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09/05/2023 | FRANCE | N°21/02499

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 09 mai 2023, 21/02499


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 09 MAI 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02499 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCMD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 mars 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 16/12576





APPELANTS



Monsieur Monsieur [K] [W], né le 23 août 1983 à [Loc

alité 4] (Algérie), agissant en son nom personnel et conjointement avec Madame [F] [P] épouse [W], en tant que représentants légaux de [M] [W] née le 23 décembre 2015 à [Localité 4]...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 09 MAI 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02499 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDCMD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 mars 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 16/12576

APPELANTS

Monsieur Monsieur [K] [W], né le 23 août 1983 à [Localité 4] (Algérie), agissant en son nom personnel et conjointement avec Madame [F] [P] épouse [W], en tant que représentants légaux de [M] [W] née le 23 décembre 2015 à [Localité 4] (Algérie)

[Adresse 2]

[Localité 4] / ALGÉRIE

représentés par Me Nadir HACENE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Madame Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 mars 2023, en audience publique, l' avocat des appelants et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 12 mars 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté le respect des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, déclaré M. [K] [W], né le 23 août 1983 à [Localité 4] (Algérie), et [M] [W], née le 23 décembre 2015 à [Localité 4] (Algérie), irrecevables à faire la preuve qu'ils ont, par filiation, la nationalité française, jugé que M. [K] [W] est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, jugé que [M] [W] est réputée n'avoir jamais eu la nationalité française, ordonné les mentions prévues par l'article 28 du code civil, condamné in solidum M. [K] [W] et Mme [F] [P] aux dépens et rejeté la demande de distraction des dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 5 février 2021 et les dernières conclusions notifiées le 9 septembre 2022 par M. [K] [W], agissant en son nom personnel et en représentation conjointe des intérêts de [M] [W], sa fille mineure, avec son épouse Mme [F] [P] épouse [W], qui demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de dire que M. [K] [W] est recevable à faire la preuve, par filiation, de sa nationalité française et dire qu'il est de nationalité française, dire que M. [K] [W] et Mme [F] [P] épouse [W], agissant en représentation des intérêts légaux de leur enfant légitime mineure, [M] [W], sont recevables à rapporter la preuve de sa nationalité française par filiation, dire et juger que cette dernière est de nationalité française et condamner le Trésor public aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 septembre 2022 par le ministère public qui demande à la cour, à titre principal, de constater la caducité de l'appel, à titre subsidiaire, de constater l'extranéité des intéressés, à titre infiniment subsidiaire, de confirmer le jugement de première instance, et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ainsi que la condamnation de M. [K] [W] aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 septembre 2022 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile, dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 14 septembre 2022 par le ministère de la Justice. La déclaration d'appel n'est donc pas caduque.

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à celui qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, lorsqu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom, conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du code civil.

N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il appartient à M. [K] [W] et [M] [W] en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'ils réunissent les conditions requises par la loi pour l'établissement de leur nationalité française.

Invoquant l'article 18 du code civil, M. [K] [W] soutient qu'il est français par filiation paternelle pour être né le 23 août 1983 à [Localité 4] (Algérie), de M. [R] [W], né le 11 janvier 1952 à [Localité 4] (Algérie), fils de M. [S] [W], né le 8 janvier 1932 à [Localité 4] (Algérie), né de [L] [W], né le 20 octobre 1911 [Localité 4] (Algérie), ce dernier étant le fils de [I] [W], né le 1er mars 1883 à [Localité 4] (Algérie), qui a bénéficié de l'effet collectif attaché au décret de naturalisation de son père, [G] [W], né en 1850 à [Localité 4] (Algérie), et admis à la qualité de français de statut civil de droit commun par décret en date du 15 février 1881.

M. [K] [W] prétend que la nationalité française par filiation dont il se prévaut lui-même a été transmise à sa fille mineure, [M] [W], qu'il représente à la présente procédure conjointement avec la mère de l'enfant, Mme [F] [P] épouse [W].

