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28/03/2023 | FRANCE | N°22/06894

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 28 mars 2023, 22/06894


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 28 MARS 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06894 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFS4W



Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 8 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Paris.

Après arrêt rendu le 13 janvier 2021 rendu par la Cour de cassation qui a cassé et annulé, sauf e

n ce qu'il rejette la demande de constatation de la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt rendu le 27 février 2018 par la cour d'appel de Paris, et rem...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 28 MARS 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/06894 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFS4W

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 8 septembre 2016 par le tribunal de grande instance de Paris.

Après arrêt rendu le 13 janvier 2021 rendu par la Cour de cassation qui a cassé et annulé, sauf en ce qu'il rejette la demande de constatation de la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt rendu le 27 février 2018 par la cour d'appel de Paris, et remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée

DEMANDEUR À LA SAISINE - RENVOI DE CASSATION

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté à l'audience par Mme Brigitte RAYNAUD, substitut général

DÉFENDEUR À LA SAISINE - RENVOI DE CASSATION

Monsieur [V] né le 12 février 1965 à [Localité 10] (Inde),

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3] - INDE

représenté par Me Tassadit-Farida KERRAD, avocat au barreau de PARIS, toque : C0836

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Par un jugement rendu le 8 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a dit que l'action est régulière, dit que M. [V], né le 12 février 1965 à [Localité 10] (Inde), est de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil et laissé les dépens à la charge de M. [V].

Le tribunal a notamment retenu que M. [V] établit que sa mère, Mme [W], née le 24 novembre 1994 en Inde anglaise, était française avant le16 août 1962, date d'entrée en vigueur du Traité de cession des établissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon à l'Union indienne du 28 mai 1956, et qu'elle a conservé la nationalité française à compter de cette date.

Par un arrêt du 27 février 2018, la cour d'appel de Paris a rejeté la demande de constatation de la caducité de la déclaration d'appel, infirmé le jugement, statuant à nouveau, dit que M. [V], né le 12 février 1965 à [Localité 10] (Inde), n'est pas français, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, rejeté la demande formée par M. [V] en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens.

La cour d'appel a essentiellement retenu que M. [V] a suivi la condition de son père, qui a perdu la nationalité française lors de l'entrée en vigueur du Traité de cession des établissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon à l'Union indienne du 28 mai 1956.

Par un arrêt rendu le 13 janvier 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce qu'il rejette la demande de constatation de la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt rendu le 27 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée, laissé les dépens à la charge du Trésor public et rejeté la demande présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour de cassation a énoncé que :

« Vu les articles 4 et 5 du Traité de cession des établissements français de Pondichéry, Karikal, Mahé et Yanaon à l'Union indienne du 28 mai 1956, et l'article 18 du code civil :

3. Il résulte des dispositions combinées des deux premiers textes que, seuls les nationaux français nés sur le territoire de ces établissements et qui y étaient domiciliés le 16 août 1962, date d'entrée en vigueur du traité, ont été invités à opter pour la conservation de leur nationalité, dans les six mois suivant cette date, par une déclaration écrite déterminant la nationalité des enfants non mariés, âgés de moins de 18 ans.

4. Il s'en déduit que les enfants de ces nationaux français, nés sur le territoire de l'établissement cédé postérieurement à l'expiration du délai d'option offert à leur auteur, ont conservé un statut autonome de celui de leur représentant légal, qui les autorise à revendiquer la nationalité française sur le fondement du droit interne.

5. Aux termes du troisième, est français l'enfant dont au moins un des parents est français.

6. Pour dire que M. [V] n'est pas français, l'arrêt relève que M. [B], ressortissant français né sur le territoire d'un Etablissement français et qui y était domicilié le 16 août 1962, date d'entrée en vigueur du Traité, n'ayant pas souscrit de déclaration d'option dans le délai de six mois à compter de cette date, a perdu la nationalité française. Il retient que son fils, M. [V], né sur le territoire de l'Union indienne, a suivi la condition de son père.

7. En statuant ainsi, alors que, né le 12 février 1965, M. [V] n'était pas saisi par le traité et pouvait revendiquer la nationalité française par filiation maternelle sur le fondement de l'article 18 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Le ministère public a formé une déclaration de saisine le 29 mars 2022.

Par des conclusions notifiées le 2 décembre 2022, il demande à la cour d'infirmer le jugement du 8 septembre 2016 en ce qu'il a dit que M. [V], se disant né le 12 février 1965 à [Localité 10] (Inde), est français, et statuant à nouveau, juger que M. [V], se disant né le 12 février 1965à [Localité 10] (Inde), n'est pas français, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner l'intimé aux entiers dépens ;

Par des conclusions notifiées le 26 octobre 2022, M. [V] demande à la cour de débouter le ministère public de ses demandes, fins et conclusions, confirmer le jugement, juger qu'il est français, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner l'Etat aux entiers dépens ;

L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 12 janvier 2023.

MOTIFS

Invoquant l'article 17 du code de la nationalité française, M. [V] soutient qu'il est français par filiation maternelle pour être né le 12 février 1965 à [Localité 10] (Inde), de Mme [W], née le 24 novembre 1944 en Inde anglaise, ayant acquis la nationalité française par mariage avec M. [B] le 13 juillet 1962, et l'ayant conservée lors de la rétrocession des établissements français de l'Inde à l'Union indienne le 16 août 1962, n'ayant pas été saisie par les dispositions du Traité de cession du 28 mai 1956.

N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il appartient à M. [V], en application de l'article 30 du code civil, de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française et notamment d'établir la nationalité de sa mère revendiquée, dont il dit tenir la nationalité française.

M. [V] produit à ce sujet les pièces suivantes, dont il déduit que sa mère est devenue française par mariage :

- La traduction française d'une copie, délivrée le 26 mars 2012, du certificat de naissance de Mme [W] selon lequel celle-ci est née le 24 novembre 1944 à [Localité 11], notamment ;

- Une copie conforme, délivrée le 23 mars 2012, de l'acte de mariage selon lequel le 18 juillet 1962, M. [B] a déclaré à l'officier d'état civil de [Localité 9] qu'il a contracté mariage, le 13 juillet 1962, avec Mme [W]

Toutefois, le ministère public répond que ces pièces ne permettent pas de rapporter la preuve du mariage de la mère revendiquée de M. [V], faute d'apostille régulière, et que l'acte de mariage n'a pas de valeur probante au sens de l'article 417 du code civil, qui dispose que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

A ce propos, il y a lieu de rappeler, de manière générale, que conformément aux stipulations de la Convention de la Haye du 5 octobre 1961, les actes d'état civil indiens doivent être apostillés. Aux termes des articles 3 à 5 de la convention, cette apostille permet d'attester la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou du timbre dont cet acte est revêtu. Elle doit être conforme au modèle annexé à la convention.

Le « Manuel Apostille » auquel se réfèrent les premiers juges et les parties, édité par le bureau permanent de la Conférence de La Haye de droit international privé prévoit, dans son paragraphe 217, que lorsqu'une 'autorité compétente' désignée pour l'apostille dans un Etat donné ne peut vérifier l'origine de tous les actes publics, cette autorité 'peut estimer opportun de prendre des dispositions pour qu'une autorité intermédiaire vérifie et certifie l'origine de certains actes publics, avant d'émettre elle-même une apostille pour la certification de cette autorité intermédiaire', ce Manuel rappelle également qu'il est 'indispensable que l'Autorité compétente s'assure de l'origine de l'acte pour lequel elle émet une Apostille', la certification des trois points suivants étant exigée :

- l'authenticité de la signature figurant sur l'acte public sous-jacent (le cas échéant),

- la qualité du signataire de l'acte,

- l'identité du sceau ou timbre dont est revêtu l'acte (le cas échéant).

Les paragraphes 15 et 16 du même manuel indiquent en outre que les procédures constituées de plusieurs niveaux d'authentification sont contraignantes et 'peuvent entraîner une confusion quant à l'acte auquel l'Apostille se rapporte' et que si 'la procédure en plusieurs étapes n'est pas nécessairement contraire à la Convention Apostille, elle fait perdurer certains des aspects de la chaîne de légalisation que la Convention Apostille était censée supprimer'.

Ainsi, ces recommandations, qui n'excluent pas l'intervention d'une autorité intermédiaire, ne sauraient justifier l'amoindrissement, voire la suppression de tout ou partie des contrôles exigés par la Convention quant à l'origine de l'acte.

Or, en l'espèce, il y a lieu de relever, en premier lieu, que le certificat de naissance de Mme [W] porte, au verso, les mentions suivantes :

- Un cachet, daté du 16 mai 2012 et intitulé « verified and authenticated » établi par une personne, dont le nom n'est pas indiqué, ayant la qualité de « under secretary to government public (foreigners) department, government of Tamilnadu ». L'objet de la vérification et de l'authentification effectuées n'est toutefois pas précisé, de sorte qu'il ne peut pas s'agir d'une apostille intermédiaire régulière ;

- Un carré Apostille, daté du 14 juin 2012 indiquant que le certificat de naissance a été signé par le « sub registar », avec le sceau de l'« under secretary to govt public (foreigners) dept, Tamil Nadu » et que la certification a été effectuée par le « ministry of externals affairs ». Cependant, cette apostille n'est pas non plus régulière puisque le carré Apostille vise la signature du signataire du certificat de naissance mais sans en mentionner le nom et, par ailleurs, se réfère à la qualité non pas de ce signataire mais de l'autorité ayant procédé à l'apostille intermédiaire ;

En second lieu, il y a lieu de relever que la copie, délivrée par [N] [D], « registrar of birth, death and marriage, commune [Localité 6] », de l'acte de mariage porte quant à elle les mentions suivantes :

- Un cachet apposé le 18 avril 2012 par [U] [M], « sub collector (REV) ' cum ' Sub divisional magistrate, [Localité 5] ». Cette apostille intermédiaire est régulière ;

- Un cachet apposé le 12 juin 2012 par [G] [Y] [L], « joint secretary to gov. (home), chief secretariat, [Localité 8] » attestant la signature de « [U] [M], sub. Div. Magistrate, [Localité 5] ». Cette apostille intermédiaire est régulière ;

- Un carré Apostille, signé par le « ministry of external affairs » concernant l'acte de mariage, précisant qu'il a été signé par le « sub collector (REV) cum Sub divisional magistrate » et qu'il porte le tampon du « joint secretary to gov. (home), chief secretariat, [Localité 8] ». Toutefois, cette apostille n'est pas régulière puisqu'elle vise, en tant que signataire de l'acte de mariage, non pas son signataire mais l'autorité qui a apposé la première apostille intermédiaire et puisqu'elle fait état non pas du tampon du signataire de l'acte de mariage ou de l'autorité ayant apposé la première apostille intermédiaire mais du tampon apparaissant sur la seconde apostille intermédiaire.

Au regard de ces éléments, la cour retient, comme le soutient le ministère public, que M. [V] n'établit pas le mariage de M. [B] et de sa mère revendiquée, dont il affirme pourtant qu'elle est devenue française suite à ce mariage.

En conséquence, M. [V] ne peut pas utilement faire valoir qu'il serait français par filiation maternelle, faute d'établir que sa mère revendiquée est française, étant au demeurant précisé que celle-ci s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française par un courrier, produit par M. [V], du service de la nationalité de [Localité 7] du 31 mai 2006.

L'extranéité de M. [V] doit être constatée.

Le jugement est donc infirmé.

M. [V], qui succombe, est condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement prononcé le 8 septembre 2016 par le tribunal de grande instance, devenu le tribunal judiciaire, de Paris ;

Statuant à nouveau,

Juge que M. [V], né le 12 février 1965 à [Localité 10] (Inde), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Condamne M. [V] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 22/06894
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;22.06894 ?
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