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18/04/2023 | FRANCE | N°21/19357

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 18 avril 2023, 21/19357


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 18 AVRIL 2023



(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19357 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CET6W



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 19/08816





APPELANTE



Madame [W] [B] [J] née le 20 septembre 1979 à Ouaoun

dé (Sénégal),



[Adresse 3]

[Adresse 3] (SENEGAL)



représentée par Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0754



(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOT...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 18 AVRIL 2023

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19357 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CET6W

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 19/08816

APPELANTE

Madame [W] [B] [J] née le 20 septembre 1979 à Ouaoundé (Sénégal),

[Adresse 3]

[Adresse 3] (SENEGAL)

représentée par Me Ghislaine BOUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0754

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2021/041481 du 04/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Madame Laure de CHOISEUL PRASLIN, avocat général, magistrat honoraire

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 mars 2023, en audience publique, l' avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 5 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a débouté Mme [W] [B] [J] de l'ensemble de ses demandes, jugé que Mme [W] [B] [J], se disant née le 20 septembre 1979 à Ouaoundé (Sénégal), n'est pas française, a ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, l'a condamnée aux dépens dans les conditions propres à l'aide juridictionnelle et l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Vu la déclaration d'appel en date du 5 novembre 2021 de Mme [W] [B] [J] ;

Vu les conclusions notifiées le 3 février 2022 par Mme [W] [B] [J] qui demande à la cour de la recevoir en son appel et de le déclarer bien fondé, infirmer le jugement, constater la validité et la force probante de son acte de naissance, constater que sa filiation a été établie à l'égard de son père français M. [B] [J] pendant sa minorité, en conséquence, reconnaitre sa nationalité française en application des dispositions des articles 18 et 20-1 du code civil, condamner le ministère public au paiement au profit de Maître [U] [H] de la somme de 2.000 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991, et condamner le ministère public en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître [H], avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions notifiées le 19 avril 2022 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, confirmer le jugement de première instance et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 3 janvier 2023 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 11 avril 2022 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 18 du code civil, Mme [W] [B] [J] soutient qu'elle est française par filiation paternelle pour être née le 20 septembre 1979 à Ouaoundé (Sénégal), de M. [B] [J], né le 1er janvier 1941 à Ouaoundé, celui-ci ayant conservé de plein droit la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance du Sénégal par l'effet d'une déclaration souscrite devant le juge d'instance du Havre le 5 décembre 1979, conformément à l'article 57-1 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi 73-42 du 9 janvier 1973.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

Mme [W] [B] [J] n'étant pas titulaire d'un certificat de nationalité française supporte donc la charge de la preuve.

Il lui appartient, notamment, d'établir qu'il dispose d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil qui énonce que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Mme [W] [B] [J] produit les pièces suivantes :

- Une copie littérale, délivrée le 9 novembre 2021, de son acte de naissance, dressé le 19 novembre 1979, qui indique, notamment, qu'elle est née le 20 septembre 1979 à Ouarundé de [B] [J] et de [Y] [J]. Cette copie vise une ordonnance du 8 mars 2005 portant mention de déclaration tardive ;

- Une ordonnance du tribunal départemental de Kanel du 8 mars 2005 prévoyant l'ajout de la mention « inscription de déclaration tardive » en tête de l'acte de naissance.

Toutefois, en premier lieu, la copie littérale précise que la naissance a été déclarée par [S] [E], délégué du père. Or, ainsi que l'a relevé le tribunal judiciaire, il résulte de l'article 51 du code de la famille sénégalais que les déclarations peuvent seulement émaner du père, de la mère, d'un ascendant, d'un proche parent, du médecin, de la sage-femme, de la matrone ou de toute autre personne ayant assisté à la naissance ou encore, lorsque la mère est accouchée hors de son domicile, de la personne chez qui elle est accouchée. Dès lors, le déclarant n'a pas l'une des qualités requises par cet article 51. En outre, son âge, sa profession et son domicile ne sont pas indiqués, contrairement à ce qu'exige l'article 52 du même code.

En deuxième lieu, ainsi que l'indique le ministère public, l'authenticité même de l'ordonnance du 8 mars 2005 est discutable car plusieurs polices de caractères ont été utilisées, car le texte est incomplet (« Attendu que l'acte incriminé à savoir l'acte de Naissance n° 923 de l'année 1979 ne fait pas état de mention ; »), et car certains mots apparaissent deux fois (« Que les mentions relatives à l'inscription tardive n'y figurent pas n'y figurent pas ; »).

En troisième lieu, il est constant que l'acte de naissance de Mme [W] [B] [J], se disant née le 20 septembre 1979, a été dressé le 19 novembre 1979.

Or, l'article 51 du code de la famille sénégalais prévoit que toute naissance doit être déclarée au service de l'état civil dans un délai d'un mois et que lorsqu'un mois et quinze jours se sont écoulés depuis une naissance sans qu'elle ait fait l'objet d'une déclaration, l'officier d'état civil peut néanmoins en recevoir une déclaration tardive pendant le délai d'une année à compter de la naissance à condition que le déclarant produise à l'appui de sa déclaration une certificat d'un médecin ou d'une sage-femme ou qu'il fasse attester par deux témoins majeurs.

Pourtant, comme le relève le ministère public, l'acte a été dressé près de deux mois après la naissance sans que ces prescriptions légales ne soient respectées.

De surcroît, l'ordonnance du 8 mars 2005 a été prononcée à la requête de Mme [W] [B] [J] qui a soutenu devant le tribunal de Kanel que son acte de naissance ne porte pas la mention d'une déclaration tardive et que l'absence d'une telle mention s'explique par une simple omission de l'officier d'état civil ayant dressé l'acte. Cependant, le ministère public conteste à juste titre devant la cour la régularité internationale de cette ordonnance, dès lors qu'elle a été rendue selon une procédure non contentieuse qui n'est ouverte, selon les dispositions de l'article 90 du code de la famille sénégalais, que pour la rectification décidée d'office, soit par le juge soit par le procureur sénégalais de la République et non sur la requête de l'intéressée, d'erreurs purement matérielles commises dans la rédaction des actes. Cette ordonnance vise en réalité, par un détournement de procédure destiné à éviter la communication au parquet sénégalais prévue par l'article 87 du même code, à couvrir un vice affectant une mention substantielle de l'acte tenant au caractère tardif de la déclaration de naissance. Elle est donc jugée contraire à l'ordre public international français.

Au regard de ces éléments, le jugement est confirmé.

Mme [W] [B] [J], qui succombe, est condamnée aux dépens. La demande tendant à la condamnation du ministère public au paiement au profit de Maître [U] [H] de la somme de 2.000 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 est en conséquence rejetée.

PAR CES MOTIFS

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;

Confirme le jugement ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Rejette la demande tendant à la condamnation du ministère public au paiement de la somme de 2.000 euros au profit de Maître [U] [H] sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Condamne Mme [W] [B] [J] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/19357
Date de la décision : 18/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-18;21.19357 ?
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