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20/04/2023 | FRANCE | N°21/16274

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 20 avril 2023, 21/16274


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 20 AVRIL 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16274 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEKSV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 juin 2021 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-21-000550





APPELANTE



La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, société anonyme

prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège social

N° SIRET : 552 120 222 00013

[Adresse 3]

[Localité 4]



représentée par Me Christophe EDON de ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 20 AVRIL 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16274 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEKSV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 juin 2021 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-21-000550

APPELANTE

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, société anonyme prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège social

N° SIRET : 552 120 222 00013

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Christophe EDON de la SELEURL CHRISTOPHE EDON CONSEIL - C.E.C, avocat au barreau de PARIS, toque : B0472

INTIMÉ

Monsieur [M] [T]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 5] (83)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Delphine LECOSSOIS LEMAITRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B1035

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 12 novembre 2012, M. [M] [T] a signé avec la Société Générale une convention de compte bancaire n° 01397 00051039643 lui octroyant une facilité de caisse d'un montant de 2 600 euros pour de courtes durées renouvelables ne pouvant excéder 15 jours consécutifs ou non par mois calendaire, le taux devant redevenir créditeur entre chaque période et notamment à réception des revenus domiciliés sur le compte.

Selon offre préalable acceptée le 28 octobre 2016, la société Générale a consenti à M. [T] un crédit Réservea associé à une autorisation de découvert portant cette autorisation à 3 000 euros à un taux annuel révisable de 10 %, le crédit renouvelable étant d'un maximum de 15 000 euros, remboursable par échéances mensuelles de 500 euros au taux de 6,72 %.

Ce contrat prévoit en son article 2-1 que lorsque le montant de l'autorisation de découvert est dépassé, le solde débiteur du compte à vue soit automatiquement couvert par l'utilisation du crédit renouvelable en cas de choix de l'option automatique et à l'initiative de l'emprunteur s'il choisit l'option « couverture initiative ». M. [T] a opté pour l'option de couverture automatique. L'article 2-2 prévoit que la mensualité est prélevée sur le compte à vue qui bénéficie de l'autorisation de découvert.

Par acte du 10 novembre 2020, la Société Générale a fait assigner M. [T] devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement des sommes de 20 780,09 euros au titre du solde débiteur du compte bancaire avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, 21 990,17 euros au titre du solde du crédit renouvelable avec intérêts à 5,59 % et capitalisation des intérêts et 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 2 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a débouté la Société Générale de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens en retenant que les relevés de compte de dépôt n'étaient produits qu'à compter du 12 décembre 2018 ce qui ne permettait pas de vérifier la date du premier incident de paiement du crédit Reservea, que le décompte du crédit produit ne commençait que le 14 février 2019, que les relevés du compte Reservea produit sur la période novembre 2016 à janvier 2020 ne faisaient pas apparaître les appels des échéances du crédit mais des sommes dont le montant ne correspondait pas aux échéances du crédit en cause et que le dernier relevé montrait des remboursements des 14 et 24 janvier 2020 de 428,84 euros et 15 000 euros soldant la dette.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 7 septembre 2021, la société Générale a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 4 mars 2022, la société Générale demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en date du 2 juin 2021 en l'ensemble de ses dispositions et statuant à nouveau de rejeter la demande de forclusion de son action, de la déclarer recevable, et de condamner M. [T] sur le fondement des dispositions des articles L. 312.57 et suivants et R. 312-35 du code de la consommation à lui payer :

- en remboursement du solde débiteur du compte courant la somme de 20 780,09 euros augmentée des intérêts au taux légal jusqu'à complet paiement,

- en remboursement du crédit Reservea la somme de 21 990,17 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 5,59 % l'an jusqu'à complet paiement,

- d'ordonner la capitalisation des intérêts, conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- de débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes,

- de dire n'y avoir lieu à la déchéance des intérêts conventionnels et légaux,

- de déclarer M. [T] irrecevable en son appel incident, sa demande d'annulation du crédit Reservea étant prescrite, subsidiairement de le débouter de sa demande d'annulation du crédit Reservea et de condamnation de la Société Générale au paiement de dommages et intérêts, de dire n'y avoir lieu à la déchéance des intérêts conventionnels et légaux, très subsidiairement de condamner M. [T] au paiement de la somme 21 990,17 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 5,59 % l'an jusqu'à complet paiement au titre du prêt Reservea,

