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12/04/2023 | FRANCE | N°22/08112

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1- a, 12 avril 2023, 22/08112


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 1- A



ARRET DU 12 AVRIL 2023



(n° 106 /2023, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08112 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGMT3



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Septembre 2022 -Conseiller de la mise en état de PARIS - RG n° 22/4117



APPELANTE



Madame [W] [H]

[Adresse 3]

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née le 20 Mai 1989 à [Localité 4]
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Représentée par Me Frank PETERSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1288



INTIMEE



S.A.S. BIO PHILIPPE AUGUSTE CHARONNE Agissant pour suite et diligences en la personne de sa pr...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1- A

ARRET DU 12 AVRIL 2023

(n° 106 /2023, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08112 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGMT3

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Septembre 2022 -Conseiller de la mise en état de PARIS - RG n° 22/4117

APPELANTE

Madame [W] [H]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

née le 20 Mai 1989 à [Localité 4]

Représentée par Me Frank PETERSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1288

INTIMEE

S.A.S. BIO PHILIPPE AUGUSTE CHARONNE Agissant pour suite et diligences en la personne de sa présidente, la SARL BIO PHILIPPE AUGUSTE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 809 923 243

Représentée par Me Frédéric SICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0082

INTERVENANTE

Syndicat SYNDICAT SUD COMMERCES ET SERVICES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par M. Laurent DEGOUSEE (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2023, en audience publique, en double rapporteur, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine DA LUZ, présidente de chambre chargée du rapport, et Madame Catherine VALANTIN, conseillère.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Mme Nicolette GUILLAUME, Présidente de chambre

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Damien RASCLE, en présence de Madame Clara MICHEL, greffière en formation et de Madame Laëtitia PRADIGNAC, greffière.

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, greffière présente lors de la mise à disposition.

***

Le 18 janvier 2021, Mme [W] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de contester la régularité de son licenciement et voir condamner la société Bio Philippe Auguste Charonne au paiement de diverses sommes et indemnités.

Par jugement du 8 novembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a fait droit aux demandes Mme [H] en jugeant son licenciement nul et en condamnant la société Bio Philippe Auguste Charonne au paiement de diverses sommes à son profit.

Par déclaration du 24 mars 2022, la société Bio Philippe Auguste Charonne a interjeté appel de ce jugement.

Par avis du 7 juin 2022, le conseiller de la mise en état a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une éventuelle irrecevabilité de l'appel du fait de sa tardiveté.

Par conclusions notifiées par RPVA du 15 juin 2022, la société Bio Philippe Auguste Charonne a demandé au conseiller de la mise en état de juger son appel recevable en soutenant que :

- le délai d'appel n'avait pas couru ;

- l'avis de réception de la notification du jugement figurant au dossier du greffe n'était pas daté;

- l'édition informatique du cheminement ne pouvait s'y substituer ;

- la signature figurant sur l'avis de réception était illisible et ne mentionnait pas le nom du mandataire resté en blanc.

Par conclusions responsives notifiées le 23 juin 2022 par RPVA, Mme [H] a notamment demandé au conseiller de la mise en état de déclarer irrecevable l'appel interjeté le 24 mars 2022.

Au soutien de ses demandes, celle-ci a notamment fait valoir que :

- le jugement avait été réceptionné le 17 février 2022 comme en attestait le greffe du conseil de prud'hommes et l'édition informatique du cheminement du courrier ;

- l'appelante ne rapportait pas la preuve que la personne ayant réceptionné la lettre ne serait pas habilitée à cet effet ;

- ainsi, il doit être considéré que l'appelante a bien reçu notification du jugement le 17 février 2022 ;

- en conséquence, l'appel est tardif.

Par ordonnance du 27 septembre 2022, le magistrat de la mise en état a notamment rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la tardiveté de l'appel.

Par requête du 27 septembre 2022, Mme [H] a déféré cette ordonnance à la cour et demande de :

- déclarer recevable et bien fondée le déféré de l'ordonnance du 27 septembre 2022 ;

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la tardiveté de l'appel.

Au soutien de ses demandes Mme [H] fait notamment valoir que':

- s'agissant de l'avis de réception du recommandé :

le conseil de prud'hommes de Paris a attesté de la réception au 17 février 2022 du jugement par la société Bio Philippe Auguste Charonne;

cette date est confirmée par société Bio Philippe Auguste Charonne elle-même qui produit l'édition informatique du cheminement du courrier recommandé mentionnant sa réception au 17 février 2022 ;

la date de remise du courrier est sans incidence, seul compte la réception dudit courrier.

- s'agissant de la personne signataire :

l'adresse de notification correspond à l'adresse du siège social de la société Bio Philippe Auguste Charonne ;

la signature de l'avis de réception n'est pas une simple croix, mais une véritable signature faisant apparaître des initiales ;

de plus, le facteur, tiers, pouvait légitimement croire qu'un employé de la société Bio Philippe Auguste Charonne avait le pouvoir de recevoir un courrier recommandé ;

la société Bio Philippe Auguste Charonne est donc engagée par la réception du courrier recommandé par un de ses salariés ;

enfin, c'est à la société Bio Philippe Auguste Charonne de fournir des explications sur l'identité de la personne qui a reçu le courrier recommandé à son siège social et de rapporter la preuve que cette personne n'était pas habilitée à recevoir l'acte;

à défaut, la société Bio Philippe Auguste Charonne est considérée avoir bien reçu la notification du jugement au 17 février 2022 ;

en conséquence, son acte d'appel du 24 mars 2022 est tardif.

Par conclusions responsives notifiées par RPVA du 2 janvier 2023, la société Bio Philippe Auguste Charonne a demandé à la cour de':

- dire et juger irrecevable ou subsidiairement nul et en tous cas mal fondé le déféré dont la cour a été saisie, faute de viser toutes les parties aux litiges et faute d'avoir été régularisée dans les délais impartis, la cour n'étant pas valablement saisie ;

- confirmer l'ordonnance du 22 septembre 2022 en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir fondée sur une prétendue tardiveté de l'appel interjeté le 24 mars 2022 par la société Bio Philippe Auguste Charonne du jugement par le conseil de prud'hommes de Paris le 8 novembre 2021.

Au soutien de ses demandes, la société Bio Philippe Auguste Charonne fait notamment valoir que':

- le déféré est irrecevable faute de comporter l'ensemble des parties à l'appel ;

- en effet, le syndicat SUD commerces et services a été oublié ;

- ainsi, la requête ne peut avoir valablement saisi la cour ;

- de plus, l'attestation de notification du greffe ne peut valoir que sous réserve que la partie concernée justifie qu'elle repose sur une erreur d'appréciation du greffe ;

- Or, elle rapporte la preuve d'une erreur d'analyse ;

- l'accusé de réception figurant au dossier du greffe n'est pas daté ;

- l'édition informatique du cheminement ne peut s'y substituer, car elle n'a aucune valeur contradictoire et ne mentionne que des dates incomplètes ;

- aucun texte ne confère à cette saisie informatique, non authentifiée, une valeur certifiante.

- enfin, l'accusé de réception est illisible et ne mentionne pas le nom du mandataire ;

- en conséquence, l'accusé de réception figurant au dossier du greffe ne saurait justifier d'une date de notification, et même d'une notification opposable à la concluante dont la dirigeante n'a jamais eu connaissance du pli ;

- ainsi, le délai n'a pas couru et l'appel ne peut être jugé irrecevable comme tardif.

L'ordonnance de fixation a été rendue le 20 décembre 2022 pour une audience devant se tenir le 13 mars 2023 à 9 heures.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

À l'issue des débats, les parties ont été informées de la date de délibéré fixée au 26 avril 2023 avancée au 12 avril 2023.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la requête en déféré

L'article 916 du code de procédure civile dispose notamment que la requête en déféré, remise au greffe de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée, contient, outre les mentions prescrites par l'article 57 et à peine d'irrecevabilité, l'indication de la décision déférée ainsi qu'un exposé des moyens en fait et en droit.

L'article 57 dispose notamment que la requête contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;

-dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

Elle est datée et signée.

L'article 54 dispose notamment qu'à peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

La SAS Bio Philippe Auguste Charonne soutient que la requête en déféré aurait méconnu l'article 58 du code de procédure civile (en réalité article 57) car le syndicat Sud commerces et services a été oublié, que ce même syndicat n'a pas inscrit de déféré dans le délai imparti, et que de ce fait la requête en déféré est irrecevable faute d'être complète.

Il sera relevé en premier lieu que le moyen soulevé ne pourrait tendre qu'à une nullité de forme nécessitant la preuve d'un grief - qui en l'espèce n'apparaît pas démontré - et non à une irrecevabilité.

Surtout, il apparaît que la requête, en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de la seule SAS Bio Philippe Auguste Charonne - dès lorsqu'elle tend exclusivement à voir déclarer irrecevable l'appel formé par cette dernière - a bien spécifié sa dénomination et son siège social, en conformité avec l'article 57. Ce moyen sera donc rejeté.

