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30/03/2023 | FRANCE | N°18/00623

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 30 mars 2023, 18/00623


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 30 MARS 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00623 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4ZTH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° 16/00319





APPELANTE



Madame [N] [T]

[Adresse 3]

[Localité 6]r>


Représentée par Me Mathieu QUEMERE, avocat au barreau d'ESSONNE





INTIMÉE



SASU ALIANS

[Adresse 11]

[Localité 10]



Représentée par Me Pierre-Yves ROSSIGNOL de la SCP He...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 30 MARS 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00623 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B4ZTH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° 16/00319

APPELANTE

Madame [N] [T]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Mathieu QUEMERE, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMÉE

SASU ALIANS

[Adresse 11]

[Localité 10]

Représentée par Me Pierre-Yves ROSSIGNOL de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PARIS, toque : P0014

PARTIES INTERVENANTES

SA GENERALI

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Anne-Marie BOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1309

SA GENERALI VIE venant aux droits de SA GENERALI FRANCE ASSURANCES-VIE

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Anne-Marie BOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1309

SOCIÉTÉ MALAKOFF HUMANIS PREVOYANCE (anciennement MALAKOFF MEDERIC PREVOYANCE)

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1456

SASU EURODITAS

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Cyrille BONNET de la SELEURL CYRILLE BONNET AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : NAN702

SAS CONSOREX

[Adresse 7]

[Localité 8]

N'ayant pas constitué avocat, assignation à étude le 11 octobre 2021

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 6]

N'ayant pas constitué avocat, assignation à personne morale le 11 avril 2019

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE

[Adresse 5]

[Localité 9]

N'ayant pas constitué avocat, assignation à étude le 12 avril 2019

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nicolette GUILLAUME, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente, rédactrice

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Sarah SEBBAK, stagiaire en préaffectation sur poste

ARRÊT :

- DÉFAUT

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Nicolette GUILLAUME, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [N] [T] a d'abord été engagée par contrat à durée déterminée par la SASU Eroditas sur une période comprise entre le 4 mars et le 3 décembre 2013. L'organisme de prévoyance de la société Eroditas est la société Générali Vie.

Mme [T] avait été mise en arrêt maladie le 16 septembre 2013.

Puis Mme [N] [T] a été engagée par la SASU Alians en qualité de gestionnaire sinistre classe C. L'organisme de prévoyance de la société Alians est la société Malakoff Médéric Prévoyance.

Mme [T] a été placée en arrêt maladie à compter du 13 janvier 2014 jusqu'au 17 août 2014. Elle a été déclarée invalide le 13 juin 2015.

Le 22 juillet 2014, Alians a notifié à Mme [T] la fin de sa période d'essai à compter du 18 août 2014.

La convention collective nationale applicable est celle des entreprises de courtage d'assurance et de réassurance du 18 janvier 2002.

Invoquant la nullité de la rupture de son contrat de travail, Mme [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Fontainebleau par acte du 12 juin 2015, faisant assigner la Sasu Alians.

Par jugement rendu le 16 novembre 2017, le conseil de prud'hommes de Fontainebleau a :

- dit que Mme [T] a été engagée le 16 décembre 2013,

- constaté que la Sasu Alians a respecté la procédure de rupture de la période d'essai,

- débouté Mme [T] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Mme [T] à payer à la Sasu Alians, les sommes de :

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné Mme [T] aux entiers dépens de l'instance.

Mme [T] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que Mme [T] a été engagée le 16 décembre 2013.

Parallèlement à cette procédure, Alians a fait assigner à personne le 11 avril 2019 Malakoff Médéric Prévoyance en intervention forcée et appel en garantie.

Puis Mme [T] a fait assigner en intervention forcée et en garantie Générali le 3 mai 2021.

Alians a aussi fait délivrer deux nouvelles assignations en intervention forcée le 11 octobre 2021 à Euroditas et Consorex, expert-comptable d'Alians, respectivement à personne et en l'étude d'huissier.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 2 janvier 2023 Mme [T] demande à la cour de :

- dire qu'elle est bien-fondée en ses demandes,

à défaut,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Fontainebleau en toutes ses dispositions,

- fixer sa rémunération brute à la somme de 2 000 euros,

statuant à nouveau,

sur le terrain de l'exécution du contrat de travail

- dire qu'Alians a manqué à son obligation de garantir ses droits à la prévoyance,

- condamner Alians à lui payer la somme de 12 445,92 euros à titre de rappel d'indemnités journalières conventionnelles au titre du complément de salaire dû pour la période du 13 janvier 2014 au 13 juin 2015,

- condamner 'l'employeur' à maintenir la rente en lieu et place du groupe mutualiste de prévoyance, soit pour la période du 13 juin 2015 au 31 janvier 2023, la somme de 42 941,64 euros, puis 469 euros par mois jusqu'au décès à titre principal, subsidiairement jusqu'à son départ en retraite à taux plein,

- condamner Alians à lui payer la somme de 300 euros à titre d' indemnisation pour privation des tickets restaurant,

sur le terrain de la rupture du contrat de travail

- dire que la cause impulsive de rupture de la période d'essai repose sur son état de santé et que 'l'employeur' y a en toute hypothèse eu recours abusivement,

- condamner Alians à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture nulle et abusive,

en tout état de cause,

- condamner Alians à lui verser la somme de 7 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Alians de l'ensemble de ses demandes,

- débouter Malakoff Médéric de l'ensemble de ses moyens et demandes aux fins d'écarter ses garanties,

- débouter Générali, 'intervenante volontaire', de l'ensemble de ses moyens et demandes aux fins d'écarter ses garanties,

- condamner solidairement Générali, Alians et Malakoff Médéric à garantir les condamnations prononcées,

- condamner Générali à relever et garantir Alians et Malakoff Médéric de l'intégralité des condamnations qui pourraient être mises à leurs charges,

- assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de la date d'exigibilité pour les sommes à caractère salarial et à compter de la saisine du conseil de prud hommes pour les autres sommes avec la règle de l'anatocisme (article 1231-7 du code civil),

- condamner Alians aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais d'exécution.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 17 janvier 2023, Alians demande à la cour :

à titre principal,

- la juger recevable et bien fondée en son assignation en intervention forcée et en appel en garantie à l'encontre d'Euroditas, Consorex et Malakoff Médéric,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Fontainebleau rendu le 16 novembre 2017,

- débouter Mme [T] de son appel,

- condamner Mme [T] en conséquence à lui payer la somme de 7 500 euros pour appel abusif,

- la mettre hors de cause,

- juger que seuls Euroditas et son assureur Générali Vie, sont redevables des sommes réclamées par Mme [T],

en conséquence :

- juger que Euroditas, précédent employeur de la Mme [T], et Générali Vie, son assureur prévoyance, sont redevables et débiteurs in solidum ou l'une à défaut de l'autre, des sommes par elle réclamées par l'appelante et relatives aux indemnités journalières et rente invalidité dans la mesure où celles-ci seraient fondées,

à titre subsidiaire,

- condamner in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, Euroditas et Générali Vie à la garantir de toutes éventuelles condamnations qui seraient par extraordinaire retenues à son encontre du fait des réclamations de Mme [T] et relatives aux compléments d'indemnités journalières et de rente d'invalidité par elle réclamés,

à titre infiniment subsidiaire,

- condamner Malakoff Médéric à la garantir de toutes éventuelles condamnations qui seraient par extraordinaire retenues à son encontre du fait des réclamations de Mme [T] et relatives aux compléments d'indemnités journalières et de rente d'invalidité par elle réclamés et ce, à défaut pour Euroditas de prendre ou d'avoir pris en charge lesdites demandes formulées par Mme [T] dans la mesure où celles-ci seraient fondées et dans l'hypothèse où Generali Vie, assureur prévoyance d'Euroditas ne devrait pas prendre en charge lesdites indemnités et compléments de rente d'invalidité,

- juger la décision à intervenir commune et opposable à la Cpam du Morbihan et à la CPAM de Seine-et-Marne qui devront fournir, le cas échéant, sous astreinte, toutes indications utiles à cette juridiction relatives tant aux prestations par elles servies, que relatives aux différents employeurs de Mme [T] avant l'embauche de celle-ci par la requérante,

en tout état de cause

- débouter toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

- juger la décision à intervenir commune et opposable à Consorex ;

