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23/05/2023 | FRANCE | N°22/01037

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 23 mai 2023, 22/01037


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 23 MAI 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01037 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFA3B



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/03058





APPELANT



Monsieur [H] [Y] né le 4 mai 1998 à [Localité 9] (Mal

i),



[Adresse 3]

[Localité 6]



représenté par Me Jérôme GUICHERD de la SCP FRENOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS





INTIME



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la person...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 23 MAI 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01037 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFA3B

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/03058

APPELANT

Monsieur [H] [Y] né le 4 mai 1998 à [Localité 9] (Mali),

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me Jérôme GUICHERD de la SCP FRENOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 2]

[Localité 5]

représenté à l'audience par Madame M.-D. PERRIN, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 mars 2023, en audience publique, l' avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 17 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, débouté M. [H] [Y] de l'ensemble de ses demandes, jugé que M. [H] [Y], se disant né le 4 mai 1998 à [Localité 9] (Mali), n'est pas français, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, débouté M. [H] [Y] de sa demande de délivrance d'un certificat de nationalité française sous astreinte, débouté M. [H] [Y] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamné aux dépens et rejeté la demande d'exécution provisoire ;

Vu la déclaration d'appel en date du 7 janvier 2022 de M. [H] [Y] ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 29 décembre 2022 par M. [H] [Y] qui demande à la cour de le déclarer recevable et bien-fondé en ses demandes, infirmer le jugement du 17 juin 2021 du tribunal judiciaire de Paris, juger que M. [H] [Y], né le 4 mai 1998 à [Localité 9] (Mali), est de nationalité française et déclarer valide son certificat de nationalité française, ainsi que condamner l'État à lui verser une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 31 janvier 2023 par le ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement de première instance, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner M. [H] [Y] aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 9 mars 2023 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 25 mai 2022 par le ministère de la Justice.

 

M. [H] [Y] soutient qu'il est français par filiation paternelle sur le fondement de l'article 18 du code civil, pour être né le 4 mai 1998 à [Localité 9] (Mali), de [T] [Y], né le 22 mars 1971 à [Localité 8] (Mali), qui tiendrait sa nationalité française de [X] [Y], né en 1919 à [Localité 10] (ancien Soudan français), ayant conservé sa qualité de Français lors de l'indépendance de l'État malien pour avoir fixé son domicile en France métropolitaine à cette époque.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

En l'espèce, il résulte du courrier adressé à l'intéressé par le ministère de l'intérieur le 8 novembre 2019 (pièce n°2 de l'appelant) que M. [H] [Y] s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française du pôle de la nationalité française du tribunal d'instance de Paris le 22 mai 2019.

Ainsi, conformément à l'article 30 du code civil, n'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, M. [H] [Y] supporte la charge de la preuve.

Au sens de l'article 17-1 du code civil, au vu de sa date de naissance revendiquée, la situation de l'intéressé relève de l'article 18 du code civil, en vertu duquel « Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ».

Il appartient donc notamment à M. [H] [Y] de démontrer la nationalité française de [T] [Y] au jour de sa naissance, ainsi que l'existence d'un lien de filiation légalement établi à l'égard de celui-ci durant sa minorité conformément à l'article 20-1 du code civil.

L'intéressé soutient en particulier que son père revendiqué [T] [Y] était français au moment de sa naissance pour être né de [X] [Y]. En effet ce dernier, né en 1919 à [Localité 10], français antérieurement à l'accession à l'indépendance de l'État malien, aurait conservé la nationalité française après l'indépendance en sa qualité d'originaire du Mali (ex-Soudan français) ayant établi son domicile hors des États de la Communauté lorsque ceux-ci sont devenus indépendants.

Afin d'en rapporter la preuve, il verse aux débats notamment :

- la photocopie du certificat de nationalité française (pièce n°9) daté du 9 octobre 1972 de [X] [Y], indiquant que celui-ci demeure à [Localité 13], qu'il est français « en application de l'article 8-1° et 2° du code civil et 1er du décret du 7 février 1897 comme étant né en territoire français d'un père originaire du même territoire », ayant en outre conservé sa nationalité française pour avoir été domicilié en France métropolitaine au 20 juin 1960, date à laquelle « le territoire dont il est originaire a accédé à l'indépendance », et ce notamment au visa d'un « certificat de travail de Sté Citroën [Adresse 1] à compter du 17.6.1960 au 29.9.1960 concernant l'intéressé » et d'une « Carte d'immatriculation à la Caisse Régionale de Sécurité Sociale de la Région Parisienne à compter du 26 avril 1957 » ;

- la photocopie du certificat de nationalité française délivré à [T] [Y] le 10 mars 2003, le disant français comme étant l'enfant de [X] [Y], qui a conservé la nationalité française pour avoir fixé son domicile « hors du territoire d'outre-mer » au moment de l'accession à l'indépendance du Mali (pièce n°11) ;

- la photocopie d'une copie délivrée le 27 juillet 2018 à [Localité 11] de l'acte de naissance de [T] [Y] tel que transcrit dans les registres français de l'état civil, indiquant que ce dernier est né le 22 mars 1971 à [Localité 8] de [X] [Y], né en 1919 à [Localité 10] (pièce n°12) ;

- une copie littérale (pièce n°23) de l'acte de naissance malien n°027 de [X] [Y], délivrée le 16 décembre 2003, indiquant que celui-ci est né en 1919 à [Localité 10] de [E] [Y] et de [C] [Y], qui y étaient domiciliés ;

- la photocopie (pièce n°7) d'une copie littérale, délivrée par un officier d'état civil du centre principal de [Localité 7] (cercle de Kayes, Mali), de l'acte de mariage n°93 relatif à l'union entre [X] [Y], né en 1919 à [Localité 10], et [U] [L], célébrée le 18 avril 1969 et déclarée le 13 avril de la même année ;

- la photocopie d'un extrait (pièce n°6) dudit acte de mariage n°93 comportant les mêmes mentions ;

- la photocopie d'une carte nationale d'identité française (pièce n°8) établie au nom de [X] [Y] le 18 octobre 1972, indiquant qu'il est né en 1919 à [Localité 10] et situant son domicile au « [Adresse 4] » ;

- la photocopie d'un passeport français délivré à [X] [Y] le 30 octobre 1972, où figure l'indication des mêmes domicile, année et lieu de naissance (pièce n°24) ;

-

la photocopie de la dernière page d'un passeport (pièce n°25), où figure un seul cachet comportant la mention « Dakar, 2 juillet 1974, arrivée » ;

- la photocopie d'un certificat établi à [Localité 12] (Hauts-de Seine) le 1er août 1997 par la direction des ressources humaines de l'entreprise automobile Citroën (pièce n°10) indiquant que [X] [Y] a fait partie du personnel de l'entreprise en qualité d'ouvrier du 17 juin au 29 septembre 1960.

Au vu de ces pièces, force est de constater que M. [H] [Y] échoue à établir que [X] [Y] aurait conservé la nationalité française à l'indépendance du Mali.

En premier lieu, il est rappelé que contrairement à ce que soutient l'appelant, les certificats de nationalité française délivrés à [X] [Y] et à [T] [Y], respectivement grand-père et père revendiqués de l'intéressé, n'ont pas d'effet quant à la charge de la preuve qui repose sur ce dernier.

En effet, aux termes de l'article 30 du code civil, seul le titulaire du certificat de nationalité peut s'en prévaloir, cette limitation procédant de la nature même du certificat, qui ne constitue pas un titre de nationalité mais un document destiné à faciliter la preuve de la nationalité française, dont la délivrance dépend des éléments produits par le requérant à l'appui de sa demande et de l'examen par un agent administratif de sa situation individuelle au regard du droit de la nationalité.

