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19/04/2023 | FRANCE | N°20/15920

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 19 avril 2023, 20/15920


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 19 AVRIL 2023



(n° 2023/ , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15920 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTDJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Octobre 2020 - TJ de CRETEIL - RG n°18/07153





APPELANTS



Madame [X] [A] [L] veuve [H]

née le 20 Décembre 1934 à [Localité

24]

[Adresse 3]



Monsieur [E] [H]

né le 27 Janvier 1972 à [Localité 23]

[Adresse 9]/ ROYAUME UNI



représentés par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG ...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 19 AVRIL 2023

(n° 2023/ , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/15920 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTDJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Octobre 2020 - TJ de CRETEIL - RG n°18/07153

APPELANTS

Madame [X] [A] [L] veuve [H]

née le 20 Décembre 1934 à [Localité 24]

[Adresse 3]

Monsieur [E] [H]

né le 27 Janvier 1972 à [Localité 23]

[Adresse 9]/ ROYAUME UNI

représentés par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

ayant pour avocat plaidant Me Gérard VANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : P190

INTIMES

Madame [J] [U] [M] [O] [H] épouse [I]

née le 25 Avril 1956 à [Localité 22]

[Adresse 12]

Monsieur [T] [B] [Z] [I]

né le 22 Décembre 1979 à [Localité 18] (77)

[Adresse 10]

Monsieur [K] [S] [I]

né le 14 Novembre 1982 à [Localité 18] (77)

[Adresse 6]

Madame [N] [M] [W] [I]

née le 04 Juillet 1985 à [Localité 18] (77)

[Adresse 1]

représentés par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel RAVANAS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Patricia GRASSO, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[Z] [H], domicilié en dernier lieu à [Localité 29] (Val-de-Marne), est décédé le 3 octobre 2014 laissant pour lui succéder selon acte de notoriété dressé le 4 juin 2015 par Me [V] [Y], notaire à [Localité 25] :

sa fille, Mme [J] [H] épouse [I], née d'une première union avec Mme [C] [D] dissoute par divorce,

son épouse en secondes noces sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, Mme [X] [L],

M. [E] [H], son fils issu de cette dernière union.

Par acte reçu le 3 octobre 1986 par Me [F] [G], notaire à [Localité 15] (Indre-et-Loire), [Z] [H] avait consenti à son épouse, pour le cas de survie, la donation soit de la pleine propriété de la quotité disponible, soit d'un quart en pleine propriété et 3/4 en usufruit soit de l'usufruit, de tous les biens composant sa succession et ce, à son choix exclusif.

Selon l'acte de notoriété, Mme [L] a opté pour un quart en pleine propriété et trois-quarts en usufruit des biens de la succession de son époux prédécédé.

La succession de [Z] [H] comprend plusieurs biens immobiliers dont un immeuble qui lui appartenait en propre comprenant 21 locaux d'habitation ou à usage commercial sis [Adresse 2] à [Localité 29] (Val-de-Marne).

Par déclaration au greffe du tribunal de grande instance de Créteil du 20 février 2015, Mme [J] [H] a renoncé à la succession de son père au bénéfice de ses trois enfants, Mme [N] [I], M. [K] [I] et M. [T] [I] (les consorts [I]).

Par actes d'huissier du 31 juillet et 10 août 2018, Mme [X] [L] et M. [E] [H] (les consorts [H] ) ont assigné Mme [J] [I], Mme [N] [I], M. [K] [I] et M. [T] [I] (les consorts [I]) devant le tribunal judiciaire de Créteil afin de voir ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [Z] [H] et de trancher les difficultés les empêchant de parvenir à un partage amiable.

Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Créteil, qui a ordonné le partage judiciaire de la liquidation des intérêts patrimoniaux ayant existé entre les époux [H] /[L] et de la succession de [Z] [H], a notamment :

-requalifié en donation simple la donation du 25 mars 2005 en ce qu'elle concerne l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 29],

-requalifié en donation simple la donation du 24 août 2010,

-débouté Mme [X] [L] de sa demande de récompense d'une somme de 1 486 000 euros due par la succession à la communauté au titre de travaux d'entretien sur l'immeuble de [Localité 29],

- débouté Mme [X] [L] de sa demande de récompense d'une somme de 116 386,39 euros due par la succession à la communauté au titre de droits de succession acquittés pour le compte de [Z] [H],

-dit que Madame [X] [L] a droit à une récompense de 12 649,18 euros.

Mme [X] [L] et M. [E] [H] ont interjeté appel des deux chefs de dispositif du jugement par déclaration du 5 novembre 2020.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 9 février 2023, les appelants, les consorts [H], demandent à la cour de :

-confirmer le jugement déféré à la cour en ce qu'il a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage.

- désigné à cet effet un notaire pour y procéder.

-requalifié en donations simples les donations-partages des 24 août 2010 et 25 mars 2005 portant sur des quotes-parts indivises des immeubles de [Localité 29] données par le défunt à ses deux enfants,

- dit que Mme [X] [L] veuve [H] a droit à reprise de la somme de 12 649,18 €.

-infirmer la décision dont appel en ce qu'elle rejeté les demandes de récompenses formulées par Mme [X] [L] veuve [H] au titre des travaux financés par la communauté sur les immeubles propres de son défunt mari [Z] [H] ainsi qu'au titre des droits de succession de Mme [R] veuve [H],

et statuant à nouveau,

juger que l'ensemble des revenus, fruits et économies des époux constituent des acquêts de communauté et bénéficient de la présomption édictée par les articles 1401 et 1402 du code civil,

en conséquence,

juger que la communauté a droit à récompense des somme suivantes :

*au titre des droits dus au titre de la succession de Mme [R] veuve [H] acquittés pour le compte de M. [H] : la somme de 116 386,39 €,

*au titre des travaux de conservation et d'amélioration sur les immeubles propres du défunt financés par la communauté : la somme de 2 607 856 € sauf à parfaire ou à diminuer qui sera actualisée à la date du partage,

compléter la mission du notaire désigné par la décision entreprise en ce qu'il devra déterminer le montant des récompenses dues à ce titre conformément aux articles 1468 et 1469 du code civil,

débouter les consorts [I] de toutes leurs demandes y compris celle formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner les consorts [I] au paiement de la somme de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner les consorts [I] aux dépens dont distraction au profit de Me Sylvie Kong-Thong, avocat aux offres de droit.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 13 février 2023, les intimés, les consorts [I], demandent à la cour de :

-débouter Mme [X] [A] [L] veuve [H] et M. [E] [H] en toutes leurs demandes,

et notamment,

les débouter de leur demande de récompense à la communauté d'une somme de 116 386 euros au titre de droits prétendument acquittés par la communauté pour la succession de Mme [R] veuve [H] pour le compte de [Z] [H],

les débouter de leur demande de récompense à la communauté d'une somme de 2 607 856 euros au titre de prétendus travaux de conservation et d'amélioration entrepris sur l'immeuble du [Adresse 2] à [Localité 29],

recevoir Mme [J] [H] épouse [I], M. [T] [I], M. [K] [I] et Mme [N] [I] en toutes leurs demandes, fins et conclusions, les déclarer bien fondés,

en conséquence,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

requalifié la donation-partage du 24 août 2010 en donation simple,

requalifié la donation-partage du 25 mars 2005 en donation simple consentie par [Z] [H] à Mme [J] [H] de 4,5/100èmes en nue-propriété et à M. [E] [H] de 2/100èmes en nue-propriété d'un immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 29],

dit que Mme [X] [L] veuve [H] a droit à reprise de la somme de 12 649,18 euros,

statuant à nouveau,

juger que les donations-partages des 25 mars 2005 et 24 août 2010 constituent bien des donations-partages soumises au régime prévu par les articles 1076 et suivants du code civil,

condamner M. [E] [H] à verser à la succession de [Z] [H] une somme de 196 800 euros à parfaire correspondant à l'avantage en nature qui lui a été consenti par le défunt par la mise à sa disposition d'un studio au sein du bien immobilier du [Adresse 2] à [Localité 29] depuis le 1er janvier 1993,

juger que M. [E] [H] restera redevable d'une somme de 600 euros par mois au titre de cette occupation exclusive jusqu'au jour du partage à intervenir,

