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28/03/2023 | FRANCE | N°21/20559

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 28 mars 2023, 21/20559


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 28 MARS 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20559 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXBL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 novembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/06732





APPELANT



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEU

R LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE NATIONALITÉ

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté à l'audience par Mme Laure de CHOISEUL PRASLIN, magistrat honoraire, avocat général





INTI...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 28 MARS 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20559 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXBL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 novembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/06732

APPELANT

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE NATIONALITÉ

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme Laure de CHOISEUL PRASLIN, magistrat honoraire, avocat général

INTIME

Monsieur [S] [I] né le 23 décembre 1992 à Galladé (Sénégal),

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Vanina ROCHICCIOLI, avocat au barreau de PARIS, toque : R127

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 février 2023, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimé ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 18 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté le respect des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, jugé que M. [S] [I], né le 23 décembre 1992 à Galladé (Sénégal) est de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, condamné M. [S] [I] aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel du 25 novembre 2021 remise par le procureur général;

Vu les dernières conclusions notifiées le 28 octobre 2022 par le procureur général qui demande à la cour de dire la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile, réformer le jugement du tribunal, dire que M. [S] [I], se disant né le 23 décembre 1992 à Galladé (Sénégal), n'est pas français et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu les conclusions notifiées le 19 mai 2022 par M. [S] [I] qui demande à la cour de débouter le ministère public de l'ensemble de ses demandes, confirmer le jugement du 18 novembre 2021 du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions, dire que M. [S] [I], né le 23 décembre 1992 à Galladé (Sénégal), est de nationalité française, condamner le demandeur aux dépens et dire que Maitre [M] pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 décembre 2022 ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 29 novembre 2021 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 18 du code civil, M. [S] [I] soutient qu'il est français par filiation paternelle pour être né le 23 décembre 1992 à Galladé (Sénégal) de M. [Z] [I], né le 10 février 1970 à Galladé (Sénégal), lui-même fils de [N] [I], né le 4 mai 1940 à Galladé (Sénégal), de nationalité française.

Conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles 31 et suivants du code civil.

N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il appartient à M. [S] [I] en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française.

Il appartient donc à M. [S] [I] de justifier d'une chaîne de filiation légalement établie entre lui et [N] [I], né le 4 mai 1940 à Galladé (Sénégal), déclaré français par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 12 septembre 2008 dont il dit tenir la nationalité française au moyen d'actes d'état civil fiables et probant au sens de l'article 47 du code civil selon lequel « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Sur l'état civil de M. [S] [I] et l'établissement de sa filiation paternelle

C'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont, d'une part, retenu que M. [S] [I] disposait d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil en considérant que la mention de l'heure à laquelle l'acte de naissance de l'intéressé avait été dressé n'était pas une mention substantielle et que son omission, en l'absence d'autre critique du ministère public et alors qu'une copie de cet acte, délivrée en 2012 et comportant les mêmes mentions que la copie délivrée en 2016, avait été authentifiée par le consulat général de France à Dakar ne pouvait ôter sa force probante à l'acte, et d'autre part que la filiation de l'intéressé était en application de l'article 193 du code de la famille sénégalais établie par l'acte de naissance de l'intéressé, son père ayant procédé à la déclaration de naissance, sans qu'il ne soit besoin d'examiner la force probante de l'acte de reconnaissance.

Sur la filiation de M. [Z] [I] à l'égard de [N] [Z]

Le tribunal a retenu que M. [S] [I], en produisant la copie de l'acte de naissance de son père, [Z] [I], transcrit le 5 juin 1991 par le consul général de France à Dakar. justifiait de son état civil.

Mais, comme le soutient le ministère public, la circonstance que l'acte de naissance étranger ait été transcrit par une autorité consulaire n'a pas pour effet de rendre les dispositions de l'article 47 du code civil inopérantes dès lors que la valeur probante de cette transcription est subordonnée à celle de l'acte étranger à partir duquel la transcription a été effectuée.

Aucune disposition ne fait obligation au ministère public d'agir en nullité de l'acte transcrit par l'officier d'état civil consulaire, préalablement à la contestation de la force probante d'un acte dressé à l'étranger dont il est allégué qu'il est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Il suffit au ministère public, conformément à l'article 47 du code civil, d'établir que l'acte n'est pas probant, la transcription consulaire ne pouvant pas avoir plus de valeur que l'acte étranger au vu duquel elle a été faite et ne le purgeant ni de ses vices ni de ses irrégularités.

Pour établir l'état civil de [Z] [I], M. [S] [I] produit :

-une copie littérale d'acte de naissance sénégalais de [Z] [I] délivrée le 11 mai 2016, aux termes duquel il est né le 10 février 1970 à Gallade, de [N] [I] et [H] [G], l'acte ayant été dressé le 26 décembre 1990 à la suite d'un jugement n°4716 du 25 octobre 1990 par le T.D de Bakel,

- une expédition certifiée conforme le 31 mai 2022 du jugement d'autorisation d'inscription de naissance n°4716 rendu par le tribunal départemental de Bakel, statuant sur requête en son audience tenue le 25 octobre 1990 par M. [J] [V] [K], président assisté de Maâitre Sankou KANTE, greffier et de M. [J] [P] [A], disant que [Z] [I] est né le 10 février 1970 à Galladé, fils de [N] [I], né le 4 mai 1940 à Galladé et de [H] [G], née le 31 décembre 1950 à Galladé. Après la mention « et ont signé le président et le greffier » figure la mention « par empêchement de M. [J] [V] [K] qui a ainsi jugé et par autorisation du Premier président de la cour d'appel de Tambacounda suivant ordonnance n°002/PP/CAT du 18 mai 2022 », (pièce n°19 de l'intimé)

- un certificat de non opposition ni appel délivré le 31 mai 2022 relatif au jugement du 25 octobre 1990.

Le ministère public conteste l'authenticité du jugement supplétif au regard des divergences de mentions figurant sur les différentes copies produites au débat et considère en tout état de cause que le jugement est inopposable en France comme contraire à la conception française de l'ordre public pour non respect du principe du contradictoire, dès lors qu'il n'est pas fait mention de la communication du dossier au ministère public en violation de l'article 87 du code de la famille sénégalais et pour défaut de motivation.

Le ministère public produit en effet deux autres copies du jugement du 25 octobre 1990, l'une délivrée le 14 juillet 2016 (pièce n°16 du ministère public) et l'autre le 1er février 2012 (pièce n°17 du ministère public). Or, il en résulte plusieurs discordances : en premier lieu, alors que deux témoins figurent sur les copies délivrées les 14 juillet 2016 et 31 mai 2022, aucun n'est mentionné sur la copie délivrée le 1er février 2012 ; en deuxième lieu, la copie délivrée le 14 juillet 2016 mentionne que le jugement a été rendu en « audience foraine », ce qui n'est pas le cas de la copie délivrée le 1er février 2012 ni de celle délivrée le 31 mai 2022 ; en troisième lieu, les copies délivrées le 14 juillet 2016 et le 1e février 2012 visent une requête en date du 25 octobre 1990 alors que la copie délivrée le 31 mai 2022 vise une requête en date du 18 octobre 1990 ; en quatrième lieu, la copie délivrée le 14 juillet 2016 et la copie délivrée le 1er février 2012 mentionnent la présence à l'audience d'un interprète judiciaire assermenté nommé [U] [T], alors que la copie délivrée le 31 mai 2022 mentionne la présence à l'audience d'un interprète ad hoc nommé [J] [P] [A].

Il s'ensuit que l'expédition conforme du jugement du 25 octobre 1990 délivrée le 31 mai 2022 par l'intimé ne présente pas les garanties d'authenticité suffisantes requises par l'article 53 de la convention franco sénégalaise de coopération en matière judiciaire du 29 mars 1974 qui prévoit que la partie qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire doit produire une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité. Il n'est donc pas opposable en France.

L'acte de naissance de [Z] [I], étant indissociable du jugement en vertu duquel il a été dressé, n'est pas probant au sens de l'article 47 du code civil.

En conséquence, M. [S] [I] échoue à établir une chaîne de filiation jusqu'à son grand-père revendiqué dont il dit tenir la nationalité. Le jugement qui a jugé qu'il était français est infirmé.

M. [S] [I], succombant à l'instance, est condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Constate l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile,

Infirme le jugement

et statuant à nouveau,

Dit que M. [S] [I], né le 23 décembre 1992 à Galladé (Sénégal), n'est pas de nationalité française,

Ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil,

Condamne M. [S] [I] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/20559
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;21.20559 ?
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