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23/05/2023 | FRANCE | N°22/11893

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 23 mai 2023, 22/11893


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 23 MAI 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11893 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGA37



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 mai 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 20/32945





APPELANTE



Madame [E] [O]



[Adresse 1]

[Locali

té 4]



représentée par Me Pauline BLET, avocat au barreau de PARIS



(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2021/007309 du 06/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnell...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 23 MAI 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11893 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGA37

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 mai 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 20/32945

APPELANTE

Madame [E] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Pauline BLET, avocat au barreau de PARIS

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2021/007309 du 06/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMES

Monsieur [H] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me Sandrine FARRUGIA, avocat au barreau de PARIS

Madame [F], [M] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Sandrine FARRUGIA, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2023, en chambre du conseil, les avocats des parties et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service civil

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté à l'audience par Madame [X] [G], substitut général

ARRET :- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Le 12 décembre 1992, Mme [E] [O] et M. [V] [Y] ont contracté mariage devant l'officier d'état civil de la mairie de [Localité 6] (Yvelines).

[V] [Y] est décédé le 14 juin 2019 à [Localité 6].

Par acte d'huissier de justice signifié à Mme [E] [O] le 7 février 2020, M. [H] [Y] et Mme [F] [Y], parents de [V] [Y], agissant en qualité d'ayant droit, ont saisi le tribunal en nullité de l'union précitée. Ils estiment que Mme [E] [O] a, de mauvaise foi, contracté mariage avec [V] [Y] exclusivement en vue d'acquérir la nationalité française.

Par jugement rendu le 10 mai 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

- Déclaré l'action de M. [H] [T] [A] [Y] et Mme [F] [M] [W] épouse [Y] recevable,

- Déclaré nul et de nul effet le mariage célébré à [Localité 7] (Yvelines) le 12 décembre 1992 entre [V] [Z] [Y], né le 9 janvier 1963 à [Localité 8] (Vienne) de nationalité française et Mme [E] [O], née le 23 janvier 1974 à [Localité 9] (Algérie),

- Ordonné la mention de cette décision en marge :

-De l'acte de mariage n°83/83 dressé le 12 décembre 1992 sur les registres d'état civil de la mairie de [Localité 6] (Yvelines),

-De l'acte de naissance de [V] [Z] [Y], né le 9 janvier 1963 à [Localité 8] (Vienne), dressé sur les registres de cette mairie sous le n°000068/1963 ;

- Dit n'y avoir lieu à faire bénéficier Mme [E] [O] des dispositions de l'article 201 du code civil sur le mariage putatif,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamné Mme [E] [O] aux dépens.

Le 24 juin 2022, Mme [E] [O] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions notifiées le 10 février 2023, Mme [E] [O] demande à la cour de :

- Constater que [V] [Y] et Mme [E] [O] ont valablement contracté mariage le 12 décembre 1992 par devant l'officier de l'état civil de la mairie de [Localité 6] ;

- Condamner solidairement M. [H] [Y] et Mme [F] [Y] à verser à Mme [E] [O] épouse [Y] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral du fait de leurs agissements fautifs ;

- Condamner solidairement M. [H] [Y] et Mme [F] [Y] à verser à Mme [E] [O] épouse [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Par dernières conclusions notifiées le 14 février 2023, M. [H] [T] [A] [Y] et Mme [F] [M] [W] épouse [Y] demandent à la cour de :

- Recevoir M. et Mme [Y] en leur qualité d'ayant-droit du défunt et fils M. [V] [Y] en leurs demandes, fins et conclusions et l'y disant bien fondée,

- Juger que Mme [O] a, de mauvaise foi, contracté mariage avec M. [V] [Y], en vue exclusivement d'acquérir la nationalité française,

- Confirmer le jugement du 10 mai 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

- Prononcé la nullité du mariage que Mme [E] [O] a contracté le 12 décembre 1992 avec M. [V] [Y] pour défaut de consentement de l'épouse,

- Ordonné la mention de la nullité sur les registres de l'état civil de la ville où a été célébré leur mariage ainsi que sur leurs actes de naissance respectifs, de même que sur tous autres actes prévus par la loi,

- Dit que le mariage sera sans effet putatif à l'égard des époux et spécialement à l'égard de Mme [O] qui a contracté mariage de mauvaise foi,

En toute hypothèse,

- Condamner Mme [E] [O] à verser aux ayants-droits la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure,

- Dire que les dépens pourront être recouvrés par Me Dimitri Debord dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution.

