Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 12 AVRIL 2023
(n°2023/ 59 , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/18777 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CC3BX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 17/06787
APPELANTS
Madame [OY] [YZ] épouse [B]
[Adresse 10]
[Localité 7]
Monsieur [A] [YZ]
[Adresse 11]
[Localité 2]
Monsieur [ZO] [YZ]
[Adresse 8]
[Localité 2]
Madame [G] [YZ] épouse [SI]
[Adresse 26]
[Localité 2]
Madame [J] [YZ] épouse [U]
[Adresse 23]
[Localité 24]
Monsieur [E] [YZ]
venant aux droits de M. [CO] [YZ] décédé le 30/03/2020,
[Adresse 20]
[Localité 19]
Madame [M] [YZ] épouse [R]
venant aux droits de M. [CO] [YZ] décédé le 30/03/2020,
[Adresse 3]
[Localité 5]
Madame [Z], [XE] [O] épouse [YZ]
venant aux droits de M. [CO] [YZ] décédé le 30/03/2020,
[Adresse 12]
[Localité 1]
Représentés par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : L0050 et assistés de Me Pascale CHANSSAUD, avocat plaidant au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉS
Madame [FX] [C] [L] [V] épouse [BF]
Es qualité d'héritière de M. [N], [K], [H] [V] décédé le 18.08.2016
[Adresse 6]
[Localité 15]
Madame [S] [D] [V] épouse [OI]
Es qualité d'héritière de M. [N], [K], [H] [V] décédé le 18.08.2016
[Adresse 16]
[Localité 14]
Monsieur [W] [N] [T] [V]
Es qualité d'héritier de M. [N], [K], [H] [V] décédé le 18.08.2016
[Adresse 4]
[Localité 18]
Madame [FH] [C] [GM] [V] épouse [I]
Es qualité. d'héritière de M. [N], [K], [H] [V] décédé le 18.08.2016
[Adresse 13]
[Localité 17]
Représentés par Me Bertrand WEIL, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : C0180 et par la SAS CABINET KLEBER AVOCATS, prise en la personne de Maître Philippe RUBIGNY, Avocat au Barreau de STRASBOURG, avocat plaidant
Monsieur [H] [F] [Y] [V]
Es qualité d'héritier de M. [N], [K], [H] [V] décédé le 18.08.2016
[Adresse 25]
[Localité 21]
Représenté par Me Karine GERONIMI de la SELEURL ALTERJURIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1494 et Me Bertrand WEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0180
S.A. CNP ASSURANCES
[Adresse 9]
[Localité 22]
Représentée par Me Stéphanie COUILBAULT de la SELARL CABINET MESSAGER - COUILBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1590
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre
M. Julien SENEL, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET
ARRÊT : Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, présent lors de la mise à disposition.
*********
EXPOSÉ DU LITIGE :
[L] [V] épouse [YZ] a été désignée tutrice de sa soeur, [P] [V], pour la période allant du 24 août 1983 au 1er octobre 2011 (décès de la tutrice).
Entre le 28 novembre 1991 et le 16 décembre 1998, elle avait souscrit au nom de cette dernière dix contrats d'assurance vie auprès de la société CNP ASSURANCES (ci-après dénommée CNP), par l'intermédiaire de la Banque Postale, pour un montant total de 356.285 euros ainsi qu'il suit :
* Assurdix n° 366 691728 14,
* Assurdix n°3 66 805872 09,
* Assurdix n°3 66 858650 02,
* Assurdix n°366 871610 13,
* Assurdix n° 366 877680 11,
* Assurdix n° 366 882715 09,
* Assurdix n° 366 883583 03,
* GMO n° 969 184171 05,
* Assurdix n° 366 904856 0l,
* Assurdix n° 366 907231 07.
Les trois premiers contrats souscrits contenaient la clause bénéficiaire suivante :
' par parts égales M. [V] [N], Mme [YZ] [L] née [V] à défaut leurs héritiers'.
Les sept autres contrats contenaient la clause bénéficiaire suivante :
' par parts égales M. [V] [N], Mme [YZ] [L] née [V] à défaut mes héritiers ».
[P] [V] est décédée le 11 septembre 2014 laissant à sa succession :
* son frère [N] [V],
* ses six neveux et nièces, descendants d'[L] [V] : [OY], [G], [X], [A], [ZO], et [CO] [YZ] (ci-après dénommés les consorts [YZ]).
