Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRET DU 06 AVRIL 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00350 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBH5G
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/03701
APPELANT
Monsieur [Z] [F]
Chez Monsieur [J] [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par M. [C] [O], défenseur syndical muni d'un pouvoir
INTIMÉE
SCOP AUX NETTOYEURS ENCAUSTIQUEURS REUNIS (ANER)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente
Madame Nicolette GUILLAUME, présidente
Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, rédactrice
Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [Z] [F] a travaillé pour le compte de la société Aux Nettoyeurs Encaustiqueurs Réunis (ANER) en qualité d'agent de service dans le cadre de plusieurs contrats de travail à durée déterminée à compter du 8 septembre 2015.
Le 4 juillet 2017, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel.
La convention collective applicable à la relation de travail est celle des entreprises de propreté.
Le 8 novembre 2018, la société Aux Nettoyeurs Encaustiqueurs Réunis a notifié à M. [F] la suspension de son contrat de travail et l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 16 novembre suivant.
Une lettre de démission a été établie le même jour.
Contestant sa démission, M. [F] a, par acte du 2 mai 2019, saisi le conseil de prud'hommes de Paris.
Par jugement du 21 novembre 2019, notifié aux parties par lettre du 28 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Paris a :
-débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes et le condamne aux dépens,
-débouté la SA ANER de sa demande.
Dans ses dernières conclusions, notifiés et déposées au greffe par voie papier le 27 août 2020, M. [F] demande à la cour :
-de réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 21 novembre 2019 en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,
-de dire que la démission du 8 novembre 2018 a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-de condamner la société ANER à lui verser les sommes suivantes :
-12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse,
-1 251,90 euros à titre de non-respect de la procédure de licenciement,
-2 000 euros à titre forfaitaire de rappel de salaire pour non-respect des salaires contractuels à partir du 4 juillet 2017,
-2 503,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-250,28 euros à titre de congés payés afférents sur l'indemnité de préavis,
-480,30 euros au titre des remboursements de rechargement Navigo pour les années 2016, 2017 et 2018,
-7 511 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
-3 755,70 euros d'indemnité forfaitaire au titre de l'article L8252-2 du code du travail,
-4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice pour défaut de versement des indemnités et des documents de fin de contrats à partir du CDD 12/09/2016 et la conclusion du CDI du 4 juillet 2017,
-de condamner la société ANER à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-de dire et juger que le point de départ des intérêts légaux est la saisine du conseil de prud'hommes et que les intérêts seront capitalisés annuellement conformément à l'article 1154 du code civil,
-de condamner la société ANER aux dépens.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 23 septembre 2020, la société Aux Nettoyeurs Encaustiqueurs Réunis demande à la cour :
-de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris,
en conséquence,
-de déclarer irrecevables les demandes de requalification des contrats de travail à durée
déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et la demande de remboursement des Pass Navigo pour la partie concernant la période courant jusqu'au 1er mai 2017,
-de débouter Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes, formées contre elle,
-de condamner Monsieur [F] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-de condamner la demanderesse aux dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 février 2023 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 6 mars 2023.
Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu' aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.
MOTIFS
I- Sur l'exécution du contrat de travail
A- Sur la demande de rappel de salaire
M.[F] forme une demande de rappel de salaire à hauteur de la somme 2000 euros en faisant valoir qu'à compter du 4 juillet 2017, il n'a pas bénéficié de sa rémunération de base contractuelle prévue pour une durée de 119,16 heures.
La Cour constate qu'aux termes du contrat de travail à durée indéterminée de M.[F] à effet du 4 juillet 2017 (pièce 10), il était prévu une rémunération de 1084,38 euros pour 108,33 heures de travail.
Il était en outre prévu par des avenants successifs des 18 juillet 2017, 7 novembre 2017, 10 avril 2018 et 10 juillet 2018, l'exécution de 2h30 complémentaires par semaine soit 10,83 heures par mois.
Ainsi, la durée de travail mensuelle du salarié était portée à 119,16 heures par mois et en conséquence sa rémunération mensuelle à 1192,78 euros (pièces 11 à 14).
Or, il ressort des bulletins de paye produits au débat par M. [F] (pièce 24) qu'il a été payé sur une base inférieure sur la période du 1er août 2017 au 31 mars 2018 et qu'ainsi, il lui est dû à titre complémentaire :
-67,45 euros au titre du mois d'août 2017
-72,46 euros au titre du mois de septembre 2017
-167,45 euros au titre du mois d'octobre 2017
-132,27 euros au titre du mois de novembre 2017
-171,30 au titre du mois de décembre 2017
- 137, 52 au titre du mois de janvier 2018
-192,78 au titre du mois de février 2018
- 181,59 euros au titre du mois de mars 2018
soit au total 1122,82 euros.
L'employeur sera donc condamné à verser à M.[F] une somme de 1122,82 euros à titre de rappel de salaire.
B- Sur la demande de remboursement des frais de transport
1) Sur la prescription
Il est admis que les demandes relatives au remboursement des frais de transport relèvent des les actions portant sur l'exécution du contrat de travail.
Conformément aux dispositions de l'article L.1471-1 du code du travail, lesdites actions se prescrivent par deux ans.
En l'espèce, le salarié sollicite le remboursement de ses frais de transport sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018.
Ayant saisi le conseil de prud'hommes le 2 mai 2019, sa demande est prescrite et donc irrecevable sur la période antérieure au 2 mai 2017.
2) Sur le remboursement des frais de transport sur la période non prescrite
M. [F] justifie de frais de transport d'un montant de 676,80 euros sur la période non prescrite et plus précisément entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2018.
Conformément aux dispositions des articles L.3261-2 et R.3261-1 du code du travail l'employeur doit prendre en charge 50% du coût des titres d'abonnement souscrits par le salarié pour se rendre à son travail.
Aussi, il sera fait droit à a demande à ce titre à hauteur de la somme de 338,40 euros.
II-Sur la demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes de la lettre de démission produite au débat par l'employeur, il est indiqué : 'je soussigné M. [F] [Z] je souhaite mettre un terme avec mon contrat de travaille qui me lie avec la société ANER accompté de ce jour le jeudi 8 novembre 2018 à 8h' (pièce 8 de l'employeur).
M.[F] fait toutefois valoir que, conformément au courrier qu'il a adressé à la société intimée 29 novembre 2018 (pièce 25 du salarié), il n'a pas souhaité démissionner et que son consentement a été vicié.
Il soutient ainsi que la lettre de démission a été rédigée par son chef d'équipe sous la dictée de son directeur, qu'il l'a signée en n'en comprenant pas les termes puisqu'il ne lit ni n'écrit le français et sous la contrainte dés lors que son employeur le menaçait de déposer plainte contre lui.
Il ne produit toutefois aucune autre pièce au soutien du vice du consentement dont il se prévaut tandis que l'employeur produit au débat :
-un courrier du 23 octobre 2018 par lequel il lui demande de lui communiquer une nouvelle carte de résident compte tenu de l'expiration de son titre de séjour au 2 novembre 2018 (pièce 15)
- un courrier de la préfecture du 7 novembre 2018 indiquant que le titre de séjour de M. [F] [Z] portant la mention 'vie privée et familiale, autorise son titulaire à travailler' est un faux (pièce 5 et 6) ;
- une décision de suspension du contrat de travail et de convocation à entretien préalable datée du 7 novembre 2018 (pièce 7) ;
- les témoignages de M.L, chef d'équipe et de M. A, responsable d'exploitation, indiquant avoir reçu le salarié avec son cousin afin de lui remettre une convocation à entretien préalable en main propre compte tenu du faux titre de séjour qu'il leur avait communiqué , que M. [F] a alors fait le choix, en présence de son cousin, de donner sa démission et que si le courrier de démission a été matériellement rédigé par M. L, il a été dicté par le cousin du salarié et signé par M. [F] (pièces 12 et 14) ;
- le témoignage de Mme M., chef d'équipe qui indique avoir entendu M. [F] échanger avec un agent qui lui servait de traducteur et avec M.A et M.L, que les échanges ont été cordiaux et avoir entendu parler de démission (pièce 11).
Il ressort de ces éléments que le salarié a, au regard du faux titre de séjour qu'il avait présenté à l'employeur, exprimé librement le choix de démissionnner et ce, en présence de son cousin qui a pu s'entretenir avec lui et lui traduire les propos tenus ainsi que les termes du courrier de démission qu'il a signé .
Le salarié qui ne rapporte pas la preuve d'un vice d'un consentement alors qu'il en la charge doit donc être débouté de sa demande de requalification de sa démission en licenciement.
III-Sur la demande d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé
Des articles L 8221-3, 8221-5 et 8223-1 du Code du Travail, il résulte qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en mentionnant intentionnellement sur un bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou sans avoir procédé à la déclaration préalable d'embauche ou encore sans s'être soumis aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
M. [F] fait valoir que la relation de travail a en réalité débuté le le 3 mars 2014 et qu'il n'a alors pas été déclaré et produit pour en justifier un compte rendu de visite portant en en tête les mentions : 'compte rendu visite chantier [Y], date visite : 03/03/2014, agent : [F] [Z] 'et dans le corps du document les jours d'intervention et la nature précise des travaux ménagers à effectuer (travaux journaliers, hebdomadaires, bi hebdomadaires, bimensuels, mensuels, trimestriels)(pièce 1).
Si l'employeur soutient que, contrairement à ce qu'allègue le salarié , la date du 3 mars 2014 ne correspond pas à l'exécution d'une prestation de travail mais à celle de l'établissement du cahier des charges, il n'apporte pas d'éléments permettant d'expliquer que le nom du salarié figure sur cette fiche.
Il ressort donc de cette pièce que le salarié a effectué une prestation de travail le 3 mars 2014.
Aussi, à défaut pour la société intimée de justifier avoir établi un bulletin de paye correspondant auxdites prestations et une déclaration préalable à l'embauche du salarié et dés lors qu'elle ne pouvait ignorer qu'en sa qualité d'employeur, elle en avait l'obligation, le travail dissimulé doit être retenu.
Il convient donc d'accueillir la demande d' indemnité forfaitaire formée par le salarié et de lui allouer à ce titre, conformément à ses droits, une somme de 7511euros.
IV- Sur la demande d'indemnité pour non respect des régles relatives à l'emploi des salariés étrangers
Il résulte des dispositions de l'article L.8252- 2 du code du travail que l'indemnité forfaitaire de 3 mois de salaire prévue en cas de non respect des dispositions relatives à l'emploi d'étrangers sans titre de travail ne se cumule pas avec l'indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire prévue en cas de travail dissimulé.
Aussi, la demande d'indemnité forfaitaire formée par le salarié dans le cadre des dispositions précitées ne peut être accueillie dés lors qu'il a été fait droit à sa demande au titre du travail dissimulé.
V-Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de remise des documents de fin de contrat et de versement d'indemnité de fin de contrat à partir du CDD du 12 septembre 2016
Si M. [F] forme une demande de dommages et intérêts pour défaut de remise des documents de fin de contrat , il ne justifie pas d'un préjudice.
Toutefois, il convient par ailleurs de rappeler que conformément aux dispositions de l'article L. 1243-8 du code du travail : 'lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation.
Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.
Elle s'ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l'issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant.'
Or, si après son dernier contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période du 3 avril 2017 au 3 juillet 2017 (pièce 8 du salarié), le salarié ne pouvait prétendre à une indemnité de précarité dés lors qu'il a ensuite été engagé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée , il était en droit d'en bénéficier au titre de ses contrats conclus pour les périodes du 12 septembre 2016 au 1er octobre 2016 et du 25 octobre 2016 au 9 janvier 2017 (pièces 5 et 6 du salarié).
Or, l'employeur ne justifie pas lui avoir versé lesdites indemnités.
Compte tenu du préjudice qu'il a ainsi subi, il lui sera alloué une somme 560 euros à titre de dommages et intérêts.
VI- Sur les autres demandes
L'employeur sera tenu de présenter au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de cette décision dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt.
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil.
En raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à M.[F] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.
La société intimée qui succombe sera déboutée de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté M. [F] de sa demande de voir requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes subséquentes,
- débouté M. [F] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour non respect des règles relatives à l'emploi de salariés étrangers era tenu de présenter au salarié un décompte de cette somme ainsi qu'un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux termes de cette décision dans le délai dedeux mois suivant la signification du présent arrêt,
-débouté l'employeur de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société Aux Nettoyeurs Encaustiqueurs Réunis (ANER) à verser à M. [F] les sommes de :
- 1122,82 euros à titre de rappel de salaire ;
- 338,40 euros à titre de remboursement des frais de transport sur la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 ;
-7511euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
-560 euros à titre de dommages et intérêt pour absence de versement des indemnité de fin de contrat ;
- 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation en conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
DIT que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt, en application de l'article 1154 devenu l'article 1343-2 nouveau du code civil,
CONDAMNE la société Aux Nettoyeurs Encaustiqueurs Réunis aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE