REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 20 AVRIL 2023
(n° , 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00454 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIP2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F19/02632
APPELANT
Monsieur [C] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Lynda ATTON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0657
INTIMÉE
EPIC RATP
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophie MALTET, avocat au barreau de PARIS, toque : R062
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Nathalie FRENOY, Présidente de chambre
Mme Nicolette GUILLAUME, Présidente de chambre
Mme Emmanuelle DEMAZIERE, Vice présidente placée
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nathalie FRENOY, présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [C] [V] a été engagé par l'établissement public industriel et commercial Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) en qualité de stagiaire machiniste-receveur à compter du 25 avril 2001.
Il a ensuite rejoint le cadre permanent de la RATP et a été affecté au Centre Bus de [Localité 7].
Après avoir été convoqué par courrier recommandé du 26 juin 2013 à un entretien préalable s'étant déroulé le 6 août 2013, puis avoir comparu devant le Conseil de discipline lors de sa séance du 18 septembre suivant, Monsieur [V] a fait l'objet d'une mesure de révocation par courrier recommandé du 10 octobre 2013.
Contestant cette rupture du lien contractuel, Monsieur [V] a saisi le 8 octobre 2015 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement rendu le 22 novembre 2019, notifié aux parties par lettre du 11 décembre 2019, a :
-condamné la RATP à payer à Monsieur [C] [V] les sommes suivantes:
*4 788,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 478,87 euros au titre des congés payés y afférents,
*6 398,27 euros à titre d'indemnité de licenciement,
*2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-rappelé que les condamnations de nature contractuelle et/ou conventionnelle produisent intérêts à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et celles de nature indemnitaire à compter de la décision,
-ordonné la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1154 devenu 1343-2 du Code civil,
-ordonné l'exécution provisoire de la décision,
-débouté Monsieur [C] [V] du surplus de ses demandes,
-condamné la RATP aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 9 janvier 2020, Monsieur [V] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 janvier 2023, l'appelant demande à la cour de :
-infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 22 novembre 2019,
-rejeter les conclusions et pièces adverses et débouter la RATP de toutes ses demandes,
en conséquence
- annuler principalement la mesure de révocation par la RATP de M. [V] du 10 octobre 2013 comme étant irrégulière,
subsidiairement,
- la dire injustifiée et infondée et l'annuler,
-ordonner la réintégration de M. [V] sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, avec toutes les conséquences de droit sur les salaires, la retraite, les congés payés et le droit aux congés de formation et la carrière de M. [V],
dans le cas extraordinaire où la cour d'appel appliquerait les dispositions du code du travail sur le licenciement,
-dire et juger sur le fondement de l'article 1332-4 du code du travail qui est repris par l'article 149 du statut du personnel, qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance,
-dire et juger que l'employeur ne pouvait évoquer, pour fonder la révocation de M. [V], des faits de 2011 et 2012,
-dire et juger que les faits de 2013 ne relèvent pas de la faute grave et ne sauraient justifier cette révocation,
-dire et juger, sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail, le licenciement pour faute grave de M. [V], abusif, sans cause réelle ni sérieuse, et la faute grave n'étant pas rapportée,
-ordonner, sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail, la réintégration de M. [V] dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis,
-condamner la RATP pour révocation illégale ou subsidiairement, pour
licenciement sans cause réelle ni sérieuse, à verser à M. [V] les sommes suivantes :
* dommages et intérêts, M. [V] ayant passé de nombreux mois au chômage: 2 394,37 euros x 24 mois de salaire = 57 464,88 euros
* réparation de préjudice particulier lié à la perte de retraite anticipée et de niveau de retraite par une somme de 50 000 euros, si M.[V] avait fini sa carrière à la RATP, non seulement il serait parti à la retraite à 52 ans, mais il devra travailler aujourd'hui jusqu'à 62 ans minimum, pour avoir son temps plein de retraite. Enfin, le montant de pension de retraite à la RATP aurait été nettement supérieur à celui qu'il aura en travaillant à la Mairie de [Localité 8] où il se trouve, jusqu'à 62 ans,
* indemnité compensatrice de préavis + congés payés sur le préavis :
4 788,74 euros + 478,87 euros = 5 267,61 euros
* indemnité légale de départ et d'ancienneté : 6 398,27 euros
M. [V] disposait de 12 ans et 5 mois d'ancienneté à la date d'effet de sa révocation (25 avril 2001 ' 10 octobre 2013)
*dommages-intérêts pour préjudice moral de 5 000 euros pour les conditions vexatoires de la révocation,
vu l'article L.1152-1 du code du travail,
-dire et juger que M. [V] a subi des agissements de harcèlement moral de la part de la RATP dans le cadre de son travail,
-condamner la RATP à verser à M. [V] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et 30 000 euros pour harcèlement moral caractérisé,
-condamner la RATP à verser à M. [V] la somme de 15 000 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile afin d'assurer sa défense de première instance et d'appel et aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2023, la RATP demande à la cour de :
sur la demande d'annulation de la révocation pour irrégularités de procédure :
