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18/04/2023 | FRANCE | N°21/15766

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 18 avril 2023, 21/15766


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 18 AVRIL 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15766 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEJNU



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 19/08506





APPELANT



Monsieur [S] [I] [R] né le 20 mai 1987 à [Localité 9

] (Algérie),



[Adresse 6]

[Localité 1] (ALGÉRIE)



représenté par Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1209





INTIME



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 18 AVRIL 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15766 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEJNU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 19/08506

APPELANT

Monsieur [S] [I] [R] né le 20 mai 1987 à [Localité 9] (Algérie),

[Adresse 6]

[Localité 1] (ALGÉRIE)

représenté par Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1209

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Madame M.-D. PERRIN, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 février 2023, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, jugé que M. [S] [I] [R], se disant né le 20 mai 1987 à [Localité 9] (Algérie), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, l'a débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 20 août 2021 de M. [S] [I] [R] et ses dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2022 par lesquelles il demande à la cour de juger recevable son appel, infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 20 mai 2021, statuant à nouveau, juger qu'il a la nationalité française, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil, condamner l'État aux entiers dépens ainsi qu'à verser la somme de mille cinq cents euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 3 février 2023 par le ministère public qui demande à la cour confirmer le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en tout son dispositif, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner M. [S] [I] [R] aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 16 février 2023 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 9 mai 2022 par le ministère de la Justice.

M. [S] [I] [R] [R], se disant né le 20 mai 1987 à [Localité 9] (Algérie), soutient qu'il est français par filiation maternelle et paternelle. D'une part, il fait valoir que sa mère, Mme [M] [K], née le 9 mai 1958 à [Localité 5] (Algérie), de nationalité française à sa naissance, a conservé de plein droit cette nationalité lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie en vertu de l'article 32-1 du code civil. D'autre part, il indique que son père, [Z] [R], né le 10 novembre 1952 à [Localité 10] (Maroc) de [S] [R] et de [L] [T], a conservé sa qualité de français lors de l'indépendance de l'Etat algérien sur le fondement de l'article 32 du code civil.

Sur la nationalité de l'appelante

Conformément à l'article 30 du code civil, n'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il incombe donc à M. [S] [I] [R] [R], qui revendique la nationalité française, d'en rapporter la preuve.

Sur la nationalité par filiation maternelle

M. [S] [I] [R] [R] soutient tenir sa nationalité française de sa mère revendiquée, Mme [M] [K]. Il doit donc, notamment, justifier de l'état civil de sa mère revendiquée ainsi que du lien de filiation qui la relie à elle, par des actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil, disposant que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

1) En premier lieu, pour justifier de l'état civil de sa mère revendiquée, il produit les pièces suivantes :

- Deux copies intégrales, délivrées le 1er août 2021 et le 22 mai 2022, de l'acte de naissance de Mme [M] [K], qui indiquent que celle-ci est née le 9 mai 1958 à 6 heures 50 et que l'acte de naissance a été dressé le 9 mai 1958 à 6 heures 50 par [W] [X], officier d'état civil (pièces n° 7 et 15) ;

- Une copie intégrale, délivrée le 1er septembre 2022, de l'acte de naissance de Mme [M] [K] qui indique que celle-ci est née le 9 mai 1958 à 6 heures 50 et que l'acte de naissance a été dressé le 9 mai 1958 à 11 heures par [W] [G], officier d'état civil (pièces n° 21).

M. [S] [I] [R] [R] ne justifie pas ainsi que l'état civil de sa mère revendiquée est fiable et probant, dès lors que les deux premières copies intégrales font état d'une date et d'une heure de naissance identiques à la date et à l'heure d'établissement de l'acte de naissance, ce qui n'est pas possible, que la troisième copie intégrale fournit une heure différente d'établissement de l'acte de naissance et que, enfin, le nom de l'officier d'état civil qui a dressé l'acte de naissance est différent dans les deux premières copies intégrales et dans la troisième.

2) En second lieu, M. [S] [I] [R] [R] indique que sa filiation à l'égard de sa mère revendiquée résulte de son propre acte de naissance et de l'acte de mariage de ses parents.

a) Concernant son acte de naissance, il est vrai que la copie intégrale, délivrée le 22 mai 2022, de son acte de naissance indique qu'elle est née le 3 juillet 1985 de [Z] [R] et de [M] [K].

Toutefois, M. [S] [I] [R] [R] ne peut pas utilement s'en prévaloir en l'espèce.

Certes, le droit français est en principe applicable à l'établissement de sa filiation à l'égard de [M] [K], revendiquée comme française, comme le souligne à juste titre le ministère public conformément à l'article 311-14 du code civil, disposant que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant.  Selon l'article 311-25 du code civil français, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 relative à la filiation, cette dernière est établie à l'égard de la mère par sa désignation dans l'acte de naissance.