condamner M. [E] [H] à verser à Mme [J] [H] épouse [I], du fait de sa qualité de propriétaire indivis à hauteur de 17% du bien immobilier de [Adresse 2] depuis le 1er décembre 2012, 17% de l'indemnité d'occupation due par M. [E] [H] au titre de son occupation du studio depuis le 1er décembre 2012 jusqu'au jour du partage,

rappeler en conséquence que le notaire désigné devra, dans le cadre de ses opérations de partage, prendre en compte l'indemnité d'occupation due par M. [E] [H] à la succession et la portion de l'indemnité d'occupation due à Mme [J] [H] épouse [I] depuis le 1er décembre 2012 du fait de son occupation à titre gratuit du studio dépendant de l'ensemble immobilier de [Localité 29],

confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

subsidiairement,

ordonner au notaire désigné de vérifier, s'agissant de toute demande de récompense qui serait formée par les consorts [H] dans le cadre des opérations de compte liquidation partage de la communauté et de la succession de [Z] [H],

le caractère prétendument nécessaire des dépenses qui auraient été engagées par la communauté sur l'immeuble de [Localité 29] entre 1979 et 2014 et notamment un constat précis de l'état du bien avant chacun des travaux et après chacun des travaux entrepris et prétendument nécessaires au sens de l'article 1469 alinéa 2 du code civil,

les justificatifs chiffrés du caractère de profit subsistant procuré par chacun des travaux d'amélioration entrepris entre 1979 et 2014 sur l'immeuble de [Localité 29] avec le mode d'évaluation précis et déterminant en conséquence la différence entre la valeur actuelle de l'immeuble après chacun de ces travaux et sa valeur actuelle si chacun de ces travaux n'avait pas été entrepris,

en tout état de cause,

condamner in solidum Mme [X] [L] veuve [H] et M. [E] [H] à une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner in solidum Mme [X] [L] veuve [H] et M. [E] [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 8 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, eu égard à la saine de la cour, le jugement est définitif en ce qui a :

-ordonné un partage judiciaire de l'indivision [L]/[H] et de la succession de [Z] [H] et désigné un notaire,

-débouté Mme [X] [L] veuve [H] et M. [E] [H] de leurs demandes de rapport à la succession au titre d'avantages en nature constitués par la mise à disposition d'appartements du bien immobilier du [Adresse 2] à [Localité 29],

-débouté Mme [X] [L] veuve [H] et M. [E] [H] de leurs demandes de rapport de dons manuels consentis par M. [Z] [H] à Mme [J] [H] pour une somme totale de 102 633 euros.

Sur les donations-partages des 25 mars 2005 et 24 août 2010

[Z] [H] avait consenti plusieurs donations de son vivant :

- une donation du 18 février 1981 hors part successorale à M. [E] [H] de la nue-propriété de biens immobiliers à [Localité 15] (Indre-et-Loire) cadastré Section B numéro [Cadastre 5] évalués au jour du décès à 52 500 euros,

- une donation du 1er août 1981 hors part successorale à M. [E] [H] de la nue-propriété des biens immobiliers à [Localité 15] (Indre-et-Loire) cadastré Section B numéro [Cadastre 11] évalué au jour du décès à la somme de 52 500 euros,

- un avantage en nature à M. [E] [H] par l'occupation à titre gratuit d'un appartement [Adresse 3] à [Localité 29] depuis le 1 er janvier 1993 évalué à 75 000 euros,

- une donation du 31 août 1994 en avancement de part successorale à M. [E] [H] de 2/100 ème indivis en nue-propriété des biens immobiliers situés à [Adresse 2] à [Localité 29] et de la nue-propriété d'une exploitation agricole ayant son siège au lieu-dit « [Localité 19] » sur la commune de [Localité 15] ;

- une donation du 31 août 1994 en avancement de part successorale à Madame [J] [H] de 6/100 ème indivis en nue-propriété des biens immobiliers situés [Adresse 2] à [Localité 29],

- une donation du 25 mars 2005 :

o A Madame [J] [H] de 4,5/100 en nue-propriété d'un immeuble à [Adresse 2] évalué à 55 440 euros,

o A Monsieur [E] [H] de 2/100 en nue-propriété d'un immeuble à [Adresse 2] et de divers immeubles à usage agricole sur la commune de [Localité 15] (Indre-et-Loire) aux lieudits « [Localité 16] », « [Localité 17] », la « [Localité 27] », la « [Localité 13] », les « [Localité 14] », la « [Localité 26] » évalué à 55 400 euros,

- une donation du 24 août 2010 :

o A Madame [J] [H] de 6,5/100 ème en nue-propriété d'un immeuble à [Adresse 2] évalué à 145 600 euros,

o A Monsieur [E] [H] de 6,5/100 ème en nue-propriété d'un immeuble à [Adresse 2] évalué à 145 600 euros.