- juger que les prétendues irrégularités de procédure, absence de bien fondé de la révocation, non-respect du délai de prescription de deux mois ou absence d'information relative à la procédure d'appel invoqués par la partie adverse ne constituent pas des cas de nullité du licenciement limitativement prévus par l'article L. 1235-3-1 du code du travail,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 22 novembre 2019 sur ce point,
- le débouter de sa demande d'annulation de la révocation à ce titre,
sur la demande d'annulation de la révocation pour absence de bien fondé de cette dernière :
- juger que l'absence de bien-fondé de la révocation ne constitue pas l'un des cas de nullité du licenciement limitativement prévus par l'article L. 1235-3 du code du travail,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 22 novembre 2019 sur ce point,
- le débouter de sa demande d'annulation de sa révocation à ce titre,
sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- constater l'opposition de la RATP à la réintégration de Monsieur [V] dans ses effectifs,
- juger que la révocation de Monsieur [V] est bien fondée,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 22 novembre 2019 sur ce point,
- le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
sur la demande de paiement de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,
- juger que ces indemnités ont déjà été versées à Monsieur [V] en exécution du jugement du conseil de prud'hommes du 22 novembre 2019,
- le débouter de sa demande de paiement de ces indemnités,
sur la demande de dommages et intérêts pour révocation dans des conditions vexatoires :
- juger que Monsieur [V] ne justifie d'aucune condition vexatoire de nature à justifier sa demande de dommages et intérêts à ce titre,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 22 novembre 2019 sur ce point,
- le débouter de cette demande,
sur la demande d'annulation de la révocation et de dommages et intérêts au titre du prétendu harcèlement moral :
- juger qu'aucun harcèlement moral de Monsieur [V] ne peut être caractérisé,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 22 novembre 2019 sur ce point,
- le débouter de sa demande d'annulation de sa révocation et de sa demande de dommages et intérêts à ce titre,
sur la demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité :
- juger que la RATP n'a pas manqué à son obligation de sécurité,
- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 22 novembre 2019 sur ce point,
-le débouter de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
sur les demandes reconventionnelles de la RATP :
- juger que la révocation de Monsieur [V] est justifiée par une faute grave,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 22 novembre 2019 en ce qu'il a jugé que cette révocation n'était pas justifiée par une faute grave et condamné la RATP au paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité compensatrice de congés payés y afférents, d'une indemnité au titre de l'article 700 et des intérêts légaux,
- condamner Monsieur [V] à rembourser à la RATP l'intégralité de ces sommes versées en exécution de ce jugement,
- condamner Monsieur [V] à verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procéure civile,
-condamner Monsieur [V] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été reportée au 21 février 2023 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 2 mars 2023.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur le rejet des conclusions et pièces :
Monsieur [V] sollicite le rejet des conclusions et pièces adverses, sans toutefois exposer le fondement juridique de sa demande et sans faire état notamment d'une quelconque violation du principe du contradictoire. Sa demande doit donc être rejetée.
Sur la révocation :
La lettre de révocation du 10 octobre 2013 adressée à Monsieur [V] contient les motifs suivants :
« Suite à l'avis émis par le Conseil de discipline devant lequel vous avez comparu le 18 septembre 2013, je vous informe que j'ai décidé de prendre à votre encontre une mesure de révocation au motif réitéré de graves manquements à la discipline constatés dans le cadre de votre activité de conducteur de Bus ( Machiniste -Receveur), en l'espèce le non-respect de l'Instruction Professionnelle du Machiniste-Receveur (visites du véhicule non effectuées, incitation à la validation des titres de transport non faite, mauvaise anticipation face à un danger visible engendrant le non-respect des distances de sécurité et des freinages tardifs), le non-respect des horaires ainsi que des propos et une attitude déplacés.
Les faits fautifs qui vous sont reprochés ont été constatés entre le 21 mai et le 24 juin 2013, notamment par la Brigade de Surveillance du Personnel de l'entreprise.
Ces comportements fautifs qui perturbent notre organisation et dégradent le service que nous devons à nos voyageurs s'inscrivent par ailleurs dans la continuité de manquements de même nature pour lesquels vous avez été sanctionné deux fois en 2011 et 2012.
Comme tels, ils constituent une faute grave qui rend impossible votre maintien dans l'entreprise.
Je vous précise que cette révocation prendra effet à compter du 10 octobre 2013, date d'envoi de cette lettre à votre domicile ».
Monsieur [V] considère que sa révocation, la plus grave sanction disciplinaire au sein de la RATP, n'était ni conforme à la procédure prévue, ni justifiée.
Il invoque tout d'abord la nullité de cette révocation en violation notamment des articles 149, 160 et suivants du Statut particulier de la RATP, dérogeant au Droit commun et considère cette sanction non requalifiable, contrairement à ce qu'a dit le conseil de prud'hommes en première instance, et disproportionnée aux faits reprochés. Il demande donc que la rupture soit dite sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire.
La RATP fait valoir que toutes les irrégularités de procédure soulevées ne sont non seulement pas établies mais encore ne pourraient être de nature à justifier l'annulation de la révocation, le salarié ne justifiant d'aucun texte prévoyant la nullité du licenciement en ce cas. Elle soutient que la faute grave est établie.
Sur les irrégularités de procédure :
Si le Statut du personnel de la RATP n'impose pas d'entretien préalable pour les mesures du second degré telles que la révocation, l'article L 1332-2 du code du travail dont les dispositions sont d'ordre public s'appliquent en l'espèce, s'agissant d'un contrat de travail de droit privé. Elles ont donc été respectées par la RATP.
Au surplus, s'agissant d'une étape de procédure permettant un échange sur les reproches faits, la caractérisation d'un grief de ce chef n'est pas faite par le salarié.
Par ailleurs, bien que convoqué, comme il le soutient, pendant une période traditionnelle de congés payés où les personnes susceptibles de le défendre étaient en vacances, Monsieur [V] a participé à l'entretien préalable régulièrement assisté de Monsieur [I], représentant du personnel choisi par lui. Il ne saurait faire grief à l'employeur de la date de sa convocation, contrainte par un délai prévu légalement, ni même de l'absence de mention de la possibilité pour lui de se faire assister.
L'article 163 alinéa 1 du Statut du personnel de la RATP prévoit que 'l'agent est avisé par lettre recommandée avec avis de réception des date et heure auxquelles il doit comparaître devant le conseil de discipline'.
Ce texte a manifestement pour finalité de garantir la réception de ladite convocation et de lui donner date certaine, objectifs qu'assure la remise en main propre, effective en l'espèce le 9 septembre 2013 et efficiente puisqu'[C] [V] s'est présenté à la séance prévue.
Relativement au défaut de mention dans la convocation de la teneur de l'article 160 du Statut du personnel de la RATP, il convient de relever que cet article impose à l'enquêteur- rapporteur chargé de l'instruction de l'affaire de remettre à l'agent la liste des membres appelés à siéger au conseil de discipline et de lui rappeler les dispositions concernant l'assistance, la représentation, la production des témoins et la récusation ; or Monsieur [V] produit le procès-verbal de l'audience du 9 septembre 2013 dans lequel il 'déclare avoir pris connaissance de (son) dossier administratif et des pièces motivant (sa) comparution devant le conseil de discipline', dans lequel il s'engage à faire connaître le nom de ses témoins et désigne la personne chargée de l'assister à l'audience ainsi que lors de sa comparution devant le Conseil de discipline.
Ce moyen ne saurait donc être considéré comme opérant, pas plus que celui tiré de la tardiveté de l'information qui lui a été donnée relativement à la possibilité de faire venir des témoins, puisque le salarié a produit le témoignage en date du 13 septembre 2013 d'un collègue machiniste 'en roulement sur le 56' (pièce n°35 de la RATP).
Par ailleurs, si la liste des personnes siégeant au conseil de discipline ne lui a pas été remise contre récépissé, la mention qu'il a signée renonçant à la récusation des membres de cette instance ' dont la composition (m')est communiquée par l'enquêteur rapporteur' empêche Monsieur [V] d'invoquer une atteinte à ses droits.
La lecture comparative de la lettre de convocation à entretien préalable et du compte rendu de cet entretien (pièces n° 57 et 58 du salarié) montre une similitude des griefs opposés à l'intéressé, le compte rendu d'entretien en date du 6 août 2013 détaillant seulement de façon plus circonstanciée et précise les faits reprochés.
En ce qui concerne les faits de 2011 et 2012 ne figurant pas dans la convocation à entretien préalable alors qu'ils ont été mentionnés dans la lettre de révocation, il convient de relever, à la lecture de la structure de ce courrier, qu'ils n'apparaissent que pour démontrer la persistance du comportement répréhensible imputé au salarié - et par conséquent justifier la gradation de la sanction prise - et ne sont pas antérieurs de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires, conformément à l'article L 1332-5 du code du travail.
En outre, il résulte des pièces produites que le Conseil de discipline a donné son avis sur la mesure disciplinaire à appliquer, conformément aux dispositions de l'article 164 du Statut qui n'exige aucune motivation écrite particulière.
Au surplus, il ne saurait être reproché à la RATP d'avoir pris une décision 'immédiate' lors du conseil de discipline dans la mesure où le procès-verbal de la séance du 18 septembre 2013 fait état des avis respectifs des représentants de la direction et des représentants du personnel (pièce n°52 du salarié), suivis de la signature de l'enquêteur-rapporteur. Si la décision du chef d'établissement 'je décide une mesure de révocation' figure à la suite de ce procès-verbal, rien n'indique que la mesure ait été décidée immédiatement après le conseil de discipline, d'autant la notification de ladite décision n'est intervenue que par courrier du 10 octobre 2013, soit plusieurs semaines après.
