteur de son obligation d'information que si la fiche elle-même est produite ce qui n'est pas le cas.

Les éléments d'information donnés dans le corps du contrat ne sauraient se substituer à cette fiche qui doit être fournie, comprendre les informations et être présentée conformément aux prescriptions du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 conformément à l'annexe de l'article R. 312-5 du code de la consommation. Cette présentation normalisée est en effet destinée à permettre une comparaison plus aisée des contrats ce que ne permettent pas les informations présentées de manière cursive dans le contrat.

Faute de produire cette FIPEN, la société Boursorama doit être déchue de son droit aux intérêts contractuels.

Dès lors il ne doit être fait droit à sa demande qu'à hauteur de la somme de 4 775,06 euros représentant le capital diminué des deux échéances payées.

Compte tenu du taux contractuel (1,932 %), le seul moyen d'assurer l'effectivité de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts est de priver la banque de tout intérêt même au taux légal lequel serait d'un montant supérieur au taux contractuel.

La déchéance du droit aux intérêts ne permet pas de faire droit à la demande d'indemnité de résiliation.

Concernant le solde débiteur du compte, sa créance s'élève à la somme de 1 623,21 euros outre les intérêts au taux légal.

Sur les autres demandes

Il convient de condamner Mme [P] qui succombe aux dépens de première instance. En revanche rien ne justifie de la condamner aux dépens d'appel, alors que n'ayant jamais été représentée ni en première instance, ni en appel, elle n'a jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l'a fait. La société Boursorama conservera donc la charge de ses dépens d'appel ainsi que de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société Boursorama recevable en sa demande ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels au titre du prêt personnel ;

Condamne Mme [X] [P] à payer à la société Boursorama la somme de 4 775,06 euros au titre du solde du prêt ;

Dit que cette somme ne portera pas intérêts même au taux légal ;

Condamne Mme [X] [P] à payer à la société Boursorama la somme de 1 623,21 euros outre les intérêts au taux légal au titre du solde débiteur de son compte courant ;

Condamne Mme [X] [P] aux dépens de première instance ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Boursorama ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/08110
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.08110 ?
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