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23/03/2023 | FRANCE | N°21/11738

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 23 mars 2023, 21/11738


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 23 MARS 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11738 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5JY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 janvier 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS- RG n° 11-20-007880





APPELANTE



Madame [U] [R] [P]

née le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 9] (92)

[Adres

se 5]

[Localité 8]



représentée et assistée de Me Astou DIAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0436

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/010967 du 09/06/2021 accordée pa...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 23 MARS 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/11738 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5JY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 janvier 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS- RG n° 11-20-007880

APPELANTE

Madame [U] [R] [P]

née le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 9] (92)

[Adresse 5]

[Localité 8]

représentée et assistée de Me Astou DIAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0436

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/010967 du 09/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

La BANQUE POPULAIRE RIVES DE [Localité 10], société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable, agissant poursuites et diligences de son directeur général domicilié ès-qualités audit siège

N° SIRET : 552 002 313 02852

[Adresse 7]

[Localité 6]

représentée par Me Yves-Marie RAVET de la SELARL RAVET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209

substitué à l'audience par Me Pierre-Yves CAUVET de la SELARL RAVET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [U] [R] [P] était titulaire dans les livres de la société Banque Populaire Rives de [Localité 10] (la banque) d'un compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX03] ouvert le 25 août 2015, d'un livret jeune n° [XXXXXXXXXX02] ouvert le 11 octobre 2013 et d'un livret A n° [XXXXXXXXXX04].

Le 13 juin 2019, le compte de dépôt de Mme [R] [P] a été crédité par l'effet de deux remises de chèques de 10 225,10 euros puis de 15 135,20 euros.

Le 17 juin 2019, 31 virements ont été effectués depuis ce compte vers un compte tiers, pour une somme totale de 19 980 euros. Le 25 juin 2019, les chèques de 10 225,10 euros d'une part, et de 15 135,20 euros d'autre part, sont revenus avec la mention « impayé-signature non conforme ». Le 30 juillet 2019, la banque a clôturé le compte de Mme [R] [P].

Saisi le 3 août 2020 par Mme [R] [P] d'une demande tendant principalement à la condamnation de la banque à l'annulation des opérations de banque et au paiement de dommages et intérêts, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 28 janvier 2021 auquel il convient de se reporter, a :

- débouté Mme [R] [P] de ses demandes dirigées contre la banque,

- condamné Mme [R] [P] à payer à la banque la somme de 5 721,03 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2020,

- condamné Mme [R] [P] à payer à la banque la somme de 10 225,10 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2020,

- débouté la banque de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a considéré que le caractère irrégulier ou frauduleux des opérations bancaires n'était pas établi et que la responsabilité de la banque ne pouvait pas être engagée. Il a ensuite constaté que la banque rapportait la preuve de l'existence de sa créance et a fait droit à sa demande reconventionnelle en paiement.

Par une déclaration en date du 24 juin 2021, Mme [R] [P] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions n° 2 remises le 29 novembre 2022, l'appelante demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de juger nulles les opérations de virement frauduleux d'un montant total de 19 980 euros,

- de condamner la banque à lui restituer les soldes de ses autres comptes sur son compte PEE pour un montant total de 4 018,25 euros,

- de condamner la banque à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- de condamner la banque à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante expose avoir été victime d'une escroquerie de la part de son ancien compagnon, M. [T] auquel elle impute l'encaissement des 2 chèques et la réalisation des transferts d'argent contre lequel elle a déposé plainte le 27 juin 2019.

Elle soutient que la banque a manqué à ses obligations contractuelles en s'abstenant de contrôler la conformité de la signature des chèques déposés puis en laissant s'effectuer plusieurs virements sans s'assurer du correct encaissement des chèques. Elle indique que les chèques n'ont pas été encaissés par elle et que sa signature a été falsifiée.

Elle souligne que ces manquements de la banque lui ont causé un important préjudice en aggravant sa situation financière puis souligne que son compte a été clôturé sans préavis et expose la situation difficile dans laquelle elle se trouve désormais.

Par des conclusions remises le 2 décembre 2022, la banque demande à la cour :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner Mme [R] [P] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de déclarer Mme [R] [P] irrecevable en sa nouvelle demande visant à « juger nul des opérations de virement frauduleux »,

- de débouter Mme [R] [P] de l'ensemble de ses prétentions, fins et moyens,

- de condamner Mme [R] [P] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Elle conteste tout manquement à son obligation de vigilance, rappelle que les dispositions des articles L. 561-6 et L. 561-10-2 du code monétaire et financier visent à lutter contre le blanchiment et non à protéger le client contre des agissements frauduleux et que sa cliente ne peut pas demander de dommages et intérêts sur le fondement de ces dispositions.

La banque relève que la falsification de sa signature alléguée par l'appelante n'est pas démontrée, vise l'article L. 131-38 du code monétaire et financier pour rappeler qu'elle n'est pas tenue de contrôler la régularité de cette signature puis signale que les chèques litigieux sont des chèques pré-barrés et non endossables qu'elle était tenue d'encaisser conformément à l'article L. 131-37 du même code.

Elle conteste avoir commis une faute en ne conservant pas les chèques litigieux dès lors qu'ils ont été remis à Mme [R] [P] qui ne le conteste pas. La banque rappelle ensuite la teneur du principe de non-immixtion de la banque dans les affaires de son client, conteste tout manquement à son devoir de conseil et conteste le caractère inhabituel des virements opérés alors même que sa cliente procédait régulièrement à des virements ou des retraits de sommes importantes.

L'intimée se prévaut du compte-rendu de dépôt de plainte de l'appelante pour indiquer que cette dernière avait confié sa carte bancaire à son ancien conjoint qui a procédé aux virements litigieux et qu'elle est seule responsable de l'escroquerie prétendument réalisée et que la banque ne saurait être tenue au paiement de dommages et intérêts. Elle conteste ensuite avoir octroyé à l'appelante un découvert abusif en indiquant qu'aucune autorisation de découvert ne lui avait été consentie et souligne que le découvert constaté s'explique par la fraude de type « cavalerie » réalisée.

Visant l'article 910-4 du code de procédure civile, elle indique que la demande de l'appelante tendant à constater la nullité des opérations de virement est irrecevable car nouvelle en cause d'appel, relève que les frais dont l'appelante demande le remboursement ne sont pas identifiés ni chiffrés et que la preuve de l'existence du Plan épargne entreprise visé par Mme [R] [P] n'est pas rapportée. La banque produit enfin un détail des opérations survenues sur le compte de la débitrice et demande le paiement de la somme de 5 721,03 euros.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 25 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes des articles L. 133-16 et L. 133-17 du code monétaire et financier, il appartient à l'utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité des dispositifs de sécurité personnalisés et d'informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l'instrument de paiement ou des données qui lui sont liées. Cependant, c'est à ce prestataire qu'il appartient en application des articles L. 133-19 IV et L. 133-23 du même code de rapporter la preuve que l'utilisateur qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave, à ses obligations.

Il est admis que cette preuve ne peut se déduire du seul fait que l'instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés.

En cas d'utilisation d'un dispositif de sécurité personnalisé, il appartient également au prestataire de prouver que l'opération en cause a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

En vertu de l'article L. 133-44 du même code, le prestataire de services de paiement applique l'authentification forte du client définie au f de l'article L. 133-4 lorsque le payeur :

1° Accède à son compte de paiement en ligne ;

2° Initie une opération de paiement électronique ;

3° Exécute une opération par le biais d'un moyen de communication à distance, susceptible de comporter un risque de fraude en matière de paiement ou de toute autre utilisation frauduleuse.

Le 6 juin 2019, le compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX03] de Mme [R] [P] était créditeur de 5,79 euros. Le 14 juin 2019, deux chèques de 10 225,10 euros et 15 135,20 euros y ont été portés au crédit avec une date de valeur au 13 juin 2019.

Le 14 juin 2019 un virement « EVI BINTA C 1301233 » a été émis pour 5 000 euros.

Le 17 juin 2019 ont été émis :

- 29 virements « EVI BINTA C 1301233 » de 500 euros chacun,

- 1 virement « EVI BINTA C 1301233 » de 480 euros,

- 3 virements « MLLE [U] [R] V RAPID EPARGNE » de 500 euros chacun, qui apparaissent au crédit de son livret jeune le même jour,

- 1 virement de 15 135,20 euros « END LAF [R] [U] ».

Le même jour divers paiements ont été effectués par carte bancaire.

Le 18 juin 2019, des virements « REJ BINTA 184018300442 » ont recrédité le compte de Mme [R] [P] : 9 de 500 euros et un de 480 euros.

Le chèque d'un montant de 15 135,20 euros a été contrepassé au débit du compte portant le solde débiteur à 5 615,81 euros, lequel a ensuite atteint 5 721,03 euros du fait des intérêts. Le montant du chèque de 10 225,10 euros n'a pas été contrepassé mais mis sur un compte « effet impayé ».

La société Banque populaire Rives de [Localité 10] produit la lettre du 25 juin 2019 de rejet du chèque de 10 225,10 euros ainsi que la copie dudit chèque. Mme [R] [P] produit de son côté la lettre de rejet du chèque d'un montant de 15 135,20 euros ainsi que la copie dudit chèque.

Il en résulte qu'il s'agit de 2 chèques pré-barrés émis depuis le compte HSBC de la SAS YESONTALENTS rejetés pour cause de « signature non conforme ». La cour observe que la signature non conforme ainsi visée sur les lettres de rejet est celle du tiré et non celle qui figure au dos du chèque.

Il résulte de la plainte de Mme [R] [P] que celle-ci a reconnu avoir volontairement remis sa carte bleue et son code à son compagnon pour lui permettre d'encaisser des chèques sur son compte.

Dès lors elle ne peut soutenir que ces chèques ont été déposés sur son compte sans son accord. Dès lors qu'elle a donné son accord à l'encaissement de ces chèques en remettant volontairement à un tiers les moyens de les encaisser sur son compte, elle ne peut utilement reprocher à la banque d'avoir porté les chèques au crédit de son compte sans vérification de sa signature au dos étant au surplus observé qu'elle ne produit aucune pièce de comparaison. Sa propre banque ne pouvait bien évidemment pas vérifier la signature du tiré que seule la banque de celui-ci connaît. Elle ne démontre pas davantage le caractère très inhabituel des montants puisqu'elle ne produit que ses relevés des mois d'avril et de juin 2019.

Aucune faute n'a donc été commise par la banque dans l'encaissement des chèques.

S'agissant des virements, la demande tendant à voir « juger nulles les opérations de virement frauduleux d'un montant total de 19 980 euros » apparaît recevable en ce qu'elle tend aux mêmes fins que celle qui figurait dans les premières conclusions qui tendait à la condamnation de la banque à lui rembourser la perte générée par les opérations de virement frauduleux d'un montant total de 19 980 euros ainsi que les frais y afférents.

Force est toutefois de constater que ni dans sa plainte ni dans ses premières écritures, elle n'a nié en être l'auteur. Trois d'entre eux ont d'ailleurs été réalisés au profit de son livret jeune. Ce n'est que dans ses dernières écritures qu'elle soutient que c'est son ex-compagnon qui a effectué plusieurs transferts d'argent de compte à compte pour un montant total de 19 980 euros. Pour autant la cour observe qu'elle ne reproche en fait aucun manquement à la banque en ce qui concerne la réalisation de ces virements mais en demande le remboursement au motif de l'encaissement préalable des chèques ayant permis les virements. En tout état de cause, soit elle les a réalisés elle-même, soit elle a fourni les moyens de les réaliser. Elle doit donc être déboutée de cette demande.

La clôture des comptes de Mme [R] [P] a été prononcée en application des dispositions de l'article 12-2-2 de la convention de compte qui permet à la banque de procéder à sa clôture sans préavis lorsque le client a eu un comportement gravement répréhensible et notamment une utilisation abusive du découvert ou des instruments de paiement. La banque qui a envoyé à Mme [R] [P] le 17 juillet 2019 une lettre la mettant en demeure de régulariser la situation, puis l'a informée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 juillet 2019 qu'elle procédait à la clôture définitive de son compte n° [XXXXXXXXXX03] n'a donc pas commis de faute. Elle l'a également mise en demeure de lui rembourser dans un délai de 8 jours la somme totale de 15 911,35 euros représentant le solde débiteur du compte de dépôt n° [XXXXXXXXXX03] et le solde débiteur du compte dit « impayé à recouvrer » correspondant au chèque revenu impayé de 10 225,10 euros. Elle a également clôturé le livret jeune n° [XXXXXXXXXX02] et le livret A n° [XXXXXXXXXX04] le 21 août 2019 et a affecté leurs soldes créditeurs, s'élevant respectivement à 10,74 euros et 0,07 euros au remboursement du solde débiteur du compte n° [XXXXXXXXXX03].

Il ne résulte d'aucune pièce que Mme [R] [P] aurait été détentrice d'un PEE (Plan Epargne Entreprise) dans les comptes de la société Banque populaire Rives de [Localité 10].

Mme [R] [P] doit donc être déboutée de ses demandes et le jugement doit être confirmé.

Mme [R] [P] qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel. Dans la mesure où elle bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, il apparaît équitable de laisser supporter à Mme [R] [P] la charge de ces frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Déclare Mme [U] [R] [P] recevable en ses demandes mais l'en déboute ;

Condamne Mme [U] [R] [P] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/11738
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.11738 ?
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