A la fin de l'année 2014, la société CNP a versé à [N] [V] les capitaux dus au titre de ces différents contrats, soit la somme de 432.711,26 euros,.
Le 18 août 2016, [N] [V] est lui-même décédé, laissant à sa succession ses descendants: [FX], [S], [FH], [H] et [W] [V] (ci-après dénommés les consorts [V]).
Par ordonnance en date du 26 septembre 2016, le président du tribunal de grande instance de PARIS a ordonné à la CNP de transmettre aux consorts [YZ] les noms des bénéficiaires des contrats.
Par courrier du 24 novembre 2016, les consorts [YZ] ont mis en demeure la CNP de leur verser les sommes leur revenant.
Par courrier du 21 décembre 2016, la CNP a répondu qu'elle considérait que le seul béné'ciaire desdits contrats était [N] [V].
En consquence, par acte d'huissier du 27 mars 2017, les consorts [YZ] ont assigné la CNP devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par actes d'huissier des 2,8 et 30 avril, puis du 2 mai 2017 la CNP a assigné les consorts [V] devant le même tribunal. Les deux procédures ont été jointes dans le cadre de la mise en état.
[CO] [YZ] est décédé en cours de procédure le 30 mars 2020 laissant à sa succession son épouse, [Z] [O], ainsi que ses deux filles : [E] et [M] [YZ] qui sont intervenues volontairement à l'instance.
Par jugement du 27 octobre 2020 le tribunal, a :
- débouté Mme [OY] [YZ], Mme [G] [YZ], Mme [X] [YZ], M. [A] [YZ], M. [ZO] [YZ] et M. [CO] [YZ] pris en la personne de ses héritiers Mme [Z] [O] épouse [YZ] et Mmes [E] et [M] [YZ], de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de la CNP et de Mme [FX] [V], Mme [S] [V], Mme [FH] [V] et M. [H] [V] et M. [W] [V],
- condamné in solidum Mme [OY] [YZ], Mme [G] [YZ], Mme [X] [YZ], M. [A] [YZ], M. [ZO] [YZ] et M. [CO] [YZ] pris en la personne de ses héritiers Mme [Z] [O] épouse [YZ] et Mmes [E] et [M] [YZ], aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Stéphanie Couilbault-Di Tommaso et de Maître Bertrand Weil conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [OY] [YZ], Mme [G] [YZ], Mme [X] [YZ], M. [A] [YZ], M. [ZO] [YZ] et M. [CO] [YZ] pris en la personne de ses héritiers Mme [Z] [O] épouse [YZ] et Mmes [E] et [M] [YZ], à verser à la CNP la somme globale de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [OY] [YZ], Mme [G] [YZ], Mme [X] [YZ], M. [A] [YZ], M. [ZO] [YZ] et M. [CO] [YZ] pris en la personne de ses héritiers Mme [Z] [O] épouse [YZ] et Mmes [E] et [M] [YZ],à verser à Mme [FX] [V], Mme [S] [V], Mme [FH] [V] et M. [H] [V] et M. [W] [V], la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.