- en tout état de cause, de condamner M. [T] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir que le crédit Reservea est, par son fonctionnement, lié au découvert du compte à vue n° 00051039643 et que M. [T] a opté pour un déclenchement automatique de sa réserve dès que le compte atteint un découvert à hauteur de 3 000 euros, la réserve d'argent se déclenchant automatiquement pour combler le découvert excédant le montant de 3 000 euros et ce jusqu'à atteindre les 15 000 euros de crédit et qu'ensuite, elle ne continue de fonctionner qu'à hauteur des remboursements effectués, qui reconstituent le capital. Elle considère que dans ces conditions, le premier incident de paiement est intervenu le 14 février 2019. Elle précise que le 24 janvier 2020, la somme de 15 000 euros figurant sur l'arrêté de compte Reservea correspond à la déchéance du terme de ce crédit pour lequel elle a fait passer les sommes restant dues sur un compte litige.

Elle ajoute que le compte bancaire était créditeur le 27 décembre 2019 avec un virement de 3 800 euros pour redevenir débiteur de nouveau le 28 décembre 2018 par le paiement d'un chèque de 200 euros, que c'est à partir de cette date que le compte à vue est devenu définitivement débiteur et que le délai de forclusion a commencé à courir pour trouver son terme le 27 décembre 2020 si bien qu'elle n'est pas forclose.

Elle expose avoir respecté ses obligations d'information et de conseil et qu'elle n'encourt aucune déchéance du droit aux intérêts.

A titre subsidiaire, elle soutient que la demande d'annulation du contrat de prêt est irrecevable comme prescrite et qu'au surplus les moyens soulevés ne sont pas sanctionnés par la nullité mais pour certains par une déchéance du droit aux intérêts et qu'elle a respecté toutes ses obligations, que M. [T] a justifié de ses revenus et que son taux d'endettement n'a pas atteint 33 %. Elle rappelle que même si le contrat est nul elle peut prétendre au remboursement du capital.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 février 2023, M. [T] demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

y ajoutant :

- à titre préliminaire de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation sous réserve de respecter le principe du contradictoire ;

- à titre principal de juger que la Société Générale est forclose en ses actions en paiement ;

- à titre subsidiaire de juger que la Société Générale a manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde, ainsi qu'aux dispositions applicables au crédit renouvelable et aux découverts et d'en tirer toutes les conséquences de droit qui s'imposent, et notamment de prononcer l'annulation du crédit renouvelable, de condamner la Société Générale à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et à défaut de juger qu'il ne sera tenu qu'au remboursement du seul capital compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts, de condamner la Société Générale à lui rembourser la somme de 4 152,55 euros qu'il a versée au titre des frais, commissions et intérêts prélevés sur son compte pendant toute la période litigieuse, sauf à parfaire et d'ordonner la compensation entre les sommes éventuellement dues de part et d'autre ;

- à titre très subsidiaire, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts, de lui accorder les plus larges délais de paiement, de juger que les échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit et s'imputeront d'abord sur le capital,

- en tout état de cause, de débouter la Société Générale de toutes ses demandes, en toutes fins qu'elles comportent et de la condamner à lui payer une somme de 5'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il fait valoir que son compte bancaire a toujours fonctionné à découvert depuis septembre 2016 et que ses découverts n'ont cessé de croître à compter de l'octroi du crédit renouvelable (plus de 7 500 euros en moyenne par mois à compter de décembre 2016, pour passer à plus de 15 000 euros à compter de mars 2019, que sur toute la période, son compte n'a été créditeur que le 13 juin 2018 à hauteur de 620,61 euros, le 11 juillet 2018 à hauteur de 85,04 euros et le 11 octobre 2018 à hauteur de 50,10 euros, que les échéances du crédit renouvelable n'étaient remboursées que grâce à de nouveaux virements de la réserve de crédit si bien que la banque qui a assigné le 10 novembre 2020 était forclose. Il ajoute que le découvert ayant été dépassé plus de 3 mois, la banque devait lui proposer un crédit plus adapté et que les frais et intérêts doivent être déduits.

Il soutient que la fiche de dialogue ne mentionne pas l'ensemble des charges (notamment de loyers) de l'emprunteur afin de vérifier sa réelle capacité d'endettement (pièce adverse n° 4) et qu'il n'est versé aux débats que 2 pages sur 3 des informations précontractuelles, non signées par l'emprunteur, que rien ne démontre que la Société Générale ait procédé à une vérification périodique de solvabilité, que son taux d'endettement était supérieur à 33 % sur toute la période litigieuse, qu'elle ne lui a pas proposé, à l'issue du délai d'un an et avec un préavis de trois mois, un crédit plus adapté, qu'il n'est produit aucun décompte actualisé des paiements ni aucun décompte détaillé de sa créance distinguant l'arriéré à la déchéance du terme, le capital restant dû à la déchéance du terme, les intérêts se rapportant à chacun de ces postes, les frais se rapportant à chacun de ces postes. Il en déduit que la banque doit être déchue du droit aux intérêts contractuels et que l'ensemble des frais commissions et intérêts doit lui être remboursé.

Il considère que n'ayant été ni présent ni représenté en première instance, il pouvait faire valoir ces moyens pour la première fois en appel. Il ajoute que délai de prescription ne lui est pas opposable dès lors qu'il soulève des moyens de défense et qu'en outre ce délai ne commence à courir que du jour où il a eu connaissance de la difficulté ou du jour de la réalisation du dommage si bien que ni son action en nullité ni son action en responsabilité ne sont prescrites.

Subsidiairement, il indique être dans l'incapacité de rembourser en une seule fois ce qui justifie sa demande de délais de paiement.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience le 21 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent litige est relatif à un crédit et à un découvert autorisé souscrits le 28 octobre 2016 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est caractérisé par :

- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

- ou le premier incident de paiement non régularisé ;

- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;

- ou le dépassement, au sens du 13° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 312-93.

Il résulte de l'article R. 312-35 du code de la consommation que les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En matière de solde débiteur d'un compte courant, cet événement est caractérisé par le dépassement du découvert autorisé non régularisé à l'issue du délai de 3 mois prévu à l'article L. 312-93. Il est toutefois admis que le retour du compte à une position créditrice avant l'expiration du délai biennal interrompt ce délai.

En matière de crédit renouvelable, cet évènement est caractérisé par le dépassement non régularisé du montant total du crédit renouvelable consenti.

La société Générale produit les relevés de compte depuis le 13 septembre 2016. M. [T] ne soutient pas que son compte ait fonctionné à découvert au-delà du découvert autorisé pendant plus de 2 ans avant cette date. A compter de cette date, il résulte des relevés produits que le compte n'a pas été constamment débiteur au-delà de ce montant de 3 000 euros pendant plus de 2 ans. En effet le compte présentait au 31 décembre 2016 un débit de 2 255,53 euros, un an plus tard au 31 décembre 2017 un débit de 1 653,30 euros, au 11 octobre 2018 un crédit de 50,10 euros comme le souligne M. [T]. Dès lors, la Société Générale ayant assigné le 20 janvier 2020, la demande n'est pas forclose en ce qui concerne le compte bancaire.

S'agissant du crédit renouvelable, le montant du crédit a été entièrement consommé dès le 15 décembre 2016, mais les échéances ont été payées et le crédit s'est reconstitué à hauteur de la part de capital remboursé, cette part disponible a été immédiatement reversée pour compenser en partie le solde débiteur du compte courant dépassant le découvert autorisé de 3 000 euros maintenant le montant utilisé à 15 000 euros tant que le compte permettait ce remboursement ce qui a été le cas jusqu'au mois de janvier 2019, aucune échéance n'ayant plus été prélevée ensuite. Dès lors la Société Générale qui a assigné le 20 janvier 2020 n'est pas forclose en son action.

Sur la demande en paiement du solde débiteur de compte bancaire et du crédit renouvelable

Pour s'opposer à cette demande, M. [T] soutient que le contrat est nul ce à quoi la banque objecte que cette demande est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel et prescrite et à défaut mal fondée.

En ce qu'il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit à la consommation, le moyen tiré de la nullité du contrat de crédit ou de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l'emprunteur à la banque qui réclame le paiement du solde du crédit constitue une défense au fond et n'est donc soumis ni à l'interdiction de l'article 564 du code de procédure civile ni à la prescription.

M. [T] est donc recevable en ses demandes.

La cour observe cependant que M. [T] reproche à la banque de n'avoir pas vérifié correctement la solvabilité de l'emprunteur à la date de souscription du crédit renouvelable, vérifié périodiquement la solvabilité de ce dernier ni proposé, à l'issue du délai d'un an et avec un préavis de trois mois, un crédit plus adapté ou encore d'avoir dépassé le taux d'endettement de 33 % et d'avoir manqué à son obligation de mise en garde. Or ces éventuels manquements ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat.

M. [T] doit donc être débouté de sa demande de nullité.

Concernant la déchéance du droit aux intérêts, le découvert de 3 000 euros a été expressément autorisé par le même contrat que le crédit renouvelable. Les vérifications ont donc eu lieu pour les deux crédits en même temps.

S'agissant de la vérification initiale de la solvabilité prévue à l'article L.312-16 du code de la consommation qui impose au prêteur avant de conclure le contrat de crédit, de vérifier la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur et de consulter le fichier prévu à l'article L. 751-1, la banque produit une fiche de dialogue « charges ressources » signée par M. [T] qui mentionne ses revenus à hauteur de 7 065 euros par mois et des crédits Société Générale pour 1 079,73 euros par mois en sus des éléments relatifs à la vie quotidienne et hors le nouveau crédit Reservea qu'elle mentionne également.

M. [T], qui a signé cette fiche de dialogue et attesté de la véracité des éléments qui y étaient portées sous sa responsabilité, entend désormais démontrer que ce qu'il a signé n'était pas exact et produit des quittances de loyer de décembre 2015 à avril 2016 qui ne démontrent aucunement qu'il acquittait ce loyer au mois d'octobre 2016. L'examen de ses relevés de comptes produits par la banque ne montre d'ailleurs aucun débit de ce montant à partir du mois de septembre 2016.

Il verse également aux débats l'avis d'imposition 2016 portant sur ses revenus 2015, l'avis d'imposition 2018 concernant les revenus de l'année 2017, l'avis d'imposition 2019 concernant les revenus de l'année 2018 et l'avis d'imposition 2020 concernant les revenus de l'année 2019 mais fort curieusement ne produit pas l'avis d'imposition de 2017 concernant les revenus 2016 qui étaient pourtant ceux à prendre en compte s'agissant d'un contrat souscrit en octobre 2016. Or il avait produit à la Société Générale, qui les verse aux débats, ses bulletins de paie de la société Cine Pub des mois de juillet, août et septembre 2016 où il apparaissait comme directeur général de cette société avec un salaire net de 8 306,09 euros par mois.

Au demeurant, la cour ne peut que s'étonner de ce qu'il ait été en mesure de s'acquitter en 2015 de loyers de 3 250 euros mensuels avec des revenus qui pour les années où il produit ses avis d'impositions auraient été d'une moyenne mensuelle de 2 570 euros.

D'autre part ses charges de crédit retenues dans la fiche de dialogue correspondent au crédit immobilier et au crédit de 30 000 euros déjà souscrits.

La banque démontre en outre avoir consulté le FICP le 28 octobre 2016 avant la remise des fonds et produit le résultat de cette consultation.

Elle justifie ainsi avoir vérifié la solvabilité de M. [T] à partir d'un nombre suffisant d'informations au sens de ce texte et n'encourt pas la déchéance du droit aux intérêts pour ce motif.

S'agissant de la réitération de la vérification, l'article L. 312-75 du code de la consommation prévoit en matière de crédit renouvelable qu'avant de proposer à l'emprunteur de reconduire le contrat, le prêteur consulte tous les ans le fichier prévu à l'article L. 751-1 et tous les trois ans, il vérifie la solvabilité de l'emprunteur dans les conditions de l'article L. 312-16.

Ces dispositions ne sont toutefois pas sanctionnées en tant que telles par la déchéance du droit aux intérêts.

S'agissant de l'information sur les conditions de renouvellement, la banque produit les lettres annuelles de renouvellement pour 2017, 2018 et 2019.

M. [T] doit donc être débouté de sa demande de déchéance du droit aux intérêts en ce qui concerne le crédit renouvelable Reservea.

En ce qui concerne le solde débiteur de compte bancaire, si la vérification de solvabilité ne souffre pas de critique comme ayant été faite dans le même temps puisque le découvert a été octroyé par le même contrat, il convient d'observer que le découvert autorisé n'était que de 3 000 euros et que si le compte a connu de 2016 au 14 janvier 2019 des dépassements très importants, ceux-ci n'ont jamais duré plus de 3 mois. En revanche à partir de cette date, le compte a été constamment débiteur de plus de 3 000 euros et la banque ne démontre pas avoir en application de l'article L. 312-93 du code de la consommation proposée sans délai à l'emprunteur un autre type d'opération de crédit que ce découvert de 3 000 euros. En application de l'article L. 341-9 la banque doit être déchue du droit aux intérêts et des frais de toute nature applicables passé l'expiration du délai de 3 mois soit à compter du 14 avril 2019.

M. [T] soutient encore que la banque a manqué à ses obligations de conseil et de mise en garde et ne l'a pas correctement informé.