Par ailleurs, il est justifié qu'une délégation de pouvoirs a été donnée par le président directeur général de la RATP, décisionnaire de la mesure appliquée en vertu de l'article 164 du Statut du personnel de la RATP, au directeur du département bus, en l'espèce Monsieur [S], signataire de la lettre de révocation adressée à Monsieur [V] ; cette délégation, relative au prononcé de 'toutes mesures disciplinaires', permet de justifier la capacité du signataire et par conséquent, de la régularité de la procédure sur ce point.
En ce qui concerne l'article 49 du Statut qui permet, dans le cadre des mesures du second degré, un nouvel examen en cas d'élément nouveau, force est de constater que la décision de révocation notifiée le 10 octobre 2013 à Monsieur [V] ne mentionne pas cette possibilité; ce point cependant n'est pas de nature à justifier la nullité de la révocation prononcée, d'autant que le salarié - qui a reçu un exemplaire du Statut du personnel le 4 mai 2001 (comme indiqué sur son bulletin d'engagement) et a donc eu connaissance de la teneur de cet article - ne fait état d'aucun élément nouveau dont il n'aurait pu se prévaloir.
Les moyens développés ne sauraient être accceillis.
Sur le fond :
Les faits reprochés dans la lettre de révocation, qui fixe les limites du litige, sont ' le non-respect de l'Instruction Professionnelle du Machiniste-Receveur (visites du véhicule non effectuées, incitation à la validation des titres de transport non faite, mauvaise anticipation face à un danger visible engendrant le non-respect des distances de sécurité et des freinages tardifs), le non-respect des horaires ainsi que des propos et une attitude déplacés'.
Comme l'indique cette lettre, les faits reprochés datent de la période comprise entre le 21 mai et le 24 juin 2013 ; compte tenu de la date d'engagement de la procédure disciplinaire, le 26 juin suivant, l'employeur a respecté le délai de deux mois prévu par les articles L1332-4 du code du travail et 149 du Statut du personnel de la RATP et la fin de non-recevoir tirée de la prescription des faits fautifs ne saurait prospérer.
Il convient ensuite de relever qu'il n'y a pas de prescription susceptible d'atteindre les faits datant de 2011 et 2012, lesquels ne viennent que contextualiser ceux de 2013 - non atteints par la prescription - et démontrer la persistance du comportement fautif de l'intéressé.
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise; il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.
La RATP invoque son règlement intérieur qui impose au personnel d'observer les règles et consignes d'hygiène et de sécurité résultant de la réglementation en vigueur et les consignes générales particulières éditées au niveau de l'établissement, sous peine d'une des mesures disciplinaires prévues.
Elle invoque également l'Instruction Professionnelle qui impose diverses obligations aux machinistes- receveurs, en termes de sécurité des salariés eux-mêmes, des voyageurs et des tiers, mais aussi en termes de qualité de service et de fraude notamment.
En ce qui concerne le non-respect des obligations en matière de sécurité, la RATP reproche à Monsieur [V] des faits de conduite dangereuse du 18 juin 2013, sur la base du rapport émanant de la Brigade de Surveillance du Personnel.
Si divers éléments permettent de vérifier une conduite anormalement lente (cf rapport du 21 mai 2013 'lève le pied, ralentit fortement alors que le feu est au vert, puis s'arrête au feu orange', puis 'ralentit à nouveau à l'approche du feu vert de l'intersection [Adresse 5], [Adresse 6], s'arrête à l'orange. Le bus suivant le double à l'arrêt «parc zoologique ». L'agent roule à 30 km/heure avenue [Adresse 6], se cache derrière un vélo malgré la place pour le doubler'), avec le pied sur le tableau de bord (le 4 mars 2009) ou avec une oreillette téléphonique ( le 18 mai 2012 ) ou une tendance 'à conduire d'une main et l'autre sur le comptoir' avec manque d'anticipation et de placement ( cf la fiche de suivi machiniste-receveur du 29 janvier 2013), en revanche la 'conduite dangereuse par le non-respect des distances de sécurité et par des freinages trop puissants et tardifs' du 18 juin 2013, reprochée par la RATP, n'est pas strictement démontrée par le seul rapport faisant état d'un 'freinage tardif. Manque de défiance : il anticipe pas assez vite face à un danger visible. Les distances de sécurité sont parfois à revoir', sans élément circonstancié, sans mesure objective desdites distances, sans précision quant à la nature du danger évoqué et eu égard à l'adverbe 'parfois' relativisant le constat.
Sur l'incitation à la validation des titres de transport, l'employeur verse aux débats l'Instruction Professionnelle prescrivant que 'le rôle du machiniste- receveur est d'inciter à la validation systématique des titres à l'entrée', différents éléments quant à la fraude estimée dans les transports publics, ainsi que plusieurs rapports de la Brigade de Surveillance du Personnel faisant état de ce que le conducteur n'est pas attentif à la validation des tickets, et ce à plusieurs reprises, les 21, 28 mai et 3 juin 2013.
Relativement aux visites des bus, les rapports de la Brigade de Surveillance du Personnel font état de ce qu'elles n'ont pas été effectuées les 21 mai, 28 mai, qu'une d'elles n'a pas été 'observée' le 3 juin 2013 et qu'elles n'ont pas été 'vues' les 7 et 18 juin 2013 ; le vocabulaire utilisé permet de ne retenir que les griefs émis à ce titre en mai 2013, le doute sur l'effectivité des autres visites devant profiter au salarié.
En ce qui concerne le non-respect des horaires commandés, violation de la consigne n°1 en matière d'exploitation et de transport de clients ( selon l'Instruction Professionnelle du machiniste-receveur) imposant un strict respect des horaires dans la prise de service, aux terminus et points de relève, puisque l'agent contribue à la régularité de la ligne en s'auto-régulant chaque fois que cela lui est possible, l'employeur verse aux débats le rapport d'information d'une régulatrice du samedi 8 juin 2013 faisant état d'un retard à l'heure de départ, puis d'un cumul de 15 minutes à son arrivée au terminus 'je lui commande un départ à 10h12. Il arrive au terminus énervé me disant qu'il ne repartira pas avant de faire ses besoins naturels et part en salle machiniste. Il revient me voir vers 10h15 pour me demander son heure de départ. Je lui réponds que de toute façon il fait bien ce qu'il veut. L'agent s'énerve s'approche de moi en hurlant m'ordonne de le vouvoyer et menace de se porter malade sur ligne. Je l'avise alors de la rédaction du présent rapport'[...] 'l'agent arrive à Gare du Nord avec 30 minutes de retard je lui demande de faire un HLP château afin qu'il ne marque pas de temps à sa fin de service. Je précise que l'agent est le seul à avoir cumulé un tel retard. Ses collègues étant tous à l'heure voire en avance en raison d'une circulation fluide et d'une faible charge.'
Il résulte d'ailleurs du compte rendu d'entretien du 6 août 2013 que l'intéressé a admis son retard ainsi que sa demande de vouvoiement à la régulatrice.
La RATP verse également le rapport du 11 avril 2013 concernant des rapports ponctuels alors que la circulation était fluide, celui du 10 août 2012 faisant état de ' retards excessifs sur ligne sans raison valable' (18 minutes, puis 23 minutes), mais aussi différents précédents et par exemple le rapport qui a été fait pour le service du 17 septembre 2006 à l'encontre de Monsieur [V], le rapport du 22 janvier 2008 faisant état de ce que 'l'agent désigné ci-contre ( M. [V]) n'effectue pas les départs qui lui sont demandés', le rapport du 17 avril 2008 faisant état d'un retard de départ de 10 minutes malgré la modification préalable de sa mission, le rapport du 10 janvier 2010 faisant état du même non-respect des départs qui lui sont donnés, le rapport du 8 novembre 2011 évoquant un départ retardé de trois minutes puis une 'cadence très lente' au sujet de laquelle il a répondu 'de façon très virulente qu'il n'a à pas courir sur sa dernière course sachant que c'est un 2X et que si ses collègues roulent pour être à l'heure c'est leur problème!!!' (faits ayant donné lieu à une sanction disciplinaire d'un jour de disponibilité d'office avec sursis).
Alors que sa fiche de suivi d'activité du 29 janvier 2013 lui rappelait l'obligation d'être 'ponctuel' et de 'respecter les consignes d'exploitation : ponctualité à la prise de service', de respecter les horaires et les consignes, Monsieur [V] ne saurait valablement contester le grief qui lui est fait à ce titre.
En ce qui concerne les propos et attitude déplacés, l'employeur invoque :
-le rapport de Mme [Z] relevant que les retards du 8 juin 2013, constatés chez aucun des collègues de Monsieur [V], résultaient d'une conduite délibérément lente, et déplorant les hurlements du salarié à l'occasion de la remarque qui lui a été faite à ce sujet,
- différentes pièces montrant que l'intéressé avait déjà fait l'objet de rapports (rapport du 8 novembre 2011 relatif un comportement irrespectueux vis-à-vis de la régulation notamment) et sanctions disciplinaires (comme celle du 16 décembre 2011, celle du 4 décembre 2012 pour une conduite avec le pied sur le tableau de bord au sujet duquel l'intéressé a indiqué 'j'en ai rien à foutre, je conduis tout le temps comme ça, sinon je me mets en arrêt maladie'),
- le rapport du 24 juin 2013 indiquant 'ce jour Monsieur [V] se trouve à proximité du contrôleur de sortie. Monsieur [P] [T] 700151 arrive et tend la main à l'ensemble des collègues et se voit pris à partie par Monsieur [V] lui portant des insultes en hurlant de façon menaçante projetant une chaise à terre',
- le rapport du 3 juillet 2013 dans lequel l'agent de maîtrise, Mme [K], précise 'Monsieur [V] entre dans la salle maîtrise du Château de [Localité 9] vers 12:00. Je suis à mon poste de travail concentrée à ma tâche. Il ne me salue pas comme à son habitude il se positionne face à moi, debout de l'autre côté de mon bureau puis reste figé sans m'adresser un mot. Je lève la tête à plusieurs reprises vers lui mais il n'a aucune réaction et reste muet. Je continue donc mon travail stoïquement. Plusieurs minutes plus tard mon collègue demande à quelle heure est le prochain départ sur la ligne 46, c'est seulement à ce moment-là que Monsieur [V] s'exprimant me reproche de ne pas lui donner sa coquille !!! Je lui fais remarquer qu'il ne s'est pas présenté à moi et qu'il ne m'a rien demandé. Il n'accepte pas cette remarque prétextant que sa seule présence physique suffit et que je dois lui donner ses consignes de travail. Je refuse d'avoir ce type de rapport de travail avec un agent quel qu'il soit et j'estime qu'il doit faire sa prise de service de façon décente en exprimant sa présence. Il devient difficile de collaborer avec cet agent qui refuse maintenant tout contact je m'efforce de maintenir une entente cordiale avec l'ensemble de mes collègues et Monsieur [V] n'en a jamais été exclu. Sa manière de faire ne peut être tolérée et son attitude vis-à-vis de moi est inacceptable'.
