Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 5
ARRET DU 18 AVRIL 2023
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10320 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B76XR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/18763
APPELANT
LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté à l'audience par Madame M.-D. PERRIN, substitut général
INTIME
Monsieur [V] [L] né le 13 avril 1981 à [Localité 5] au Mali,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Jean-Pierre BERTHILIER de la SCP BERTHILIER-TAVERDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0282
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 février 2023, en audience publique, le ministère public et l' avocat de l'intimé ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre
M. François MELIN, conseiller,
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement rendu le 14 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a constaté le respect des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, débouté le ministère public de l'ensemble de ses demandes, jugé que M. [V] [L], né le 13 avril 1981 à [Localité 5] au Mali, est français, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil en marge des actes concernés et condamné le Trésor public aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel en date du 14 mai 2019 par le ministère public ;
Vu les dernières conclusions notifiées le 20 octobre 2021 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, infirmer le jugement, dire que le certificat de nationalité française n°254/2002 délivré le 4 avril 2002 par le greffier en chef du tribunal d'instance d'Ivry sur Seine, l'a été à tort, dire que M. [V] [L], se disant né le 13 avril 1981 à [Localité 5] (Mali), n'est pas français et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
Vu les conclusions notifiées le 15 décembre 2020 par M. [V] [L] qui demande à la cour de juger le procureur général non fondé en son appel, l'en débouter, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et laisser à la charge du Trésor public l'intégralité des dépens ;
Vu l'ordonnance sur incident du 17 février 2022 du conseiller de la mise en état qui a jugé irrecevables les conclusions notifiées par M. [V] [L] le 15 décembre 2020 et l'a condamné aux dépens de l'incident ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 décembre 2022 ;
MOTIFS
Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 4 juillet 2019 par le ministère de la Justice.
Invoquant l'article 18 du code civil, M. [V] [L] soutient qu'il est français par filiation paternelle pour être né le 13 avril 1981 à [Localité 5] (Mali), de [Z] [L], né en 1936 à [Localité 5], qui s'est vu reconnaître la nationalité française par le tribunal d'instance de Paris, constatant que, né d'un père français, il avait établi son domicile en France à l'époque de l'accession à l'indépendance, le 20 juin 1960, du Mali et avait ainsi conservé la nationalité française.
Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.
Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants du code civil.
M. [V] [L] étant titulaire d'un certificat de nationalité française, la charge de la preuve de son extranéité incombe au ministère public, étant précisé que les conclusions de l'intimé ayant été déclarées irrecevables, celui-ci est reputé s'approprier les motifs du jugement en application de l'article 954 du code de procédure civile.
Le ministère public soutient que M. [V] [L] a produit trois copies d'acte de naissance qui ne comportent pas les mêmes mentions et qui ne lui permettent donc pas de revendiquer un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil, qui dispose que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».
Le ministère public ajoute que le tribunal a retenu à tort que M. [V] [L] pouvait se prévaloir d'un état civil certain au motif que son acte de naissance a été transcrit sur les registres français de l'état civil, alors que la circonstance que l'acte de naissance étranger a été transcrit n'a pas pour effet de rendre les dispositions de l'article 47 du code civil inopérantes dès lors que la valeur probante de cette transcription est subordonnée à celle de l'acte étranger à partir duquel la transcription a été effectuée.
Dans ce cadre, le ministère public produit les pièces suivantes :
- Une copie littérale, délivrée le 9 août 1996 par l'officier d'état civil de la commune de [Localité 3], selon lequel M. [V] [L] est né le 13 avril 1981 à [Localité 5] de [Z] [L] et de [B] [U]. Le nom de l'officier d'état civil qui a dressé l'acte n'est pas précisé ;
- Une copie littérale, délivrée le 28 juin 1999 par l'officier d'état civil de la commune de [Localité 3], selon lequel M. [V] [L] est né le 13 avril 1981 à [Localité 5] de [Z] [L] et de [B] [U]. Le nom de l'officier d'état civil qui a dressé l'acte n'est pas précisé ;
- Une copie littérale, délivrée le 21 août 2001 par l'officier d'état civil de la commune de [Localité 4], selon lequel M. [V] [L] est né le 13 avril 1981 à [Localité 5] de [Z] [L] et de [B] [U]. Le nom de l'officier d'état civil qui a dressé l'acte n'est pas précisé.
Ainsi que le relève le ministère public, ces trois copies intégrales n'ont pas été délivrées par les services de l'état civil de la même commune mais par les services de deux communes différentes ([Localité 3] et [Localité 4]).
Par ailleurs, le nom de l'officier d'état civil qui a dressé l'acte de naissance n'est mentionné dans aucune de ces trois copies littérales, alors que cette indication est exigée par l'article 27 de la loi malienne du 17 février 1968 qui pose que « les actes d'état civil énoncent les nom, prénoms et qualité de l'officier d'état civil » et alors qu'il s'agit d'une mention substantielle.
Ces divergences et insuffisances conduisent à retenir que les pièces produites pour obtenir la délivrance d'un certificat de nationalité française puis devant le tribunal ne permettent pas à M. [V] [L] de se prévaloir d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil, la circonstance que l'acte de naissance étranger a été transcrit n'ayant pas pour effet de rendre les dispositions de l'article 47 du code civil inopérantes dès lors que la valeur probante de cette transcription est subordonnée à celle de l'acte étranger à partir duquel la transcription a été effectuée.
Or, nul ne peut revendiquer la nationalité française s'il ne dispose d'un état civil présentant ces caractères. Le certificat de nationalité française délivré à M. [V] [L] l'a donc été à tort.
Le jugement, qui a retenu que M. [V] [L] est français, est donc infirmé.
La cour juge que le certificat de nationalité française n°254/2002 délivré le 4 avril 2002 par le greffier en chef du tribunal d'instance d'Ivry sur Seine, l'a été à tort et que M. [V] [L], se disant né le 13 avril 1981 à [Localité 5] (Mali), n'est pas français.
PAR CES MOTIFS
Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile ;
Infirme le jugement ;
Statuant à nouveau,
Juge que le certificat de nationalité française n°254/2002 délivré le 4 avril 2002 à M. [V] [L] se disant né le 13 avril 1981 à [Localité 5] (Mali), par le greffier en chef du tribunal d'instance d'Ivry sur Seine, l'a été à tort,
Juge que M. [V] [L] se disant né le 13 avril 1981 à [Localité 5] (Mali), n'est pas français,
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,
Condamne M. [V] [L] aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE