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30/03/2023 | FRANCE | N°21/14205

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 30 mars 2023, 21/14205


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 30 MARS 2023



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14205 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFCE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 mai 2021 - Juge des contentieux de la protection de BOBIGNY - RG n° 11-20-002081





APPELANTE



La société CREATIS, société anonyme agi

ssant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 30 MARS 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/14205 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFCE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 mai 2021 - Juge des contentieux de la protection de BOBIGNY - RG n° 11-20-002081

APPELANTE

La société CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l'ESSONNE

INTIMÉ

Monsieur [K] [E]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant offre préalable signée le 29 avril 2016, la société Creatis a consenti à M. [K] [E] un contrat de regroupement de crédits d'un montant de 76 700 euros, remboursable en 120 mensualités de 904,07 euros, assurance comprise, au taux de 5,62 %.

Un premier incident de paiement non régularisé est survenu en mars 2019, une mise en demeure préalable a été adressée le 25 juin 2020 et la société Creatis s'est prévalue de la déchéance du terme le 7 août 2020.

Saisi le 22 décembre 2020 par la société Creatis d'une demande tendant principalement à la condamnation de l'emprunteur au paiement de la somme de 70 876,78 avec intérêts au titre du solde restant dû, le tribunal judiciaire de Bobigny, par un jugement réputé contradictoire rendu le 26 mai 2021 auquel il convient de se reporter, a :

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Creatis,

- condamné M. [E] à verser à la société Creatis la somme de 45 620,81 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2020,

- écarté l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, dit en conséquence que la condamnation prononcée ne pourra pas se voir appliquer la majoration légale prévue par ce texte,

- rejeté le surplus des demandes.

Après avoir vérifié que l'action était recevable, le tribunal a relevé que la déchéance du terme ne pouvait être constatée, faute de preuve suffisante de l'envoi des lettres de mise en demeure. Il a retenu que l'emprunteur avait commis une faute en ayant manqué à son obligation contractuelle de paiement des mensualités depuis plus d'un an et que cette faute justifiait le prononcé de la résiliation du contrat de prêt.

Le tribunal a également estimé que le prêteur ne démontrait pas que le bordereau de rétractation joint à l'exemplaire remis à l'emprunteur était conforme au modèle type et que cela justifiait la déchéance du droit aux intérêts. Il a enfin écarté l'article L. 313-3 du code monétaire et financier afin d'apprécier le caractère dissuasif de la sanction.

Par une déclaration en date du 21 juillet 2021, la société Creatis a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remises le 5 janvier 2023, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de condamner M. [E] à lui payer la somme de 70 876,78 euros avec intérêts au taux de 5,62 % à compter du 7 août 2020,

- à titre subsidiaire, si la cour devait estimer que la déchéance du terme n'était pas acquise, de constater les manquements graves et réitérés de M. [E] à son obligation contractuelle de remboursement du prêt et de prononcer la résolution judiciaire du contrat, - de condamner en conséquence M. [E] à lui payer la somme de 70 876,78 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

- à titre infiniment subsidiairement, si la cour confirmait la déchéance du droit aux intérêts contractuels, de condamner M. [E] à lui payer la somme de 45 620,81 euros avec intérêts, sans suppression de la majoration de 5 points,

- de condamner M. [E] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante soutient au visa de l'article L. 311-12 du code de la consommation qu'elle rapporte la preuve que l'emprunteur a bien reçu un exemplaire de l'offre de prêt doté d'un formulaire détachable de rétractation, qu'il n'a retourné que l'exemplaire destiné au prêteur et que cet exemplaire n'a pas à comporter de bordereau de rétractation.

Elle indique également au visa de l'article L. 312-39 du même code que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée au regard de la mise en demeure préalable par un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 25 juin 2020. L'appelante fait valoir enfin qu'il n'appartenait pas au juge des contentieux de la protection de statuer sur l'exonération ou la réduction du montant de la majoration, ce qui relevait uniquement de la compétence du juge de l'exécution.

La déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées suivant acte d'huissier remis le 10 septembre 2021 conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile à M. [E] qui n'a pas constitué avocat. Les conclusions n° 2 lui ont été signifiées sous les mêmes formes le 9 janvier 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience le 15 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, en l'absence du défendeur, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Le contrat litigieux ayant été conclu le 29 avril 2016, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Vérifiée par le premier juge, la recevabilité de l'action en paiement est acquise, le premier incident de paiement non régularisé étant survenu en février 2019.

Sur le bien-fondé de la déchéance du droit aux intérêts

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation.

À l'appui de son action, la société Creatis produit la copie de l'offre de regroupement de crédits, la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées, la fiche dialogue qui mentionne les ressources et charges de l'emprunteur, des justificatifs de revenus, de domicile et d'identité, la fiche regroupement de crédits et la notice d'assurance. Elle justifie par ailleurs avoir procédé à une consultation du fichier des incidents de paiement des crédits aux particuliers le 19 avril et le 12 mai 2016, soit avant la mise à disposition des fonds intervenue le 12 mai 2016.

Il résulte des articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation en leur version applicable au contrat, que, pour permettre à l'emprunteur d'exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat comprenant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Un formulaire détachable doit donc être joint à son exemplaire du contrat de crédit.

L'article R. 311-4 précise que le formulaire détachable de rétractation est établi conformément au modèle type joint en annexe. Il ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l'adresse du prêteur.

Il appartient au préteur, s'agissant d'une disposition d'ordre public, de justifier de la régularité du bordereau de rétractation, qui doit comporter les mentions requises.

Il est désormais admis que la clause de reconnaissance de la remise d'une offre avec un bordereau de rétractation ne suffit pas en elle-même et ne constitue qu'un indice de la remise effective d'un document conforme aux dispositions d'ordre public et qu'il appartient au prêteur de rapporter la preuve qu'il a satisfait ses obligations en corroborant cet indice par tous autres éléments de fait.

En l'espèce, force est de constater que l'offre de crédit produite devant le premier juge par le préteur était dépourvue de bordereau de rétractation détachable, de sorte que la preuve de la régularité n'était pas rapportée. Si l'emprunteur a apposé sa signature sous une clause selon laquelle il déclare avoir pris connaissance des conditions du contrat et rester en possession d'un exemplaire de ce contrat, doté d'un formulaire détachable de rétractation, cette reconnaissance ne constitue qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

À hauteur d'appel, la société Creatis produit une nouvelle impression de la même offre de contrat de regroupement de crédits comportant une référence identique concernant la demande de prêt (n° 28926000213071) et numérotée KV 20160419.134423.0016.0002.2 et qui contient exactement les mêmes dispositions contractuelles. Cette pièce permet de corroborer la clause de reconnaissance de remise et de vérifier la conformité du contenu du bordereau.

Ces éléments établissent suffisamment que le prêteur a satisfait les obligations précontractuelles et qu'il n'encourt aucune déchéance du droit aux intérêts.

Partant le jugement est infirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et en ce qu'il a écarté l'application de l'article L. 313-2 du code monétaire et financier.

Sur la déchéance du terme, la demande de résiliation et la demande en paiement

L'appelante produit à l'appui de sa demande le tableau d'amortissement, deux mises en demeure, l'historique du prêt et un décompte de créance.

Elle se prévaut de la déchéance du terme du contrat au 7 août 2020. Elle produit une lettre de mise en demeure préalable du 25 juin 2020 exigeant le règlement sous 30 jours de la somme de 14 799,69 euros, sous peine de déchéance du terme du contrat et une lettre en date du 7 août 2020 de notification de la déchéance du terme et de mise en demeure du règlement du solde du contrat.

En application de l'article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice des anciens articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.

L'article L. 311-22-2 devenu L. 312-36 du même code précise que dès le premier manquement de l'emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur est tenu d'informer celui-ci des risques qu'il encourt au titre de l'article L. 311-24.

En application des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, dans leur version applicable au litige, il est désormais acquis que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf stipulation expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Néanmoins, comme l'a souligné à juste titre le premier juge, elle ne justifie pas d'un envoi en recommandé des courriers de mise en demeure, les pièces remises ne comportant pas de références permettant d'identifier les courriers adressés à M. [E].

La société Creatis ne peut donc se prévaloir d'une déchéance du terme du contrat régulièrement prononcée. Partant, le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat.

Au vu des pièces justificatives produites, la créance de l'appelante s'établit de la façon suivante :

- 18 échéances impayées : 15 184,92 euros

- capital restant dû : 50 455,21 euros

soit la somme totale de 65 640,13 euros.

M. [E] est condamné au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt.

Il est également réclamé une somme de 4 864,06 euros au titre de la clause pénale contractuelle de 8 % qui est conforme aux articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation. Cette clause pénale est susceptible d'être modérée par le juge, en application de l'article 1152 du code civil, si elle est manifestement excessive. Il apparaît en l'espèce que la banque est partiellement mal fondée en sa demande dans la mesure où elle a déjà capitalisé une clause pénale lors du regroupement de crédits. De surcroît, au vu de l'importance du taux contractuel, cette clause, calculée sur une assiette erronée, apparaît manifestement excessive au regard du préjudice réellement subi par l'appelante. Il convient d'y faire droit dans la seule limite de la somme de 150 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt.

Sur les autres demandes

Le jugement qui a condamné l'intimé aux dépens de première instance doit être confirmé sur ce point. En revanche rien ne justifie que l'intimé soit condamné aux dépens d'appel, alors que n'ayant jamais été représenté ni en première instance, ni en appel, il n'a jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l'a fait. La société Creatis conservera donc la charge de ses dépens d'appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort, après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut,

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande en paiement, en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de prêt et en ce qu'il a condamné M. [K] [E] au paiement des dépens de première instance ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant de nouveau dans cette limite,

Dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne M. [K] [E] à payer à la société Créatis la somme de 65 790,13 euros outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ;

Laisse les dépens de l'appel à la charge de la société Créatis ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/14205
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.14205 ?
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