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12/04/2023 | FRANCE | N°22/08040

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1- a, 12 avril 2023, 22/08040


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 1- A



ARRET DU 12 AVRIL 2023



(n° 105 /2023, 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08040 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGMJX



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Septembre 2022 -Conseiller de la mise en état de PARIS - RG n° 21/7545





APPELANTE



S.A.S.U. ESGCV Société immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 752 53

5 476, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3] / FRANCE

N° SIRET : 752 535 476 0...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1- A

ARRET DU 12 AVRIL 2023

(n° 105 /2023, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08040 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGMJX

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Septembre 2022 -Conseiller de la mise en état de PARIS - RG n° 21/7545

APPELANTE

S.A.S.U. ESGCV Société immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 752 535 476, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3] / FRANCE

N° SIRET : 752 535 476 00325

Représentée par Me Christophe LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES, toque : 144

INTIMEE

Madame [K] [R]

[Adresse 1]

[Localité 4]

née le 12 Mars 1961 à [Localité 5] (MAROC) [Localité 5]

Représentée par M. [B] [T] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2023, en audience publique, en double rapporteur, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine DA LUZ, présidente de chambre chargée du rapport, et Madame Catherine VALANTIN, conseillère.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme Christine DA LUZ, Présidente de chambre

Mme Nicolette GUILLAUME, Présidente de chambre

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Monsieur Damien RASCLE, en présence de Madame Clara MICHEL, greffière en formation et de Madame Laëtitia PRADIGNAC, greffière.

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Clara MICHEL, greffière présente lors de la mise à disposition.

***

Le 12 février 2019, Mme [K] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de contester la régularité de son licenciement et voir condamner la société ESGCV au paiement de diverses sommes et indemnités.

Par jugement du 18 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme [R] de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 29 juillet 2021, Mme [R] a interjeté appel de ce jugement.

Mme [R] est représentée à l'instance par M. [T], défenseur syndical.

Par courrier du 27 octobre reçu le 28 octobre 2021, M. [T] a notifié ses conclusions d'appelant au conseil de l'intimée.

Le 29 octobre 2019, M. [T] a déposé ses conclusions au greffe.

Le 24 janvier 2022, la société ESGCV a remis ses conclusions au greffe par RPVA.

Par conclusions du 25 avril 2021 notifiées par RPVA, Mme [R] a notamment demandé au conseiller de la mise en état de déclarer irrecevables les conclusions d'intimée en faisant valoir que :

- la notification de conclusions par Chronopost n'était pas une modalité prévue par l'article 930-3 du code de procédure civile ;

- elle n'avait jamais reçu ces conclusions ;

- les seules conclusions qui lui avaient été notifiées étaient tardives pour l'avoir été le 14 mars 2022.

Par conclusions responsives notifiées par RPVA le 21 juin 2022, la société ESGCV a notamment demandé au conseiller de la mise en état de constater la caducité de la déclaration d'appel de Mme [R].

Au soutien de ses demandes, la société ESGCV faisait valoir que :

- L'appelante ne lui avait pas notifié ses conclusions simultanément ou postérieurement à la remise au greffe ;

- concernant l'irrecevabilité de ses conclusions, en l'absence de nouvelle notification des conclusions d'appelante remises au greffe, le délai de l'article 909 du code de procédure civile n'avait pas couru ;

- ses conclusions du 14 mars 2022 étaient donc recevables ;

- s'agissant de l'envoi de conclusions par Chronopost ; cette modalité présente des garanties similaires à un envoi par lettre recommandée avec accusé de réception.

Par ordonnance du 15 septembre 2022, le magistrat de la mise en état a rejeté la demande de caducité et déclaré irrecevables les conclusions de la société ESGCV remises au greffe le 24 janvier 2022.

Par requête du 27 septembre 2022, la société ESCGV a déféré cette ordonnance à la cour et demande de :

- infirmer l'ordonnance de mise en état du 15 septembre 2022 ;

- constater la caducité de la déclaration d'appel au 29 octobre 2021 et prononcer la caducité

de la déclaration d'appel du 29 juillet 2021 ;

- débouter Mme [R] de toutes ses demandes contraires.

Subsidiairement,

- débouter Mme [R] de ses demandes en irrecevabilité des conclusions de l'intimé.

En tout état de cause,

- condamner Mme [R] à payer à la société ESGCV la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre à supporter les dépens de l'incident.

Au soutien de ses demandes la société ESCGV fait notamment valoir que':

- sur la caducité de la déclaration d'appel :

le 27 octobre 2021, l'appelante a notifié ses conclusions par lettre recommandée avec accusé de réception à l'avocat constitué pour l'intimée;

le 29 octobre 2021, l'appelante a remis ses conclusions au greffe de la cour d'appel ;

après remise au greffe, l'appelante n'a pas notifié à l'avocat de l'intimée les conclusions ainsi remises ;

ainsi, la caducité de l'appel est encourue.

- sur la recevabilité des conclusions :

les conclusions de l'appelante ont été notifiées à l'avocat de l'intimée antérieurement à la remise des conclusions d'intimée au greffe ;

après le 29 octobre 2021, l'appelante n'a jamais notifié ses conclusions ;

le délai pour conclure n'a donc jamais commencé à courir ;

il est donc indifférent de savoir quelle est la valeur d'un envoi par Chronopost puisqu'en tout état de cause, l'intimée, qui n'était tenue à aucun délai pour conclure, a adressé ses conclusions au défenseur syndical par lettre recommandée avec avis de réception du 14 mars 2022 ;

enfin, un envoi Chronopost est une lettre recommandée avec avis de réception, au sens procédural.

M. [T], défenseur syndical, muni d'un pouvoir spécial et agissant au soutien des intérêts de Mme [R], a conclu en réponse le 18 octobre 2022, a sollicité la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation de la SASU ESGCV à lui payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a conclu d'une part au rejet de la demande adverse tendant à la caducité - en tant que fondée sur une interprétation erronée d'un arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2019 - et d'autre part à l'irrecevabilité des conclusions d'intimée du 14 mars 2022 en tant que tardives; étant observé que l'appelante n'avait jamais reçu les conclusions par pli Chronopost du 25 janvier 2022 dont se prévaut la SASU ESGCV.

L'ordonnance de fixation a été rendue le 20 décembre 2022 pour une audience devant se tenir le 13 mars 2023 à 9 heures.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

À l'issue des débats, les parties ont été informées de la date de délibéré fixée au 26 avril 2023 avancée au 12 avril 2023.

MOTIFS

Sur la recevabilité des conclusions et pièce du 10 mars 2023

Les conclusions de la société ESGCV ont été remises à la cour le vendredi 10 mars 2023 à 16h12 pour une audience devant se tenir le lundi suivant à 9h, alors même que M. [T], défenseur syndical avait conclu le 18 octobre 2022, et que l'ordonnance de fixation avait été notifiée depuis le 20 décembre 2022.

En outre, ces conclusions ont été remises à la cour dans le dossier RG 21-7545 alors que par message du 27 septembre 2022, le greffe avait bien avisé le demandeur de ce que sa requête en déféré était enregistrée sous le N°RG 22-8040.

Surtout, ces conclusions n'ont été notifiées à M. [T] par voie postale que le 10 mars 2023 de sorte qu'à l'audience de plaidoiries il ne les avait pas reçues et les a obtenues de l'avocat adverse le 13 mars à 9h, outre une pièce dont il n'avait pas eu connaissance.

Ainsi en application des dispositions combinées tirées des articles 15, 16, 135, 763 et 907 du code de procédure civile, ces conclusions seront déclarées irrecevables tandis que la pièce 1 sera écartée des débats.

Sur la caducité de la déclaration d'appel

Il résulte des dispositions combinées tirées des articles 908, 909 et 911 Al1 du code de procédure civile qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. Sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour.

La SASU ESGCV soutient vainement que la notification, antérieure à la remise des conclusions, ne répondrait pas à l'exigence de l'article 911 du code de procédure civile, et qu'il ne serait satisfait à cette exigence que si l'appelant notifiait effectivement ses conclusions après remise au greffe, et évidemment dans son délai 911. A défaut pour l'appelant de respecter cette notification après remise, il encourrait la caducité de son acte d'appel en application des articles 908 et 911.

Il reste que les textes précités n'édictent nullement la sanction de la caducité en cas de notification à avocat antérieure à la remise des conclusions au greffe.

En outre, l'arrêt de la 2è Civ de la Cour de cassation du 26 septembre 2019 (n°18-21116) dont se prévaut la société - au delà du fait qu'elle s'applique à une espèce non identique à la présente - n'induit pas davantage une telle sanction à la charge de l'appelant, mais statue plutôt sur la question du point de départ du délai imparti à l'intimé pour conclure.

En l'espèce, il est constant que l'appelante a notifié ses conclusions par lettre recommandée avec accusé de réception à Me Boulet, avocat constitué pour la société intimée, le 27 octobre 2021, lesquelles ont été reçues par ce dernier le 28 octobre 2021.

Elle justifie également avoir adressé ses conclusions à la cour à cette même date du 27 octobre 2021.

La cour les a enregistrées le 29 octobre 2021, ainsi que cela apparaît sur l'interface winci CA.

Mme [R] s'est parfaitement acquittée de son obligation de remettre à la cour ses conclusions d'appelante dans le délai de trois mois de sa déclaration d'appel conformément à l'article 908, étant observé que ce délai expirait au 30 octobre.

Elle n'avait nullement à réitérer la notification de ses conclusions à son contradicteur dès lors que ce dernier ayant constitué avocat le 24 septembre 2021, elle y avait déjà procédé en application des dispositions tirées de l'article 911 du code de procédure civile, et n'encourait donc pas davantage de caducité sur ce fondement.

Il en résulte que le moyen soulevé de ce chef est infondé et l'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur l'irrecevabilité des conclusions d'intimé.

La SASU ESGCV ne saurait soutenir que le délai de l'article 909 du code de procédure civile n'aurait jamais couru à son encontre alors que les conclusions d'appelant lui ont dûment été notifiées et que celles-ci ont été remises au greffe; de telles diligences, au demeurant non contestées, ayant nécessairement fait courir le délai de trois mois à son égard en application du texte précité. Ce moyen sera donc rejeté.

Mme [R] soutient que la société n'a respecté l'exigence de notification par lettre recommandée avec accusé de réception, prescrite à titre de validité, en application de l'article 930-3 du code de procédure civile, que le 14 mars 2022, soit bien au-delà du délai de trois mois qui lui était imparti, et qu'elle est donc irrecevable. Elle ajoute qu'elle n'a jamais reçu le chronopost qui lui aurait été adressé le 25 janvier 2022.

En application de l'article 930-3 du code de procédure civile, les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification.

Cet article n'est cependant pas prescrit à peine d'irrecevabilité ni même de nullité et il n'apparaît être assorti d'aucune sanction.

Ce texte renvoie plutôt au droit commun de la notification des actes en la forme ordinaire issue des articles 665 et suivants du code de procédure civile.

Il ressort notamment de l'article 667 du code de procédure civile que la notification est faite sous enveloppe ou pli fermé, soit par la voie postale, soit par la remise de l'acte au destinataire contre émargement ou récépissé. La notification en la forme ordinaire peut toujours être faite par remise contre émargement ou récépissé alors même que la loi n'aurait prévu que la notification par voie postale.

Si la notification par Chronopost ne se révèle donc pas formellement proscrite, encore s'agit-il qu'elle apparaisse démontrée.

La société soutient qu' il ne serait 'pas contesté' qu'elle a remis l'acte à l'administration postale, qui l'a pris en charge, dans son délai 909, et souligne que seule serait contestée la 'réception' de cet acte de procédure, ce qui n'engendrerait pas la moindre conséquence sur la régularité de l'acte, et sur le fait que l'expéditeur a fait diligence. Elle souligne qu'il suffit de justifier de la prise en charge de l'envoi par l'administration postale au plus tard le dernier jour pour effectuer la diligence procédurale, peu important la date à laquelle le destinataire recevrait l'acte de procédure, la seule conséquence à son égard se situant au niveau du point de départ de son délai pour répondre.

Il reste néanmoins que contrairement à ce que soutient la société, l'envoi lui-même se révèle litigieux. En effet, l'examen du bordereau Chronopost versé aux débats - dont on ne sait à quel contenu il se rapporte - ne fait nullement apparaître le nom de M. [T] en tant que destinataire mais celui de 'Mme [V] [M]', laquelle a attesté qu'elle n'avait jamais été destinataire d'un tel pli et que la signature n'était pas la sienne (ce dont elle justifie au travers de la signature portée sur son passeport).

Par courrier du 14 mars 2022, Me Boulet avait écrit à M. [T] qu'il lui adressait un 'nouvel envoi' de ses conclusions. Il ajoutait que celles-ci lui avaient également été adressées par email les 24 et 25 janvier 2022 or il n'a pas davantage été attesté de l'envoi de ces courriels.

Dans de telles conditions, la notification contestée ne peut apparaître effective et les conclusions remises au greffe le 24 janvier devront être déclarées irrecevables, l'ordonnance entreprise étant confirmée de ce chef. Les conclusions du 14 mars 2022 sont elles-mêmes irrecevables en tant que notifiées au delà du délai de l'article 909 du code de procédure civile et il sera ajouté à l'ordonnance.

- Sur les autres demandes

La SASU ESGCV sera condamnée au paiement de la somme de 500 euros au profit de Mme [R] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera également condamnée aux dépens de l'incident et de la procédure en déféré.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déclare irrecevables les conclusions notifiées par la SASU ESGCV le 10 mars 2023.

Ecarte des débats la pièce n°1 communiquée à leur soutien.

Confirme l'ordonnance entreprise.

Y ajoutant,

Déclare irrecevables les conclusions d'intimée notifiées le 14 mars 2022 dans le dossier RG 21-7545.

Condamne la SASU ESGCV au paiement de la somme de 500 euros au profit de Mme [K] [R] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SASU ESGCV aux dépens de l'incident et de la procédure en déféré.

Renvoie le présent dossier à l'audience de mise en état sous le n°RG 21-7545 pour fixation de l'affaire au fond.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1- a
Numéro d'arrêt : 22/08040
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;22.08040 ?
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