La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/03/2023 | FRANCE | N°22/08053

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 16, 28 mars 2023, 22/08053


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Chambre commerciale internationale

POLE 5 - CHAMBRE 16



ARRET DU 28 MARS 2023



(n° 36 /2023 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08053 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWIB



Décision déférée à la Cour : sentence arbitrale N° 26317/AZO rendue à [Localité 3] le 7 mars 2022 sous l'égide de la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce international




<

br>DEMANDERESSE AU RECOURS :



SPA ETAC - SOCIETE PAR ACTIONS ENTREPRISE DE TRANSPORT ALGERIEN PAR CABLE

immatriculée au registre de commerce d'ALGER sous le numéro 16/...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

POLE 5 - CHAMBRE 16

ARRET DU 28 MARS 2023

(n° 36 /2023 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/08053 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWIB

Décision déférée à la Cour : sentence arbitrale N° 26317/AZO rendue à [Localité 3] le 7 mars 2022 sous l'égide de la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce international

DEMANDERESSE AU RECOURS :

SPA ETAC - SOCIETE PAR ACTIONS ENTREPRISE DE TRANSPORT ALGERIEN PAR CABLE

immatriculée au registre de commerce d'ALGER sous le numéro 16/00-0997228B15

ayant son siège social : [Adresse 2] (ALGÉRIE)

prise en la personne de son représentant légal,

Ayant pour avocat postulant : Me Romain DUPEYRÉ de l'AARPI DWF (France), avocat au barreau de PARIS, toque : P0165

Ayant pour avocats plaidants : Me Mohammed BELMEHDI et Me Abderrahim BELMEHDI, avocats au barreau d'ALGER

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

S.A.R.L. SKIDATA GMBH

ayant son siège social : [Adresse 1] (AUTRICHE)

Ayant pour avocat postulant : Me Thomas COLLARDEAU de la SARL WILEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0054

Ayant pour avocat plaidant : Me Hakim AIT AMAR, du cabinet AIT AMAR & ASSOCIES, avocat au barreau d'ALGER, substitué à l'audience par Me David ATTALI, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Daniel BARLOW, Président de chambre

Mme Fabienne SCHALLER, Présidente de chambre

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [Z] [K] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

I/ FAITS ET PROCEDURE

1. La cour est saisie d'un recours en annulation contre une sentence arbitrale finale rendue à [Localité 3] le 7 mars 2022 sous l'égide de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, dans un litige opposant la société de droit algérien Entreprise de Transport Algérienne par Câble (ci-après : « ETAC ») à la société de droit autrichien Skidata GmbH (ci-après « Skidata »).

2. Le différend trouve son origine dans l'exécution d'un contrat conclu entre ces deux sociétés, le 28 août 2018, pour l'acquisition et l'installation d'un système de billettique de télécabines dans plusieurs villes algériennes.

3. En contrepartie de l'exécution des prestations prévues par cette convention, la société Skidata a établi trois séries de factures, en septembre 2018, juin 2019 et juin 2020, et a sollicité leur paiement auprès de la société ETAC. À la suite de relances et de sommations, ETAC s'est acquittée des sommes dues au titre des deuxième et troisième séries, sans toutefois régler le montant de la première.

4. C'est dans ces circonstances que la société Skidata a introduit une requête d'arbitrage auprès du Secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, sur le fondement de l'article 36.1.2 du contrat.

5. Par sentence du 7 mars 2022, l'arbitre unique a statué en ces termes :

« A. Sur les demandes principales

1. Condamne l'Entreprise des Transports Algériens par Câble SPA à payer à la demanderesse la somme de 200 877,21 euros, au titre de factures impayées ;

2. Condamne la défenderesse à payer à Skidata GmbH la somme de 21 727,01 euros au titre de pénalités de retard ;

3. Rejette la demande de SKIDATA GmbH de condamner l'Entreprise des Transports Algériens par Câble SPA au paiement d'une pénalité journalière de 2% des intérêts de retards à compter de la date de prononciation de la sentence arbitrale, jusqu'au jour effectif du paiement du montant total de la créance ;

4. Rejette la demande de Skidata GmbH de condamner l'Entreprise des Transports Algériens par Câble SPA au paiement d'une somme qui ne saurait être inférieure à 20 000 euros au titre de réparation civile du préjudice subi et du manque à gagner.

B. Sur la demande reconventionnelle

1. Rejette la demande de l'Entreprise des Transports Algériens par Câble SPA de condamner Skidata GmbH au paiement de la somme de 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour action abusive.

C. Sur les frais d'arbitrage et honoraires/frais d'avocats

1. Ordonne à l'Entreprise des Transports Algériens par Câble SPA de payer la somme de 36 000 USD à Skidata GmbH au titre du remboursement de la provision pour frais d'arbitrage ;

2. Ordonne que chaque Partie conserve ses honoraires et frais d'avocats.

D. Rejette toute autre demande. »

6. La société ETAC a formé un recours en annulation contre cette sentence arbitrale devant la cour d'appel de Paris le 19 avril 2022.

7. Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction le 17 janvier 2023, l'affaire étant appelée à l'audience de plaidoiries du 31 janvier 2023.

II/ PRETENTIONS DES PARTIES

8. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 octobre 2022, la société ETAC demande à la cour, au visa des articles 1518, 1519 et 1520 du code de procédure civile français, des articles 1153 et 1304 du code civil français et des articles 106, 180 et 206 du code civil algérien, de bien vouloir :

- juger recevable et bien fondé le présent recours en annulation formé contre la sentence arbitrale du 7 mars 2022 ;

- en conséquence, d'annuler la sentence N° 26317/AZO du 7 mars 2022 rendue par le tribunal arbitral, siégeant à Paris, désigné par la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale.

- condamner la société Skidata GmbH, défenderesse en annulation, à verser à la société ETAC SPA 12 880 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile français et la condamner aux entiers dépends dont distraction au profit du cabinet d'avocat DWF (France) AARPI en vertu de l'article 699 du code de procédure civile français.

- rejeter toutes les demandes de la société Skidata GmbH.

9. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 décembre 2022, la société Skidata demande à la cour, au visa des articles 1518, 1519 et 1520 al. 1 du code de procédure civile français et de l'article 36 du contrat n° 29/018, de bien vouloir :

À titre principal,

- constater que l'existence et la validité d'une convention d'arbitrage de nature à régler le litige entre les parties ne sont pas contestées ;

- constater que la compétence du tribunal arbitral n'est donc pas contestée ;

Par conséquent,

- déclarer irrecevable le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral ;

- déclarer irrecevable et mal fondé le recours en annulation formé par l'Entreprise de Transport Algérien par Câble contre la sentence arbitrale du 7 mars 2022 ;

Subsidiairement,

- constater que la Société Skidata GmbH a bien respecté la phase de règlement amiable avant de solliciter la résolution du litige par voie d'arbitrage ;

- constater que l'incompétence du tribunal arbitral n'est pas démontrée ;

Par conséquent,

- déclarer irrecevable et mal fondé le recours en annulation formé par l'Entreprise de Transport Algérien par Câble contre la sentence arbitrale du 7 mars 2022 ;

En tout état de cause,

- débouter l'Entreprise de Transport Algérien par Câble du recours en annulation qu'elle a formé contre la sentence arbitrale du 7 mars 2022 ;

- confirmer la sentence N°26317/AZO du 7 mars 2022 rendue par le tribunal arbitral siégeant à Paris, désigné par la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce international ;

- condamner l'Entreprise de Transport Algérien par Câble à payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile outre les entiers dépens au titre de la procédure d'appel.

III/ MOTIFS DE LA DECISION

Sur le moyen unique d'annulation tiré de l'incompétence du tribunal arbitral

10. La société ETAC fait grief à la sentence attaquée d'avoir retenu la compétence du tribunal arbitral, alors que :

- elle a contesté in limine litis cette compétence au motif que l'admission de la clause compromissoire ne réunissait pas les conditions prévues à l'article 36.1.1 du contrat portant sur une procédure de règlement amiable préalable avant toute saisine arbitrale ;

- le tribunal arbitral, en dépit du choix qui lui était proposé dans la requête dont il était saisi, entre une incompétence et une irrecevabilité de l'action, a dénaturé ses demandes en affirmant qu'ETAC ne contestait que la recevabilité ;

- il a omis de reconnaître que l'irrecevabilité en la forme est liée, dans le présent cas d'espèce, à son incompétence à connaître le fond de l'affaire tant que la condition suspensive relative à la procédure amiable préalable n'était pas levée ;

- cette condition suspensive n'a pas été réalisée, les documents retenus par le tribunal arbitral pour justifier la mise en 'uvre préalable du règlement amiable et fonder sa compétence (sommation du 22 décembre 2020 et courriel du 2 février 2021) ne respectant pas les exigences de l'article 36.1.1 du contrat.

11. La société Skidata réplique que :

- le grief présenté par la société ETAC ne porte pas sur la compétence du tribunal arbitral mais sur la recevabilité de la demande d'arbitrage et tend donc à amener la cour d'appel sur le terrain d'un débat sur le fond du litige ;

- la compétence du tribunal arbitral n'est pas en cause puisque ETAC ne conteste pas l'existence ou la validité de la clause d'arbitrage et que, lors de la séance de gestion du litige, cette dernière n'a pas soulevé l'incompétence du tribunal arbitral ;

- à titre subsidiaire, la phase de règlement amiable a été respectée, la demanderesse au recours faisant preuve de mauvaise foi en considérant que la mise en demeure du 22 décembre 2020 et le courriel en date du 2 février 2021 ne remplissent pas les conditions exigées par l'article 36.1.1 du contrat.

SUR CE :

12. L'article 1520, 1°, du code de procédure civile ouvre le recours en annulation contre la sentence arbitrale lorsque le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent.

13. En application de ce texte, il appartient au juge de l'annulation de contrôler la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage. Ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence.

14. En l'espèce, le tribunal arbitral a été saisi par la société Skidata sur le fondement d'une clause compromissoire insérée dans le contrat qu'elle avait conclu avec la société ETAC, le 28 août 2018, aux termes de laquelle :

« 36.1 ' les parties s'engagent au respect absolu de la procédure, ci-après détaillée, pour tout ce qui concerne les règlements des différends qui pourraient naître de l'exécution et/ou de l'interprétation des dispositions du présent contrat.

36.1.1 Procédure amiable préalable ' les parties s'engagent à 'uvrer de bonne foi à tenter de régler à l'amiable et dans l'intérêt du projet et des parties, toutes les difficultés qui pourraient surgir au titre de n'importe lequel des chapitres du présent contrat et quel que soit la nature du différend.

Le cas échéant, la partie la plus diligente devra saisir l'autre partie sans délai, dès naissance de la difficulté, du différend et/ou de la contestation par un courrier faxé ou porté avec accusé de réception, dans lequel elle expose son point de vue sur la contestation, la difficulté et/ou le différend et fait, la (ou les) propositions qui lui paraissent à même d'aboutir à une solution. L'autre partie devra, dans un délai maximum de huit (8) jours calendaires donner sa réponse dans les mêmes formes et proposer une rencontre avec une date qui ne devra pas excéder un délai de quinze (15) jours calendaires ainsi que le niveau des responsables devant y prendre part en vue d'une rencontre de négociation aux fins de trouver une solution à la difficulté, la contestation et/ou différend.

Si la difficulté, la contestation et/ou différend ne trouvait pas solution dans le cadre de cette tentative ou si la partie saisie ne répond pas dans les conditions et les délais prévus ci-dessus, la partie la plus diligente pourra alors saisir la juridiction arbitrale conformément aux dispositions ci-dessous.

36.1.2 Procédure d'arbitrage ' le constat du défaut de règlement à l'amiable ci-dessus entraine la saisine de la chambre de commerce internationale. Les parties désigneront un (1) ou plusieurs arbitres suivant le règlement d'arbitrage de la chambre de commerce internationale en vigueur que les parties déclarent connaitre et auquel elles adhèrent en vertu des présentes dispositions.

L'arbitrage se déroulera à Alger à l'initiative de la partie qui y aura recours. Il se déroulera en langue française et le droit applicable sera le droit algérien. Les parties s'engagent au respect de la sentence arbitrale qui sera rendue et à la considérer comme définitive, à n'y opposer aucune procédure de nature à en empêcher ou retarder l'exécution devant aucune juridiction y compris celles de leurs propres pays, comme elles s'engagent volontairement à l'exécution de bonne foi et sans délai. »

15. Il est constant que le différend soumis au tribunal arbitral est né à l'occasion dudit contrat, pour porter sur une contestation relative au paiement de factures émises à la suite de prestations effectuées en exécution de cette convention.

16. Il entre, comme tel, dans le champ d'application de l'article 36.1 précité qui fonde la compétence du tribunal arbitral.

17. La société ETAC n'en fait pas moins grief à ce tribunal de s'être reconnu compétent pour trancher le litige, alors que la procédure amiable préalable prévue à l'article 36.1.1 n'a, selon elle, pas été respectée.

18. Le moyen tiré du défaut allégué de mise en 'uvre du préalable de règlement amiable prévu par une clause compromissoire ne constitue toutefois pas une exception d'incompétence mais une question relative à la recevabilité des demandes, qui n'entre pas dans les cas d'ouverture du recours en annulation énoncés à l'article 1520 du code de procédure civile.

19. Il n'appartient dès lors pas au juge de l'annulation de contrôler l'appréciation à laquelle le tribunal arbitral s'est livré pour écarter cette objection.

20. Le moyen d'annulation développé de ce chef par la société ETAC, qui manque en droit, ne saurait en conséquence prospérer.

21. Il y a lieu, dans ces conditions, de rejeter le recours en annulation formée par cette société.

Sur les frais et dépens

22. La société ETAC, qui succombe, sera condamnée aux dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la demande qu'elle forme au titre des frais irrépétibles étant rejetée.

23. Elle sera en outre condamnée à payer à la société Skidata la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du même code.

IV/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour :

1) Rejette le recours en annulation formé par la société Entreprise de Transport Algérien par Câble contre la sentence arbitrale N° 26317/AZO rendue à [Localité 3] le 7 mars 2022 sous l'égide de la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce international ;

2) Déboute la société Entreprise de Transport Algérien par Câble de sa demande de condamnation de la société Skidata GmbH au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

3) Condamne l'Entreprise de Transport Algérien par Câble à payer à la société Skidata GmbH la somme de quinze mille euros (15 000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

4) Condamne la société Entreprise de Transport Algérien par Câble aux dépens.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 16
Numéro d'arrêt : 22/08053
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;22.08053 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award