Toutefois, conformément à l'article 20 II. 6 ° de cette ordonnance, tel qu'issu de l'article 91 de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, cette disposition n'a pas d'effet sur la nationalité des personnes majeures à la date de son entrée en vigueur le 1er juillet 2006. Or, M. [S] [I] [R] [R] indique être né le 3 juillet 1985.

b) Concernant l'acte de mariage de ses parents revendiqués, M. [S] [I] [R] [R] produit les pièces suivantes :

- la photocopie d'une copie de l'acte de mariage relatif à l'union entre [Z] [R] et « [M] [K] », tel que transcrit sur les registres français de l'état civil le 17 novembre 2004, délivrée le 22 juillet 2021 à [Localité 8], qui indique que le mariage a été célébré le 6 mars 1983 à [Localité 4] (pièce n° 2) ;

- une copie intégrale, délivrée le 26 juillet 2021, de l'acte de mariage, qui indique que le 10 mars 1983 a été transcrit sur les registres de la commune de [Localité 4] le mariage de M. [Z] [R] et Mme [M] [K], célébré le 13 mars 1983 devant le notaire apc d'[Localité 4] (pièce n°4) ;

- deux copies intégrales, délivrées les 23 mars 2022 et 1er septembre 2022, de l'acte de mariage, qui indiquent que M. [Z] [R] et Mme [M] [K] se sont mariés le 10 mars 1983 à [Localité 4] (pièces n° 16 et 22).

Ainsi, ces actes retiennent trois dates différentes de célébration du mariage, ce qui conduit à considérer qu'ils ne sont pas probants au sens de l'article 47 du code civil.

M. [S] [I] [R] [R] n'établit donc pas le mariage de ses parents revendiqués et échoue dès lors à justifier d'une filiation légitime à l'égard de sa mère et en conséquence de sa nationalité française par filiation légitime maternelle.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la nationalité par filiation paternelle

Par ailleurs, M. [S] [I] [R] [R] soutient être français par filiation paternelle, au motif que son père revendiqué, M. [Z] [R], né le 10 novembre 1952 à [Localité 10] (Maroc), a conservé sa nationalité française lors de l'indépendance en vertu de l'article 32 du code civil, dès lors que tant le père de celui-ci, [S] [R], né le 2 octobre 1930, que sa mère [L] [T], née en 1936, sont nés à [Localité 7], lieu-dit rattaché à la ville d'[Localité 9], en Algérie et sont donc originaires du territoire de la République française tel que constitué au 28 juillet 1960. Ceux-ci étaient en outre domiciliés au moment de l'indépendance à [Localité 10], soit dans un Etat ayant anciennement le statut de territoire d'outre-mer.

M. [S] [I] [R] [R] doit donc, notamment, justifier de l'état civil de son père revendiqué, M. [Z] [R], ainsi que de sa nationalité française.

1) Concernant l'état civil de son père revendiqué, M. [S] [I] [R] [R] produit :

- Un extrait, délivré le 22 juillet 2021 par le service de l'état civil de [Localité 8], de son acte de naissance, qui indique qu'il est né le 10 novembre 1952 à [Localité 10] au Maroc (pièce n° 1) ;

- Un extrait, délivré le 26 juillet 2021 par l'officier d'état civil de [Localité 5] (Algérie), d'acte de naissance indiquant qu'il est né le 10 novembre 1952 à [Localité 10] au Maroc (pièce n° 1) :

- Une copie, délivrée le 26 juillet 2021 par le service de l'état civil de [Localité 8], de son acte de naissance. Cette pièce est toutefois illisible, à l'exception des mentions marginales qui sont lisibles.

Or, ainsi que le soutient le ministère public, les deux extraits ne sont pas suffisants à établir l'état civil de M. [Z] [R], la production d'une copie intégrale d'acte de naissance étant nécessaire ; et la copie de l'acte de naissance est illisible. En outre, M. [S] [I] [R] [R] n'explique pas pourquoi l'officier d'état civil de [Localité 5] (Algérie) a pu délivrer un extrait d'acte de naissance alors que son père revendiqué est né à [Localité 10] au Maroc (pièce n° 1).

Il n'est donc pas justifié d'un acte civil fiable et probant de M. [Z] [R], au sens de l'article 47 du code civil.

2) Concernant la nationalité française de M. [Z] [R], M. [S] [I] [R] [R] se fonde sur les dispositions de l'article 32 du code civil, qui dispose que « Les Français originaires du territoire de la République française, tel qu'il était constitué à la date du 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République française, ont conservé la nationalité française.

Il en est de même des conjoints, des veufs ou veuves et des descendants desdites personnes ».

Or, l'intéressé ne saurait se prévaloir des dispositions de cet article pour affirmer que son père revendiqué aurait conservé sa nationalité française lors de l'indépendance de l'Etat algérien.

En effet, comme le souligne à juste titre le ministère public et l'a exactement retenu le tribunal par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, ces dispositions ne concernent que les effets sur la nationalité de l'accession à l'indépendance des anciens territoires d'outre-mer d'Afrique.

Les effets sur la nationalité française de l'accession à l'indépendance des départements français d'Algérie sont quant à eux régis par l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966, dont les dispositions sont codifiées aux articles 32-1 et 32-2 du code civil. Il résulte de ces textes que les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie le 3 juillet 1962 ont conservé de plein droit la nationalité française, alors que les Français de statut de droit local originaires d'Algérie qui se sont vus conférer la nationalité de cet État ont perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, sauf s'ils justifient avoir souscrit la déclaration récognitive prévue aux articles 2 de l'ordonnance précitée et 1er de la loi du 20 décembre 1966.

Or, l'appelant n'avance aucune prétention sur le fondement de ces dispositions.

La preuve de la conservation de la nationalité française par [Z] [R] lors de l'indépendance algérienne n'est donc pas rapportée.

L'extranéité de l'intéressé doit être constatée. Le jugement est confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [S] [I] [R] [R], qui succombe à l'instance, est condamné aux dépens.

La demande de l'appelant formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS

Constate l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Rejette la demande formée par M. [S] [I] [R] [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [S] [I] [R] [R] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/15766
Date de la décision : 18/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-18;21.15766 ?
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