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23/03/2023 | FRANCE | N°21/10929

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - a, 23 mars 2023, 21/10929


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 23 MARS 2023



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10929 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3C4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 novembre 2020 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-19-000015





APPELANTS



Monsieur [I] [D]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 8]<

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[Adresse 10]

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représenté par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878

assisté de Me Mathieu ROUILLARD, avocat au barreau de PERPIGNAN,

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 23 MARS 2023

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10929 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3C4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 novembre 2020 - Juge des contentieux de la protection de PARIS - RG n° 11-19-000015

APPELANTS

Monsieur [I] [D]

né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 8]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

représenté par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878

assisté de Me Mathieu ROUILLARD, avocat au barreau de PERPIGNAN,

substitué à l'audience par Me Pauline LARROCHETTE, avocat au barreau de ROUEN

Madame [B] [D]

née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878

assisté de Me Mathieu ROUILLARD, avocat au barreau de PERPIGNAN,

substitué à l'audience par Me Pauline LARROCHETTE, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉES

La société DOMOFINANCE, société anonyme prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 450 275 490 00057

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

La société FINANCO, société anonyme agissant en la personne de son représentant légal domiciliée audit siège

N° SIRET : 338 138 795 00467

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Hugues MAISON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0600

La société FRANFINANCE, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 719 807 406 00884

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

La société CA CONSUMER FINANCE, société anonyme prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 542 097 522 03309

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

représentée par Me Serena ASSERAF, avocat au barreau de PARIS, toque : B0489

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 542 097 902 04319

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [E] [D] née [J] a souscrit neuf crédits auprès de plusieurs établissements bancaires afin de financer des travaux à son domicile, commandés auprès de deux sociétés Gouriny and co exerçant sous l'enseigne Start Energie et Eco-home47.

Elle a ainsi souscrit :

- le 17 mars 2014, auprès de la société Franfinance, un crédit affecté à des travaux d'isolation de combles pour un montant de 5 200 euros remboursable en 60 mensualités de 108,04 euros chacune à compter du 10 octobre 2014 au taux d'intérêts conventionnel de 4,79 % l'an,

- le 24 mars 2014, auprès de la société Financo, un crédit affecté à l'installation de radiateurs pour un montant de 12 000 euros remboursable en 60 mensualités de 262,55 euros chacune à compter du 24 mai 2014, au taux d'intérêts conventionnel de 6,72 % l'an,

- le 2 avril 2014, auprès de la société Financo, un crédit affecté à des travaux d'isolation de combles pour un montant de 5 000 euros remboursable en 60 mensualités 109,40 euros chacune à compter du 24 juin 2014 au taux d'intérêts conventionnel de 6,72 % l'an,

- le 2 avril 2014, auprès de la société Franfinance, un crédit affecté à des travaux de réfection de la toiture d'un montant de 9 000 euros remboursable en 60 mensualités de 182,47 euros chacune à compter du 20 mai 2014, au taux d'intérêts conventionnel de 4,79 % l'an,

- le 21 octobre 2014, auprès de la société BNP Paribas Personal Finance, un crédit affecté à des travaux d'isolation de combles pour montant de 18 000 euros remboursable en 60 mensualités de 361,50 euros chacune à compter du 20 décembre 2014, au taux d'intérêts conventionnel de 4,84 % l'an,

- le 18 août 2015, auprès de la société CA Consumer Finance, un crédit affecté à l'installation d'un ballon thermodynamique d'un montant de 3 000 euros remboursable en 36 mensualités au taux d'intérêts conventionnel de 7,65 % l'an,

- le 24 août 2015, auprès de la société CA Consumer Finance, un crédit affecté à l'installation d'un système de traitement de l'eau d'un montant de 8 200 euros remboursable en 48 mensualités au taux d'intérêts conventionnel de 7,65 % l'an,

- le 11 septembre 2015, auprès de la société Domofinance, un crédit affecté à l'installation d'une pompe à chaleur d'un montant de 21 500 euros remboursable en 48 mensualités d'un montant de 492,98 puis de 468,61 euros chacune, au taux d'intérêts conventionnel de 2,23 % l'an,

- le 2 octobre 2015, auprès de la société Domofinance, un crédit affecté à l'installation d'un système de ventilation d'un montant de 4 000 euros remboursable en 40 mensualités de 106,75 euros chacune au taux d'intérêts conventionnel de 3,87 % l'an.

Par décision du juge des tutelles d'Agen du 29 mars 2016, Mme [D] a été placée sous sauvegarde de justice dans le cadre de l'instance pendante tendant à la voir placée sous un régime de protection, avec désignation d'un mandataire spécial notamment pour percevoir ses revenus, les appliquer à son entretien et à l'acquittement des dettes auxquelles elle pourrait être tenue et faire fonctionner ses comptes bancaires. Elle est décédée le [Date décès 6] 2016 à l'âge de 77 ans.

Saisi par actes d'huissier des 26, 27, 28 septembre 2018 et 19 décembre 2018 par les enfants de Mme [E] [D], d'une demande tendant principalement à l'annulation des contrats de crédit pour vice du consentement, le tribunal judiciaire de Paris, par un jugement contradictoire rendu le 27 novembre 2020 auquel il convient de se reporter, a :

- déclaré M. et Mme [D] recevables dans leurs demandes,

- prononcé la nullité des neuf contrats de crédit souscrits par Mme [E] [D],

- condamné solidairement M. et Mme [D] en leur qualité d'héritiers de Mme [D] à restituer aux établissements bancaires le montant des sommes empruntées soit les sommes de 5 200 euros et 9 000 euros à la société Franfinance, de 12 000 et 5 000 euros à la société Financo, de 18 000 euros à la société BNP Paribas personal finance, de 3 000 euros et 8 200 euros à la société CA Consumer Finance, de 21 500 euros et 4 000 euros à la société Domofinance,

- condamné les établissements bancaires à restituer à M. et Mme [D] le montant des échéances perçues en exécution des contrats, avec compensation des sommes dues,

- dit que les sommes restituées porteront intérêts au taux légal à compter de la décision,

- débouté M. et Mme [D] de leurs demandes indemnitaires,

- condamné in solidum les sociétés Franfinance, Financo, BNP Paribas personal finance, CA Consumer Finance, Domofinance, à payer à M. et Mme [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre à prendre en charge les dépens en ce compris les frais d'expertise du Docteur [W], désigné par ordonnance de référé du 28 avril 2017,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour considérer les consorts [D] recevables en leur action, le premier juge a constaté leur qualité à agir en tant qu'héritiers de Mme [E] [D], souscripteur des contrats litigieux. Il a également relevé qu'aucune irrecevabilité n'était encourue en l'absence de mise en cause des vendeurs alors que les demandeurs avaient fait le choix de solliciter l'annulation des contrats de crédit affectés pour trouble mental sans remettre en cause les contrats principaux.

Il a retenu que la preuve de l'altération des facultés mentales de Mme [D] était suffisamment démontrée pour les années 2014 et 2015, avec présence d'un état d'affaiblissement physique et psychique la rendant vulnérable et influençable de sorte que les neuf contrats de crédits devaient être annulés et les parties remises en leur état antérieur avec restitution des sommes perçues. Il a débouté les établissements de crédit de leurs demandes en paiement du solde des prêts.

S'agissant de la demande des consorts [D] tendant à voir condamner les établissements bancaires à leur verser in solidum une somme correspondant au montant des contrats de crédit annulés pour perte de chance et à l'abus de faiblesse commis à l'égard de leur mère, le premier juge a considéré que les prêteurs ne pouvaient être tenus pour responsables des agissements des entreprises ayant réalisé les travaux au domicile de Mme [D] pour des sommes exorbitantes et alors que des poursuites pénales étaient actuellement en cours à l'encontre de ces prestataires. Il a considéré que la preuve d'un manquement des établissements de crédit à leur devoir de mise en garde n'était pas rapportée dans la mesure où ils justifiaient avoir délivré l'ensemble des informations utiles à l'emprunteuse, avoir vérifié sa solvabilité et qu'ils ne pouvaient se voir reprocher de n'avoir pas eu connaissance de la multiplication de la souscription d'autres crédits auprès d'autres établissements.

S'agissant de la demande de condamnation à la somme de 100 000 euros à titre de réparation d'un préjudice moral, le premier juge a relevé que les établissements de crédit ne pouvaient être tenus responsables des agissements délictueux des entreprises ayant proposé la réalisation de travaux au domicile de Mme [D] et que les héritiers de celle-ci ne justifiaient pas d'un préjudice au-delà de l'exercice d'une action en justice.

Par une déclaration enregistrée le 11 juin 2021, M. et Mme [D] ont relevé appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 9 mars 2022, ils demandent à la cour :

- de les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés solidairement à restituer les sommes perçues au titre de chacun des prêts souscrits avec intérêts au taux légal et les a déboutés de leurs demandes indemnitaires,

- statuant à nouveau de ces chefs, de condamner la société Franfinance à leur payer à titre de dommages et intérêts au regard des fautes commises les sommes de 5 200 euros et 9 000 euros outre les intérêts, frais et accessoires à parfaire,

- de condamner la société Financo à leur payer à titre de dommages et intérêts au regard des fautes commises les sommes de 12 000 euros et 5 000 euros, outre les intérêts, frais et accessoires à parfaire,

- de condamner la société « Cetelem » à leur payer, à titre de dommages et intérêts au regard des fautes commises, la somme de 18 000 euros outre les intérêts, frais et accessoires à parfaire,

- de condamner la société « Sofinco » à leur payer, à titre de dommages et intérêts au regard des fautes commises les sommes de 3 000 euros et 8 200 euros outre les intérêts, frais et accessoires à parfaire,

- de condamner la société Domofinance à leur payer à titre de dommages et intérêts au regard des fautes commises les sommes de 21 500 euros et 4 000 euros outre les intérêts, frais et accessoires à parfaire,

- subsidiairement s'ils devaient restituer le capital des crédits à la consommation, de bénéficier de la compensation conformément aux articles 1289 et suivants du code civil et d'ordonner la restitution des sommes versées par la de cujus ou ses ayants droits en ce compris le capital, les intérêts et les frais sous astreinte de 1 000 euros par jour à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- de débouter les sociétés BNP Paribas Personal Finance, CA Consumer finance, Financo, Dominance et Franfinance de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- de condamner conjointement et solidairement l'ensemble des banques à leur payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ainsi que la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de la présente instance.

Les appelants expliquent avoir découvert au décès de leur mère que celle-ci avait, peu de temps avant son décès, été démarchée à domicile par deux entreprises, la société Gouriny and co et la société Eco-Home47 lesquelles lui avaient fait commander et facturer en une année un nombre important de travaux à l'utilité contestable pour une valeur de 117 800 euros apparemment très supérieure à leur valeur réelle et avec parfois des prestations facturées deux fois. Ils ajoutent que certains travaux ont été payés comptant et d'autres au moyen de nombreux crédits souscrits en parallèle et alors que Mme [D] était déjà âgée et présentait des facultés cognitives altérées depuis 2012. Ils ajoutent que les deux sociétés ont été placées depuis en liquidation judiciaire, qu'un expert a été désigné afin de déterminer les désordres relatifs aux travaux réalisés par ces sociétés, que cet expert met en exergue de multiples malfaçons ainsi qu'une surfacturation exorbitante et que la Présidente du tribunal de grande instance d'Agen a adressé un soit-transmis à Monsieur le Procureur de la République d'Agen afin qu'une enquête pénale soit diligentée compte tenu des conclusions expertales édifiantes.

Ils expliquent avoir alors saisi la justice pour que leur mère soit placée sous un régime de protection puis après son décès, en sollicitant en référé l'organisation d'une expertise médicale dont les conclusions sont datées du 1er février 2018.

Ils soutiennent à titre liminaire que leur action est recevable en dépit de l'absence de mise en cause des sociétés prestataires puisqu'ils entendent solliciter l'annulation des seuls contrats de crédit souscrits par leur mère pour vice du consentement sur le fondement des dispositions de l'article 414-1 du code civil. Ils précisent qu'une action est menée en même temps à l'encontre des sociétés prestataires avec notamment une ouverture d'information auprès des juridictions d'Agen.

Visant l'ancien article L. 122-8 du code de la consommation et l'article 1178 du code civil, ils rappellent que les prêteurs ont octroyé des crédits à la consommation alors même que l'altération des facultés mentales de Mme [D] était manifeste tout comme son endettement à venir puisqu'elle a souscrit 9 crédits en quelques mois pour un montant total de 85 900 euros générant l'équivalent du montant de sa retraite, soit environ 1 500 euros au titre des remboursements mensuels. Ils contestent ainsi à avoir à rembourser le capital de chaque contrat, estimant que les établissements de crédit ont manqué à leur devoir de mise en garde et en raison de l'abus de faiblesse commis à l'égard de leur mère avec réparation du préjudice de perte de chance de ne pas contracter, évalué à la même somme que le capital emprunté pour chaque contrat avec compensation des sommes dues. Ils estiment également que les établissements de crédit sont responsables des agissements des deux sociétés mises en cause pénalement, que cette faute est en lien avec l'important préjudice moral qu'ils ont subi et qu'ils évaluent à 100 000 euros.

Par des conclusions remises le 10 décembre 2021, la société Financo demande à la cour :

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les appelants recevables en leurs demandes,

- de dire que M. et Mme [D] sont irrecevables et mal fondés en leurs demandes à son encontre, et les en débouter,

- subsidiairement, d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des contrats de crédits affectés conclus les 24 mars et 2 avril 2014,

- de condamner M. et Mme [D] solidairement, en leur qualité d'ayant-droits de Mme [E] [D], à lui payer la somme de 8 831,88 euros suivant décompte arrêté au 15 février 2091 au titre du prêt consenti le 24 mars 2014 outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 16 février 2019 et la somme de 4 735,57 euros suivant décompte arrêté au 15 février 2019, au titre du prêt consenti le 2 avril 2014, outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 16 février 2019,

- à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation des contrats de crédit, de débouter M. et Mme [D] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné les restitutions réciproques entre les parties et la compensation des sommes dues,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [D] de leurs demandes indemnitaires,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Financo, Domofinance, CA Consumer Finance et BNP Paribas Personal Finance, à payer à M. et Mme [D] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens et a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- de condamner solidairement M. et Mme [D] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel outre les dépens.

La société Financo soutient que les demandes des appelants tendant à l'annulation des contrats de crédit affectés sont irrecevables dès lors qu'ils n'ont pas attrait dans la cause les sociétés venderesses, signataires de contrats principaux et à partir du moment où il s'agit d'opérations commerciales uniques comme le précise l'article L. 311-1 11° du code de la consommation. Ils ajoutent qu'il est inconcevable de solliciter l'annulation du crédit sans solliciter celle du contrat de de vente de sorte que l'article L. 311-21 du code de la consommation visé par le premier juge ne saurait s'appliquer dans la présente espèce et qu'il ne s'applique pas aux seuls établissements financiers.

Subsidiairement elle soutient que les contrats de crédit ont été régulièrement consentis, que l'altération des facultés intellectuelles de l'emprunteuse n'est pas clairement établie s'agissant de l'année 2014 puisque l'expert judiciaire est nettement moins affirmatif s'agissant de cette année-là. Elle indique que la cessation du remboursement des échéances du crédit au décès de l'emprunteuse a justifié la déchéance du terme du contrat et qu'elle produit un décompte des sommes restant dû.

Elle fait valoir que l'annulation des contrats conduirait à des restitutions réciproques et à la compensation des créances connexes conformément aux articles 1347 et suivants du code civil.

Elle soutient avoir respecté l'ensemble des dispositions du code de la consommation lors de la conclusion du contrat et conteste avoir commis la moindre faute. Elle explique qu'après réception des demandes de financement et des procès-verbaux de réception des travaux sans réserve, avoir débloqué les fonds au profit du vendeur et que seuls les sociétés qui ont démarché ont été physiquement en contact avec Mme [D] de telle sorte qu'elle était parfaitement dans l'impossibilité de s'apercevoir d'une quelconque altération des facultés cognitives de Mme [D] au moment de la souscription des prêts, à supposer bien sûr que cette altération ait été avérée en 2014 et à partir du moment où elle n'a été placée sous sauvegarde de justice que deux années plus tard.

Elle affirme s'être assurée de la solvabilité de l'emprunteuse en ce que les fiches de dialogue corroborées par les éléments de solvabilité mentionnent qu'elle est retraitée et perçoit une pension de 1 562 euros par mois, qu'elle est propriétaire de son logement depuis 39 ans, qu'elle n'a pas d'enfant à charge et un seul crédit en cours dont l'échéance mensuelle était de 237,35 euros. Elle ajoute que les échéances du crédit ont ensuite été régulièrement remboursées. Elle rappelle qu'il appartient à l'emprunteur de déclarer ses charges d'emprunts et qu'elle n'est pas en mesure de le vérifier. Elle estime que le préjudice moral n'est pas démontré.

Par des conclusions remises le 10 décembre 2021, la société CA Consumer Finance demande à la cour :

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de débouter M. et Mme [D] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

- de les condamner solidairement à lui payer une somme de 6 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Après avoir indiqué qu'elle ne contestait pas l'annulation des contrats de crédit, elle fait valoir que sur le fondement des articles 1178 du code civil et L. 122-8 du code de la consommation, les ayants-droit de l'emprunteuse sont tenus de rembourser le capital emprunté dès lors qu'aucun grief ne peut lui être reproché.

Elle rappelle que les contrats de crédit étaient accessoires à des ventes et relève que les deux sociétés venderesses, parties aux contrats principaux, n'ont pas été mises en cause. Elle conteste ne s'être rendue coupable d'aucun abus de faiblesse, reproche qui ne peut être adressé selon elle qu'aux sociétés ayant démarché Mme [D], qu'elle n'a fait que débloquer les fonds au vu des attestations de fin de travaux et des procès-verbaux de réception sans réserve des travaux. Elle souligne qu'elle n'était pas informée de l'altération des facultés mentales de l'emprunteuse et qu'elle ne saurait être tenue au paiement de dommages et intérêts. Elle conteste tout manquement à un devoir de mise en garde, rappelle qu'il n'existe aucun fichier positif permettant à un établissement financier de vérifier si le même emprunteur a déjà souscrit d'autres crédits à la consommation auprès d'autres établissements financiers et affirme avoir bien vérifié la solvabilité de l'emprunteuse à partir des informations communiquées par elle. Elle ajoute que le préjudice moral allégué par les héritiers de Mme [D] n'est pas établi et que la somme réclamée est infondée.

Par des conclusions remises le 13 décembre 2021, la société Franfinance demande à la cour :

- de confirmer le jugement hormis en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec les autres défenderesses à payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens,

statuant de nouveau des chefs de jugement critiqués,

- de dire et juger que les consorts [D], en conséquence de la nullité des contrats de crédit, devront restituer le montant du capital, soit les sommes de 5 200 euros au titre du contrat n° 101.123.334.21 et de 9 000 euros au titre du contrat n° 101.123.337.10,

- de dire et juger que les consorts [D] ne démontrent aucune faute de sa part engageant sa responsabilité,

- de dire et juger qu'ils ne démontrent pas de perte de chance ni préjudice moral prétendument subi par feue Mme [E] [D],

- en conséquence et en tout état de cause, de les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Franfinance précise qu'elle ne conteste pas l'annulation des contrats prononcée en première instance et sollicite ainsi la confirmation de ce chef. Elle soutient que les parties doivent être remises en leur état antérieur de sorte que les consorts [D] doivent lui restituer le montant du capital emprunté.

Elle conteste avoir manqué à son devoir de mise en garde ou à l'une de ses obligations précontractuelles, explique s'être fiée aux déclarations faites par l'emprunteuse lors de la souscription des crédits. Elle soutient que la demande de dommages et intérêts formulée par les héritiers de Mme [D] n'est ni fondée ni étayée.

Elle indique que le remboursement des prêts souscrits a été pris en charge par la société d'assurance au moment du décès de l'emprunteuse, tout en relevant que le rapport d'expertise a mis en avant une forte mésentente entre Mme [D] et ses enfants de sorte que la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral prétendument subi n'est pas établie selon elle.

Par des conclusions remises le 13 décembre 2021, la société Domofinance demande à la cour :

- de confirmer le jugement hormis en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec les autres défenderesses à payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens,

statuant de nouveau des chefs de jugement critiqués,

- de dire et juger que les consorts [D], en conséquence de la nullité des contrats de crédit, devront restituer le montant du capital, soit la somme de 21 500 euros au titre du contrat de crédit affecté n° 43422807059001 et la somme de 4 000 euros au titre du contrat de crédit affecté n° 43422807059002,

- de dire et juger que les consorts [D] ne démontrent aucune faute de sa part engageant sa responsabilité,

- de dire et juger qu'ils ne démontrent pas de perte de chance ni préjudice moral prétendument subi par feue Mme [E] [D],

- en conséquence et en tout état de cause, de les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Domofinance précise qu'elle n'entend pas relever appel incident s'agissant de l'annulation des contrats et demande confirmation du jugement.

Elle demande également confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné aux consorts [D] de restituer le capital emprunté, s'agissant de la conséquence de l'annulation des contrats. Elle conteste l'existence d'une perte de chance de ne pas contracter dont le montant serait équivalent au montant du capital, outre les intérêts, frais et accessoires.

Elle conteste avoir manqué à son devoir de mise en garde ou à l'une de ses obligations précontractuelles, explique s'être fiée aux déclarations faites par l'emprunteuse lors de la souscription du crédit lesquelles ne faisaient ressortir aucun risque d'endettement, et donc aucune obligation de mise en garde. Elle conclut à la confirmation du jugement ayant rejeté la demande indemnitaire dont elle relève le montant particulièrement élevé, tout en soulignant l'attitude étonnante des consorts [D] puisqu'il ressort du rapport d'expertise et des pièces qui y sont annexées, qu'ils n'entretenaient plus de relation avec leur mère et que l'assurance a pris en charge le remboursement du capital, à la suite du décès de leur mère.

Par des conclusions remises le 13 décembre 2021, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour :

- de confirmer le jugement hormis en ce qu'il l'a déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec les autres défenderesses à payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens,

statuant de nouveau des chefs de jugement critiqués,

- de dire et juger que les consorts [D], en conséquence de la nullité du contrat de crédit, devront restituer le montant du capital, soit la somme de 18 000 euros au titre du contrat de crédit affecté,

- de dire et juger que les consorts [D] ne démontrent aucune faute de sa part engageant sa responsabilité,

- de dire et juger qu'ils ne démontrent pas de perte de chance ni préjudice moral prétendument subi par feue Mme [E] [D],

- en conséquence et en tout état de cause, de les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- de les condamner in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société BNP Paribas Personal Finance précise qu'elle n'entend pas relever appel incident s'agissant de l'annulation des contrats et demande confirmation du jugement.

Elle demande également confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné aux consorts [D] de restituer le capital emprunté, s'agissant de la conséquence de l'annulation du contrat. Elle conteste l'existence d'une perte de chance de ne pas contracter dont le montant serait équivalent au montant du capital, outre les intérêts, frais et accessoires.

Elle conteste avoir manqué à son devoir de mise en garde ou à l'une de ses obligations précontractuelles, explique s'être fiée aux déclarations faites par l'emprunteuse lors de la souscription du crédit lesquelles ne faisaient ressortir aucun risque d'endettement et donc aucune obligation de mise en garde. Elle conclut à la confirmation du jugement ayant rejeté la demande indemnitaire dont elle relève le montant particulièrement élevé, tout en soulignant l'attitude étonnante des consorts [D] puisqu'il ressort du rapport d'expertise et des pièces qui y sont annexées, qu'ils n'entretenaient plus de relation avec leur mère et que l'assurance a pris en charge le remboursement du capital, à la suite du décès de leur mère.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience du 25 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour constate que la qualité à agir des consorts [D] en tant qu'héritiers de Mme [E] [D] n'est plus discutée à hauteur d'appel de sorte que la disposition du jugement ayant rejeté la fin de non-recevoir à ce titre est confirmée.

Sur la recevabilité des demandes en annulation des contrats de crédit

La société Financo maintient à hauteur d'appel que les demandes des appelants tendant à l'annulation des contrats de crédit affectés sont irrecevables dès lors qu'ils n'ont pas attrait dans la cause les sociétés prestataires, signataires de contrats principaux et à partir du moment où il s'agit d'opérations commerciales uniques au sens de L. 311-1 11° du code de la consommation.

Cependant, comme l'a à juste titre relevé le premier juge, M. et Mme [D] entendent agir uniquement en annulation des neuf contrats de crédit affectés souscrits par leur mère en raison de l'altération de ses facultés mentales sur le fondement des articles 414-1 et suivants, 1109 et suivants anciens du code civil, sans invoquer de violation du code de la consommation au stade de la formation des contrats, ni former de demande relative aux contrats principaux.

Dès lors, il ne peut leur être fait grief de ne pas avoir attrait en la cause les sociétés signataires des contrats principaux.

C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir et a reçu M. et Mme [D] en leur action.

Sur la demande d'annulation des contrats de crédit

La cour constate que seule la société Financo requiert à hauteur d'appel l'infirmation du jugement ayant prononcé l'annulation des contrats et l'ayant déboutée de sa demande en paiement du solde des contrats, les sociétés Domofinance, Franfinance, CA Consumer Finance et BNP Paribas personal finance sollicitant confirmation du jugement sur ces points.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé les contrats de crédit souscrits par Mme [D] auprès des sociétés Domofinance, Franfinance, CA Consumer Finance et BNP Paribas personal finance et a rejeté leurs demandes en paiement du solde de ces contrats.

Les appelants maintiennent leur demande d'annulation fondée sur l'altération des facultés mentales de leur mère à la période de souscription des contrats, se fondant notamment sur l'expertise judiciaire réalisée.

Les conditions de formation des seuls contrats souscrits les 24 mars 2014 et 2 avril 2014 par Mme [D] auprès de la société Financo seront donc examinées.

Au regard de la date de conclusion des contrats, c'est à juste titre que le premier juge a fait application des dispositions du code civil en leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Aux termes de l'article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

L'article 414-2 du même code précise qu'après le décès de l'auteur de l'acte, cet acte ne peut être attaqué par les héritiers pour insanité d'esprit que si l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental, s'il a été fait alors que l'intéressé était placé sous sauvegarde de justice ou si une action avait été introduite avant son décès aux fins d'ouverture d'une mesure protection.

Il est admis que l'ouverture d'une sauvegarde de justice puis d'une curatelle ne suffit pas à établir l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. Toutefois selon les dispositions de l'article 464 du code civil, les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux années avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés. Ces actes peuvent dans les mêmes conditions être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée.

Il n'est pas contesté que Mme [E] [D] a passé commande le 24 mars 2014 auprès de la société Gouriny and co de travaux d'installation d'un système de chauffage par radiateurs à inertie pour 12 000 euros TTC, travaux financés au moyen d'un contrat de crédit souscrit le même jour auprès de la société Financo pour 12 000 euros remboursable en 60 mensualités de 262,55 euros chacune assurance comprise à compter du 24 mai 2014, au taux d'intérêts conventionnel de 6,72 % l'an. Les fonds ont été débloqués par la société Financo au vu d'une demande de financement valant attestation de livraison signée le 3 avril 2014 par Mme [D] et d'un procès-verbal de réception des travaux sans réserve signé le 3 avril 2014 par Mme [D].

Il n'est pas contesté non plus que Mme [E] [D] a passé commande le 2 avril 2014 auprès de la société Gouriny and co de travaux d'isolation des combles pour 5 000 euros TTC, travaux financés au moyen d'un contrat de crédit souscrit le même jour auprès de la société Financo pour 5 000 euros remboursable en 60 mensualités de 109,40 euros chacune à compter du 24 juin 2014 au taux d'intérêts conventionnel de 6,72 % l'an. Les fonds ont été débloqués par la société Financo au vu d'une demande de financement valant attestation de livraison signée le 15 avril 2014 par Mme [D] et d'un procès-verbal de réception des travaux sans réserve signé le 15 avril 2014 par Mme [D].

Les deux enfants de Mme [E] [D] ont sollicité le 23 mars 2016 du juge des tutelles d'Agen, l'organisation d'une mesure de protection en faveur de leur mère et Mme [D] a été placée sous le régime de la sauvegarde de justice le 29 mars 2016 par une décision immédiatement exécutoire, avant son décès le [Date décès 6] de la même année. Ils sont donc recevables à agir en annulation des contrats de crédit souscrits par leur mère en 2014 au regard des exigences posées par l'article 414-2 du code civil.

Les appelants fondent notamment leur demande d'annulation des contrats sur le rapport d'expertise du Docteur [W], expert commis à leur demande, suivant ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Paris du 28 avril 2017 afin de procéder à l'examen du dossier médical de Mme [D] et de fournir tous éléments permettant d'éclairer la juridiction qui sera saisie sur la question de l'altération des capacités mentales de l'intéressée et de déterminer en particulier à partir de quelle date elle n'était plus apte à souscrire des conventions.

Le bilan neurologique pratiqué le 29 avril 2015 sur Mme [D] à l'occasion de son hospitalisation au Centre Hospitalier d'[Localité 8], fait état d'une altération modérée quoique incontestable de ses fonctions intellectuelles supérieures, avec une affectation de sa capacité à gérer les entrées et les sorties de son propre budget, outre un état général dégradé lié à une alcoolopathie ancienne compliquée de polynévrite des membres inférieurs, une insuffisance respiratoire chronique appareillée, une insuffisance coronarienne qui aggrave la vulnérabilité et l'influençabilité d'ores et déjà constatée.

Le Docteur [K], expert psychiatre inscrit sur la liste du Procureur de la République commis dans le cadre de l'ouverture de la mesure de protection, a examiné Mme [D] le 26 février 2016. Il conclut à un syndrome de glissement avec altération des facultés mentales associée à une dépression chronique anaclitique avec régression, marasme, cachexie, perte des fonctions cognitives et désorientation tempo-spatiale d'intensité moyenne, conduite alcoolo-tabagique responsable d'une dénutrition et d'une régression au domicile avec perte des fonctions motrices, antécédents cardiovasculaires et thyroïdien, broncho-pneumopathie chronique avec décompensation aigüe justifiant un séjour de 30 jours en réanimation, actuellement sujet grabataire nécessitant une assistance dans l'aide à la nutrition, incapacité totale d'exprimer sa volonté, dépendance totale en prise en charge hospitalière. Il préconise une prise en charge dans une structure adaptée.

Dans ses conclusions déposées le 1er février 2018, et après analyse du dossier médical de Mme [D] depuis 2008, l'expert judiciaire conclut quant à lui que Mme [D] présentait en 2014 et 2015 un état d'affaiblissement physique et psychique la rendant vulnérable et influençable, que ses fonctions intellectuelles étaient altérées en 2015 dans le sens d'un amoindrissement de son jugement, de son raisonnement et de ses capacités à gérer son budget. Il estime que ces altérations pouvaient très probablement avoir produit leurs effets délétères dès 2014.

Le certificat médical du Docteur [T], médecin généraliste daté du 5 janvier 2016 vient confirmer ce diagnostic puisqu'il certifie que Mme [E] [D] présente des troubles cognitifs avérés apparus depuis fin 2012 et s'aggravant depuis plusieurs mois avec un état de santé précaire, que ces troubles ont un retentissement sur son jugement et ses capacités à gérer son quotidien et que l'état de sa patiente nécessité des aides et une surveillance avec mesure de protection à envisager de type tutelle.

Comme l'a à juste titre retenu le premier juge, les capacités tant physiques que psychiques de Mme [D] étaient à ce point altérées en 2014 et 2015 et notamment sa capacité dans le domaine du calcul et de l'appréhension des chiffres et montants, qu'elles ne lui permettaient pas de mesurer l'étendue d'engagements contractuels souscrits à cette période.

Il est ainsi établi que Mme [D] souffrait à cette période d'une altération de ses facultés physiques et intellectuelles révélant un trouble mental au sens des dispositions de l'article 414-1 du code civil.

Il est également démontré que cet état existait dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure au deux contrats litigieux, sans que la société Financo n'établisse l'existence d'un intervalle lucide au moment de la signature des engagements et alors que les troubles dont étaient atteintes Mme [D] et sa grande vulnérabilité étaient manifestement visibles par tout un chacun et en particulier par un démarcheur se rendant à son domicile.

C'est donc à bon droit que le premier juge a déclaré nuls les contrats de crédit et débouté la société Financo de sa demande en paiement du solde des deux contrats.

Partant le jugement doit être confirmé.

Sur les conséquences de l'annulation des contrats de crédit

Se fondant sur les articles 1178 du code civil et L. 311-32 du code de la consommation, le premier juge a ordonné, au vu de l'anéantissement des contrats de crédit affectés, une restitution réciproque des sommes perçues avec compensation, à savoir pour M. et Mme [D], l'obligation de rembourser le capital emprunté pour chaque contrat et l'obligation pour chaque établissement de crédit de restituer les échéances payées par feue Mme [D]. Il a considéré que peu importait que les fonds aient été ou non versés directement aux vendeurs ou que les établissements de crédit n'aient pas cherché la garantie des vendeurs.

M. et Mme [D] contestent être tenus à restituer le capital emprunté pour chaque contrat au vu des fautes commises par les établissements de crédit concernés dont ils demandent réparation à hauteur des mêmes sommes.

Aucune des parties ne remet en revanche en question la condamnation des 5 établissements de crédit à rembourser aux appelants le total des échéances versées par Mme [E] [D] au titre des 9 contrats de crédit de sorte que le jugement doit être confirmé sur ce point.

Les 9 contrats annulés dont la qualification de crédits affectés n'est pas contestée, ont servi à financer différents travaux au sein du domicile de Mme [D] par deux entreprises ayant perçu directement les fonds de la part des prêteurs, au vu des attestations de livraison et des procès-verbaux de réception sans réserve signés par Mme [D], sans que cette dernière ne soit entrée en possession du capital emprunté pour chaque contrat.

Les dispositions de l'article L. 311-32 en leur version applicable aux contrats de crédit affectés, prévoient qu'en cas de résolution ou d'annulation de plein droit du contrat principal, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit et que ces dispositions reçoivent application dès lors que le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

En l'espèce, les consorts [D] n'entendent pas remettre en cause les contrats de vente souscrits par leur mère et n'ont donc pas attrait dans la cause les deux sociétés venderesses, de sorte que c'est à tort que le premier juge a appliqué les dispositions qui précèdent et a ainsi ordonné sur ce fondement la restitution du capital emprunté pour chaque contrat.

Les dispositions de l'article 1178 du code civil ne peuvent recevoir application non plus s'agissant de contrats conclus avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Pour autant, l'anéantissement rétroactif d'un contrat de crédit emporte l'obligation pour l'emprunteur de restituer le capital au prêteur et l'obligation pour le prêteur de rembourser les sommes versées par l'emprunteur.

Pour être dispensés de restituer le capital emprunté et solliciter des dommages et intérêts, M. et Mme [D] imputent aux établissements de crédit un manquement au devoir de mise en garde auquel ils étaient tenus avec pour l'emprunteuse une perte d'une chance de ne pas contracter outre une faute liée à l'abus de faiblesse commis envers feue leur mère tel que défini à l'article L. 122-8 du code de la consommation applicable à la date des contrats.

L'abus de faiblesse est défini par l'article L. 122-8 du code de la consommation comme le fait de faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte. Il est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 9 000 euros ou de l'une de ces peines seulement.

Il est par ailleurs admis que le banquier est tenu à l'égard de ses clients non avertis d'un devoir de mise en garde en cas de risque d'endettement excessif de l'emprunteur. Ce devoir oblige le banquier, avant d'apporter son concours, à vérifier les capacités financières de l'intéressé et à l'alerter sur les risques encourus, sans que celui-ci ne soit tenu de vérifier l'exactitude de la situation financière exposée par l'emprunteur qui déclare les renseignements de revenus et de patrimoine sous sa seule responsabilité.

En l'espèce, il est acquis que les offres de contrats ont été proposées à Mme [D] lors du déplacement de démarcheurs des sociétés Eco-Home47 et Gouriny and co à son domicile, prestataires auprès desquels elle a commandé différents travaux facturés de décembre 2013 à octobre 2015, pour un montant de 62 200 euros s'agissant de la société Gouriny and co et de 55 600 euros pour ce qui concerne la société Eco-home47 soit un montant total facturé de 117 800 euros, étant observé que s'agissant de la société Eco-Home47, les factures ont été présentées à Mme [D] pour ce montant en moins deux mois et demi d'août à novembre 2015.

Si une partie de ces travaux a été payée comptant, Mme [D] a accepté d'en financer une partie en souscrivant les 9 contrats litigieux entre mars 2014 et octobre 2015 pour un montant total de 85 900 euros.

Aucun élément ne permet de dire qu'une information judiciaire a été ouverte contre ces sociétés, puisque les appelants ne produisent aux débats qu'un courrier de la présidente du tribunal de grande instance d'Agen du 29 mars 2019 transmettant au Procureur de la République les conclusions d'une expertise judiciaire civile diligentée à leur demande, s'agissant de deux structures en liquidation judiciaire.

Pour autant, l'endettement de Mme [D] n'a pu être réalisé que par l'intervention des deux sociétés prestataires, intervenant en tant qu'intermédiaires des 5 établissements de crédit et alors que l'état d'affaiblissement psychique et physique apparent de Mme [D] constaté médicalement ne lui permettait ni de consentir de manière éclairée aux contrats proposés, ni de comprendre la portée des documents qui lui étaient soumis ou des informations délivrées et donc la portée de l'engagement qu'elle prenait en souscrivant 9 crédits en l'espace de moins de deux années.

Il s'en déduit que les démarcheurs des sociétés Eco-Home47 et Gouriny and co en faisant remplir à Mme [D] les différents documents contractuels ne pouvaient ignorer son état de faiblesse ni le fait qu'elle n'était pas en mesure de comprendre la portée de ce qu'elle signait ou fournissait comme pièces justificatives de solvabilité permettant d'asseoir les capacités financières déclarées de manière apparemment convaincante dans les différentes fiches de dialogue remplies pour chaque contrat.

Il en résulte que chacun des établissements de crédit doit répondre des fautes commises par son représentant à l'égard du souscripteur dans le cadre de chacun des crédits, ces fautes ayant induit pour Mme [D] et ses héritiers un préjudice lié à un endettement caractérisé. Ces fautes doivent priver chacun des établissements de son droit à restitution du capital emprunté.

M. et Mme [D] ne font pas la preuve d'un préjudice complémentaire de sorte que c'est à bon droit que le premier juge les a déboutés de leurs demandes indemnitaires à ce titre.

Il convient ainsi d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à M. et Mme [D] de restituer le capital emprunté au titre de chaque contrat avec compensation et de dire que M. et Mme [D] ne seront pas tenus à rembourser le capital emprunté au titre de chaque contrat. Le jugement doit en revanche être confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [D] de leurs demandes indemnitaires.

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles doivent être confirmées et les sociétés Financo, Domofinance, CA Consumer Finance, BNP Paribas personal finance et Franfinance tenues aux dépens d'appel et condamnées in solidum à verser aux appelants une somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le surplus des demandes est rejeté.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

- Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné solidairement M. [I] [D] et Mme [B] [D] à restituer aux sociétés Financo, Domofinance, CA Consumer Finance, BNP Paribas personal finance et Franfinance le montant du capital emprunté pour chaque contrat avec compensation ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à restitution du capital emprunté pour chaque contrat ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum les sociétés Financo, Domofinance, CA Consumer Finance, BNP Paribas personal finance et Franfinance à verser à M. [I] [D] et Mme [B] [D], une somme de 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum les sociétés Financo, Domofinance, CA Consumer Finance, BNP Paribas personal finance et Franfinance aux dépens d'appel.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - a
Numéro d'arrêt : 21/10929
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.10929 ?
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