Le ministère public leur oppose à titre subsidiaire les dispositions de l'article 30-3 du code civil qui dispose que :

« Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français.

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue. »

Cet article empêche l'intéressé, si les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation. Dès lors qu'il ne suppose pas que la nationalité de l'intéressé soit établie préalablement mais seulement qu'elle soit revendiquée par filiation, la désuétude doit être examinée à titre principal.

Sur l'applicabilité de l'article 30-3 du code civil

En appel, les appelants soutiennent que cet article 30-3 n'est pas applicable aux ressortissants algériens revendiquant la nationalité française, en ce qu'ils ne peuvent pas être considérés comme des français d'origine au sens des dispositions de l'article 23-6 du code civil auxquelles renvoie l'article 30-3 puisque, selon eux, les français musulmans d'Algérie étaient de nationalité française depuis 1865 mais nullement d'origine française. Toutefois, ce moyen est inopérant car l'article 30-3 n'établit aucune distinction à ce sujet.

Les appelants font valoir qu'en tout état de cause, l'article 30-3 n'est pas applicable aux ressortissants algériens car les ordonnances du 21 juillet 1962 et du 20 décembre 1966 régissant les effets de l'indépendance de l'Algérie ne prévoient pas son application. Cependant, le législateur n'ayant pas exclu l'application de l'article 30-3 aux personnes nées en Algérie, ce moyen est également inopérant.

Enfin, les appelants prétendent que dès lors que l'action négatoire de nationalité est imprescriptible, il ne saurait être opposé aux personnes exerçant une action déclaratoire de nationalité le délai de 50 ans prévu par l'article 30-3. Néanmoins, ce moyen est lui aussi inopérant, dans la mesure où l'office du juge est d'appliquer la loi et où il n'est pas invoqué une contrariété de cet article 30-3 à des normes supérieures.

Sur les conditions d'application de l'article 30-3 du code civil

La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l'article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative.

L'application de l'article 30-3 du code civil est subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l'absence de possession d'état de l'intéressé et de son parent français, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger.

L'article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Édictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir (Civ 1ère, 13 juin 2019, pourvoi n°18-16.838).

C'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu qu'aucun élément n'était invoqué pour rapporter la preuve d'une résidence en France, pendant le délai prévu à l'article 30-3 du code civil, de [M] [W], de M. [K] [W], et du père de ce dernier, que M. [K] [W] ne présentait ni pour lui ou sa fille ni pour son père aucun élément de possession d'état, la demande d'un certificat de nationalité française qui a d'ailleurs donné lieu à un refus, ne pouvant constituer un élément de possession d'état.

Dès lors que l'appelant ne justifie en cause d'appel, ni pour lui ou sa fille ni pour son père, d'une possession d'état de Français et est demeuré avec sa fille et comme son père, à l'étranger durant le délai cinquantenaire, aucune régularisation ne saurait intervenir pour lui permettre d'échapper à l'obstacle que met l'article 30-3 du code civil à l'établissement de sa nationalité française.

M. [K] [W] et [M] [W] ne sont donc pas admis à faire la preuve qu'ils ont, par filiation, la nationalité française. M. [K] [W] est présumé avoir perdu cette nationalité le 4 juillet 2012 et [M] [W] est réputée n'avoir jamais eu la nationalité française.

Le jugement est confirmé sauf en ce qu'il a déclaré M. [K] [W] et [M] [W] irrecevables à faire la preuve qu'ils ont, par filiation, la nationalité française.

Succombant à l'instance, M. [K] [W] est condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Constate que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré M. [K] [W] et [M] [W] irrecevables à faire la preuve qu'ils ont, par filiation, la nationalité française,

Statuant à nouveau,

Dit que M. [K] [W], né le 23 août 1983 à [Localité 4] (Algérie) et [M] [W], née le 23 décembre 2015 à [Localité 4] (Algérie) ne sont pas admis à faire la preuve de ce qu'ils ont, par filiation, la nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne M. [K] [W] et Mme [F] [P] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/02499
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;21.02499 ?
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