Par déclaration électronique du 21 décembre 2020, enregistrée au greffe le 30 décembre, 2020, [OY] [YZ] épouse [B], [A] [YZ], [ZO] [YZ], [G] [YZ] épouse [SI], [X] [YZ] épouse [U], [E] [YZ], [M] [YZ] épouse [R] et [Z] [O] ont interjeté appel du jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, les appelants demandent à la cour, au visa des articles L 132-8 et suivants du code des assurances, L 132-9 et L 132-11 du code des assurances, L 132-23-1 ancien et suivants du code des assurances, l'article 1134, devenu les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil, l'article 1147, ancien du code civil, la jurisprudence, les pièces, de :
- INFIRMER en tous points le jugement dont appel du 27 octobre 2020,
STATUANT A NOUVEAU :
A titre principal :
- condamner la société CNP à verser les sommes revenant à [L] [YZ], soit la somme totale de 216.355,62 euros, aux six héritiers de cette dernière : soit [OY] [YZ] épouse [B], [A] [YZ], [ZO] [YZ], [G] [YZ] épouse [SI], [X] [YZ], épouse [U], et [CO] [YZ] (décédé le 30/03/2020, aux droits duquel viennent [E] [YZ], [M] [YZ] épouse [R], [Z] [O] épouse [YZ]), soit 36.059,27 euros chacun,
- dire et juger que les sommes non versées aux dits héritiers d'[L] [YZ] porteront intérêts selon les modalités de l'article L 132-23-1 ancien du code des assurances, à compter de la date de versement des sommes à [N] [V],
- condamner la CNP au paiement de la somme de 12.000 euros, soit 2.000 euros pour chacun des héritiers d'[L] [YZ] sus nommés ([E], [M] et [Z] [YZ] viendront aux droits de leur père et époux [CO] [YZ] décédé le 30/03/2020), au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,
A titre subsidiaire, si la cour jugeait que le paiement effectué par la CNP, de bonne foi, à [N] [V] était libératoire :
- condamner in solidum les cinq héritiers d'[N] [V] ([FX] [V] épouse [BF], [S] [V] épouse [OI], [FH] [V] épouse [I], [W] [V], [H] [V], à restituer aux six héritiers d' [L] [YZ] sus nommés ([E], [M] et [Z] [YZ] aux droits de leur père et époux [CO] [YZ] décédé le 30/03/2020), la moitié des capitaux perçus, soit la somme de 36.059,27 euros chacun,
- dire et juger que les sommes non versées aux dits héritiers d'[L] [YZ] porteront intérêts selon les modalités de l'article L 132-23-1 ancien du code des assurances, à compter de la date de versement des sommes à [N] [V],
- condamner in solidum les cinq héritiers d'[N] [V] ([FX] [V] épouse [BF], [S] [V] épouse [OI], [FH] [V] épouse [I], [W] [V], [H] [V] au paiement de la somme de 12.000 euros, soit 2.000 euros pour chacun des héritiers d'[L] [YZ] sus nommés ([E], [M] et [Z] [YZ] aux droits de leur père et époux [CO] [YZ] décédé le 30/03/2020) au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait entrer en voie de condamnation à l'encontre de l'ensemble des défendeurs,
- condamner in solidum la CNP et les cinq héritiers d'[N] [V] sus désignés à restituer aux six héritiers d'[L] [YZ] sus nommés ([E], [M] et [Z] [YZ] aux droits de leur père et époux [CO] [YZ] décédé le 30/03/2020), la moitié des capitaux perçus, soit la somme de 36.059,27 euros chacun,
- dire et juger que les sommes non versées aux dits héritiers d'[L] [YZ] porteront intérêts selon les modalités de l'article L 132-23-1 ancien du code des assurances, à compter de la date de versement des sommes à [N] [V],
- condamner in solidum la CNP et les cinq héritiers d'[N] [V] sus désignés au paiement de la somme de 12.000 euros, soit 2 000 euros pour chacun des héritiers d'[L] [YZ] sus nommés ([E], [M] et [Z] [YZ] aux droits de leur père et époux [CO] [YZ] décédé le 30/03/2020) au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,
En tout état de cause,
- débouter la CNP de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter les cinq héritiers d'[N] [V] sus nommés, de leurs demandes, fins et conclusions, - condamner in solidum les parties succombantes au paiement de la somme 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les parties succombantes aux entiers dépens ainsi qu'à ceux accordés à Maître Bruno Regnier, avocat, le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 juillet 2021, [FX] [V] épouse [BF], [S] [V] épouse [OI], [W] [V] et [FH] [V] épouse [I], héritiers d'[N] [V], intimés, demandent à la cour, de :
- déclarer mal fondé l'appel des consorts [YZ],
En conséquence,
- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Paris rendu le 27 octobre 2020,
A titre subsidiaire et dans l'hypothèse d'une infirmation de la décision de première instance:
- débouter purement et simplement la CNP de ses fins et conclusions,
- débouter purement et simplement les consorts [YZ] de leurs fins et conclusions dans l'hypothèse où la cour devrait condamner la CNP à payer aux consorts [YZ] les sommes qu'ils réclament et par voie de conséquence :
- condamner les consorts [V] à reverser à la CNP la moitié des capitaux décès perçus,
- condamner au titre d'une demande reconventionnelle des consorts [V] CNP au paiement d'une somme de 216.355,63 euros ainsi que tout autre montant qui pourrait être mis à la charge des consorts [V] à titre de dommages et intérêts et autres, après avoir constaté la faute de la CNP dans l'interprétation des clauses bénéficiaires, le préjudice que cette faute a engendré et la
relation de cause à effet entre la faute et le préjudice.
En tout état de cause :
- condamner la CNP au paiement d'une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les consorts [YZ] solidairement au paiement d'une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter purement et simplement les consorts [YZ] de leurs fins et conclusions,
- condamner la CNP et les consorts [YZ] aux entiers frais et dépens de la procédure au profit de Me Bertrand WEIL, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 31 août 2021, M. [H] [V], héritier d'[N] [V] décédé, demande à la cour, au visa des articles L.132-8 et L 132-9 du code des assurances, de la jurisprudence précitée, et des pièces versées aux débats, de:
- recevoir les appelants en leurs écritures et y faisant droit,
- débouter les consorts [YZ] et la CNP de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,
- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
A titre subsidiaire,
- condamner la CNP à relever et garantir indemne M. [H] [V] de toute condamnation qui serait mise à sa charge,
- condamner à verser à M. [H] [V] la somme de 43.271,12 euros à titre de dommages-intérêts, correspondant à la moitié des capitaux propres,
En tout état de cause,
- condamner la CNP à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la CNP aux entiers dépens distraction au profit de la SELARL ALTERJURIS AVOCATS aux termes de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions (n°2) notifiées par voie électronique le 21 juin 2022, la CNP demande à la cour, de :
A titre principal,
Vu la clause bénéficiaire en cas de décès des contrats,
- rejeter toutes les demandes de paiement présentées par les consorts [YZ] à son encontre, les capitaux décès des contrats de [P] [V] ayant été, à juste titre, versés à [N] [V] en application de la clause bénéficiaire de premier rang et à défaut de représentation prévue en cas de décès de l'un des deux bénéficiaires de premier rang seulement ;
A titre subsidiaire,
si la cour jugeait que la moitié des capitaux revenait aux consorts [YZ],
Vu les articles L 132-25 du Code des assurances et 1240 du code civil,
- juger que le paiement effectué par la CNP, de bonne foi, à [N] [V] était libératoire et juger qu'il appartient aux héritiers d'[N] [V] de restituer la moitié des capitaux perçus directement aux consorts [YZ] ;
A titre très subsidiaire,
si la cour accueillait la demande de paiement des consorts [YZ], et condamnait l'assureur à reverser les capitaux une seconde fois,
Vu les anciens art 1235 et 1376 relatifs à la répétition de l'indu (art 1302 et suivants nouveaux)
- condamner les héritiers d'[N] [V] à reverser à la CNP la moitié des capitaux décès perçus, soit 43.271,12 euros chacun (Pièce n° 5 CNP Assurances) :
o [FX] [V], épouse [BF], 43.271,12 euros
o [S] [V], épouse [OI], 43.271,12 euros
o [W] [V], 43.271,12 euros
o [FH] [V], épouse [I], 43.271,12 euros,
- rejeter la demande subsidiaire reconventionnelle de dommages et intérêts présentée par les consorts [V] et toute demande de relevé et garantie, les conditions de la responsabilité civile n'étant pas réunies ;
En toute hypothèse,
Vu l'article L 132-23-1 du code des assurances, dans sa version applicable,
- juger que le paiement des capitaux ne pourra être effectué qu'après accomplissement des formalités fiscales (articles 757 B, 806 III et 292B Annexe II et 990 I du code général des Impôts);
- rejeter toute demande d'intérêts de retard des consorts [YZ] ;
- rejeter toute demande complémentaire y compris de dommages et intérêts dirigée contre la CNP - condamner in solidum toute partie perdante à verser à la CNP la somme de 2.700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum toute partie perdante aux dépens de l'instance avec distraction au
profit de la Selarl Messager Couilbault, représentée par Me Stéphanie Couilbault-Di Tommaso, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées conformément à l'article 455 du code de procédure civile
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la désignation des bénéficiaires des contrats d'assurance-vie souscrits par [P] [V] et le versement des capitaux- décès
Les consorts [YZ], appelants, héritiers d'[L] [V], sollicitent l'infirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :
* il résulte des articles L. 132-9 et 132-1-1 du code des assurances que la condition de survie du bénéficiaire est présumée mais qu'une stipulation contraire dans l'acte peut prévoir sa représentation ;
