Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 05 AVRIL 2023
(n° 2023/ , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05001 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7OZU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2019 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/07616
APPELANTE
Madame [L] [M]
née le 17 Février 1976 à [Localité 10] (ALGERIE)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/013285 du 03/04/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMES
Monsieur [W] [T]
né le 03 Juin 1967 à [Localité 11] (95)
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
ayant pour avocat plaidant Me Julien de MICHELE, avocat au barreau de PARIS
SA SOGECAP, inscrite au RCS de NANTERREsous le numéro B 086 380 730, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Laurence GERARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D2037
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Patricia GRASSO, Président
Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.
***
EXPOSE DU LITIGE
[R] [T], autorisé à se prénommer [F] par décret du 16 octobre 1996, est décédé à [Localité 7] (83) le 19 juillet 2013, laissant pour lui succéder :
- son épouse, Mme [G] [O], avec laquelle il s'était marié le 1er juin 1968 sous le régime de la communauté d'acquêts, dont il était séparé de fait,
- MM. [W] et [Z] [T], ses deux fils nés en 1967 et 1968 de son union avec Mme [G] [O],
- [D] et [K] [T], ses deux filles mineures, nées en 2010 et 2012 de sa relation avec Mme [L] [M].
Le défunt avait souscrit trois contrats d'assurance-vie auprès de la société Sogecap :
- un contrat d'assurance vie Séquoïa n°216/62196498 en date du 22 mai 2002 dont le capital décès s'élève à la somme de 2 758 517 euros ; lors de la souscription, le souscripteur avait désigné comme bénéficiaire son conjoint non divorcé ni séparé de corps et à défaut chacun de ses enfants nés ou à naître,
- un contrat d'assurance vie Séquoïa n°216/62299284 en date du 11 juillet 2002 dont le capital décès s'élève à 1 130 549 euros ; lors de la souscription, le souscripteur avait désigné comme bénéficiaire chacun de ses enfants nés ou à naître,
- un contrat d'assurance vie Sogevie n°569/50008713, dont le capital décès s'élève à 205,10 euros ; lors de la souscription, le souscripteur avait désigné comme bénéficiaire son conjoint non divorcé ni séparé de corps et à défaut chacun de ses enfants nés ou à naître.
Le 6 septembre 2013, ont été déposés auprès de Me [U] [Adresse 8], notaire à [Localité 9] (7e arrondissement), un testament daté du 2 mai 2012 et deux codicilles, rédigés de façon manuscrite en capitales d'imprimerie, comme suit :
« CECI EST MON TESTAMENT QUI REVOQUE TOUTES DISPOSITIONS ANTÉRIEURES.
JE DSIGNE COMME BÉNÉFICIAIRES DES CONTRATS ASSURANCES VIE SUIVANTS :
SOCIETE GENERALE SOGECAP 00216/62299284
SOCIETE GENRALE SOGECAP
MES DEUX FILLES [D] ET [K]
MES FILLES NE POURRONT TOUCHER AU CAPITAL AVANT LA MAJORITE DE LA PLUS JEUNE D'ENTER ELLES
LES INTERETS PRODUITS SERVIRONT A ASSURER LEURS ÉDUCATION ET PAIEMENT DE TOUTS LEUR CHARGES DE TOUTES
DANS, L, HYPOTHESE OU CES SOMMES NE PRODURAIENT PLUS ASSEZ D'INTERETS IL SERA DANS LALLIMITE D'UN MONTANT DE 1,5/00 DE CAPITAUX PLACES PRELEVE LES REVENUS COMPLÉMENTAIRS NECESSAIRES
BIEN ENTENDU EN CAS DE DIFFILCULTE DE LEUR MERE À LEUR MAJORITÉ MES FILLES DEVRONT LUI ASSURER UN LOGEMENT ET LES MOYENS DE VIVRE
EN CE QUI CONCERNE MON FILS [Z] JE LUI LÈGUE LA SOMME DE TROIS MILLIONS D EUROS 3,000,000 A PRENDRE SUR LE CONTRAT D'ASSURANCE VIE N° [...] SOUSCRIT A LA BNP
LE SURPLUS DU CONTRAT REVIENDRA A CHACUNE DE MES FILLES POUR MOITIE AUX MÊMES CHARGEES QUI POUR LA SOCIETE GENERALE
JE LEGUE PAR AILLEURS MADAME [L] [M] MERE DE MES FILLES LA PLEINE PROPRIÉTÉ
- DE LA SOMME DE CINQ CENT MILLE EUROS 500,000 À PRENDRE SUR MON CONTRAT N°0216/62196498 OUREVRT LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
- ET LA SOMME DE UN MILLION D'EUROC 1000.000 A PRENDRE SUR MON CONTRAT N0216/62299284 OUVERT A LA SOCIETE GENERALE
FAIT A PARIS LE 2 MAI 2012 SUR 2 PAJES » (sic)
« CECI EST UN CODICILLE À MON TESTAMENT EN DATE DU 2 MAI 2012 AFIN DE GARANTIR A MES FILLES UN LOGEMENT ET D'ASSURER À LEUR MÈRE DE POUVOIR LES ÉLEER JE LÈGUE À MES DEUX FILLES PAR IMPUTATION SUR LEURS DROITS DANS LA SUCCESSION LES PARTS M'APPARTENANT DANS LA SCI DU GRAND STADE ET CE À CONCURRENCE DE LA VALEUR DES PARTS DE LA SCI [Adresse 3] DÉTENUES PA ELLE OU DES BIENS ET DROITS IMMOBILLERS QUI LUI SERAIENT ATTRIBUÉS EN CONTREPARTIE DESDITS PATS C'EST À DIRE L'APPARTEMENT, LA CAVE ET LES TROIS CHAMBRES DE SERVICE DE L'IMMEUBLES SIS À [Adresse 3]
JE LEGUE EGALEMENT À MES FILLES PAR IMPUTATION SUR LEURS DROITS DANS MA SUCCESSION LA PLEINE PROPRIÉTÉ DE TOUS LES OBJETS MEUBLES MEUBLANTS EFFETS PERSONNELES D'UNE FAÇON GENÉRALE TOUT LE CONTENU M'APPARTENANT GARNISSANT L'APPARTEMENT À PARIS 16ÈME) 56 AVENUE KLEBRE ET SCI DÉPENDANCES.
FAIT À PARIS LE 11 MAI 2012 [F] [T] (signature) » (sic)
« CECI EST MON TESTAMENT QUI COMPLETE LES DISPOSITIONS PRISES POUR MES CONTRATS D'ASSURANCE VIE
JE PRIVE PAR LES PRESENTES MON ÉPOUSE DE TOUTS SES DROITS LEGAUX DANS MA SUCCESSION TANT EN PLEINE PROPRIÉTE QU'EN USUFRUIT
MA QUOTITÉ DISPONIBLE SERA RÉPARTIE PAR TIERS ENTRE MON FILS [Z] [T] ET DEUX FILLES [D] ET [K]
FAIT A PARIS LE 11 MAI 2012 (signature) [F] [T] » (sic)
Par courrier recommandé en date du 9 octobre 2013, M. [W] [T] a fait opposition à la libération par la société Sogecap des legs au profit de Mme [M] et a demandé que la somme globale de 1 500 000 euros objet de ces legs soit adressée au notaire de la succession.
Par acte d'huissier du 6 janvier 2014, M. [W] [T] a assigné Mme [L] [M], la société Sogecap, la Société Générale et la SCP Dejean de la Batie, Prager-Fouquet, [P] & [J] devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par acte en date du 10 mars 2014, Mme [L] [M] a elle-même assigné la société Sogecap aux fins d'obtenir le paiement direct de la somme globale de 1 500 000 euros.
La jonction des deux procédures a été prononcée par ordonnance du 2 mai 2014.
Par jugement du 30 mars 2018, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné la vérification d'écriture des testaments olographes des 2 et 11 mai 2012, objets de l'acte de dépôt dressé par Me [U] [Adresse 8], notaire, et a renvoyé l'affaire pour remise en original par les parties des pièces qu'elles estiment devoir être admises comme documents de référence pour discussion de l'authenticité des pièces ainsi proposées et a sursis à statuer sur l'ensemble des autres prétentions.
Par jugement du 25 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris a dit que Mme [L] [M] ne rapporte pas la preuve que [R] [T] est l'auteur de l'écriture figurant sur les testaments datés des 2 et 11 mai 2012, renvoyé l'affaire à une audience de mise en état aux fins de conclusions au fond des parties et réservé les dépens de l'instance.
Par déclaration du 14 mars 2019, Mme [L] [M] a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 13 juin 2019, l'appelante demande à la cour de :
- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel du jugement rendu le 25 janvier 2019,
y faisant droit,
- infirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,
statuant à nouveau :
- constater que les 8 documents de référence versés au débat par Mme [L] [M] permettent à eux seuls de démontrer la sincérité des testaments querellés, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise,
- dire et juger que les testaments querellés ont bien été rédigés de la main de [F] [T].
Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 24 juin 2019, la société Sogecap, intimée, demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la décision de la cour sur les demandes formées par Mme [L] [M],
-condamner toute partie succombante à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 septembre 2020.
Par arrêt avant-dire-droit du 4 novembre 2020, la cour a ordonné une expertise en écritures confiée à Mme [E] [B] en l'invitant à utiliser sept pièces de Mme [L] [M] (pièces 20, 21, 24, 25a et 25b) comme éléments de comparaison pour déterminer si [R] [T] est l'auteur et le signataire des dispositions testamentaires prises les 2 et 11 mai 2012 correspondant aux pièces 12 et 13 de Mme [L] [M].
