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18/04/2023 | FRANCE | N°19/12778

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 18 avril 2023, 19/12778


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 18 AVRIL 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12778 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGA2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/14751

Après arrêt rouvrant les débats rendu le 18 mai 2021 par la cour de céans



APPEL

ANT



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 1]

[Localité 2]



représ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 18 AVRIL 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12778 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGA2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/14751

Après arrêt rouvrant les débats rendu le 18 mai 2021 par la cour de céans

APPELANT

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Madame Laure de CHOISEUL-PRASLIN, avocat général, magistrat honoraire

INTIME

Monsieur [T] [J]

S/C Mme [U] [S]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Cheikhou NIANG, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : A0229

assisté de Me Thérèse GORALCZIK, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 mars 2023, en audience publique, le ministère public et l' avocat de l'intimé ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 13 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a constaté le respect des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, débouté le ministère public de l'ensemble de ses demandes, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil en marge des actes concernés et condamné le Trésor public aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel du 24 juin 2019 du ministère public ;

Vu l'arrêt rendu le 18 mai 2021 par la cour qui a ordonné la réouverture des débats, fait injonction à Me [H] [O] de préciser pour quel intimé il est constitué, en rectifiant la constitution adressée dans le dossier RG n°19-12779 et/ou en établissant une nouvelle constitution pour le compte de M. [T] [J] dans le dossier RG n° 19-12778, d'adresser la preuve de la remise par RPVA au greffe de la cour de ses conclusions pour le compte de M. [T] [J], d'adresser la preuve de la signification ou de la notification au ministère public de ses conclusions et de l'envoi de ses pièces, de remettre à la cour un exemplaire de ses conclusions et de ses pièces, et ce dans le délai d'un mois du présent arrêt, dit qu'à défaut de régularisation ou de réponse aux demandes de la cour, il sera considéré que M. [T] [J] n'a pas régulièrement constitué avocat et que les éventuelles conclusions pour son compte sont irrecevables, renvoyé pour clôture à nouveau à l'audience de mise en état du mardi 29 juin 2021 et réservé l'examen de ses demandes ;

Vu les conclusions notifiées le 6 septembre 2021 de M. [T] [J] qui demande à la cour de confirmer le jugement, d'ordonner la transcription de son acte de naissance auprès du service de l'état civil des français à l'étranger et mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions notifiées le 7 septembre 2021 de M. [T] [J] qui demande à la cour de confirmer le jugement, d'ordonner la transcription de son acte de naissance auprès du service de l'état civil des français à l'étranger et mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions notifiées le 18 octobre 2021 par ministère public qui demande à la cour, à titre principal, de déclarer les conclusions de l'intimé notifiées le 7 septembre 2021 irrecevables, à titre subsidiaire, constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, infirmer le jugement de première instance, et statuant à nouveau, constater l'extranéité de l'intéressé et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu l'ordonnance sur incident en date du 16 décembre 2021 qui a jugé irrecevables les conclusions de M. [T] [J] notifiées le 6 septembre 2021 et condamné M. [T] [J] aux dépens ;

Vu l'arrêt de déféré rendu le 29 mars 2022 qui a dit que la déclaration d'appel n'est pas caduque, confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état et condamné M. [T] [J] aux dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 septembre 2022 ;

MOTIFS

Sur le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 4 juillet 2019 par le ministère de la Justice.

Sur les conclusions notifiées le 7 septembre 2021

Les conclusions remises au greffe par M. [T] [J] le 6 septembre 2021 ont été déclarées irrecevables par l'arrêt du 29 mars 2022, aux motifs que le ministère public lui ayant notifié ses conclusions le 27 décembre 2019, il disposait à compter de cette date d'un délai de trois mois, augmenté de deux mois compte tenu de sa résidence à l'étranger et augmenté de deux mois en application des ordonnances relatives à la crise sanitaire, soit d'un délai expirant le 24 août 2021, pour remettre ses conclusions au greffe.

Devant la cour, le ministère public soutient que les conclusions remises au greffe le 7 septembre 2021 sont également irrecevables.

Pour les mêmes motifs que ceux énoncés par l'arrêt du 29 mars 2022, les conclusions remises au greffe le 7 septembre 2021 par M. [T] [J] sont jugées irrecevables.

Sur la nationalité de M. [T] [J]

Le 21 juin 2013, le greffier en chef du service de la nationalité des français nés et établis hors de France a délivré un certificat de nationalité française à M. [T] [J], né le 7 avril 1990 à Verma (Sénégal) au motif qu'il est Français en application de l'article 18 du code civil, comme enfant né à l'étranger d'un père français, [V] [J], qui a acquis cette nationalité par l'effet de la déclaration souscrite le 14 janvier 1988 devant le tribunal d'instance de Paris, 19e, enregistré le 5 avril 1994.

Le ministère public qui soutient que ce certificat de nationalité française a été délivré à tort à l'intéressé doit en apporter la preuve en application de l'article 30 du code civil.

La force probante d'un certificat de nationalité française dépend des documents qui ont servi à l'établir et si le ministère public prouve que ce certificat a été délivré à tort à M. [T] [J] ou sur la base d'actes erronés, ce certificat perd toute force probante. Il appartiendrait alors à M. [T] [J] de rapporter la preuve de sa nationalité française à un autre titre, étant précisé que celui-ci, dont les conclusions sont déclarées irrecevables, est réputé s'approprier les motifs du jugement en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Le ministère public soutient que M. [T] [J] ne dispose pas d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil qui énonce que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Le ministère public soutient notamment que le jugement supplétif de naissance du tribunal de Matam (Sénégal) du 22 mai 2003, concernant l'intéressé, qui a été produit en vue de l'obtention du certificat de nationalité française présente différentes insuffisances et est un faux, ces mêmes insuffisances apparaissant d'ailleurs dans les jugements supplétifs de naissance produits par les frères de l'intéressé, M.M. [F] et [C] [J], dans les procédures judiciaires les concernant. Il ajoute que l'acte de naissance n'est en outre pas probant car il aurait été dressé le 1er juillet 2003 sous le numéro 223, alors pourtant que l'acte de reconnaissance souscrit par [V] [J] le 22 mai 2003 porte le même numéro, ce qui n'est pas possible.

Sur l'irrégularité internationale du jugement supplétif

En premier lieu, le ministère public produit deux expéditions certifiées conformes à l'original, l'une délivrée le 23 décembre 2008, l'autre le 25 juillet 2014, du jugement n° 5411 d'autorisation d'inscription de naissance du tribunal départemental de Matam du 22 mai 2003 auquel le certificat de nationalité française se réfère.

Ces deux pièces indiquent notamment que le tribunal a été saisi à la requête de [V] [J] en l'absence de déclaration de la naissance de M. [T] [J] au service de l'état civil, qu'il apparaît que celui-ci est né le 7 avril 1990 à Verma de [V] [J], né le 6 mai 1925 à Dembancané, et de [U] [S], née le 25 mars 1971 à Ourossogui, et qu'il autorise la transcription de la naissance sur les registres de l'état civil de Bokiladji.

Comme le relève le ministère public, ces deux expéditions devraient être en tous points identiques mais ne le sont toutefois pas.

Ainsi, la première expédition, délivrée le 23 décembre 2008, indique que le président du tribunal est M. [R] [I], que la requête est datée du 22 mai 2003 et utilise les formulations suivantes : « attendu que de l'enquête à laquelle il a été procédé, il résulte la réalité de la naissance de [T] [J] ; mais que cet évènement n'a pas été déclaré à l'état civil » ; « il convient dès lors de remédier à ce manquement en faisant droit à la requête ainsi présentée ».

En revanche, la seconde expédition, délivrée le 25 juillet 2014, indique que le président est M. [P] [I], ne précise pas la date de la requête et retient les formulations suivantes : « attendu que de l'enquête à laquelle il a été procédé, il résulte la réalité de la naissance mais que cet évènement n'a pas été déclaré à l'état civil » ; « il échet en conséquence de faire droit à la requête ainsi présentée ».

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de grande instance de Paris, ces différences ne constituent pas de simples erreurs matérielles mais conduisent à retenir que les expéditions considérées ne présentent pas des garanties suffisantes d'authenticité, alors pourtant que l'article 52 de la convention franco-sénégalaise de coopération en matière judiciaire du 29 mars 1974 prévoit que les expéditions des jugements sénégalais invoquées en France doivent réunir les conditions nécessaires à leur authenticité.

Sur le défaut de caractère probant de l'acte de naissance

De surcroît, le ministère public produit la copie de l'acte de reconnaissance de M. [T] [J] ainsi que la copie littérale, délivrée le 11 septembre 2006, de son acte de naissance, pièces auxquelles se réfère le certificat de nationalité française.

L'acte de reconnaissance a été établi le 22 mai 2003 devant l'officier d'état civil de Bokiladji (Sénégal) et porte le numéro 225.

La copie littérale de l'acte de naissance indique que l'acte de naissance a été dressé le 1er juillet 2003 par le même officier d'état civil de Bokiladji. Il porte le numéro 225 et appartient au même registre.

Or, ainsi que le relève le ministère public, l'acte de reconnaissance et l'acte de naissance ne devraient pas pouvoir porter le même numéro, étant en outre relevé qu'ils ont été établis avec plus de cinq semaines d'écart.

M. [T] [J] ne dispose donc pas d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil.

Ainsi, le ministère public démontre que le certificat de nationalité française délivré à M. [T] [J] l'a été à tort.

Il appartient en conséquence à M. [T] [J] de rapporter la preuve qu'il détient la nationalité française à un autre titre. Or, il n'apporte pas cette preuve, dès lors que les conclusions qu'il a notifiées sont irrecevables.

Le jugement doit être infirmé et l'extranéité de M. [T] [J] constatée.

M. [F] [J], qui succombe, est condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Constate que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées,

Juge irrecevables les conclusions remises au greffe par M. [T] [J] le 7 septembre 2021 ;

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Juge que M. [T] [J], se disant né le 7 avril 1990 à Verma (Sénégal), n'est pas de nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne M. [T] [J] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/12778
Date de la décision : 18/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-18;19.12778 ?
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