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18/04/2023 | FRANCE | N°22/04863

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 18 avril 2023, 22/04863


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 18 AVRIL 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04863 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFND6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 février 2022 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/01951





APPELANTE



Madame [F] [Z] épouse [J] née le 7 décembre 19

57 à [Localité 8], [Localité 5] (Jamaïque),



[Adresse 1]

[Localité 2]

ETATS UNIS D'AMERIQUE



représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat postulant du...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 18 AVRIL 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04863 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFND6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 février 2022 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/01951

APPELANTE

Madame [F] [Z] épouse [J] née le 7 décembre 1957 à [Localité 8], [Localité 5] (Jamaïque),

[Adresse 1]

[Localité 2]

ETATS UNIS D'AMERIQUE

représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : J125

assistée de Me Audrey WEISSBERG, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P46

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté à l'audience par Madame de CHOISEUL PRASLIN, magistrat honoraire, avocat général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 mars 2023, en audience publique, l' avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Le 26 mars 2019, Mme [F] [Z], épouse [J], de nationalité américaine, a souscrit auprès du consulat général de France à Washington, une déclaration acquisitive de nationalité française au titre de l'article 21-1 du code civil, en raison de son mariage célébré le 2 avril 1994 à [Localité 7] (Etat de [Localité 2], Etats-Unis) avec M. [L] [J], de nationalité française.

Le 17 mai 2019, le ministère de l'intérieur a refusé l'enregistrement de cette déclaration au motif qu'elle ne justifiait pas d'une connaissance orale suffisante de la langue française, au vu de vérifications effectuées par un agent consulaire.

Le 13 février 2020, Mme [F] [Z] a assigné le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.

Par un jugement rendu le 3 février 2022, le tribunal judiciaire de Paris a constaté le respect des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, débouté Mme [F] [Z] de l'ensemble de ses demandes, jugé que Mme [F] [Z], se disant née le 7 décembre 1957 à [Localité 8], [Localité 5] (Jamaïque), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil en marge des actes concernés et l'a condamnée aux dépens.

Mme [F] [Z] a formé appel par une déclaration du 2 mars par 2022.

Par des conclusions notifiées le 1er mars 2023, Mme [F] [Z] demande à la cour d'infirmer la décision du tribunal judiciaire du 3 février 2022 ayant confirmé la décision du ministère chargé des naturalisations du 17 mai 2019 de refus d'enregistrement de la déclaration d'acquisition de nationalité française, juger qu'elle s'est mariée avec M. [L] [J] le 2 avril 1994 et doit donc bénéficier des conditions d'éligibilité à la citoyenneté prévues par l'article 21-2 du code civil telles qu'elles existaient à cette date, juger qu'elle remplit les conditions posées par l'article 21-2 du code civil en sa version applicable en 2019, juger qu'elle a la nationalité française depuis le 23 mars 2019, date de la déclaration et ce conformément aux dispositions de l'article 21-3 du code civil, ordonner la mention de la décision de la cour d'appel conformément aux dispositions de l'article 28 et 29-1 du code civil et condamner M. le procureur de la République aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de Maître François TEYTAUD, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par des conclusions notifiées le 27 février 2023, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement de première instance, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner Mme [F] [Z] aux entiers dépens.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 2 mars 2023.

MOTIFS

Sur le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 11 avril 2022 par le ministère de la Justice.

Sur la nationalité

Invoquant l'article 21-2 du code civil, Mme [F] [Z] soutient qu'elle est française en raison de son mariage célébré le 2 avril 1994 à [Localité 7] avec M. [L] [J], de nationalité française. Elle fait valoir qu'elle dispose d'une connaissance satisfaisante de la langue française et qu'elle a acquis le niveau B1.

L'article 21-2 dispose que « L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité ».

N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il lui appartient en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'elle réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de la nationalité française.

Sur la preuve de l'état civil

Pour justifier de son état civil, Mme [F] [Z] produit une copie, délivrée le 23 décembre 2017, de son acte de naissance dressé le 3 février 1958, selon lequel, notamment, elle est née le 7 décembre 1957 à [Localité 8] (Jamaïque), de [M] et [P] [G].