-une donation du 1er décembre 2012 en avancement de part successorale à Madame [J] [H] de 17% indivis en usufruit de biens immobiliers à [Adresse 2] pour 71 400 euros et à Monsieur [E] [H] de 10,5% indivis en usufruit de biens immobiliers à [Adresse 2] pour 44 100 euros.

- une donation du 1er décembre 2012, hors part successorale, à Monsieur [E] [H] de l'usufruit des lots de copropriété 48, 91 et 166 d'un ensemble immobilier à [Adresse 21] pour 27 600 euros.

Le défunt ayant qualifié les donations de 2005 et 2010 de donation à titre de partage anticipé, les parties sont en désaccord sur la qualification de donation partage.

S'agissant de l'acte du 25 mars 2005, le tribunal l'a requalifié en donation simple pour ce qui concerne les quotes-parts de l'immeuble de [Localité 29] et a conservé la qualification de donation-partage pour ce qui concerne les parcelles attribuées à M. [E] [H].

S'agissant de l'acte du 24 août 2010 portant sur des quotes-parts indivises et n'opérant pas de répartition matérielle des biens donnés, le tribunal a considéré qu'il devait être requalifié en donation simple.

A l'appui de leur appel incident, les intimés font valoir que la requalification d'une donation-partage en donation simple n'est possible que lorsque cette donation-partage crée une situation d'indivision entre les donataires mais pas lorsque la situation d'indivision existait déjà avant la donation-partage, ne laissant ainsi d'autre choix au donateur que de donner des quotes-parts indivises, et qu'en l'espèce, la situation d'indivision sur le bien de [Localité 29] préexistait aux donations-partages des 25 mars 2005 et 24 août 2010, puisque créée par les donations simples du 31 août 1994 par lesquelles le défunt a donné d'une part, dans un premier acte, 2% des droits indivis en nue-propriété de l'immeuble de [Localité 29] à [E] et d'autre part, dans un deuxième acte, 6% des droits indivis en nue-propriété de l'immeuble de [Localité 29] à [J].

Les appelants répondent qu'une donation-partage sur des biens en indivision doit être requalifiée en donation simple, peu important la préexistence de l'indivision et la qualification donnée à l'acte par les parties.

Les donations sont considérées comme rapportables au sens de l'article 922 alinéa 2 du code civil pour la détermination de la masse destinée à calculer la réserve héréditaire et la quotité disponible.

La valorisation de ces donations ainsi rapportées est faite à la date d'ouverture de la succession selon leur état à l'époque de la donation.

La raison d'être de la donation-partage est de procéder, selon les termes de l'article 1075, alinéa 1 du code civil, à la distribution et au partage des biens du ou des ascendants donateurs ou du moins de ceux compris à l'acte. Il en résulte que si la donation-partage ne porte que sur des quotités indivises, elle ne mérite pas cette qualification, qui ne lui sera acquise que si postérieurement un partage intervient sous la médiation du donateur, donc de son vivant, ce que requiert précisément l'article 1076, alinéa 2 du code civil. Lorsque les donataires copartagés sont allotis par attribution de quotités indivises, l'exigence d'un véritable partage des biens n'est pas remplie. Ce n'est pas une donation-partage, mais une donation ordinaire quelle qu'en ait été la qualification donnée par les parties.

En l'espèce, le défunt était propriétaire en propre de l'ensemble immobilier sis à [Adresse 2] pour l'avoir recueilli dans la succession de ses parents et avait de son vivant abandonné la pleine propriété de 27,5% de cet immeuble à ses deux enfants [J] [I] et [E] [H] aux termes de différentes donations puisqu'il a, aux termes de cinq donations alloti sa fille de la pleine propriété de 17% de l'immeuble et son fils de la pleine propriété de 10,5% de l'immeuble.

Par l'acte du 25 mars 2005, Monsieur [E] [H] a été alloti d'un certain nombre de lots en pleine propriété situés sur la commune de [Localité 15] et de 2/100 ème de droit indivis en nue-propriété de l'immeuble de [Localité 29] alors que Madame [J] [H] a été allotie de 4,5/100 ème en nue-propriété de l'immeuble de [Localité 29] Cette donation est par nature indivise car le bien n'a pas fait l'objet d'une division matérielle ou juridique,

L'acte de donation-partage du 24 août 2010 porte sur le même bien de [Localité 29], pour allotir deux nouvelles quotes-parts indivises de 6,5% chacun à [E] et [J].

Bien qu'intitulée donation-partage, une donation encourt la requalification en donation simple si elle a pour effet de maintenir, comme en l'espèce, une indivision qui préexistait entre les donataires et non d'opérer, du vivant du donateur, le partage matériel des biens.

L' immeuble du [Adresse 4] qui appartenait en totalité au défunt n'ayant pas été divisé, ce dernier ne pouvait donner que des parts indivises de sorte que les donations même improprement intitulées de donation-partage n'ont pas opéré partage entre les donataires.

Les droits donnés sur l'immeuble de [Localité 29] relèvent d'une simple donation entre vifs n'ayant pas opéré partage entre les donataires et les actes du 25 mars 2005 et du 24 août 2010 ne sauraient constituer des donation-partage dès lors qu'aucun partage du vivant du défunt n'est intervenu.

C'est donc à juste titre que le tribunal a requalifié les donations des 25 mars 2005 et 24 août 2010 en donations simples et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la reprise par Mme [X] [L] veuve [H] de la somme de 12 649,18 €

Madame [L] ayant sollicité la reprise de la somme de 12 649,18 euros provenant de la succession de sa mère, le tribunal a fait droit à cette demande sur le fondement de l'article 1467 du code civil et au visa d'un courrier de la BNP Paribas du 9 décembre 2008 faisant état du versement d'une somme de 7 866,97 euros sur le compte n°[XXXXXXXXXX08] et d'un autre courrier du 12 septembre 2008 faisant état du versement d'une somme de 4 166,73 euros également au profit du compte n°[XXXXXXXXXX08].

Pour s'opposer à la demande, les intimés font valoir que rien n'établit que cette somme totale de 12 649,18 euros aurait été versée sur le compte joint des époux et aurait profité à la communauté dans la mesure où les références des comptes prétendument joints entre les époux, visées dans les pièces adverses qu'ils communiquent, leur semblent différentes.

L'article 1467 du code civil dispose qu'à la dissolution d'un régime communautaire, chacun des époux reprend les biens qui n'étaient pas entrés en communauté.

Les deux comptes de chèques qui figurent dans la déclaration de succession ouverts dans les livres de la BNP agence de [Localité 29] sont les suivants :

- compte de chèques n° [XXXXXXXXXX07] ouvert au nom de Madame et Monsieur [H],

- compte de chèques n° [XXXXXXXXXX08] ouvert au nom de Madame [X] [L] épouse [H].

S'il n'est pas contesté que ces fonds étaient personnels à Madame [L] comme provenant d'assurances vie souscrites à son profit par sa mère, il apparaît qu'ils ont été versés sur son compte personnel n°[XXXXXXXXXX08] et non sur le compte joint n° [XXXXXXXXXX07].

Si les intimés ont souscrit et signé une déclaration de succession reconnaissant en page 16 le droit à récompense au profit de Madame [X] [L] de la somme de 12 649, 18 € au titre des sommes reçues dans la succession de sa mère Madame [IC] et reconnaissant également en pages 16 et 17 la récompense due par la communauté à la succession de Monsieur [H] au titre de diverses ventes de parcelles de terre, ce n'est pas de mauvaise foi et qu'ayant constaté ultérieurement la réalité de ces versements, ils ont pu, contrairement à ce qu'ils ont déclaré dans la pièce administrative destinée à l'administration fiscale conclure au rejet de la demande.

Faute par Madame [L] d'établir que la somme de 12 649,18 euros perçue sur son compte personnel aurait profité à la communauté, le jugement sera infirmé sur ce point et la demande de Madame [L] rejetée.

Sur les travaux d'entretien sur l'immeuble de [Localité 29]

Les premiers juges ont écarté cette demande de Madame [L] à hauteur de 1 486 000 € en considérant que :

-le décompte des sommes ayant servi à financer divers travaux dans l'immeuble bien propre du défunt et qui a été établi par le notaire de Mme [L] veuve [H] ne saurait constituer une preuve desdites dépenses et que de surcroît celui-ci serait illisible pour avoir été établi dans une police inférieure au corps 6,

- Madame [L] ne produit qu'une partie des factures qui sont donc incomplètes au regard de la récompense sollicitée et si de telles pièces permettent d'établir l'exécution de travaux, elles ne font en revanche pas preuve de leur financement par la communauté à défaut de production des relevés du compte ayant servi à financer lesdits travaux.

Les appelants qui avaient versé aux débats, d'une part un tableau récapitulatif, et d'autre part quelques-unes des factures visées dans ce tableau et se disaient en mesure de produire le reste de factures au notaire, font grief au tribunal d'avoir rejeté leur demande faute de preuve alors que si le tableau dressé par le notaire et récapitulant lesdites factures était illisible, il existait néanmoins en tant que preuve et qu'il appartenait au tribunal de donner mission au notaire saisi de procéder à l'analyse des factures afin de fournir ensuite au Juge les éléments matériels lui permettant d'apprécier le quantum du droit à récompense.

Ils soutiennent qu'il n'est nullement nécessaire pour justifier l'existence d'une récompense au profit de la communauté de démontrer que les fonds utilisés pour améliorer ou conserver un bien propre de l'un des époux proviennent d'un compte commun car l'article 1402 du code civil pose le principe de la présomption d'acquêt de communauté à tout bien meuble ou immeuble après que l'article 1401 ait rappelé qu'entrent dans la communauté les fruits et revenus des biens propres à chacun des époux.

Devant la cour, ils portent leur demande au montant total de 2 607 856 € pour des travaux effectués entre 1979 et 2014.

Les intimés répondent que la preuve du financement de ces travaux par la communauté n'est pas rapportée et qu'en tout état de cause, elle est indifférente, d'une part du fait de la jouissance de l'ensemble immobilier par la communauté qui a perçu les loyers de ce bien jusqu'au décès de [Z] [H] et profité d'importantes réductions d'impôts en opérant des déductions fiscales pour les travaux d'entretien ce qui exclut toute récompense, et d'autre part du fait de l'absence de preuve du profit subsistant qui aurait résulté de ces travaux.

L'article 1437 du code civil dispose que : « Toutes les fois qu'il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l'un des époux, telles que le prix ou partie du prix d'un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l'amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l'un des des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense. »

Il est constant que l'immeuble sis à [Adresse 2] appartenait en propre à [Z] [H] pour l'avoir recueilli dans la succession de ses parents ; composé de 21 locaux à usage d'habitation et de commerces, il a fait l'objet de travaux immobiliers importants sur la période allant de 1979 à 2014.

Dans le cadre du régime matrimonial des époux, tout paiement étant présumé fait avec des deniers communs, il n'appartient pas aux appelants de démontrer que les fonds utilisés pour améliorer ou conserver le bien propre du défunt provenaient d'un compte commun.

Les pièces produites démontrent qu'il y a eu, sans qu'ils puissent en l'état être déterminés de manière exhaustive, de nombreux travaux.

La communauté à laquelle sont affectés les fruits et revenus des biens propres doit supporter les dettes qui sont la charge de la jouissance de ces biens.

Les dépenses d'entretien, qui ne sont rien d'autre que des charges usufructuaires, n'ouvrent pas droit à récompense. Elles sont supportées par la communauté qui, en contrepartie, a vocation à recueillir les revenus des propres.

Dès lors, leur paiement ne donne pas droit à récompense au profit de la communauté lorsqu'il a été fait avec des fonds communs s'agissant des simples travaux de conservation lorsque, comme en l'espèce, la communauté a perçu les loyers produits par le bien propre du défunt.

S'agissant des prétendus travaux d'amélioration, il est rappelé qu'un immeuble bâti est amélioré lorsqu'il a été doté d'un cachet ou d'une utilité supplémentaires ou encore lorsque son utilité existante s'est trouvée élargie et que pour l'application de l'article 1469, alinéa 2, du code civil, selon lequel la récompense est égale à la plus faible des deux sommes que sont d'une part la dépense faite et d'autre part le profit subsistant en précisant qu'elle ne peut être inférieure au montant de la dépense quand elle était nécessaire, le juge apprécie souverainement si les travaux effectués avaient été rendus nécessaires pour assurer l'habitabilité de l'immeuble.

