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04/04/2023 | FRANCE | N°21/20277

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 04 avril 2023, 21/20277


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 04 AVRIL 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20277 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWPO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 novembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/03476





APPELANTE



Madame [Y] [V] née le 23 mai 1994 à [Localité 5

] (Russie),



[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Anne DEGRÂCES, avocat au barreau de PARIS, toque : C516







INTIME



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 04 AVRIL 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20277 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWPO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 novembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 20/03476

APPELANTE

Madame [Y] [V] née le 23 mai 1994 à [Localité 5] (Russie),

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Anne DEGRÂCES, avocat au barreau de PARIS, toque : C516

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté à l'audience par Mme Brigitte RAYNAUD, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 février 2023, en audience publique, l' avocat de l'appelante et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition

Vu le jugement rendu le 4 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, jugé l'action de Mme [Y] [V] recevable, débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes, jugé que Mme [Y] [V], se disant née le 23 mai 1994 à [Localité 5] (Russie), n'est pas française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, rejeté la demande de Mme [Y] [V] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 22 novembre 2021 de Mme [Y] [V].

Vu les conclusions notifiées le 14 septembre 2022 par Mme [Y] [V] qui demande à la cour d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 4 novembre 2021, statuant à nouveau, ordonner l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 28 mai 2019, dire qu'elle a acquis la nationalité française le 28 mai 2019, ordonner la mention prévue à l'article 28 alinéa 2 du code civil et condamner le Trésor public à verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 13 mai 2022 par le ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, confirmer le jugement de première instance, débouter Mme [Y] [V] de ses demandes, dire qu'elle n'est pas française et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 17 novembre 2022 ;

MOTIFS

Sur le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 17 décembre 2021 par le ministère de la Justice.

Sur l'état civil de Mme [Y] [V] et la nationalité française de son conjoint M. [B] [F]

Invoquant l'article 21-2 du code civil, Mme [Y] [V], née le 23 mai 1994 à [Localité 5] (Russie), soutient qu'elle est française par mariage pour s'être mariée le 28 juin 2014 avec M. [B] [F], ressortissant français né le 10 janvier 1976 à [Localité 7].

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

Pour dire que Mme [Y] [V] ne pouvait se voir reconnaitre la nationalité française, le tribunal judiciaire de Paris a relevé que Mme [Y] [V] ne produisait pas son acte de naissance et ne justifiait pas d'un état civil fiable et certain au sens de l'article 47 du code civil. Le tribunal judiciaire de Paris a en outre relevé que Mme [Y] [V] ne produisait pas l'acte de naissance de son époux, M. [B] [F] et que dès lors la nationalité française de celui-ci n'était ni prouvée, ni expliquée.

Devant la cour, pour justifier de son état civil, Mme [Y] [V] communique son acte de naissance russe. Le ministère public ne conteste pas la fiabilité de l'état civil de l'appelante.

S'agissant de la nationalité française de son conjoint, M. [B] [F], né le 10 janvier 1976 à [Localité 7], l'appelante communique une copie de la carte d'identité française de M. [F] et également l'acte de naissance français de celui-ci. Invoquant l'article 19-3 du code civil, l'appelante rappelle que la nationalité française de M. [F] est établie par double droit du sol. Le ministère public ne conteste pas la nationalité française de M. [B] [F].

La cour retient donc que Mme [Y] [V] justifie d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil et que la nationalité française de M. [B] [F] est prouvée.

Sur la vie commune des époux

L'article 21-2 du code civil énonce que l'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage.

A ce sujet, Mme [Y] [V] soutient qu'elle a, depuis le mariage, toujours vécu avec son époux, M. [B] [F], au domicile commun. Elle produit diverses pièces attestant de sa présence sur le lieu d'habitation (documents administratifs, avis d'impôt, relevés bancaires) et produit plusieurs témoignages de proches attestant de l'affection entre les époux. L'appelante affirme que la réalité de la communauté de vie entre les époux ne saurait être sérieusement mise en doute.

Toutefois, le ministère public estime quant à lui qu'une interruption de la vie commune au cours des mois de juin et juillet 2016 est prouvée par une main courante d'abandon du domicile familial déposée le 26 juin 2016 par M. [B] [F] auprès des services de police.

Aux termes de cette main courante suite à plusieurs disputes, Mme [Y] [V] n'était plus au domicile conjugal à la date du 26 juin 2016 à 7 heures et est ensuite passée prendre ses affaires à 9 heures 30, en laissant son alliance et ses clés. Selon le ministère public, ce comportement manifeste une volonté claire de Mme [V] de ne pas persister dans son intention matrimoniale. Il en déduit que  celle-ci a menti en affirmant, lors de la souscription de la déclaration de nationalité française, que la communauté de vie n'avait pas cessé depuis le mariage.

Au regard de ces éléments, la cour relève que si Mme [Y] [V] ne conteste pas l'existence d'une dispute avec son époux à la fin du mois de juin 2016, le ministère public ne rapporte pas la preuve d'une interruption de la vie commune « en juin-juillet 2016 »

En effet, contrairement à ce que soutient le ministère public, cette seule dispute conjugale ne permet pas de retenir que la vie commune affective et matérielle a été interrompue entre les époux sur la période précitée, dès lors qu'il n'est pas par ailleurs contesté que les époux vivaient ensemble à la date de la saisine du tribunal judiciaire le 30 avril 2020 et qu'ils vivent encore ensemble depuis. La s'ur de M. [B] [F] atteste en effet qu'elle rencontre Mme [Y] [V] régulièrement depuis 2015 lors de réunions familiales, y compris au domicile du couple (pièce 20). Une voisine de palier atteste par ailleurs qu'elle entretient de bons rapports avec le couple depuis leur mariage en 2014, qu'ils se rencontrent régulièrement et qu'ils partagent des apéritifs (pièce 21). Un ami du couple précise avoir eu connaissance de la dispute de 2016 mais qu'il n'a constaté aucun changement dans la vie du couple (pièce n° 24). Surtout, M. [B] [F] atteste que suite à la dispute, la vie commune a repris deux semaines plus tard, qu'il n'a pas alors pensé à le signaler à la police et qu'ils habitent toujours ensemble (pièce n° 27).

Il résulte de ces éléments que la preuve d'une communauté de vie matérielle et affective du couple est rapportée à compter du mariage, peu important qu'une dispute soit intervenue à la fin du mois de juin 2016.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de dire que Mme [Y] [V] est française.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens sont mis à la charge du Trésor public.

Aucun motif pris de l'équité ne justifie qu'il soit fait droit à la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de nationalité et en dernier ressort,

Constate l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Ordonne l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite, auprès de la préfecture de police de [Localité 6], le 28 mai 2019, sous le numéro 2019P7501D00495, par Mme [Y] [V], née le 23 mai 1994 à [Localité 5], territoire de Krasnodar (Russie),

Juge que Mme [Y] [V], née le 23 mai 1994 à [Localité 5] (Russie), est de nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Rejette la demande formée par Mme [Y] [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Mets les dépens de première instance et d'appel à la charge du Trésor public.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/20277
Date de la décision : 04/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-04;21.20277 ?
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