Les éléments produits permettent donc de vérifier la réalité des reproches faits à Monsieur [V] à ce titre.
Le salarié verse aux débats différentes pièces ( telles que des attestations de collègues, des comptes rendus de surveillance faisant état de sa conduite souple et agréable, de son comportement courtois et facilitateur notamment) qui ne sont pas de nature à remettre en cause les griefs avérés, ni leur prégnance et ne peuvent valider son argumentaire tendant à invoquer une insuffisance professionnelle, en l'état de son comportement délibéré et réitéré.
En outre, s'il a dénoncé à plusieurs reprises des faits de harcèlement moral, Monsieur [V] ne démontre aucun lien entre ses doléances à ce titre et la décision prise de révocation, fondée sur des faits objectifs, pour la plupart démontrés dans leur réalité et leur imputabilité au salarié.
Comme l'a relevé à juste titre le jugement de première instance, les agissements démontrés, et pour certains persistants, compte tenu des sanctions disciplinaires notifiées antérieurement, justifiaient la rupture de la relation de travail, sans revêtir toutefois le degré de gravité rendant impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise.
Relevant par ailleurs l'absence de toute mesure conservatoire prise par l'employeur en apprenant les faits litigieux, il convient donc de confirmer le jugement de première instance, qui a condamné la RATP à verser à Monsieur [V] une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents ainsi qu'une indemnité de licenciement, dont les montants ne sont pas strictement contestés.
Par conséquent, toutes les demandes relatives à la rupture ou subséquentes à elle présentées par le salarié doivent être rejetées.
Il en a va de même de celle, reconventionnelle, de la RATP, en remboursement des sommes versées en exécution du jugement de première instance.
Sur le caractère vexatoire de la rupture :
Monsieur [V] sollicite 5 000 € en réparation du préjudice moral qu'il dit avoir subi du fait des conditions vexatoires de sa révocation.
Cependant, l'appelant, qui ne définit aucun fait particulier constituant de quelconques vexations ou humiliations qui auraient entouré la rupture de la relation de travail, ne rapporte pas la preuve d'un comportement fautif de l'employeur.
La demande de dommages-intérêts doit donc être rejetée et le jugement de première instance confirmé de ce chef.
Sur le harcèlement moral :
L'appelant affirme avoir été victime d'une longue situation de harcèlement moral de la part de son employeur, qui a violé aussi son obligation de sécurité. Il considère que ce sont les dénonciations répétées de harcèlement qui sont à l'origine, au final, de sa révocation.
Il se plaint plus particulièrement, depuis 2006, d'un contrôle étroit et croissant de l'exécution de ses missions de travail, de reproches injustifiés sur la qualité de son travail, de propos déplacés et dénigrants, de sanctions répétées et injustifiées, du non-paiement de primes pourtant dues. Il rappelle avoir déposé plainte pour harcèlement moral en août 2010, ce qui a aggravé la pression subie et dégradé son état de santé.
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement
Monsieur [V] fait valoir les pressions subies de la part des régulateurs qui surveillaient ses temps de trajet et lui refusaient toute latitude dans les horaires (pièces n° 21, 22,29 et 30 faisant état de ses retards ou du non-respect des départs qui lui sont demandés), conteste le rapport de Mme [N] qui n'a pas déposé plainte et rappelle que le chronométrage du travail à flux tendu a eu pour conséquence la survenance d'un accident du travail le 9 août 2008 dont il a été victime. Il verse à ce sujet un courrier du 2 septembre 2008 de la Caisse de Coordination aux Assurances Sociales de la RATP faisant état des avantages prévus pour la législation sur les accidents du travail dont il a bénéficié.
Sont versées également l'évaluation du salarié de juillet 2010 faisant état de sa notation excellente relativement à sa conduite, celle de mai 2011 relativement à sa 'conduite souple', sa contestation de la sanction notifiée le 7 décembre 2011, ainsi que ses récriminations au sujet du dysfonctionnement de la géolocalisation des bus, non pris en compte par les régulateurs, alors que ces défaillances ont été reconnues ( comme le montre le compte rendu d'entretien du 30 mars 2012).
Monsieur [V] fait état aussi d'un conflit avec son employeur à propos d'un prétendu 'abandon de poste' alors qu'il était malade et avait pris soin d'en informer sa hiérarchie; il produit un avis d'arrêt de travail en date du 2 juin 2006 et conteste la sanction disciplinaire qui lui a été notifiée à ce titre le 24 novembre suivant.
Le salarié produit en outre de nombreux rapports, notifications de sanctions constitutives selon lui de pressions de la part de son employeur qui le chronométrait et stigmatisait le moindre retard, même de quelques minutes, multipliant les contrôles à son encontre pour le confondre, verse aux débats différentes pièces, compte rendu d' entretien d'évaluation ou courrier le dénigrant , utilisant à son encontre les mots 'trop égoïste', 'con ' ainsi qu'un courrier du 24 septembre 2012 lui refusant 'une gratification exceptionnelle' au vu de sa 'participation aux résultats du centre bus en 2011', en dépit d'une évaluation satisfaisante.
Enfin, Monsieur [V] verse aux débats sa plainte en date du 6 août 2010 pour harcèlement moral de la part de Monsieur [H], son supérieur hiérarchique, son courrier dénonçant le 5 décembre 2012 ledit harcèlement et la volonté délibérée de nuire de son employeur à l'occasion de la contestation d'une nouvelle sanction ('Car oui on parle bien de harcèlement d'une volonté délibéré de nuire et cela est grave'),la réponse de l'employeur en date du 17 décembre 2012, ainsi que la demande par mail d'attention en date du 4 mars 2013, le certificat du Dr [X] en date du 9 septembre 2013 faisant état d'une 'situation conflictuelle au travail qui est délétère sur le plan émotionnel' et celui du Dr [A] en date du 13 septembre 2013 évoquant des 'problèmes survenus sur (son) lieu de travail'.
Les multiples rapports, notifications de sanctions, comptes rendus de la Brigade de Surveillance du Personnel le concernant, mais aussi les éléments médicaux et les avis d'arrêt de travail produits établissent des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Monsieur [V].
La RATP soutient que les sanctions qui ont été notifiées à l'appelant sont toutes justifiées par le comportement de ce dernier, dont l'activité a été normalement surveillée, et ce pour des motifs objectifs et étrangers à tout harcèlement moral (chronométrage entre les bus et vérification des horaires de passage). Elle relève que les évaluations de 2007, 2009, 2010 ne font état d'aucune évocation de la part du salarié d'acte de harcèlement moral subi, que les rapports établis par l'appelant ne font que critiquer le travail de ses collègues auprès de sa hiérachie ou demander le paiement d'une prime alors qu'il ne fournit aucun effort pour collaborer avec ses collègues et avec sa hiérarchie, que sa plainte pour harcèlement moral a été classée sans suite et que les deux attestations médicales n'établissent aucun lien entre le travail du salarié et son état de santé qui se serait dégradé sans plus de précision.
La RATP fournit des extraits du livre des relevés et notamment la journée du 2 octobre 2006 au cours de laquelle un rapport - qu'elle produit - a été établi au sujet du comportement de Monsieur [V] qui, n'ayant pu obtenir d'être relevé pour le dernier tour de service, a signalé qu'il allait consulter, laissant ainsi la ligne 15/46 non couverte de 10h10 à 13h39, le rapport d'un autre agent de maîtrise faisant état du même abandon de poste que le salarié a justifié par son état de santé, puis pour convenance personnelle pour pouvoir se rendre en voiture à un enterrement, la note d'un agent de maîtrise à ce sujet évoquant la contradiction dans les arguments de l'intéressé - note dans laquelle il conclut 'l'agent n'a rien répondu à cela'-.
L'établissement intimé verse également aux débats un extrait de l'Instruction Générale relatif aux dispositions à prendre en cas d'arrêt de travail, différentes pièces relatives aux faits ayant donné lieu aux sanctions disciplinaires critiquées, en date du 7 décembre 2011, du 4 décembre 2012 notamment, se réfère aux rapports constatant la posture de conduite de l'intéressé ( un pied posé sur le tableau de bord) et à ses commentaires à ce sujet 'j'en ai rien à foutre, je conduis tout le temps comme ça, sinon je me mets en arrêt maladie' (pièce n°20 : rapport circonstancié sur les faits et sur la remarque du salarié, correspondant au compte rendu d'entretien en date du 21 novembre 2012 contenant le rappel des faits et des propos reprochés et constatant l'absence de l'agent au rendez-vous ( pièce 45 du salarié)).
La Régie Autonome des Transports Parisiens verse également aux débats différentes évaluations, effectuées par des évaluateurs différents, lesquelles n'ont aucun contenu vexatoire ni injurieux et s'avèrent conformes à l'objectif défini dans ce cadre, à savoir un échange sur l'activité et les conditions de travail, avec description des difficultés à résoudre et des points à améliorer notamment dans le cas de la collaboration avec ses collègues pour le cas de Monsieur [V] - pour qui il est justifié de solutions trouvées par les régulateurs notamment pour remédier à son comportement-.