Le devoir d'informations prévu à l'article L. 312-14 du code de la consommation oblige la banque à fournir des explications à l'emprunteur lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées (FIPEN) prévue par l'article L. 312-12 du même code.

Aucune forme n'est toutefois prescrite en ce qui concerne ces explications qui s'appuient sur précisément sur cette fiche. Or elle est produite en intégralité soit 3 pages sur 3 contrairement à ce qui est soutenu et M. [T] a en outre spécifiquement attesté en signant de manière séparée de la signature du contrat lui-même que, sur la base de cette fiche, il avait reçu d'une part les explications permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé était adapté à sa situation financière et d'autre part les informations quant aux conséquences d'une éventuelle défaillance dans les remboursements. Il convient de souligner qu'aucun texte n'obligeait la banque à peine de déchéance du droit aux intérêts à proposer à M. [T] les années suivantes un autre type de contrat alors que celui-ci était toujours en cours.

Ce faisant, la société Générale établit suffisamment avoir respecté son devoir d'explication et aucune déchéance du droit aux intérêts n'est encourue de ce chef.

M. [T] reproche encore à la banque un manquement à son obligation de mise en garde. Or ce devoir de mise en garde n'existe que lorsque l'opération litigieuse présente un risque d'endettement excessif pour le consommateur.

En l'espèce, il n'existait au vu des revenus déclarés et justifiés comme des charges déclarées et justifiées aucun risque d'endettement.

M. [T] doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur le montant des sommes dues

En application de l'article L. 312-39 du code de la consommation en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L'article D. 312-16 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance. Aucune autre pénalité notamment de retard ne peut être exigée par le prêteur.

La société Générale produit en outre l'offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, l'historique de prêt, l'historique du compte bancaire, les mises en demeure avant clôture du compte et déchéance du terme des 16 septembre 2019 et 14 janvier 2020, et celles notifiant la déchéance du terme des 20 et 24 janvier 2020 portant mise en demeure de payer le solde du crédit renouvelable et du solde débiteur et un décompte de créance.

Il en résulte que la Société Générale se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l'exigibilité des sommes dues et qu'elle est fondée à obtenir paiement :

- en ce qui concerne le solde débiteur du compte bancaire de la somme due à la date de clôture soit 20 653,27 euros déduction faite des frais et intérêts facturés à compter du 14 avril 2019 soit 2 267,97 euros soit une somme de 18 385,30 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2020,

- en ce qui concerne le solde du compte Reservea la somme de 15 000 euros au titre du capital restant dû utilisé en totalité, outre intérêts à 5,59 % à compter de la première échéance impayée soit du 14 février 2019, étant observé que le décompte produit par la banque qui consiste à ajouter à ces 15 000 euros le montant des échéances impayées sans en déduire la part de capital revient à faire payer deux fois ce capital et ne peut donc être admis, la banque étant ainsi déboutée du surplus.

Aucune indemnité de résiliation ne figure dans le décompte.

La cour condamne donc M. [T] à payer ces sommes à la société Générale avec en application de l'article L. 312-74 euros capitalisation des intérêts dus pour une année entière conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil en ce qui concerne le crédit renouvelable mais non pour le solde débiteur de compte bancaire qui échappe à ces dispositions.

Sur la demande de délais de paiement

M. [T] a déjà bénéficié de larges délais de paiement qu'il ne justifie pas avoir mis à profit pour apurer une partie de sa dette. Il n'y a donc pas lieu de lui accorder de délais supplémentaires.

Sur les autres demandes

M. [T] qui succombe en grande partie doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel et il apparaît en outre équitable au regard de ce qui précède de lui faire supporter les frais irrépétibles engagés par la Société Générale à hauteur de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déclare [M] [T] recevable en ses demandes ;

Déclare la Société Générale recevable en ses demandes ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts en ce qui concerne le solde débiteur du compte bancaire à compter du 14 avril 2019 ;

Rejette la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels en ce qui concerne le crédit renouvelable Reservea ;

Condamne [M] [T] à payer à la Société Générale :

- la somme de 18 385,30 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2020 au titre du solde du compte bancaire n° 01397 00051039643,

- la somme de 15 000 euros au titre du capital restant dû utilisé en totalité, augmentée des intérêts à 5,59 % à compter du 14 février 2019, au titre du solde du compte Reservea, et capitalisation des intérêts dus pour une année entière conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [M] [T] aux dépens de première instance et d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/16274
Date de la décision : 20/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-20;21.16274 ?
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