* en l'espèce, la désignation d'[L] [V] n'était pas caduque en dépit de son prédécès en 2011, sa représentation étant assurée par ses héritiers dès lors que que les contrats comportent une clause manuscrite indiquant soit « à défaut leurs héritiers '' soit la clause prérédigée « à défaut mes héritiers '' ;
* l'article 737 du code civil confirme l'article L.132-8 du code des assurances en prévoyant que dans le cas où les pères et mères du défunt sont décédés avant celui-ci et qu'il ne laisse pas de postérité comme c'est le cas en l'espèce, ce sont les frères et les s'urs du défunt ou leurs descendants qui succèdent ; l'article 752-2 du code civil confirme quant à lui les dispositions précitées en prévoyant que la représentation est admise en faveur des enfants et descendants des frères et s'urs du défunt, qu'ils viennent à sa succession concurremment avec des oncles ou tantes ;
* au cas particulier, l'intention de la souscriptrice est claire puisqu'elle désigne à chaque fois [N] et [L] [V] comme bénéficiaires de premier rang, et à défaut, les héritiers de second rang en tant qu'héritiers des bénéficiaires de premier rang ; la stipulation ' par parts égales' signifie que chacun des deux bénéficiaires de premier rang n'a vocation qu'à la moitié des contrats ; transférer la part d'un bénéficiaire de premier rang à l'autre contrevient à la volonté du stipulant, qui est de prévoir une distribution par moitié, et à sa volonté « à défaut '' qui implique une distribution aux héritiers ;
* l'interprétation faite par la CNP ne prend pas en compte le lien étroit entre les deux soeurs dont l'une a été la tutrice de l'autre pendant plusieurs années ; [P] [V] n'a pu avoir la volonté de favoriser son frère au détriment des héritiers de sa soeur ; au jour du décès, la représentation d'[L] [YZ] était bien expressément prévue par le contrat.
Ils concluent qu'ils auraient dû percevoir la moitié des capitaux décès, soit la somme de 216.355,63 euros (36 059,27 euros chacun) et que la CNP ayant commis une erreur dans l'interprétation des clauses bénéficiaires sa responsabilité contractuelle doit en conséquence être engagée en application des articles 1134 et 1147 ancien du code civil.
Subsidiairement, ils demandent la condamnation in solidum des consorts [V] à leur verser des dommages et intérêts si le paiement de la CNP à leur profit était jugé libératoire, en dépit de son erreur d'interprétation.
M. [H] [V] sollicite la confirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :
- par application des dispositions des articles L. 132-8 et L. 132-9 du code des assurances, seul [N] [V] était un bénéficiaire désigné au moment du décès de sa soeur [P] puisqu'il était le seul bénéficiaire encore en vie ; par conséquent, le décès d'[L] [V], avant celui de sa soeur [P] ne permettait pas de faire bénéficier ses héritiers de sa part puisque les clauses bénéficiaires en cas de décès choisies par l'assurée ne prévoyaient pas la représentation en cas de décès de l'un des deux bénéficiaires de premier rang ;
- si le bénéfice est attribué aux frères et s'urs, et si l'un d'eux vient à décéder avant le souscripteur, la prestation assurée ne peut pas, sauf volonté contraire exprimée clairement par ce dernier, échoir à ses enfants par le jeu de la représentation ; ces clauses contenues dans les contrats d'assurance vie, sont expliquées par analogie avec l'article 1039 du code civil selon lequel toute disposition testamentaire sera caduque si celui en faveur de qui elle est faite n'a pas survécu au testateur.
Les autres consorts [V] ([FX], [S], [W] et [FH]) sollicitent la confirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :
- il résulte des dispositions de l'article L 132-9 du code des assurances que l'attribution de l'assurance sur la vie à une personne déterminée est présumée faite sous la condition de l'existence du bénéficiaire à l'époque de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis;
- dans le cas présent, la clause bénéficiaire choisie par [P] [V] n'indique pas « à défaut de l'un ses descendants » et il aurait fallu que les deux bénéficiaires de premier rang soient décédés au moment du décès de l'assurée pour que leurs héritiers à tous les deux perçoivent le produit des assurances vie ; tel n'est pas le cas en l'espèce, le prédécès d'[L] en 2011, a rendu caduque sa désignation et exclu toute possibilité pour les consorts [YZ] de revendiquer l'attribution de la moitié des fonds qui ont été reversés à juste titre à [N] [V] seul bénéficiaire de premier rang encore vivant au décès de sa s'ur [P].