Si une des évaluations fait état de son égoïsme, ce commentaire est relatif à l'attitude et à la conduite de l'intéressé occasionnant des retards au détriment de ses collègues impactés par la désorganisation de la ligne et des voyageurs.
La RATP produit également un compte rendu d'entretien du 30 mars 2012 au cours duquel des réajustements ont été opérés pour calculer les retards de Monsieur [V] compte tenu de ses critiques relatives à la géolocalisation des véhicules, concluant à des corrections de pointage en positif et en négatif.
L'établissement intimé verse également aux débats notamment l'attestation du responsable hiérarchique direct de Monsieur [V] faisant état de sa versatilité, de sa volonté de ne plus le saluer sans explication et de la convocation qui lui a été adressée, à sa grande surprise, dans le cadre de la plainte déposée par son collègue qui se perdait 'en conjectures' et 'tenait des discours incohérents', plainte classée sans suite selon ses dires.
En ce qui concerne le non-versement de primes exceptionnelles et discrétionnaires, la RATP verse aux débats notamment la réponse qui a été faite le 12 décembre 2004 à Monsieur [V] au sujet de la gratification dont le montant 'varie en fonction de l'application et de la contribution de chacun à l'atteinte des résultats en termes de qualité de service et de production', celle du 8 janvier 2005 à ce sujet ainsi que les différents rapports sur ses retards et propos divers, objectivant une attitude propice au versement de l'intégralité de ladite prime.
Enfin, les certificats médicaux invoqués par le salarié font état d'une dépression pour laquelle le patient ne voulait pas se traiter et évoquent pour l'un 'un harcèlement' conduisant le médecin du 'département gestion et innovations sociales' de la RATP à solliciter qu'un point soit fait 'sur cette situation conflictuelle au travail qui est délétère sur le plan émotionnel', pour l'autre 'des problèmes survenus sur son lieu de travail', reprenant manifestement les propos du patient sans qu'ils soient objectivés.
Les différents éléments versés aux débats permettent donc de justifier les faits établis par le salarié, la vérification de sa ponctualité, de sa conduite, la surveillance de la brigade dédiée, les sanctions prises en vue de faire cesser son comportement répréhensible ou non professionnel, leur impact en termes de rémunération, et de les dire étrangers à tout harcèlement moral.
Le jugement de première instance qui a rejeté la demande d'indemnisation à ce titre doit donc être confirmé de ce chef.
Sur l'obligation de sécurité :
Par ailleurs, Monsieur [V] invoque un manquement à l'obligation de sécurité de son employeur, puisqu'il a dénoncé des faits de harcèlement moral sans qu'aucune enquête ne soit effectuée consécutivement.
Si, dans son courrier du 16 décembre 2011, il a fait état du comportement et des propos déplacés de sa supérieure hiérarchique à son égard, demandant une sanction disciplinaire contre cette dernière, ce courrier ne saurait constituer la dénonciation du prétendu harcèlement moral.
En revanche, dans son courrier du 5 décembre 2012, le salarié a fait part d'un certain nombre de faits constitutifs selon lui d'un harcèlement moral ; par son courrier du 17 décembre 2012, la RATP a considéré comme non discriminatoire la sanction infligée alors qu'il ne respectait pas ses obligations professionnelles, sans diligenter aucune enquête, pas plus d'ailleurs après la demande d'attention formulée par l'appelant le 19 février 2013, faisant état d'un 'acharnement depuis plusieurs années' et de 'retentissements nombreux sur sa vie', la plate-forme de conseil et d'appui de la RATP lui demandant de formaliser par écrit sa demande d'attention en l'envoyant à son responsable hiérarchique direct, au responsables ressources humaines ou à tout autre responsable appartenant à la ligne hiérarchique de son département, sans transmettre ladite demande afin que soient diligentées les investigations requises, laissant ainsi ce courrier sans réponse effective.
Par conséquent, alors qu'aux termes des articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail, pèse sur l'employeur une obligation de sécurité générale, emportant obligation de prévenir toute réaction à la pression ressentie par le salarié, de s'assurer qu'il n'est pas exposé à un risque, et si tel est le cas, de mettre en 'uvre les moyens nécessaires pour le prévenir, force est de constater en l'espèce que la RATP, destinataire de doléances relatives à un harcèlement moral, ne démontre aucune vérification objective à ce titre, ni aucune mesure pour éviter le dommage subi par le salarié, dépressif et sensible à la situation conflictuelle jugée par le Dr [X] comme 'délétère sur le plan émotionnel'.
En l'état des éléments versés aux débats, le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité a causé un préjudice qui doit être réparé à hauteur de 5 000 €, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d'appel.
L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et d'allouer à ce titre la somme de 2 000 € à Monsieur [V], à la charge de la RATP.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à l'obligation de sécurité,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
CONDAMNE la RATP à payer à [C] [V] les sommes de :
- 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE les autres demandes des parties,
CONDAMNE la RATP aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE