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28/03/2023 | FRANCE | N°19/13538

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 28 mars 2023, 19/13538


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 28 MARS 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/13538 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAIHX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 juin 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/06380





APPELANT



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MON

SIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE NATIONALITÉ

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Mme M-D. PERRIN, substitut général





INTIMEE



Madame [U] [L] [P] [T] née le 7 m...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 28 MARS 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/13538 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAIHX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 juin 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/06380

APPELANT

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE NATIONALITÉ

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Mme M-D. PERRIN, substitut général

INTIMEE

Madame [U] [L] [P] [T] née le 7 mars 1993 à [Localité 5] 1e (Madagascar)

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 1] MADAGASCAR

Représentée par Me Julie MADRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0688

(bénéficie d'une AIDE JURIDICTIONNELLE TOTALE numéro 2019/054624 du 19/11/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 février 2023, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimée ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente,

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 6 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a jugé que Mme [U] [L] [P] [T] née le 7 mars 1993 à [Localité 5] 1e (Madagascar) est française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, condamné le Trésor public à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, Maître Julie MADRE, la somme de 1.000 euros au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide et condamné le Trésor public aux dépens dans les conditions relatives à l'aide juridictionnelle ;

Vu la déclaration d'appel du ministère public en date du 4 juillet 2019 ;

Vu l'ordonnance d'incident en date du 29 septembre 2020 qui a rejeté la demande de caducité de la déclaration d'appel, déclaré l'appel irrecevable, laissé les dépens à la charge du Trésor public, rejeté la demande de Mme [U] [L] [P] [T] au titre des honoraires non compris dans les dépens ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 14 septembre 2021 qui a confirmé l'ordonnance d'incident en ce qu'elle a rejeté la demande de caducité de la déclaration d'appel, infirmé l'ordonnance pour le surplus, statuant à nouveau, jugé l'appel recevable, rejeté la demande de

Mme [U] [L] [P] [T] au titre des honoraires non compris dans les dépens et l'a condamnée aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 décembre 2022 par le ministère public qui demande à la cour de le recevoir en son appel, infirmer le jugement, statuant à nouveau, dire que le certificat de nationalité française, n°1888/2006, délivré par le greffier en chef du tribunal d'instance de Saint-Denis-La Réunion le 21 novembre 2006, l'a été à tort, juger que Mme [U] [L] [P] [T], se disant née le 7 mars 1993 à [Localité 5] 1e (Madagascar), n'est pas de nationalité française, rejeter les demandes de Mme [U] [L] [P] [T], ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner Mme [U] [L] [P] [T] aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 2 février 2023 par Mme [U] [L] [P] [T] qui demande à la cour de rejeter l'action du ministère public, confirmer le jugement, juger que Mme [U] [L] [P] [T] née le 7 mars 1993 à [Localité 5] 1e (Madagascar) est de nationalité française et condamner l'Etat aux dépens ainsi que, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à payer au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, la somme de 2.000 euros directement au profit de Maître Julie MADRE, avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle, à charge pour cette dernière de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

Vu le bordereau de communication de pièces et les pièces n° 27 à 32 notifiées par Mme [L] [P] [T] le 8 février 2023 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 9 février 2023 ;

MOTIFS :

Sur l'article 1043 du code de procédure civile

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 4 juillet 2019 par le ministère de la Justice.

Sur la recevabilité des pièces n° 27 à 32 notifiées le 8 février 2023

Règles applicables

L'article 16 du code de procédure civile dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. »

L'article 135 précise que le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.

Réponse de la cour

Il ressort des éléments de la procédure que l'appelante a versé aux débats 6 nouvelles pièces la veille de la clôture sans invoquer ni justifier de raisons l'ayant mise dans l'impossibilité de communiquer ses pièces en temps utile alors que la mise en état du dossier dure depuis plus de deux ans.

Les pièces n°27 à 32 notifiées le 8 février 2023 doivent être déclarées irrecevables.

Sur le fond

Mme [U] [L] [P] [T] est titulaire d'un certificat de nationalité française n°1888/2006, délivré par le greffier en chef du tribunal d'instance de Saint-Denis-de-La-Réunion le 21 novembre 2006. Aux termes de ce certificat, l'intéressée est française en application de l'article 18 du code civil pour être née à l'étranger d'un père français, [L] [P], né le 15 mars 1963 à [Localité 9] (Madagascar), lui-même né à l'étranger d'une mère française, [O] [Y] [C], née le 6 juillet 1942 à Marovoay (Madagascar), française comme née d'une mère française, [J] [X], née le 22 août 1911 à [Localité 7] (Madagascar).

Le ministère public qui soutient que ce certificat de nationalité française a été délivré à tort à l'intéressée doit en apporter la preuve en application de l'article 30 du code civil.

La force probante d'un certificat de nationalité française dépend des documents qui ont servi à l'établir et si le ministère public prouve que ce certificat a été délivré à tort à l'intéressé ou sur la base d'actes erronés, ce certificat perd toute force probante. Il appartient alors à l'intéressé de rapporter la preuve de sa nationalité française à un autre titre.

En cause d'appel, le ministère public produit comme en première instance un arrêt définitif du 17 janvier 2008 rendu par la cour d'appel de Paris qui confirme un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 31 janvier 2006 ayant constaté l'extranéité de [O] [Y] [C], épouse [L] [V], née le 6 juillet 1942 à Marovoay (Madagascar) (sa pièce n°7).

Au vu de ces décisions définitives, c'est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal, pour juger que le certificat avait été délivré à tort à l'intéressée, a notamment retenu, que l'extranéité de la grand-mère paternelle, [O] [Y] [C] ayant été définitivement constatée, son fils, M. [L] [P] ne pouvait revendiquer la nationalité française par filiation maternelle.

Le certificat de nationalité française ayant été délivré à tort à l'intéressée, il lui appartient de rapporter la preuve de sa nationalité française à un autre titre.

Invoquant l'article 18 du code civil, Mme [U] [L] [P] [T] soutient en cause d'appel qu'elle est française par filiation paternelle son père M. [L] [P], né le 15 mars 1963 à [Localité 9] (Madagascar), étant lui-même français par filiation paternelle, son père [L] [V], né le 8 janvier 1939 à [Localité 4] (Madagascar) étant de nationalité française.

Elle doit en premier lieu établir qu'elle dispose d'un état civil fiable et probant au regard des dispositions de l'article 47 du code civil, qui énoncent que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Pour ce faire, elle produit la traduction d'une « copie d'acte de l'état civil » certifiée conforme aux registres, délivrée le 5 janvier 2023, accompagnée du document original en langue malgache, qui indique que [F] [A] [L] [T] [U] est née le 7 mars 1993 de [L] [P], convoyeur, né le 15 mars 1963 à [Localité 9] et de [D] [H] [E] [T], sans profession, née à [Localité 8], le 9 avril 1959. L'acte a été dressé le 10 mars 1993 sur déclaration de [B] [R], [W], [M], étudiante, né le 13 février 1963, domicilié à Ankatso II. L'acte comporte en outre les mentions en marge relatives à :

- un jugement n°1890 rendu par le tribunal de première instance d'Antananarivo le 11 mai 1998 ayant modifié le nom de l'intéressée pour le nom [N] [S] [L] [T],

- un jugement n°674 du 29 juillet 2004 rendu par le tribunal de première instance de Miarinarino ordonnant la rectification du nom de l'enfant en [L] [P] [T] [U] (pièces n°23 de l'appelante).

Ainsi que l'indique le ministère public, l'intimée ne produit pas les originaux de ces jugements. Le document intitulé « original de l'extrait des minutes du greffe du tribunal de première instance de Miarinarivo » se présente comme un document en langue malgache signé par [L] [P], sur lequel a été apposé un timbre et un tampon rouge du greffier en chef du tribunal de première instance de Miarinarivo. Cette pièce ne présente aucune garantie d'authenticité et ce faisant aucune valeur probante (pièce n°25 de l'appelant). Il en est de même de la traduction de l'ordonnance n°674 du 29 juillet 2004 rendue par le président du tribunal de première instance de Miarinarivo sur laquelle apparaît en en-tête en lettre rouge la mention « extrait des minutes du tribunal de première instance de Miarinarivo » et un tampon rouge du greffier en chef du tribunal de première instance de Miarinarivo (pièce n°24). La pièce n°26 n'est pas, comme son intitulé l'indique l'original de l'expédition du jugement du 11 mai 1998, mais la photocopie en noir et blanc de la traduction d'un extrait du jugement du 11 mai 1998, sur laquelle a été apposée un tampon rouge du greffe du tribunal d'Antananarivo. Cette pièce ne présente aucune garantie d'authenticité.

Or lorsqu'un acte d'état civil assure la publicité d'une décision de justice, il devient indissociable de celle-ci, dont l'opposabilité en France, en principe de plein droit est subordonnée à sa régularité internationale et toute mention figurant dans l'acte d'état civil en exécution d'une décision de justice ne peut faire foi au sens de l'article 47 du code civil qu'à la condition que cette décision soit produite et remplisse les conditions pour sa régularité internationale.

Mme [U] [L] [P] ne dispose donc d'aucune identité fiable et certaine au sens de l'article 47 du code civil.

L'intéressée vise dans le dispositif de ses conclusions les articles 8 et 14 et l'article 2 du protocole n°4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 15 de la déclaration universelle des droits de l'homme et le principe général du droit à une sécurité juridique.

Toutefois, elle n'invoque aucun de ces articles dans la discussion, ni ne développe une argumentation sur leur fondement. Il y a donc pas lieu de les examiner en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile. Les développements du ministère public sur la situation d'apatridie, la convention européenne des droits de l'Homme et le principe de la sécurité juridique sont en conséquence inutiles.

Ne pouvant prétendre à aucun titre à la nationalité française s'il ne justifie d'un état civil certain et fiable, le jugement est dès lors infirmé en ce qu'il a retenu que l'intéressée est de nationalité française.

Mme [U] [L] [P], qui succombe, est condamnée aux dépens et doit être déboutée de sa demande fondée sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

Constate l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile ;

Déclare irrecevables les pièces n°27 à 32 notifiées le 8 février 2023 ;

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Dit que Mme [U] [L] [P] née le 7 mars 1993 à [Localité 5] 1e (Madagascar) n'est pas française,

Dit que le certificat de nationalité française délivré à Mme [U] [L] [P] [T] le 21 novembre 2006 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Saint-Denis-de-La-Réunion, l'a été à tort,

Ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil,

Rejette la demande fondée sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Condamne Mme [U] [L] [P] [T] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/13538
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;19.13538 ?
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