Ces certificats, à l'instar des documents qui y sont visés sans avoir été versés devant la cour, sont donc inopérants à démontrer la conservation de la nationalité française par [X] [Y] dans la présente instance.

Le même constat vaut pour la carte d'identité française et le passeport français de [X] [Y], qui, s'ils peuvent le cas échéant représenter des éléments de possession d'état de Français au bénéfice de leur titulaire, ne constituent pas des titres de nationalité française et ne sauraient être invoqués en tant qu'éléments de preuve de celle-ci.

En second lieu, aux termes de l'article 32 du code civil et de l'article 13, alinéa 2, du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi n° 60-752 du 28 août 1960, une personne originaire de l'ancien Soudan français n'a pu conserver de plein droit la nationalité française lors de l'accession de ce territoire à l'indépendance le 20 juin 1960 qu'en ayant à cette date fixé son domicile hors de ce territoire. Et, le domicile, au sens du droit de la nationalité, s'entend de la résidence effective présentant un caractère stable, permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations de l'intéressé.

Or, en l'espèce, M. [H] [Y] ne démontre pas qu'au 20 juin 1960, [X] [Y] avait fixé en France métropolitaine son domicile de nationalité.

D'une part en effet, l'indication d'une domiciliation en France sur le certificat de nationalité française, le passeport ainsi que la carte nationale d'identité délivrés à [X] [Y] sont inopérants à cet effet, dès lors que ces documents ont été établis dans l'espace de moins d'un mois en octobre 1972, et ne peuvent donc en aucun cas justifier du lieu où [X] [Y] était domicilié douze ans auparavant, le 20 juin 1960.

Il en va de même de la présence d'un cachet unique signalant une arrivée à Dakar le 2 juillet 1974 sur la photocopie de deux feuillets de passeport versée par l'intéressé en pièce n°25.

En effet, le nom du titulaire du passeport reproduit ne figure pas sur cette pièce, de sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier si ce document a effectivement appartenu à [X] [Y]. En outre, serait-il établi que ce dernier en était le titulaire, le cachet présent sur le passeport fait simplement état d'un voyage vers le Sénégal entrepris quatorze ans après l'indépendance de cet État, sans fournir aucune information sur l'existence et le nombre des autres déplacements effectués par [X] [Y] entre 1960 et 1974 ni sur le lieu où celui-ci a fixé son domicile pendant ce laps de temps.

D'autre part, le seul certificat d'emploi émanant de l'entreprise Citröen pour la période du 17 juin au 29 septembre 1960 est insuffisant à établir le domicile de nationalité de [X] [Y].

En effet, si ce document atteste du fait que [X] [Y] a travaillé en France métropolitaine pendant environ quatre mois en 1960, il ne saurait établir à lui seul que sa présence en France à cette époque présentait le caractère d'une résidence stable et permanente, coïncidant notamment avec le centre de ses attaches familiales, et ce d'autant plus qu'au vu des pièces n°6, n°7 et n°12 de l'appelant, [X] [Y] a contracté mariage avec [U] [L] sur le territoire malien seulement quelques années après, le 13 avril 1969, son enfant revendiqué [T] [Y] étant ensuite né sur ce même territoire le 22 mars 1971.

L'appelant ne revendiquant la conservation de la nationalité française par [X] [Y] à aucun autre titre, il échoue donc à démontrer que ce dernier ait pu transmettre cette nationalité à [T] [Y], père prétendu de l'intéressé.

M. [H] [Y] ne prouve donc pas qu'il est français par filiation paternelle.

N'invoquant sa nationalité française sur aucun autre fondement, il convient de constater son extranéité. Le jugement est confirmé et ses autres demandes sont rejetées.

M. [H] [Y], succombant à l'instance, est condamné aux dépens.

La demande de l'appelant formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS

Constate l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Rejette les autres demandes de M. [H] [Y].

Condamne M. [H] [Y] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/01037
Date de la décision : 23/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-23;22.01037 ?
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