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18/04/2023 | FRANCE | N°19/18482

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 18 avril 2023, 19/18482


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 18 AVRIL 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/18482 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAXPA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 avril 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/02854





APPELANT



Monsieur [F] alias [V] né le 29 avril 1994 à [Localité

8] (Inde),



[Adresse 1]

[Localité 8]

INDE



représenté par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0599





INTIME



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la person...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 18 AVRIL 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/18482 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAXPA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 avril 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 17/02854

APPELANT

Monsieur [F] alias [V] né le 29 avril 1994 à [Localité 8] (Inde),

[Adresse 1]

[Localité 8]

INDE

représenté par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0599

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Madame M.-D. PERRIN, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 février 2023, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 10 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a déclaré M. [F] alias [V], né le 29 avril 1994 à [Localité 8] (Inde), irrecevable à faire la preuve qu'il a par filiation la nationalité française, dit que M. [F] alias [V] est réputé avoir perdu la nationalité française le 17 août 2012, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamné M. [F] alias [V] aux dépens;

Vu la déclaration d'appel du 1er octobre 2019 par M. [F] alias [V] ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 5 décembre 2022 par M. [F] alias [V] qui demande à la cour, avant dire droit, de débouter le ministère public de sa demande de caducité de l'acte d'appel sur le fondement de l'article 1043, sur le fond, infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en date du 10 avril 2019, en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, juger que M. [F] alias [V] né le 29 avril 1994 à [Localité 8] (Inde), est français, ordonner la mention de la décision à intervenir en marge des registres de l'état civil, conformément à l'article 28 du code civil et condamner le Trésor public aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 23 novembre 2021 par le ministère public qui demande à la cour de déclarer irrecevable comme nouveau, le moyen tiré de l'inconventionnalité de l'article 30-3 du code civil au regard des dispositions des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 10 avril 2019, constater l'extranéité de M. [F] alias [V], né le 29 avril 1994 à [Localité 8] (Inde), ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et statuer ce que de droit quant aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 décembre 2022 ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 18 janvier 2022 par le ministère de la Justice. La déclaration d'appel n'est donc pas caduque.

Invoquant l'article 18 du code civil, M. [F] alias [V] soutient qu'il est français par filiation paternelle pour être né le 29 avril 1994 à [Localité 8] (Inde), de [J] [Z], né le 17 mai 1963 à [Localité 8], celui-ci ayant été déclaré français par jugement en date du 13 novembre 2014 rendu par le tribunal de grande instance de Paris.

En vertu de l'article 30 du code civil il appartient à l'intéressé, qui n'est pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française.

Le jugement a retenu que les conditions de l'article 30-3 du code civil sont réunies en l'espèce.

M. [F] alias [V] soutient toutefois que son grand-père paternel, [Z], né le 17 juillet 1931 à [Localité 10] (Inde Anglaise), titulaire d'un certificat de nationalité française délivré le 17 février 1997, a résidé en France dès 2008 jusqu'à son décès intervenu à [Localité 5] (Val d'Oise) en 2016 et que la condition de résidence prévue par l'article 30-3 doit être appréciée en la personne de ce dernier puisque son père est né le 17 mai 1963, soit après l'entrée en vigueur du traité de cession franco-indien.

Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que l'article 30-3 du code civil dispose que: « Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français ».

L'application de l'article 30-3 du code civil, qui édicte une règle de preuve, est en conséquence, subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l'absence de résidence en France pendant plus de 50 ans des ascendants français, l'absence de possession d'état de l'intéressé et de son parent français, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger.

Edictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir.

Si les conditions susmentionnées sont réunies de manière cumulative, le tribunal doit constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue.

En l'espèce, M. [F] alias [V] ne soutient pas que son père, né le 17 mai 1963, soit après le 16 août 1962, date de l'entrée en vigueur du traité de cession franco-indien des établissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon, et lui ont résidé en France, ni qu'ils ont bénéficié de la possession d'état de Français pendant la période cinquantenaire visée par l'article 30-3.

Il fait toutefois valoir que l'article 30-3 ne peut pas lui être opposé car son grand-père paternel, né le 17 juillet 1931 à [Localité 10] (Inde Anglaise), a résidé en France, au regard des éléments suivants :

- une attestation de dépôt de demande de RMI du 24 juin 2008 au nom de M. [Z] (pièce n°7) ;

- un relevé d'identité bancaire au nom de [Z], domicilié à [Localité 7] (pièce n°8) ;

- une déclaration de revenus encaissés à l'étranger pour un contribuable domicilié en France au nom de [Z] domicilié à [Localité 4] pour l'année 2010 (pièce n°10) ;

- un avis d'impôt sur le revenu au nom de « [Z] [Localité 10] », domicilié à [Localité 4], pour l'année 2014 (pièce n°9) ;

- deux bulletins de situation au nom de M. SP [Z], domicilié à [Localité 4] du service de l'allocation de solidarités des personnes âgées, justifiant du versement à l'intéressé de cette allocation sur la période de décembre 2011 à avril 2012 (pièces n° 16 et 17) et de mai 2013 à avril 2014 (pièce n°12) ;

- un avis d'impôt 2012 sur les revenus de l'année 2011 (pièce n° 15) au nom de M. [Z] [Localité 10] SP, domicilié à [Localité 4] ;

- une attestation d'hébergement (pièce n°13) de M. [H] [X] domicilié à [Localité 6], datée du 16 juin 2008 aux termes de laquelle ce dernier indique héberger chez lui depuis le 13 juin 2008, M. [Z] qui est venu de [Localité 8] (Inde) ;

- une demande de carte d'identité et de passeport du 18 juin 2008, au nom de M. [Z], dont l'adresse est chez M. [H] [X], à [Localité 6] (pièce n° 14) ;

- la copie d'une carte d'identité au nom de [Z], délivrée le 8 décembre 2011 par la sous-préfecture de [Localité 9] et mentionnant une adresse à [Localité 4] ;

- l'acte de décès du grand-père en date du 22 janvier 2016 à [Localité 5] (pièce n° 18).

Toutefois, il ne résulte pas de ces différents documents, contrairement à ce que prétend le requérant, que son grand- père a effectivement résidé en France entre 1962 et 2012.

Trois documents (pièces n°9, 12 et 18) concernent la période postérieure à 2012 et sont donc inopérants.

En outre, l'attestation de dépôt d'une demande de RMI (pièce n°7) ne prouve pas la résidence du grand-père de l'intéressé. Il en est de même du relevé d'identité bancaire au nom de [Z] (pièce n°8), qui ne comporte d'ailleurs aucune date. La déclaration de revenus pour l'année 2010 (pièce n°10) et l'avis d'impôt 2012 (pièce n° 15) établissent simplement la résidence fiscale du dénommé [Z].

Par ailleurs, l'attestation de M. [H] [X] (pièce n°13) et le formulaire de demande de documents d'identité (pièce n°14) établissent seulement que son grand-père a été hébergé par celui-ci à [Localité 6] en juin 2008.

Enfin, la présence d'une adresse française sur les documents relatifs aux allocations perçues (pièces n° 16 et 17) et sur la carte d'identité française (pièce n° 11) ne suffit pas à établir la réalité d'une résidence effective en France, en l'absence d'autres éléments pertinents dans le même sens, comme par exemple des factures d'électricité ou d'eau établies au nom du grand-père.

A titre subsidiaire, l'appelant fait valoir que l'article 30-3 du code civil serait en l'espèce inapplicable, dès lors qu'en vertu de l'effet rétroactif du jugement déclaratoire de nationalité par filiation du 13 novembre 2014 dont il a fait l'objet, son père [J] [Z] devrait être considéré comme français au jour où l'intéressé est né.

Toutefois, ce moyen est inopérant, dans la mesure où ce jugement a été prononcé postérieurement à l'écoulement du délai de 50 ans et à la réunion des conditions prévues par l'article 30-3.

A titre infiniment subsidiaire, l'appelant soutient que les dispositions de l'article 30-3 portent atteinte à son droit à un procès équitable et une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale, au regard des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Contrairement à ce qu'affirme le ministère public, ce moyen est recevable devant la cour en vertu de l'article 563 du code civil, qui dispose que « Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ».

Toutefois, ce moyen ne saurait prospérer.

En effet, d'une part, chaque État disposant du droit de déterminer ses nationaux, le fait d'instituer une présomption irréfragable de non transmission de la nationalité française par filiation lorsque les conditions strictes et cumulatives posées par l'article 30-3 du code civil sont réunies, ne saurait être interprété comme portant atteinte au droit à un procès équitable, dès lors que l'intéressé dispose du droit de contester l'application de ce texte au regard de sa situation personnelle, en apportant la preuve que lui-même ou l'ascendant dont il dit tenir sa nationalité française, a conservé un lien effectif avec la France pendant la période de 50 ans, soit en fixant sa résidence en France, soit en établissant une possession d'état de Français.

D'autre part, il n'est pas justifié en l'espèce que la présomption irréfragable de non transmission de la nationalité française par filiation posée par l'article 30-3 du code civil, porte une atteinte disproportionnée au droit au respect à la vie privée et familiale de l'appelant. En effet, le fait que M. [F] alias [V] ne soit pas admis à faire la preuve de ce qu'il a, par filiation, la nationalité française, ne le prive pas de la possibilité de se rendre en France pour voir les membres de sa famille qui, selon lui, y résident.

L'intéressé n'est donc pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française et il est présumé avoir perdu cette nationalité le 17 août 2012.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a déclaré celui-ci irrecevable à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française.

 Succombant à l'instance, M. [F] alias [V] est condamné au dépens.

 PAR CES MOTIFS

Constate que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées ;

Juge recevable le moyen tiré de l'inconventionnalité de l'article 30-3 du code civil au regard des dispositions des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré M. [F] alias [V] irrecevable à faire la preuve de ce qu'il a, par filiation, la nationalité française ;

Statuant à nouveau,

 Dit que M. [F] alias [V], né le 29 avril 1994 à [Localité 8] (Inde), n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française ;

 Juge que M. [F] alias [V] est réputé avoir perdu la nationalité française le 17 août 2012 ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Condamne M. [F] alias [V] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/18482
Date de la décision : 18/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-18;19.18482 ?
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