- condamner les défenderesses (à l'exclusion de Consorex) in solidum avec Mme [T], ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens dont distraction au profit de Maître Rossignol conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 1er juin 2022, Euroditas, appelée en intervention forcée demande à la cour de :

- se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes formées par Alians à son encontre de et renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris,

à titre subsidiaire,

- déclarer irrecevable la demande d'Alians en intervention forcée à son encontre et en tout état de cause, la dire mal fondée,

- débouter Alians de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire,

- dire recevable son appel en garantie formé par voie de conclusions à l'encontre de Générali Vie,

- condamner Générali Vie à la garantir de toutes éventuelles condamnations qui seraient, par extraordinaire, retenues à son encontre au titre des compléments d'indemnités journalières et de la rente d'invalidité,

en tout état de cause,

- condamner Alians à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont le montant pourra être recouvré par Me Cyrille Bonnet, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 22 décembre 2022, Générali et Générali Vie venant aux droits de Générali France Assurance-Vie, appelée en intervention forcée, demandent à la cour de :

à titre principal

- prononcer la mise hors de cause de Générali et recevoir l'intervention volontaire de Générali Vie ;

- se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes formulées à l'encontre de l'assureur et renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris,

à titre subsidiaire

- dire l'action de Mme [T], d'Alians et Euroditas à l'encontre de Generali irrecevables en cause d'appel ;

- dire l'action de Mme [T] et l'appel en garantie d'Alians et Euroditas à l'encontre de Generali irrecevables, comme prescrits,

en toutes hypothèses

- débouter Mme [T], Alians et Euroditas de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de Générali, comme irrecevables et en tout état de cause mal fondées,

- condamner solidairement Mme [T] et Alians aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Anne-Marie Botte, Avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- les condamner, sous la même solidarité, à verser à Générali la somme de 2 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre très subsidiaire

- juger que les sommes mises à la charge de Générali ne pourront excéder celles qui résultent de la seule exécution du contrat de prévoyance souscrit par Euroditas,

- débouter les parties du surplus de leurs prétentions.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 10 janvier 2023, Malakoff Humanis Prévoyance (anciennement Malakoff Mederic Prévoyance) appelée en intervention forcée demande à la cour de :

à titre principal,

- se déclarer incompétente pour statuer sur les demandes dirigées à son encontre par Alians,

- en conséquence, renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Paris ;

à titre subsidiaire ;

- juger irrecevable la demande d'Alians en son intervention forcée au stade de la procédure d'appel ;

- en conséquence rejeter toutes les demandes dirigées contre elle par Alians ;

à titre plus subsidiaire,

- juger mal dirigées les demandes de garantie, à titre infiniment subsidiaire, d'Alians à son encontre ;

- juger, en toute hypothèse, irrecevable puisque prescrite la demande de garantie formulée contre elle par Alians au titre de la garantie invalidité de Mme [N] [T] ;

- en conséquence rejeter toutes les demandes dirigées par Alians à son encontre ;

à titre encore plus subsidiaire,

- dans l'hypothèse où la cour jugerait qu'elle doit garantir Alians "de toutes éventuelles condamnations qui seraient par extraordinaire retenues a' son encontre du fait des réclamations de Madame [T] et relatives aux compléments d'indemnités journalières et de rente d'invalidité par elle réclamés", juger également que cette garantie ne peut excéder le montant des sommes résultant de l'exécution du contrat de prévoyance souscrit par Alians auprès d'elle et, débouter de plus fort Alians de ses demandes de garantie formulées à titre infiniment subsidiaire à son encontre ;

en toute hypothèse,

- dire mal fondée Alians en ses demandes et l'en débouter ;

- dire irrecevable et, en tout cas, mal fondée Mme [T] en ses demandes dirigées à son encontre ;

- condamner Alians à lui verser la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 janvier 2023 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 27 janvier 2023.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la rupture de la période d'essai

Selon les articles L. 1221-19 et suivants du code du travail : 'le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai', dont l'article L. 1221-20 précise 'qu'elle permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.'

