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09/05/2023 | FRANCE | N°22/09723

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 09 mai 2023, 22/09723


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 09 MAI 2023



(n ° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09723 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF27B



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 janvier 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Meaux - RG n° 21/03682





APPELANTE



Madame [C] [E] [V]



[Adresse 2]
r>[Localité 4]



représentée par Me Laurence MAYER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2198





INTIME



Monsieur [J] [D]



Chez M [O] [Adresse 1]

[Localité 3]



représenté par Me Christi...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 09 MAI 2023

(n ° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/09723 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF27B

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 janvier 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Meaux - RG n° 21/03682

APPELANTE

Madame [C] [E] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Laurence MAYER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2198

INTIME

Monsieur [J] [D]

Chez M [O] [Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Christina DIRAKIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1872

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2023, en chambre du conseil, les avocats des parties et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre,

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL

représenté à l'audience par Mme BOUCHET-GENTON, subsitutt général

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Mme [V] et M. [N] se sont mariés le 4 mars 2020 au Sri Lanka à Colombo.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Par signification du 18 août 2021 à sa dernière adresse connue et du 3 septembre 2021 sur son lieu de travail, Mme [V] a fait assigner M. [N] en annulation de leur mariage.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 14 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande de Mme [C] [V] d'annulation de son mariage avec M. [J] [N], rejeté les demandes de dommages et intérêts de Mme [C] [V] au titre de préjudices financier, moral et au titre de la mauvaise foi contractuelle alléguée de M. [J] [N], rejeté la demande de Mme [C] [V] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, condamné Mme [C] [V] aux dépens d'instance et rappelé l'exécution provisoire du présent jugement.

Mme [V] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel du 17 mai 2022.

Par ses conclusions notifiées le 22 juin 2022, Mme [V] demande à la cour de :

' Déclarer recevable et bien fondé l'appel,

- Y faisant droit,

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- Et statuant de nouveau,

- Annuler le mariage contracté à Colombo (Sri Lanka) le 4 mars 2020 entre Mme [C] [V], née le 29 mai 1995 à Villepinte (Seine Saint-Denis) et M. [J] [N], né le 11 mai 1994 à Vavuniya (Sri Lanka),

- Ordonner la transcription du dispositif de la décision à intervenir sur les registres de l'état civil,

- Condamner M. [N] à verser à Mme [V] la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice financier et 5.000 euros en réparation du préjudice moral,

- Condamner M. [N] à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par son avis notifié le 5 janvier 2023, le ministère public s'en rapporte à la cour sur la recevabilité de l'appel et conclut à l'infirmation du jugement et au prononcé de l'annulation du mariage contracté entre Mme [V] et M. [N] au regard du défaut d'intention matrimoniale de ce dernier.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 2 février 2023

Par conclusions du 7 février 2023, M. [N] a demandé à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture du 2 février 2023 et d'ordonner la réouverture des débats.

A l'audience du 14 février 2023, M. [N] a demandé à de la Cour d'être autorisé à répondre par note en délibéré à l'avis notifié par le ministère public le 5 janvier 2023.

La cour n'a pas donné son autorisation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le refus de la révocation de l'ordonnance de clôture

L'article 803 énoncé que « l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue » et que « l'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal ».

Ces dispositions sont applicables en matière d'appel, sur renvoi de l'article 907.

L'intimé invoque comme motif de révocation de l'ordonnance de clôture l'intérêt d'une bonne administration de la justice et le respect des droits de la défense, afin de lui permettre de conclure et de produire ses pièces aux débats dans le respect du contradictoire et en réponse à l'avis du Parquet. Toutefois force est de constater qu'il ne soutient pas, ni ne justifie qu'il n'aurait pas disposé du temps nécessaire pour se constituer, conclure et répondre le cas échéant au ministère public avant la clôture.

Aucune cause grave n'étant démontrée, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture est rejetée.

Sur la juridiction compétente et la loi applicable

Mme [C] [V] et le ministère public ne contestent pas la compétence des juridictions françaises pour statuer sur la demande d'annulation du mariage.

S'agissant de la loi applicable, en application de l'article 202-1 du code civil « les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter un mariage sont régies, pour chaque époux, par sa loi personnelle. Quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l'article 146 et du premier alinéa de l'article 180".

Comme l'a retenu le jugement par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, l'appréciation du consentement de Mme [C] [V], de nationalité française, est soumise à la loi française tandis que l'appréciation du consentement de M. [N], de nationalité srilankaise, relève de la loi sri 'lankaise.

Sur le moyen tiré du défaut de consentement de Mme [C] [V]

Moyens des parties

L'appelante fait valoir que son consentement a été vicié dès lors qu'elle a consenti au mariage sous la contrainte et la pression familiale. Elle se prévaut, pour soutenir que ce mariage lui a été imposé, de nombreux témoignages produits dont une attestation de son frère et de sa mère.

Le ministère public estime que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'une contrainte et d'une crainte révérencielle envers un ascendant. Il considère que les attestations produites très générales et imprécises, ne permettent pas d'établir le défaut de consentement allégué.

Réponse de la cour

L'article 146 du code civil dispose qu''il n'y a point de mariage sans consentement'. L'article 180 énonce que 'Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public.

L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage'.

C'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que les pièces produites par Mme [C] [V] ne permettaient pas de démontrer que celle-ci avait contracté mariage sous la contrainte.