Ont été effectués des travaux de gros 'uvre au sens de l'article 606 du code civil : ravalements de toutes les façades des deux immeubles, changement dans tous les bâtiments des fenêtres, réfection des sols des cours et parties communes, réfection des escaliers de tous les bâtiments, réfection des toitures, réfection des réseaux d'alimentation en eau et des réseaux électriques ou des travaux de second 'uvre qui ont permis de refaire tous les appartements et de les doter de tous les éléments de confort ainsi que l'aménagement de tous les combles en appartements.

Les travaux de ravalement, relatifs aux fenêtres et à la toiture ne donnent lieu à aucune récompense, s'agissant de travaux d'entretien.

Les travaux imposés par la réglementation en vigueur pour satisfaire à une mise aux normes et aux règles d'hygiène et de sécurité relèvent également de l'entretien puisque sans leur réalisation, le bien n'aurait plus pu être loué.

D'autres travaux comme l'embellissement des cages d'escaliers, n'étaient pas des travaux nécessaires.

Faute de preuve produite par les appelants que les travaux ont augmenté le potentiel fructifaire des biens propres, aucune des dépense alléguées n'apparaît comme nécessaire et pouvant donner lieu à récompense dans les conditions de l'article 1469 am liné 2 du code civil.

Le jugement sera donc, par substitution de motifs, confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

Sur les droits de succession acquittés pour le compte de [Z] [H]

Madame [X] [L] ayant formé une demande de récompense de la somme de 116 386 € correspondant aux droits de succession acquittés par son défunt mari au moyen de deniers communs dans le cadre de la succession de sa mère Madame [R] Veuve [H], le tribunal a rejeté la demande faute de preuve.

L'appelante se prévaut de la présomption de l'article 1402 du code civil selon laquelle les droits de succession ont été payés par la communauté à partir d'un compte ouvert au nom de celle-ci en soutenant que ces frais ont été réglés par chèques provenant de comptes bancaires sur lesquels étaient déposés des fonds dépendant nécessairement de la communauté.

Il est justifié du dépôt en 1978 auprès des services fiscaux de la déclaration de succession de Madame [R] veuve [H] et de l'acquittement des droits afférents à hauteur de 116 386 € tels que ceux-ci sont constatés par les reçus délivrés par Maître [G], notaire et relatés dans le projet de déclaration de la succession de Monsieur [H].

Il est par ailleurs justifié que [Z] [H] a souscrit un échéancier vis-à-vis de l'administration fiscale qui s'est étendu sur une durée de deux années et pour lequel il avait donné en garantie au profit du Trésor Public en juin 1978 le domaine agricole dénommé [Adresse 20] sis à [Localité 15].

Nonobstant l'attestation de Monsieur [P], qui n'a rien constaté lui même, selon laquelle [Z] [H] aurait pu payer une partie de ses droits de succession par la vente d'un de ses biens propres, une maison située à [Localité 28], force est de constater que les intimés ne renversent pas la présomption de communauté des fonds ayant servi à acquitter ces droits de succession.

Par suite, par infirmation du jugement, la somme de 116 386 € donnera lieu à récompense au profit de la communauté.

Sur les demandes accessoires

L'équité ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou de l'autre des parties.

Eu égard à la nature du litige, il convient d'ordonner l'emploi des dépens en frais généraux de partage et de dire qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- dit que Madame [X] [L] a droit à une récompense de 12 649,18 euros ;

-débouté Mme [X] [L] de sa demande de récompense d'une somme de 116 386,39 euros due par la succession à la communauté au titre de droits de succession acquittés pour le compte de [Z] [H] ;

Y substituant,

Déboute Madame [X] [L] de sa demande de récompense à hauteur de 12 649,18 euros ;

Dit que la somme de 116 386 € au titre de droits de succession acquittés pour le compte de [Z] [H] donnera lieu à récompense au profit de la communauté ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais généraux de partage et dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 20/15920
Date de la décision : 19/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;20.15920 ?
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