Il est admis que même si l'interruption n'a pas à être motivée, les circonstances de la rupture peuvent révéler une attitude fautive de l'employeur, la rupture pour un motif non inhérent à la personne du salarié étant considérée comme abusive. Les éléments reprochés au salarié inhérents à sa personne et au comportement qu'il a choisi d'adopter, doivent en outre avoir trait à ses qualités professionnelles.

Selon l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa version applicable au litige : 'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap'.

Selon l'article L. 1134-1 du même code dans sa version applicable au litige : 'lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

Au cas présent il est constant que la lettre de rupture a été envoyée le 22 juillet 2014, soit plus de 6 mois après que Mme [T] a été mise en arrêt maladie le 13 janvier 2014.

Il est établi par ailleurs par l'attestation de M. [Y] produite notamment par Mme [T] que cette rupture de la période d'essai est intervenue après que ce dernier l'a reçue le 1er juillet 2014 quant elle est venue lui déposer un arrêt maladie et qu'elle lui 'a avoué avoir eu connaissance de sa maladie avant son embauche chez Allians'.

La chronologie ainsi rappelée et l'information donnée sur l'état de santé de l'intéressée, sont des éléments présentés par la salariée 'laissant supposer l'existence d'une discrimination'.

Face à ce constat, l'employeur qui ne verse aux débats que deux attestations de ce même M. [Y] dont il est précisé qu'il est cadre au sein de la société Allians, et un tableau établi par ce dernier supposé attester des 'nombreuses erreurs dans les déclarations, missions d'expertises non ou mal faites, d'informations au client non données ou lénifiantes et de dossiers non envoyés à la compagnie pour les clients cités', n'apporte pas de preuve suffisante des manquements professionnels de Mme [T] qu'il allègue au soutien de la décision de rupture de la période d'essai dont il a seul pris l'initiative.

La société Alians ne démontre donc pas que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, de sorte que celle-ci apparaît fautive.

Selon l'article L.1231-1 du code du travail, les dispositions du titre III du livre II du code du travail relatif à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables pendant la période d'essai.

Au vu notamment, de son état de santé et de ses difficultés à retrouver du travail dans ce contexte, il sera retenu que la salariée qui n'a pu poursuivre sa période d'essai, peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle démontre du fait de la rupture fautive, qui seront justement évalués à la somme de 5 000 euros.

Eu égard à cette condamnation, l'abus de droit de Mme [T] d'agir contre son employeur n'est pas constitué ; le jugement de première instance doit donc être infirmé en sa disposition relative à la procédure abusive.

Sur le manquement reproché à l'employeur au titre de la prévoyance

L'article 32 de la convention collective nationale qui est applicable est celle des entreprises de courtage d'assurance et de réassurance du 18 janvier 2000, étendue par arrêté du 14 octobre 2002, dispose que : 'Pour les salariés ayant plus de 1 an d'ancienneté dans l'entreprise, ou ceux ayant plus de 3 ans d'ancienneté dans le secteur du courtage d'assurances et qui ont dépassé la période d'essai, en cas d'indisponibilité pour maladie ou accident (hors accident du travail ou maladie professionnelle), l'employeur complétera les indemnités journalières versées par la sécurité sociale de la manière suivante (1) :

-100 % du salaire net pendant 90 jours, continus ou discontinus, considérés sur une période de 12 mois consécutifs :

- 2/3 du salaire net pendant les 90 jours suivants, continus ou discontinus, considérés sur la même période de 12 mois consécutifs.' (Souligné par la cour)

Ce texte n'a pas été modifié depuis 2002.

L'avenant du 9 janvier 2012 dont il est demandé l'application ne modifie d'ailleurs que les termes de l'annexe VI du 18 janvier 2002 relative à la prévoyance, étendue par arrêté du 14 octobre 2002 (Journal officiel du 25 octobre 2002).

Dans ces conditions, l'article 32 tel qu'il est rappelé ci-dessus, avec la condition d'ancienneté d'un an qu'il exige, est applicable et fait obstacle aux demandes formées par Mme [T] contre son employeur afin d'obtenir le maintien de son salaire jusqu'à son décès ou jusqu'à sa retraite.

C'est donc à tort que Mme [T] prétend que 'la société ALIANS aurait dû verser à Madame [T] des indemnités journalières au titre de complément de celles versées par la Sécurité Sociale et une rente d'invalidité, à titre de compensation financière dû à la perte de salaire de Madame [T] au regard de son invalidité 2ème catégorie l'empêchant d'exercer une quelconque profession', ses relations de travail avec son employeur n'étant en effet régies que par l'article 32 pré-cité.

Reste que l'annexe VI mis en place assure les garanties suivantes, aux termes de son article 1 :

'- un capital en cas de décès ;

- une rente éducation en cas de décès ;

- des prestations complémentaires à celles servies par la sécurité sociale en cas d'incapacité temporaire et d'incapacité permanente totale',

et que la garantie incapacité temporaire (ce qui n'est pas le cas de la rente invalidité) devait être servie sans condition d'ancienneté en 2013 et 2014 dans les conditions qui suivent :

'Les salariés bénéficient d'une garantie incapacité temporaire en relais des obligations d'indemnisation des absences maladie ou accident prévues par la convention collective nationale des entreprises de courtage d'assurances et/ ou de réassurances.

Les salariés, sans condition d'ancienneté, bénéficieront, à la condition d'être pris en charge par la sécurité sociale, d'une indemnité journalière égale à 100 % de leur rémunération nette journalière limitée à 4 fois le plafond de la sécurité sociale, sous déduction de l'indemnité versée par la sécurité sociale.

Le cumul des indemnités perçues au titre du régime général de la sécurité sociale et du régime de prévoyance ne pourra excéder 100 % du revenu net qu'aurait perçu le salarié s'il poursuivait son activité.

La durée du versement des prestations est au maximum de 365 jours ou 1 095 jours en cas de longue maladie reconnue par la sécurité sociale.

Le salaire de référence servant au calcul des prestations incapacité temporaire est égal à la moyenne mensuelle des rémunérations brutes perçues au cours des 12 derniers mois précédant l'arrêt de travail.' (Souligné par la cour)

Or il est établi que Malakoff Mederic n'a pas reçu l'arrêt de travail de Mme [T] et que la garantie n'a donc pas pu être déclenchée (pièce 9 de Mme [T]), peu important qu'Alians soutienne en avoir donné instruction à son expert comptable, la société Consorex

Dans ces conditions, le préjudice subi par Mme [T] résultant de cette absence de déclaration de son arrêt de travail à l'organisme de prévoyance existe, mais il ne peut s'analyser que comme une perte de chance qui sera justement indemnisée par l'octroi d'une somme de 3 000 euros.

Enfin Mme [T] ne justifie pas sa prétention à l'octroi d'une indemnisation pour avoir été privée de tickets restaurants.

Mme [T] sera donc déboutée du surplus de ses prétentions.

L'absence de déclaration de l'arrêt de travail à l'organisme de prévoyance n'est imputable qu'à l'employeur. Dès lors les interventions forcées des sociétés Malakoff Mederic, Générali et Euroditas (aucune demande n'étant formée à l'encontre de Consorex) afin de garantir Alians d'éventuelles condamnations de ce chef apparaissent sans objet, sans nécessité d'examiner le moyen tenant à la compétence et à leur éventuelle irrecevabilité.

Partie perdante en appel, Alians sera condamnée aux dépens et à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne justifie pas de faire droit aux autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut et prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré en ses dispositions critiquées,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Alians à payer à Mme [T] les sommes de :

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la rupture abusive de sa période d'essai,

- 3 000 euros en indemnisation de sa perte de chance,

DIT que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, sont dus à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

CONDAMNE la société Alians à payer à Mme [T] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu pour le surplus des demandes formées à ce titre, à application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE la société Alians aux dépens de première instance et d'appel, étant rappelé qu'en cas d'exécution forcée, le droit proportionnel à la charge du créancier ne peut être perçu quand le recouvrement ou l'encaissement de sommes par un huissier mandaté est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail, par application des dispositions des articles R. 444-53 et R. 444-55 du code de commerce.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 18/00623
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;18.00623 ?
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