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23/03/2023 | FRANCE | N°21/13656

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 23 mars 2023, 21/13656


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 23 MARS 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/13656 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDED



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 juin 2021 - Juge des contentieux de la protection de SENS - RG n° 11-20-000483





APPELANTS



Madame [V] [T] épouse [Z]

née le [D

ate naissance 3] 1948 à [Localité 8] (89)

[Adresse 4]

[Localité 5]



représentée par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0625



Monsieur [X] [Z]

né le [Date naiss...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 23 MARS 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/13656 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDED

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 juin 2021 - Juge des contentieux de la protection de SENS - RG n° 11-20-000483

APPELANTS

Madame [V] [T] épouse [Z]

née le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 8] (89)

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0625

Monsieur [X] [Z]

né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 7] (89)

[Adresse 4]

[Localité 5]

représenté par Me Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0625

INTIMÉE

La société CARREFOUR BANQUE, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès-qualités audit siège

N° SIRET : 313 811 515 02140

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée et assistée de Me Coralie-Alexandra GOUTAIL de l'EURL Goutail Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : A0201

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 février 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 10 août 2019, la société Carrefour Banque a consenti à M. [X] [Z] et Mme [V] [Z] un prêt personnel visant à regrouper des crédits antérieurs d'un montant de 28 035,61 euros remboursable en 120 mensualités de 307,88 euros chacune au taux d'intérêts débiteur de 5,75 % l'an.

En raison d'échéances demeurées impayées, la société Carrefour Banque s'est prévalue de la déchéance du terme du contrat.

Saisi le 23 novembre 2020 par la société Carrefour Banque d'une demande tendant principalement à obtenir la condamnation solidaire de M. et Mme [Z] au paiement du solde restant dû au titre du contrat, le tribunal judiciaire de Sens par un jugement contradictoire rendu le 30 juin 2021 auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré la société Carrefour Banque recevable en son action,

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Carrefour Banque,

- condamné solidairement M. et Mme [Z] à payer à la société Carrefour Banque la somme de 27 635,61 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du prononcé de la décision,

- débouté M. et Mme [Z] de leur demande de nullité du contrat,

- débouté M. et Mme [Z] de leur demande de dommages et intérêts,

- débouté M. et Mme [Z] de leur demande de délais de paiement,

- débouté M. et Mme [Z] de leur demande en réduction du taux d'intérêts pendant la période de report et d'imputation prioritaire des paiements sur le capital,

- condamné M. et Mme [Z] in solidum aux dépens sans condamnation à des frais irrépétibles.

Après avoir examiné la recevabilité de l'action, le tribunal a retenu que le contrat de crédit n'encourait pas l'annulation sur le fondement de l'article L. 312-25 du code de la consommation, la banque justifiant avoir respecté le délai de 7 jours prévu par ce texte pour débloquer les fonds.

Il a relevé que la banque ne justifiait pas avoir respecté les prescriptions de l'article L. 312-16 du code de la consommation relatives à la consultation du fichier des incidents de remboursement puisque le document produit ne précisait pas le résultat de la demande auprès du FICP. Il a relevé que le contrat de crédit comprenait des caractères d'imprimerie inférieurs au corps huit en contradiction avec l'article R. 312-10 du code de la consommation et que le prêteur devait donc être déchu de son droit aux intérêts conventionnels.

Il a considéré que l'envoi de la mise en demeure à M. [Z] était opposable à Mme [Z] puisqu'ils étaient codébiteurs solidaires de sorte que la déchéance du terme avait été régulièrement prononcée.

Il a écarté la majoration de cinq points des intérêts afin d'assurer le caractère effectif et dissuasif de la sanction de déchéance du droit aux intérêts.

Le tribunal a retenu que M. et Mme [Z] ne rapporteraient pas la preuve d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde et les a déboutés en conséquence de leur demande de dommages et intérêts.

Il a rejeté la demande de délai de paiement et de réduction de taux d'intérêts au motif que M. et Mme [Z] ne justifiaient pas de la possibilité de faire face à leur dette dans un délai de deux ans conformément à l'article 1343-5 du code civil ni d'une situation particulière justifiant l'octroi de ce délai.

Par déclaration enregistrée le 15 juillet 2021, M. et Mme [Z] ont relevé appel de cette décision.

Suivant conclusions remises le 10 septembre 2021, les appelants demandent à la cour :

- de les juger recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions,

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et ordonné l'application du taux légal non majoré,

- de débouter la société Carrefour Banque de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts faute de consultation du FICP avant l'octroi du prêt en cause et faute de respect de la forme exigée pour l'offre,

- de juger que la banque n'a pas valablement prononcé la déchéance du terme,

-de juger sans effet l'exigibilité immédiate du crédit prononcée à tort par la banque,

- de condamner la banque à rétablir à leur profit le bénéfice de l'offre de prêt en cause, sous astreinte de 100 euros par jour à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- de prononcer la nullité du contrat de prêt,

- de condamner la banque à leur payer une somme de 10 000 euros en raison des manquements à ses obligations de conseil et de mise en garde et en raison de la déchéance du terme prononcée à tort,

- d'ordonner la compensation entre la somme de 10 000 euros et celles restant dues,

- de limiter l'indemnité de 8 % à la somme 1 euro,

- de juger que le taux d'intérêts applicable aux sommes réclamées sera le taux légal,

- de juger que les règlements à intervenir s'imputeront en priorité sur le capital restant dû,

- de leur accorder un délai de paiement de 2 ans et de les autoriser à régler la somme mensuelle de 300 euros pendant 23 mois et le solde à la 24ème échéance,

- de condamner la société Carrefour Banque au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Les appelants estiment que le prêteur doit être déchu de son droit à intérêts pour consultation tardive du fichier des incidents de remboursement 10 jours après l'acceptation de l'offre, en violation des articles L. 341-1 et L. 312-16 du code de la consommation, pour non-respect du corps huit de certains paragraphes de l'offre de prêt en contradiction avec l'article R. 312-10 du code de la consommation, pour défaut d'informations précontractuelles quant à l'étendue de leur engagement en violation de l'article L. 311-6 du code de la consommation et pour manquement à l'obligation d'alerte de l'article L. 311-22-2 du même code.

Ils font valoir que la déchéance du terme n'est pas intervenue régulièrement au motif que Mme [Z] n'a pas été destinataire du courrier de mise en demeure préalable, que le courrier ne permet pas d'identifier le crédit concerné, que les deux courriers du 9 juillet 2020 ont été envoyés par la société Neuilly Contentieux et non par la société Carrefour Banque de sorte qu'ils ne peuvent être rendus opposables à M. et Mme [Z].

Ils soutiennent que la banque engage sa responsabilité contractuelle en n'ayant pas octroyé de délai de remboursement et en ayant abusivement prononcé l'exigibilité de la créance.

Ils invoquent la nullité du crédit sur le fondement de l'article L. 311-14 du code de la consommation en ce que la page 14 de l'offre de prêt mentionne une disponibilité du crédit au 9 août 2019 soit à une date antérieure à la date d'acceptation du crédit de sorte que le délai de déblocage des fonds n'a pas été respecté.

Ils prétendent que la banque a manqué à son obligation de conseil et de mise en garde en n'alertant pas les emprunteurs sur le risque d'endettement.

Aux termes de conclusions remises le 9 décembre 2021, la société Carrefour Banque demande à la cour :

- de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance de son droit à intérêts et condamné M. et Mme [Z] à payer solidairement la société Carrefour Banque en remboursement de 27 635,61 euros au titre du solde du crédit,

- de la déclarer recevable son action,

- de constater que la déchéance du terme du contrat a été régulièrement prononcée,

- subsidiairement, de dire et juger qu'en l'absence de régularisation des échéances impayées, il y a lieu de prononcer la déchéance du terme du contrat objet de la présente,

- plus subsidiairement, de dire et juger que M. et Mme [Z] ont commis une faute en ne poursuivant pas le règlement des échéances du prêt,

- de prononcer la résiliation judiciaire de l'offre de prêt,

- de dire et juger que la société Carrefour Banque justifie de la recevabilité, du bien-fondé et de l'étendue de ses demandes,

- de dire et juger que la société Carrefour Banque n'a pas manqué à son obligation d'information, et à son devoir de mise en garde et de conseil,

- de dire et juger que la société Carrefour Banque n'a commis aucune faute,

- de dire et juger que M. et Mme [Z] n'établissent pas l'étendue du préjudice dont ils demandent réparation,

- de débouter M. et Mme [Z] de l'ensemble de leurs demandes,

- de condamner solidairement M. et Mme [Z] à lui payer la somme de 31 504,02 euros en principal outre intérêts au taux de 5,91 % à compter du 9 juillet 2020 jusqu'au jour du parfait paiement,

- de condamner solidairement M. et Mme [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Carrefour Banque soutient que la déchéance du terme a été régulièrement mise en 'uvre, qu'elle contenait toutes les mentions utiles à savoir l'identification du crédit concerné et l'octroi d'un délai de 8 jours pour régulariser le paiement des échéances et que la mise en demeure adressée à l'un des co-emprunteurs solidaires est opposable à l'autre.

Elle réclame à titre subsidiaire la résiliation judiciaire du contrat de crédit au motif que les emprunteurs ont cessé de régler les échéances dues.

Elle conteste la privation de son droit à intérêts en expliquant avoir correctement consulté le FICP avant l'acceptation du crédit et en tout cas avant le déblocage des fonds et en ce que la hauteur des caractères de l'offre de prêt est bien conforme à l'article R. 312-10 du code de la consommation.

Elle soutient avoir délivré toutes les informations précontractuelles en remettant la fiche prévue à cet effet.

Elle rappelle au visa de l'article L. 312-24 du code de la consommation que la nullité du contrat n'est pas encourue puisque les fonds ont été débloqués après le délai légal de 7 jours.

Elle fait valoir que le montant de sa créance avec l'indemnité légale et le taux d'intérêts conventionnel s'élève à la somme de 31 504,02 euros.

Elle conteste tout manquement à une obligation de conseil et à un devoir de mise en garde puisque les emprunteurs ne présentaient pas de risque d'endettement. Elle explique en effet que le couple a fait état lors de l'acceptation de l'offre de revenus mensuels de 3 306 euros avec des charges de 2 578,63 euros incluant les échéances des crédits rachetés et qu'avec les échéances du nouveau crédit, les charges passaient à 2 398 euros soit un reste à vivre de plus de 900 euros, charges déduites. Elle estime que le contrat était donc parfaitement adapté aux besoins du couple.

Elle soutient que les appelants étant de mauvaise foi, il ne saurait leur être accordé de délais de paiement.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 7 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

C'est à juste titre que le premier juge a appliqué au contrat les dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016. Il en est de même des dispositions du code civil en leur version postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.

Il convient de relever que la recevabilité de l'action au regard du délai de forclusion de l'article R. 312-35 du code de la consommation n'est pas discutée en cause d'appel de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a reçu la société Carrefour banque en son action.

Sur la demande d'annulation du contrat de prêt

Les appelants invoquent l'annulation du contrat sur le fondement de l'article L. 311-14 du code de la consommation pour non-respect du délai de déblocage des fonds.

Au regard de la date du contrat, c'est à juste titre que le premier juge a appliqué les dispositions de l'article L. 312-25 du code de la consommation qui prévoient que pendant un délai de 7 jours à compter de l'acceptation du contrat, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l'emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l'emprunteur au prêteur, le non-respect de ces dispositions d'ordre public pouvant donner lieu à une annulation du contrat sur le fondement de l'article 6 du code civil.

La date effective de rachat des crédits antérieurs non contestée est intervenue le 21 août 2019 soit 11 jours après l'acceptation de l'offre le 10 août 2019 de sorte que le grief est parfaitement infondé. Il y a donc lieu de confirmer le jugement ayant rejeté la demande d'annulation du contrat.

Sur la régularité de la déchéance du terme du contrat

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l'article 1104 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1217 du même code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut provoquer la résolution du contrat ou demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les articles 1224 et 1225 du même code précisent que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice et que la clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l'article L. 312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l'espèce, les stipulations contractuelles ne prévoient pas l'envoi d'un courrier préalable de mise en demeure en cas de défaillance de l'emprunteur mais ne l'excluent pas.

Tant en première instance qu'en appel par sa pièce 10, la société Carrefour Banque justifie avoir adressé à M. [Z], une lettre recommandée avec accusé de réception le 3 mars 2020 réceptionnée par lui le 5 mars 2020, le mettant en demeure d'avoir à lui régler sous huitaine la somme de 1 199,69 euros, sous peine de voir acquise la déchéance du terme du contrat. Elle produit également les courriers recommandés avec avis de réception adressés le 9 juillet 2020 tant à M. [Z] qu'à Mme [Z], réceptionnés les 17 et 21 juillet 2020, les mettant en demeure de régler sous huitaine la somme totale de 31 504,02 euros.

Comme l'a à juste titre relevé le premier juge, le courrier de mise en demeure du 3 mars 2020 précise le numéro du prêt de sorte que les emprunteurs étaient en mesure d'identifier le contrat de crédit concerné et il octroie un délai aux emprunteurs pour régulariser leur situation avant déchéance du terme du contrat. Mme [Z] s'étant engagée en qualité de co-computeur solidaire aux côtés de son mari, le courrier délivré le 3 mars 2020 lui est donc parfaitement opposable.

Les courriers adressés aux emprunteurs le 9 juillet 2020 ne font que prendre acte de l'absence de régularisation et sollicitent le règlement des sommes exigibles sous huitaine. Si ces courriers sont délivrés à en-tête de Neuilly Contentieux, ils comportent le nom du prêteur à savoir la société Carrefour Banque et le numéro de dossier ainsi que le détail des sommes réclamées en principal, intérêts et indemnité légale de sorte que les emprunteurs ne pouvaient se méprendre quant au crédit concerné, ni quant à l'organisme de crédit, la société Neuilly Contentieux agissant au titre d'une convention de mandat du 17 décembre 2013 versée aux débats. Enfin, il convient de rappeler que lorsqu'une mise en demeure, adressée par la banque à l'emprunteur et précisant qu'en l'absence de reprise du paiement des échéances dans un certain délai la déchéance du terme serait prononcée, est demeurée sans effet, la déchéance du terme est acquise à l'expiration de ce délai sans obligation pour la banque de procéder à sa notification.

Il s'en déduit que la déchéance du terme du contrat du 10 août 2019 a été régulièrement prononcée par la société Carrefour Banque comme l'a justement relevé le premier juge. Le jugement doit donc être confirmé.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Sur la consultation du FICP

Les appelants estiment que le prêteur doit être déchu de son droit à intérêts pour consultation tardive du fichier des incidents de remboursement 10 jours après l'acceptation de l'offre, en violation des articles L. 341-1 et L. 312-16 du code de la consommation.

Selon l'article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 333-4, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 333-5, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.

Aux termes de l'article L. 341-2 du même code, le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations.

La consultation de ce fichier s'opère selon les modalités prévues à l'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010 visé par l'article L. 333-5 du code de la consommation précitée qui dispose :

« Modalités de justification des consultations et conservation des données.

I. En application de l'article L. 333-5 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu'ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l'article 1er doivent, dans les cas de consultations aux fins mentionnées au I de l'article 2, conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable. (') Constitue un support durable tout instrument permettant aux établissements et organismes mentionnés à l'article 1er de stocker les informations constitutives de ces preuves, d'une manière telle que ces informations puissent être consultées ultérieurement pendant une période adaptée à leur finalité et reproduites à l'identique.

II. Le cas échéant, le résultat des consultations effectuées aux fins mentionnées au II de l'article 2 est conservé dans les conditions décrites ci-dessus ».

Il résulte de ce qui précède que le prêteur a l'obligation de conserver la preuve de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat sur un support durable, la consultation devant être réalisée avant toute décision effective d'octroyer un crédit.

Comme l'a à bon droit relevé le premier juge, la société Carrefour Banque communique aux débats deux attestations établies par ses soins le 31 août 2020 aux termes desquelles elle indique avoir effectué une consultation du FICP dans le cadre de l'octroi d'un crédit à M. [Z] et Mme [Z], demande à laquelle il a été répondu le 20 août 2019 à 10 heures 46 et 31 secondes.

Ces attestations remplies par le prêteur lui-même n'établissent pas suffisamment la consultation du fichier avant agrément d'autant que les mentions y figurant ne précisent ni le crédit concerné ni le résultat de la consultation. Il en résulte que c'est à juste titre que le premier juge a retenu une déchéance du droit aux intérêts sur ce fondement.

Sur la hauteur des caractères de l'offre

Les appelants invoquent le non-respect du corps huit de certains paragraphes de l'offre de prêt en contradiction avec l'article R. 312-10 du code de la consommation.

Aux termes de l'article R. 312-10 du code de la consommation et sous peine de déchéance du droit aux intérêts, le contrat de crédit prévu à l'article L. 312-28 est rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit et ce à peine de déchéance totale du droit aux intérêts conformément aux dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation.

Le premier juge a retenu que plusieurs paragraphes du contrat comportaient des lignes d'une hauteur inférieure à trois millimètres.

La cour rappelle que le corps 8 correspond à 3 mm en points Didot. Le point de référence à multiplier par 8 reste le point Didot (soit 0,375), d'où une police de caractères d'au moins trois millimètres (car : 0,375x8 = 3 mm). La taille de la police doit être considérée comme la hauteur maximale occupée par le dessin de tous les caractères, donc du bas des lettres descendantes au haut des lettres ascendantes y compris avec signes diacritiques, à laquelle s'ajoutent les talus de tête et de pied. Il suffit, pour s'assurer du respect de cette prescription réglementaire, de diviser la hauteur en millimètres d'un paragraphe (mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne) par le nombre de lignes qu'il contient. Le quotient ainsi obtenu doit être au moins égal à trois millimètres.

Il y a lieu de constater comme l'a fait le premier juge, que plusieurs paragraphes du contrat ne respectent pas la prescription règlementaire de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour ce motif.

Sur le défaut d'information relatif à l'étendue de l'engagement

Les appelants soutiennent ne pas avoir reçu d'informations précontractuelles quant à l'étendue de leur engagement en violation de l'article L. 311-6 du code de la consommation.

Aux termes de l'article L. 312-12 du code de la consommation applicable en la cause, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, sous forme d'une fiche d'informations, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement. L'article R. 312-2 du même code précise la liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d'informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation.

La société Carrefour Banque produit aux débats la fiche d'informations précontractuelles remise aux emprunteurs comportant toutes les informations requises de nature à leur permettre d'appréhender l'étendue de leur engagement, de sorte que le grief est infondé.

Sur le manquement à une obligation d'alerte

Les appelants invoquent un manquement à l'obligation d'alerte prévue à l'article L. 311-22-2 du même code.

Aux termes de l'article L. 312-36 du code de la consommation applicable en l'espèce, dès le premier manquement de l'emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur informe celui-ci des risques qu'il encourt au titre des articles L. 312-39 et L. 312-40 ainsi que, le cas échéant, au titre de l'article L. 141-3 du code des assurances.

Ces dispositions ne sont pas sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts de sorte que le grief est infondé.

Sur la demande de dommages intérêts

Les appelants font valoir que la banque n'a pas respecté son obligation de conseil et son devoir de mise en garde et a mis en 'uvre abusivement la déchéance du terme du contrat de sorte qu'ils doivent être indemnisés à hauteur de 10 000 euros.

Aucune faute ne peut être reprochée au prêteur qui a mis en 'uvre de manière parfaitement régulière la déchéance du terme du contrat.

Il est admis que le banquier est tenu à l'égard de ses clients profanes d'un devoir de mise en garde, en cas de risque d'endettement excessif de l'emprunteur. Ce devoir oblige le banquier, avant d'apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client et à l'alerter des risques encourus.

Le devoir de mise en garde n'existe donc qu'à l'égard de l'emprunteur profane et n'existe qu'en cas de risque d'endettement excessif.

Il appartient pas à l'emprunteur de rapporter la preuve qu'il doit être considéré comme profane et qu'à l'époque de la souscription du crédit litigieux, sa situation financière imposait l'accomplissement par la banque de son devoir de mise en garde.

En l'espèce, il n'est pas contestable que M. et Mme [Z] doivent être considérés comme des consommateurs non avertis.

L'offre de prêt avait pour but de regrouper les crédits antérieurement contractés par M. et Mme [Z] dont les mensualités s'élevaient à un total de 488,39 euros ramenées à 307,88 euros. La fiche de dialogue remplie et signée par les emprunteurs le 10 août 2019 fait état de revenus mensuels de 3 306 euros avec des charges de 2 578,63 euros incluant les échéances des crédits rachetés soit avec les échéances du nouveau crédit, des charges de 2 398 euros, soit un reste à vivre de plus de 900 euros charges déduites.

Le montant des revenus est corroboré par les avis d'impôts sur les revenus de 2018 et 2019 pour les revenus de 2017 et 2018, tels que remis au moment de la souscription du contrat qui font état de l'ordre de 40 000 euros de revenus annuels déclarés. L'avis d'imposition 2020 sur les revenus de 2019 communiqué par les appelants mentionne un revenu annuel déclaré de 40 504 euros qui ne diffère pas fondamentalement de celui déclaré en 2018.

Les autres pièces communiquées sont relatives à une taxe foncière pour 2020 de 2 599 euros, à un tableau d'amortissement d'un crédit de la Caisse d'épargne sans que le contrat ne soit produit et à un contrat d'adhésion à une assurance Capitol Senior.

A défaut d'élément contraire, le contrat de prêt était donc parfaitement adapté aux besoins du couple.

En l'absence de risque d'endettement excessif, la société Carrefour Banque n'était donc pas tenue d'un devoir de mise en garde.

C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté les intéressés de leur demande d'indemnisation et de compensation avec les sommes dues au titre du contrat de crédit.

Sur le montant de la créance

La société Carrefour Banque produit à l'appui de sa demande l'offre validée, la fiche d'informations précontractuelles, le document propre aux regroupements de crédits, la notice d'assurance la fiche de dialogue (ressources et charges) ainsi que les pièces de solvabilité, le tableau d'amortissement du crédit, un historique de compte, un détail de créance.

En application de l'article L. 341-8 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Au vu des pièces justificatives produites, c'est à juste titre que le premier juge a fixé la créance de la société Carrefour Banque à la somme de 27 635,61 euros (capital emprunté de 28 035,61 euros sous déduction de la somme de 400 euros versée depuis l'origine du contrat). Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme [Z] au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement et en ce qu'il a écarté l'application d'un taux légal majoré telle que prévue à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Sur la demande de délais de paiement

La demande de délais de paiement n'est fondée sur aucune pièce justificative de sorte que le jugement ayant d'ores et déjà rejeté cette demande doit être confirmé. Il en est de même de la demande visant à dire que les règlements s'imputeront sur le capital.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées. M. et Mme [Z] qui succombent sont tenus in solidum aux dépens d'appel et sont condamnés au paiement d'une somme de 750 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties doivent être déboutées de toute autre demande plus ample ou contraire.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Condamne M. [X] [Z] et Mme [V] [Z] née [T] in solidum à verser à la société Carrefour Banque la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [X] [Z] et Mme [V] [Z] née [T] in solidum aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Coralie Goutail, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/13656
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.13656 ?
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