En effet, les nombreuses attestations versées aux débats, de membres de sa famille (pièces n° 11 à 30) et d'amis proches ou collègues (pièces n° 32 à 44), ne sont pas des témoignages directs des faits de contrainte allégués par l'appelante.

Comme le relève justement le ministère public, la mère de l'intéressée indique avoir « gâché » la vie de sa fille sans fournir de précisions sur les circonstances du mariage (pièce n°13). Il en est de même du frère de l'appelante qui se contente de déclarer que « tout est de sa faute » que « par amour pour son père, il a dit oui à tout ce qu'il demandait de faire, à savoir sans demander l'avis de sa s'ur » et qu'il s'est occupé de toutes les démarches administratives (pièce n°11). Les attestations de membres de sa famille qui évoquent le mariage arrangé de l'intéressée avec un homme sri-lankais (pièces n°14, 17 n°23, 26, 31) et déclarent qu'elle s'est mariée alors qu'elle n'en avait pas envie (pièce n°19, 20 ,21, 29) ne permettent pas de caractériser la réalité d'une contrainte exercée sur Mme [C] [V] au jour de la célébration du mariage. Les attestations des témoins qui se contentent de rapporter les propos négatifs de l'intéressée sur son futur mariage et son futur époux et font état de leur doute sur la réalité de son consentement sont également inopérantes (pièces n° 34 à 37 et 44). Les attestations relatives au caractère précipité du mariage (pièce n°40), au changement de comportement de Mme [C] [V] après l'annonce de son mariage (pièce n°41), au caractère arrangé du mariage (pièces n°42) ou encore au fait que [C] n'était pas « épanouie dans cette alliance », qu'elle est toujours malheureuse après le mariage même avec le soutien de ses parents (pièce n°12, 38 et 46) n'établissent pas plus la réalité de la contrainte prétendument exercée sur Mme [V].

Celle-ci ne rapporte donc pas la preuve que son consentement était vicié au jour de la célébration du mariage. Ce moyen est en conséquence rejeté.

Sur le moyen tiré de l'absence d'intention matrimoniale de M. [N]

Moyens de parties

Mme [V] soutient que son époux s'est prêté à la cérémonie du mariage en vue d'atteindre un résultat étranger à l'union matrimoniale, son seul but étant d'immigrer en France. Elle estime que le comportement de ce dernier révèle une absence d'intention de mener une vie maritale. Elle en conclut que M. [N] n'a pas donné consentement à mariage, au sens de l'article 146 du code civil, et que dès lors le mariage est nul.

Le ministère public souligne le fait que M. [N] a définitivement quitté le domicile conjugal le 6 août 2021, jour qui correspond à l'obtention des documents nécessaires à la régularisation de sa situation administrative. Il en déduit que l'intimé a consenti au mariage dans un but migratoire, étranger à la finalité du mariage.

Réponse de la cour

L'article 46 alinéa 1 de la loi sri-lankaise sur le mariage prévoit que si deux parties à un mariage se marient sciemment et volontairement en vertu des dispositions de la présente ordonnance en tout autre lieu que celui prescrit par la présente ordonnance, ou sous un ou plusieurs faux noms ou sauf dans le cas de mariages sur lit de mort en vertu de l'article 40, sans certificat d'avis dûment délivré, ou consenti sciemment ou volontairement ou acquiesce à la célébration du mariage par une personne qui n'est pas autorisée à célébrer le mariage, le mariage de ces parties sera nul et non avenu.

Comme l'a retenu justement le jugement, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, force est de constater que Mme [V] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du défaut d'intention matrimoniale de M. [N] au jour de la célébration du mariage le 4 mars 2000.

En effet, le procès-verbal de plainte du 12 août 2021 de [G] [V], frère de Mme [V] contre M. [N] pour menaces de mort depuis le 10 août 2021 et viol sur sa s'ur le 5 août 2021 est inopérant non seulement parce que cette plainte a été déposée plus d'un an après la célébration du mariage mais également parce qu'elle contient les seules déclarations du frère de l'intéressée lesquelles ne sont corroborées par aucun élément de preuve.

Il en est de même du certificat médical établi par le docteur [F] qui indique avoir examiné Mme [V] qui déclare avoir été agressée par son conjoint.

Aucune conséquence ne peut être tirée de l'attestation de suivi linguistique établie par ACOFORM CHELLES aux termes de laquelle une personne non identifiée de la société atteste que «M. [N] est entré en formation le 18 janvier 2021 et a fini le 3 mai 2021 et récupéré son contrat d'intégration républicaine ».

Le fait que M. [N] ait quitté le domicile conjugal le 5 août 2021 plus d'un an après la célébration du mariage ne démontre pas plus le défaut d'intention matrimoniale de l'époux. Aucun élément n'est en effet produit établissant qu'à cette date ce dernier aurait obtenu des documents nécessaires à la régularisation de sa situation administrative et que ce faisant il aurait consenti au mariage dans un but migratoire.

Mme [V] ne produisant aucune pièce de nature à établir le défaut d'intention matrimoniale de M. [N] au jour de la célébration du mariage, le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nullité du mariage et, par voie de conséquence, de ses demandes indemnitaires.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'appelante qui succombe, est déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Confirme le jugement,

Déboute Mme [V] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [V] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/09723
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;22.09723 ?
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