Par avis en date 19 janvier 2023, le ministère public conclut à l'infirmation du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 10 mai 2022 ayant annulé le mariage de M. [V] [Y] et de Mme [E] [O] célébré le 12 décembre 1992 à la mairie des Clayes-sous-Bois.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 2 mars 2023, la clôture a été prononcée.

MOTIFS

Ni la recevabilité de l'action des époux [Y] ni la loi applicable à l'appréciation du défaut de consentement de Mme [O] résultant de loi personnelle algérienne de l'épouse ne sont critiqués par les parties. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ces points.

Sur l'intention matrimoniale de l'épouse

Moyens des parties

Mme [E] [O] rappelle que pendant 28 ans, personne n'a sollicité l'annulation du mariage et que l'action des intimés intervenant 28 ans après le mariage et après le décès de leur fils témoigne manifestement de leur mauvaise foi. Elle soutient que la publicité de son mariage avec [V] [Y] ne peut être valablement remise en cause car la publication des bans a parfaitement été respectée, et l'échange des consentements a eu lieu devant l'officier de l'état civil en présence de deux témoins.

Elle estime qu'il ne peut lui être valablement reproché de ne plus disposer de l'ensemble des photos du mariage et de sa vie commune avec son époux, en raison de l'ancienneté des faits. De plus, elle considère que l'attestation de [V] [Y] de 2014 prouve que ce dernier continuait à entretenir des liens profonds avec elle, plus de 22 ans après leur mariage, et qu'il ne souhaitait pas divorcer.

Par ailleurs, l'appelante rappelle qu'elle a souscrit la déclaration de nationalité française près de 12 ans après la célébration du mariage et qu'elle n'a pas interjeté appel du jugement rendu le 19 septembre 2008 lui ayant retiré la nationalité française. Elle estime que ces éléments permettent d'affirmer que son intention en se mariant ne pouvait pas être d'obtenir la nationalité française.

Les époux [Y] estiment que Mme [E] [O] et [V] [Y] n'ont jamais entretenu de relation maritale ni une quelconque vie commune, que [V] [Y] était seul titulaire du contrat de location de son logement, que Mme [O] n'a jamais vécu à son domicile, qu'elle a donné naissance à [P] [K] [L] le 1er septembre 1996, dont le père est M. [L], le témoin du mariage célébré en 1992.

Les époux [Y] font valoir que la célébration du mariage n'a été qu'un simulacre et que le mariage était fictif en raison d'une réelle absence de consentement de Mme [E] [O] à toute vie maritale avec M. [V] [Y].

Invoquant les articles 146 et 202-1 du code civil, le ministère public rappelle qu'il appartient aux époux [Y], qui soutiennent que Mme [E] [O] a détourné l'institution du mariage en cherchant uniquement à obtenir la régularisation de sa situation administrative sur le territoire français, de démontrer le défaut d'intention matrimoniale de Mme [E] [O] au jour de la célébration du mariage, ce qu'ils échouent à faire. Le ministère public estime que l'attestation du bailleur de [V] [Y] qui indique que ce dernier était le seul titulaire du contrat de location du 6 mai 1989 au 26 juillet 2019 n'est pas suffisante à démontrer l'absence de communauté de vie affective et matérielle de [V] [Y] et Mme [O] et que les éléments produits par les intimés ne permettent pas de démontrer l'absence de communauté de vie des époux durant les quatre premières années de leur mariage (de 1992 à 1996).

Il ajoute que le jugement du 19 septembre 2008, par lequel le tribunal judiciaire de Paris a annulé l'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite par l'intéressée, ne démontre en rien l'absence de communauté de vie entre les époux antérieurement à la séparation survenue en 1996 et depuis la célébration du mariage le 14 juin 1992. En effet, le ministère public estime qu'il ne peut être déduit de la déclaration d'acquisition de la nationalité française souscrite par l'appelante, soit douze ans après la célébration du mariage, ni du jugement ayant annulé l'enregistrement de cette déclaration, que l'appelante avait contracté mariage en vue d'atteindre un but étranger à la finalité du mariage.

Réponse de la cour

Aux termes des articles 32 et 33 du code de la famille algérien, le mariage est déclaré nul si le consentement est vicié.

Il appartient aux époux [Y], qui soutiennent que Mme [E] [O] a contracté mariage avec [V] [Y] dans l'unique but d'obtenir un résultat étranger à l'union matrimoniale, de démontrer le défaut d'intention matrimoniale de Mme [E] [O] au jour de la célébration de l'union, le 12 décembre 1992.

Comme l'a justement retenu le jugement de première instance, les éléments, qui établissent l'absence de vie commune à compter de 1996, ne suffisent pas en eux-mêmes à démontrer le défaut d'intention matrimoniale de l'épouse au jour de la célébration de l'union, le 12 décembre 1992. De même, il ne peut être tiré aucune conséquence de l'absence de photographies du mariage et témoignant de la vie commune.

Il ressort au contraire des éléments produits que Mme [E] [O] et [V] [Y] ont partagé une vie commune entre 1992 et 1996.

Par ailleurs, le moyen tiré de la supposée volonté de Mme [E] [O] d'obtenir la nationalité française par le mariage n'est pas pertinent. D'une part, celle-ci a souscrit une déclaration de nationalité française près de douze ans après la célébration du mariage. D'autre part, elle n'a pas interjeté appel du jugement rendu le 19 septembre 2008 lui ayant retiré la nationalité française ce qui atteste de sa relative indifférence à obtenir la nationalité française

De même, la naissance de deux enfants en 1996 et 1998, issus de la relation entre Mme [E] [O] et M. [L] ne permet ni d'établir l'absence de consentement de l'appelante au jour du mariage, ni l'absence de vie commune durant les quatre premières années du mariage.

Les époux [Y], sur lesquels repose la charge de la preuve, ne produisent aucun élément preuve permettant de considérer que Mme [E] [O] n'avait pas d'intention matrimoniale au jour du mariage. Les pièces produites permettent seulement d'établir la séparation du couple à partir de 1996.

Ainsi, les époux [H] et [F] [Y] échouent à rapporter la preuve que Mme [E] [O] était dépourvue d'intention matrimoniale.

Leur demande est rejetée et le jugement est infirmé.

Sur les demandes indemnitaires de Mme [E] [O]

Moyens des parties

L'appelante estime que la procédure est douloureuse et lui cause incontestablement un préjudice moral, imputable aux intimés. Elle estime que les intimés font preuve de mauvaise foi.

Réponse de la Cour

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Mme [E] [O], ne rapportant aucun élément permettant d'établir qu'elle aurait souffert d'un préjudice moral, est déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Mme [F] [Y] et M. [H] [Y], succombant à l'instance, sont condamnés aux dépens et à verser in solidum à Mme [E] [O] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau

Rejette la demande d'annulation de mariage célébré entre Mme [E] [O] et [V] [Y] formée par M. [H] [Y] et Mme [F] [Y],

Rejette la demande de dommages-intérêts de Mme [E] [O],

Condamne M. [H] [Y] et Mme [F] [Y] à payer à Mme [E] [O] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] [Y] et Mme [F] [Y] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/11893
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;22.11893 ?
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