La société ajoute qu'à supposer que la requête soit recevable, elle ne peut avoir valablement saisi la cour puisqu'une partie a été oubliée. Il reste néanmoins que l'article précité dispose que dès lors qu'elle est formée par le demandeur, la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé. Ce moyen sera donc également rejeté.

Enfin, le déféré ne porterait que sur l'autorité de l'ordonnance au regard de l'appelante. Il est constant en effet que même si la requête en déféré a dûment été notifiée au syndicat Sud commerces et services dans le cadre de la présente procédure, elle n'a été formée que par Mme [H], et dès lors l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance puis à l'arrêt ne vaudra qu'à l'égard de cette dernière.

Sur la recevabilité de l'appel

L'article R. 1461-1 du code du travail dispose que le délai d'appel des jugements prud'homaux est d'un mois.

Aux termes de l'article R 1454-26 du même code, les décisions du conseil de prud'hommes sont notifiées aux parties par le greffe de ce conseil au lieu de leur domicile. La notification est faite par lettre recommandée avec avis de réception sans préjudice du droit des parties de les faire signifier par acte d'huissier de justice.

En l'espèce, l'attestation de notification du greffe en date du 5 avril 2022 établit que le jugement du 8 novembre 2021 a été notifié aux parties le 16 février 2022 et que la SARL Bio Philippe Auguste Charonne en a accusé réception le 17 février 2022.

Si l'avis de réception de la poste produit aux débats ne fait pas apparaître de date de distribution auprès de la société destinataire, elle porte néanmoins la dénomination de celle-ci ainsi que son adresse, et se trouve revêtue d'une signature, qui, contrairement à ce que soutient la société n'est pas une simple croix.

Surtout, l'édition informatique des 'étapes d'acheminement' ou 'suivi de courrier' versée aux débats porte la date du 17 février 2022.

La société soutient vainement que ce document serait imprécis au motif tout d'abord que l'année n'y figurerait pas alors qu'édité en date du 22 février 2022, il se rapporte nécessairement à l'année en cours. En outre, il porte le n°2C1397525774 4 correspondant exactement à l'avis de réception de la poste, contient la mention suivante: 'votre courrier a été distribué à son destinataire contre sa signature' et indique à nouveau en partie droite 'courrier distribué le 17 février'.

Contrairement à ce que soutient la société, ce document - corroboré par l'avis de distribution et l'attestation du conseil de prud'hommes - dont les mentions sont dénuées d'ambiguïté, revêt une valeur probante sans qu'il soit nécessaire qu'un texte confère à cette saisie informatique une valeur certifiante.

La société ajoute que l'accusé de réception est signé illisible, ne mentionne pas le nom du mandataire qui est resté en blanc, que la signature, n'est en rien celle de la gérante alors en fonction, Mme [Y] [T] et que l'agent n'a pas recueilli l'identité de la personne qui se serait selon lui présentée comme habilitée à recevoir le courrier RAR et la case prévue à cet effet est restée vide.

La société ajoute manifestement à la lettre des textes dès lors qu'en application de l'article R 1454-26 du code du travail, il n'est nullement prescrit que le préposé de la poste doive vérifier l'identité du mandataire ayant réceptionné le pli, au siège de la société et aux horaires de travail.

L'article 690 du code de procédure civile dispose que la notification à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement. A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilitée à la recevoir.

La notification de la décision auprès d'un membre de la société expressément habilité à la recevoir n'est prévue que dans le cadre de l'alinéa 2 du texte précité.

En application de l'article 690 al 1, qui correspond au cas d'espèce, la notification a été faite sur le lieu de l'établissement et dès lors cette exigence n'est pas requise.

S'agissant du destinataire du jugement reçu le 17 février 2022, il convient de préciser que l'adresse de notification du jugement correspond à l'adresse du siège social de la SARL Bio Philippe Auguste Charonne.

Il résulte de tout ce qui précède que la société a bien reçu notification du jugement le 17 février 2022 et que par conséquent sa déclaration d'appel du 24 mars 2022 est irrecevable en tant que tardive, l'ordonnance entreprise étant infirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare recevable la requête en déféré de Mme [W] [H].

Infirme l'ordonnance entreprise.

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la déclaration d'appel formée à son égard par la SAS Bio Philippe Auguste Charonne le 24 mars 2022.

Condamne la SAS Bio Philippe Auguste Charonne aux dépens.

Renvoie l'affaire à la mise en état sous le RG n°22-4117 pour la poursuite de l'instruction du dossier.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1- a
Numéro d'arrêt : 22/08112
Date de la décision : 12/04/2023
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;22.08112 ?
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