Le ministère public soutient toutefois que cette pièce n'est pas traduite par un expert agréé par une cour d'appel française, qu'elle n'a pas été régulièrement légalisée et que le nom de l'officier d'état civil qui a dressé l'acte de naissance n'est pas mentionné, de sorte que Mme [F] [Z] ne justifie pas d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil, qui dispose que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Toutefois, en premier lieu, l'acte est traduit par un expert traducteur près la cour d'appel de Paris.

En deuxième lieu, la France et la Jamaïque sont parties à la convention de [Localité 6] du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de légalisation des actes publics étrangers, dont l'article 2 énonce que chacun des Etats contractants dispense de légalisation les actes auxquels s'applique la convention.

En troisième lieu, le ministère public n'établit pas qu'en droit jamaïcain, le nom de l'officier d'état civil qui a dressé un acte de naissance doit être mentionné sur les copies qui en sont faites, étant précisé que le ministère public ne conteste pas par ailleurs l'exactitude des mentions figurant dans l'acte.

Ainsi, contrairement à ce que soutient le ministère public, Mme [F] [Z] justifie disposer d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil.

Sur la connaissance de la langue française

L'article 15 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose que :

« La déclaration de nationalité souscrite au titre de l'article 21-2 du code civil est reçue par le préfet désigné, selon le département de résidence du déclarant, par arrêté du ministre chargé des naturalisations ou, à Paris, par le préfet de police. Les services placés sous l'autorité du préfet qui a reçu la déclaration procèdent à son instruction. A l'étranger, elle est reçue par les autorités consulaires françaises désignées selon la résidence de l'intéressé par arrêté du ministre des affaires étrangères.

Dès la souscription de la déclaration, l'autorité administrative qui a reçu la déclaration procède à une enquête et convoque le déclarant et son conjoint à un entretien destinés à vérifier la continuité de la communauté de vie tant affective que matérielle entre les époux depuis le mariage, et à permettre d'apprécier s'il y a lieu de s'opposer à l'acquisition de la nationalité française pour indignité ou défaut d'assimilation autre que linguistique. Lors de l'entretien, les conjoints signent, devant l'autorité administrative, une attestation sur l'honneur certifiant que la communauté de vie tant affective que matérielle n'a pas cessé entre eux depuis le mariage.

Font l'objet d'un entretien individuel destiné à vérifier qu'ils maîtrisent un niveau de langue correspondant à celui exigé en vertu de l'article 14 :

a) Les déclarants titulaires d'un diplôme délivré dans un pays francophone à l'issue d'études suivies en français ;

b) Les déclarants souffrant d'un handicap ou d'un état de santé déficient chronique ou âgés d'au moins soixante ans ».

Etant âgée de plus de soixante ans, Mme [F] [Z] a subi un entretien individuel.

Le rapport, daté du 26 mars 2019, du consulat général de France à Washington, indique que la communauté de vie affective et matérielle des époux persiste et que Mme [F] [Z] « ne parle que quelques mots en Français » qu'il lui est très difficile de faire une phrase et qu'elle « ne comprend pas ce qui lui est demandé ».

Ce rapport ne contient aucun autre élément quant à la connaissance par Mme [F] [Z] de la langue française, notamment les questions posées, la durée de l'entretien et les conditions dans lesquelles celui-ci a été tenu.

Mme [F] [Z] produit quant à elle devant la cour une attestation de l'Alliance française de [Localité 7] selon laquelle elle suit des cours réguliers et qu'elle a le niveau B1 ainsi que les attestations de Mme [B] [V] et de M. [X] [N] précisant qu'elle a un niveau suffisant pour s'exprimer dans le cadre de la vie courante en France.

Au regard de ces éléments, la cour retient que Mme [F] [Z] établit disposer d'une connaissance suffisante de la langue française.

Le jugement est donc infirmé et Mme [F] [Z] est jugée de nationalité française depuis le 23 mars 2019.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens sont mis à la charge du Trésor public.

En revanche, aucun motif pris de l'équité ne conduit à faire droit à la demande formée par Mme [F] [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Juge que Mme [F] [Z], épouse [J], née le 7 décembre 1957 à [Localité 8], (Jamaïque), est de nationalité française depuis le 23 mars 2019 ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Rejette la demande formée par Mme [F] [Z], épouse [J], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Met les dépens à la charge du Trésor public.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/04863
Date de la décision : 18/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-18;22.04863 ?
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