L'expert a déposé le 7 décembre 2021 son rapport daté du 29 novembre 2021. L'expert, notant que Mme [M] ne lui avait pas fourni les pièces listées par la cour, et disposant pour seul élément de comparaison d'un spécimen fourni par M. [W] [T] de mauvaise qualité, non contemporain aux documents litigieux et comportant peu de mentions en lettres capitale insuffisant pour émettre un avis circonstancié, a indiqué qu'en l'absence des autres spécimens cités dans l'arrêt, il lui était impossible de réaliser l'étude comparative circonstanciée et de répondre à sa mission. Il conclut seulement que :
- les écritures manuscrites figurant sur le testament du 2 mai 2012 et le testament et son codicille du 11 mai 2012 au nom de [F] [T] émanent vraisemblablement d'un même scripteur,
- les signatures émanent vraisemblablement d'un même scripteur sans qu'il soit possible de déterminer s'il s'agit du même scripteur que celui des écritures ;
- en l'absence des autres spécimens cités dans l'arrêt, il est impossible de déterminer si Monsieur [R] [F] [T] est le scripteur et le signataire de ces testaments et codicille.
Ni l'appelante ni la société Sogecap n'ont conclu après le dépôt du rapport.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 juin 2022, M. [W] [T], intimé, demande à la cour de :
- lui donner acte qu'il s'en rapporte à justice sur l'opportunité d'entendre Mme [G] [T], M. [V] [Y] et Mme [H] [X] afin qu'ils confirment sous serment que [R] [T] n'a jamais su écrire,
en tout état de cause :
- constater que Mme [L] [M] ne produit aucun élément probant de nature à démontrer que le testament qu'elle invoque au soutien de ses prétentions a été entièrement rédigé, daté et signé de la main de [R] [T],
- constater que M. [W] [T] a pour sa part versé aux débats plusieurs éléments probants démontrant au contraire que le testament invoqué par Mme [M] au soutien de ses prétentions n'a pu être entièrement rédigé, daté et signé de la main de [R] [T], lequel ne savait pas écrire,
- constater que le rapport d'expertise conclut à l'impossibilité de déterminer que [R] [T] est le scripteur et le signataire du testament litigieux,
en conséquence :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 25 janvier 2019,
- clôturer la procédure de vérification d'écriture,
- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris afin qu'il soit jugé que le testament dont se prévaut Mme [M] au soutien de sa demande au fond est nul et de nul effet et qu'elle soit en conséquence déboutée de l'ensemble de ses prétentions.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.
L'affaire a été appelée à l'audience du 24 janvier 2023.
Le dossier de pièces de l'appelante n'étant pas parvenue à la cour, il a été demandé à son conseil, par courrier électronique du 24 janvier 2023, de le déposer sous sept jours.
Par lettre du 31 janvier 2023, Me [C] [A] a précisé que l'avocat plaidant de Mme [M] s'est dessaisie de ce dossier en raison de son départ de la profession et qu'elle-même a dû pour sa part dégager ma responsabilité par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 Juin 2021, n'ayant aucune instruction de l'appelante « qui, manifestement, n'habite plus à l'adresse de la procédure », de sorte qu'aucun dossier ne serait déposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Seul le chef de dispositif du jugement entrepris ayant dit que Mme [L] [M] ne rapporte pas la preuve que [R] [T] est l'auteur de l'écriture figurant sur les testaments datés des 2 et 11 mai 2012 est dévolu à la cour.
La charge de la preuve n'est dès lors pas discutée.
La cour constate seulement qu'alors que l'appelante se prévalait de la production de huit documents de référence permettent de démontrer la sincérité des testaments querellés, sa carence est complète puisqu'elle n'a transmis aucune des pièces annoncées à l'expert ou à la cour.
L'analyse par le tribunal des pièces produites en première instance ou la critique par M. [W] [T] des pièces qui lui ont été communiquées ne sauraient remplacer l'examen direct auquel l'expert et la cour auraient dû procéder.
Le jugement ne peut donc qu'être confirmé en ce qu'il a dit que Mme [L] [M] ne rapporte pas la preuve que [R] [T] est l'auteur de l'écriture figurant sur les testaments datés des 2 et 11 mai 2012, sans qu'il soit utile d'ordonner les auditions suggérées par M. [W] [T].
Il n'y a pas lieu de prononcer la clôture de la procédure de vérification d'écriture, et de renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris comme le sollicite M. [W] [T] alors qu'il s'agit simplement de conséquences du prononcé du présent arrêt.
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Il convient, en application de cette disposition, de condamner l'appelante aux dépens, y compris les frais de l'expertise.
L'équité commande qu'elle soit en outre condamnée au paiement de l'indemnité de 1 500 euros sollicitée par la société Sogecap en application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [W] [T] ne formant aucune prétention à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement prononcé le 25 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a dit que Mme [L] [M] ne rapporte pas la preuve que [R] [T] est l'auteur de l'écriture figurant sur les testaments datés des 2 et 11 mai 2012 ;
Condamne Mme [L] [M] aux dépens d'appel ;
Condamne Mme [L] [M] à payer à la société Sogecap la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,