La CNP sollicite la confirmation du jugement faisant essentiellement valoir que :
- l'article L. 132-8 du code des assurances implique de se placer au moment de l'exigibilité du contrat pour déterminer le bénéficiaire et l'article L. 132-9 prévoit que l'attribution est faite sous la condition de l'existence du bénéficiaire au décès ;
- le décès d'un bénéficiaire avant l'assuré n'a pas pour conséquence de faire bénéficier le contrat à ses héritiers ; le capital d'un contrat d'assurance vie ne fait pas partie de la succession conformément à l'article L.132-12 du code des assurances, dont les dispositions sont d'ordre public ; les héritiers ne peuvent, en matière d'assurance vie, continuer la personne de leur auteur; la représentation du droit des successions ne s'applique pas en droit des assurances, sauf si le souscripteur l'a expressément prévue par application des articles L.132-8 et L132-9 du code des assurances ;
- en l'espèce, [P] [V] a prévu une désignation subsidiaire qui ne s'app1ique que si les deux bénéficiaires de premier rang étaient décédés à son propre décès ;
- ainsi, la désignation d'[L] [YZ] était caduque le 11 septembre 2014 (décès de [P]) dès lors qu'elle était prédécédée en 2011;
- les héritiers d'[L] [YZ] ne peuvent venir en représentation de leur mère (absence de clause de représentation dans les clauses libres stipulées aux contrats), les désignations de rang subsidiaire (à défaut mes héritiers ou à défaut leurs héritiers) ne s'appliquent que si tous les bénéficiaires de 1er rang sont décédés au moment du décès de l'assuré, par application des articles L132-25 du code des assurances et 1240 du code civil ;
- la clause subsidiaire n'a pas à être appliquée puisqu'il est fait application de la clause bénéficiaire de premier rang et que ce n'est qu'à défaut d'application de cette clause de premier rang qu'il doit être fait application de la clause subsidiaire.
Elle oppose enfin que le paiement doit être considéré comme libératoire, même en cas d'erreur d'interprétation.
Sur ce,
Selon l'article L 132-8 du code des assurances : « ' Est considérée comme faite au profit de bénéficiaires déterminés la stipulation par laquelle le bénéfice de l'assurance est attribué à une ou plusieurs personnes qui, sans être nommément désignées, sont suffisamment définies dans cette stipulation pour pouvoir être identifiées au moment de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis. »
L'article L. 132-9 du même code dispose que : ' l'attribution à titre gratuit du bénéfice d'une assurance sur la vie à une personne déterminée est présumée faite sous la condition de l'existence du bénéficiaire à l'époque de l'exigibilité du capital ou de la rente garantis, à moins que le contraire ne résulte des termes de la stipulation.'
La condition de survie du bénéficiaire est ainsi présumée, la représentation prévue en matière successorale n'étant pas applicable en droit des assurances.
Cependant, une stipulation contraire insérée à l'acte peut prévoir la représentation du bénéficiaire et ainsi la transmission des capitaux à ses héritiers.
Cette représentation constituant une exception au principe prévu par 1'article L. 132-9 précité, il incombe aux consorts [YZ], appelants, qui s'en prévalent, de rapporter la preuve d'une telle stipulation.
En l'espèce, dans l'ensemble des contrats, [P] [V] a désigné comme bénéficiaires de premiers rangs par parts égales, son frère [N] [V] et sa soeur [L] [YZ] née [V], cette dernière étant décédée en 2011 avant la stipulante.
Le tribunal a considéré à bon droit par des motifs pertinents que la cour adopte que :
* la présence de droits respectifs précisés ' par parts égales' au profit des bénéficiaires de premier rang dans leurs rapports mutuels ne permet pas d'établir que le stipulant aurait entendu, en cas de décès de l'un desdits bénéficiaires, priver le survivant de tout accroissement de la part qui lui était initialement dévolue ;
* la seule manifestation de volonté du stipulant dont le tribunal puisse se convaincre avec certitude réside, en présence de bénéficiaires désignés de premier et de second rang, dans le souhait de celui-ci de gratifier les premiers par préférence aux seconds, et il y a lieu de considérer qu'en cas de décès de l'un des deux bénéficiaires de premier rang, [P] [V], à défaut de stipulation contraire, a entendu gratifier le bénéficiaire de premier rang survivant à hauteur de la totalité des sommes épargnées par priorité aux bénéficiaires en sous-ordre qui n'ont ainsi vocation à percevoir les fonds qu'en cas de décès de tous les bénéficiaires de rang supérieur ;
* dans les sept derniers contrats souscrits par [P] [V] figuraient deux clauses types, que la défunte a nécessairement consulté pour réaliser son choix et qui, si elles n'étaient pas applicables à sa situation pour concerner des enfants, étaient de nature à attirer son attention sur la rédaction à adopter puisqu'e1les contenaient la formule « à défaut de 1'un, ses descendants, à défaut les survivants '' ; or,[P] [V] n'a pas repris cette formule dans sa rédaction de la clause libre ;
* enfin, si la clause bénéficiaire peut toujours s'apprécier à l'aune de la volonté du défunt, cette interprétation ne peut permettre de dénaturer la clause et ne peut se faire que si cette volonté est suffisamment certaine ; or, s'il n'est pas contesté et contestable que [P] [V] avait des liens étroits avec sa soeur [L], qui avait été sa tutrice plusieurs années durant, il ne peut en être déduit une volonté de la défunte de favoriser une répartition des fonds placés sur ses contrats par souche, la moitié du capital devant alors revenir aux héritiers de celle-ci.
Ainsi, [P] [V] n'ayant pas expressément manifesté sa volonté de faire jouer la représentation au profit des enfants de sa soeur [L] prédécédée avec les termes 'ou à défaut de l'un, ses descendants' dans la clause d'assurance, le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a jugé que la CNP n'a pas commis d'erreur dans 1'interprétation des clauses bénéficiaires et que les capitaux devaient être versés à [N] [V] et a débouté les consorts [YZ] de 1'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de la CNP, y compris celle au paiement de dommages et intérêts fondée sur la mauvaise interprétation du contrat par l'assureur, et de leurs demandes dirigées contre les consorts [V], les autres demandes formées à titre subsidiaire étant devenues sans objet.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum Mme [OY] [YZ], Mme [G] [YZ], Mme [X] [YZ], M. [A] [YZ], M. [ZO] [YZ] et M. [CO] [YZ] pris en la personne de ses héritiers Mme [Z] [O] épouse [YZ] et Mmes [E] et [M] [YZ], à verser à la CNP la somme globale de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,et à verser à Mme [FX] [V], Mme [S] [V], Mme [FH] [V] et M. [H] [V] et M. [W] [V], la somme globale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance.
En cause d'appel, les consorts [YZ] qui succombent seront condamnés à payer à la CNP une indemnité de 1. 000 euros, à [FX] [V] épouse [BF], [S] [V] épouse [OI], [W] [V] et [FH] [V] épouse [I], héritiers d'[N] [V], ensemble la somme de 1.000 euros sur la fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et seront déboutés de leur propre demande.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [H] [V] et des autres consorts [V] à l'encontre de la CNP sur le même fondement. Ils en seront déboutés.
Les consorts [YZ] seront condamnés aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour les avocats qui en ont fait la demande.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Condamne in solidum [OY] [YZ] épouse [B], [A] [YZ], [ZO] [YZ], [G] [YZ] épouse [SI], [X] [YZ] épouse [U], [E] [YZ], [M] [YZ] épouse [R] et [Z] [O] à payer à la société CNP Assurances une indemnité de 1. 000 euros, à [FX] [V] épouse [BF], [S] [V] épouse [OI], [W] [V] et [FH] [V] épouse [I], ensemble la somme de 1.000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute [H] [V], [FX] [V] épouse [BF], [S] [V] épouse [OI], [W] [V] et [FH] [V] épouse [I] de leurs demandes à l'encontre de la CNP au titre des frais irrépétibles ;
Condamne [OY] [YZ] épouse [B], [A] [YZ], [ZO] [YZ], [G] [YZ] épouse [SI], [X] [YZ] épouse [U], [E] [YZ], [M] [YZ] épouse [R] et [Z] [O] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour les avocats qui en ont fait la demande.
Déboute les parties de toutes autres demandes.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE