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16/03/2023 | FRANCE | N°21/17854

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 16 mars 2023, 21/17854


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 16 MARS 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17854 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPBM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/05790





APPELANTS



Madame [D] [R] épouse [M] née le 9 septembre 1974 à [Loc

alité 6], ([Localité 4] ' Algérie) agissant en son nom personnel et, conjointement avec Monsieur [S] [M], ès-qualités de représentants légaux de le leur enfant : [I] [E] [M], né le 05 no...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 16 MARS 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17854 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEPBM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/05790

APPELANTS

Madame [D] [R] épouse [M] née le 9 septembre 1974 à [Localité 6], ([Localité 4] ' Algérie) agissant en son nom personnel et, conjointement avec Monsieur [S] [M], ès-qualités de représentants légaux de le leur enfant : [I] [E] [M], né le 05 novembre 2005 à [Localité 6] ([Localité 4] - Algérie) et [V] [M], née le 16 juin 2017 à [Localité 5] ([Localité 4] - Algérie).

[Adresse 2]

[Localité 4] - Algérie

représentés par Me HACENE, avocat au bareau de PARIS, toque : P298

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE NATIONALITÉ

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme Brigitte RAYNAUD, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 janvier 2023, en audience publique, l'avocat des appelants et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 27 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté le respect des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, déclaré Mme [D] [R], née le 9 septembre 1974 à [Localité 6], ([Localité 4] ' Algérie) recevable à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française, jugé que Mme [D] [R], née le 9 septembre 1974 à [Localité 6], ([Localité 4] ' Algérie) n'est pas de nationalité française, déclaré que Mlle [Z] [M], née le 23 mars 2002 à [Localité 6] ([Localité 4]-Algérie) et M. [I] [M], né le 5 novembre 2005 à [Localité 6] ([Localité 4]-Algérie) irrecevables à faire la preuve qu'ils ont, par filiation, la nationalité française, jugé que Mlle [Z] [M], née le 23 mars 2002 à [Localité 6], ([Localité 4] ' Algérie) et M. [I] [M], né le 5 novembre 2005 à [Localité 6] ([Localité 4]-Algérie), sont réputés avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, jugé que Mlle [V] [M], née le 16 juin 2017 à [Localité 6], [Localité 5] ([Localité 4]-Algérie), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, débouté Mlle [Z] [M] et Mme [D] [R], cette dernière agissant en son nom personnel et conjointement avec M. [S] [M] au nom de leurs enfants mineurs, [I] [M] et [V] [M], de leurs demandes de distraction au profit de Me Nadir HACENE, avocat et condamné Mlle [Z] [M] et Mme [D] [R], cette dernière agissant en son nom personnel et conjointement avec M. [S] [M] au nom de leurs enfants mineurs, [I] [M] et [V] [M], in solidum, aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 12 octobre 2021 et les dernières conclusions notifiées le 6 décembre 2022 par Mme [D] [R] épouse [M] agissant en son nom personnel et conjointement avec M. [S] [M] au nom de leurs enfants mineurs [I] [M] et [V] [M], qui demandent à la cour de dire recevable la déclaration d'appel et rejeter la demande adverse de caducité, rejeter la demande adverse d'application de l'article 16 du code de procédure civile, infirmer le jugement, dire que Mme [D] [R] épouse [M] est de nationalité française, déclarer recevable l'action de Mme [D] [R] épouse [M] et de M. [S] [M] en représentation des intérêts de leurs enfants légitimes mineurs, [I] [E] [M] ainsi que [V] [M], dire qu'ils sont de nationalité française et condamner le Trésor public aux dépens;

Vu les dernières conclusions notifiées le 30 novembre 2022 par le ministère public qui demande à la cour, à titre principal, de constater la caducité de l'appel, à titre subsidiaire, écarter des débats les pièces adverses sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile, confirmer le jugement de première instance en ce qu'il juge que [D] [R] et [V] [M] ne sont pas françaises, juger en conséquence que [I] [E] [M] n'est pas français, à titre infiniment subsidiaire, dire que [I] [E] [M] et [V] [M] ne sont pas admis à faire la preuve de leur nationalité française par filiation, juger que [I] [E] [M] est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, juger que [V] [M] n'a jamais été française, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner Mme [R] épouse [M] [D] agissant en son nom personnel et conjointement avec M. [S] [M] en représentation de leurs enfants mineurs [I] [E] [M] et [V] [M] aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 6 décembre 2022 ;

Vu les dernières conclusions en demande de révocation de l'ordonnance de clôture signifiées le 25 janvier 2023 par les appelants qui demandent à la cour avant dire droit d'ordonner la révocation de clôture en date du 6 décembre 2022, accepter la communication de la pièce n°59 et les conclusions prises à la lumière de ladite pièce, infirmer le jugement et dire que Mme [D] [R] épouse [M] est de nationalité française, déclarer recevable l'action de Mme [D] [R] épouse [M] et de M. [S] [M] en représentation des intérêts de leurs enfants légitimes mineurs, [I] [E] [M] ainsi que [V] [M], dire qu'ils sont de nationalité française et condamner le Trésor public aux dépens ;

Vu les bulletins de la cour du 31 janvier et du 27 février 2023 invitant les appelants à produire l'original du recommandé envoyé à la chancellerie, justifiant de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile ;

MOTIFS :

Sur l'article 1043 du code de procédure civile

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production de l'avis de réception portant le tampon du ministère de la Justice en date du 23 janvier 2023.

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et sur la recevabilité des pièces n°59 et des conclusions notifiées le 25 janvier 2023

Règles applicables

En application de l'article 802, alinéa 1, du code de procédure civile, « après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ».

L'article 803 ajoute que « l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue » et que « l'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal ».

Ces dispositions sont applicables en matière d'appel, sur renvoi de l'article 907.

Réponse de la cour

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 décembre 2022.

La demande de révocation de l'ordonnance de clôture a été formée par les appelants dans leurs conclusions notifiées le 23 janvier 2023 au motif qu'ils ont reçu l'arrêt rendu le 22 juin 2022 par la Cour d'appel de Paris et le certificat de non pourvoi et qu'ils souhaitent conclure à la lumière de cette décision devenue définitive concernant une proche parente et descendante directe de [H] [L].

Toutefois, il n'est pas soutenu, ni justifié que cette pièce leur a été communiquée à une date rendant impossible sa communication avant la clôture.

Aucune cause grave, qui justifierait sa révocation, révélée suite au prononcé de l'ordonnance de clôture n'étant invoquée, ni justifiée, la demande de révocation de cette ordonnance est donc rejetée.

Les conclusions et pièces n° 59 notifiées le 25 janvier 2023 sont irrecevables.

La cour statuera donc en considération des conclusions notifiées le 6 décembre 2022.

Sur la recevabilité des pièces n° 1 à 58

Règle applicable

L'article 16 du code de procédure civile dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. »

L'article 135 précise que le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile.

Réponse de la cour

Il ressort des éléments de la procédure que le ministère public, par courrier notifié le 16 mars 2022, a sommé les appelants de lui communiquer leurs pièces ; qu'en l'absence de réponse à cette sommation de communiquer, le ministère public a conclu le 30 novembre 2022 à l'irrecevabilité des pièces n°1 à 58 visées dans le bordereau des appelants.

Il est également établi que lesdites pièces ont été communiquées au ministère public le 5 décembre 2022, soit la veille de la clôture.

Ce faisant, les parties n'ont pas été à même d'en débattre contradictoirement.

Les pièces n°1 à 58 n'ayant pas été communiquées en temps utile, elles doivent être écartées des débats.

Sur la nationalité de Mme [D] [R]

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à celui qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, lorsqu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom, conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du code civil. N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il appartient à Mme [D] [R] en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'elle réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française.

Invoquant l'article 32-1 du code civil, Mme [D] [R], se disant née le 9 septembre 1974 à [Localité 6], ([Localité 4] ' Algérie), soutient qu'elle est française, de même que ses enfants légitimes mineurs, [I] [E] [M] et [V] [M], par filiation paternelle pour être la descendante de [H] [L], française de statut civil de droit commun.

Le ministère public lui oppose à titre subsidiaire les dispositions de l'article 30-3 du code civil. Toutefois, dès lors que l'article 30-3 empêche de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, la désuétude invoquée doit être examinée en premier lieu.

Sur l'applicabilité de l'article 30-3 du code civil

Les appelants soutiennent que cet article 30-3 n'est pas applicable aux ressortissants algériens revendiquant la nationalité française, en ce qu'ils ne peuvent pas être considérés comme des français d'origine au sens des dispositions de l'article 23-6 du code civil auxquelles renvoie l'article 30-3 puisque, selon eux, les français musulmans d'Algérie étaient de nationalité française depuis 1865 mais nullement d'origine française. Toutefois, ce moyen est inopérant car l'article 30-3 n'établit aucune distinction à ce sujet.

Les appelants soutiennent qu'en tout état de cause, l'article 30-3 n'est pas applicable aux ressortissants algériens car les ordonnances du 21 juillet 1962 et du 20 décembre 1966 régissant les effets de l'indépendance de l'Algérie ne prévoient pas son application. Cependant, ce moyen est également inopérant puisque le législateur n'a pas exclu l'application de l'article 30-3 aux personnes nées en Algérie.

Enfin, les appelants soutiennent que dès lors que l'action négatoire de nationalité est imprescriptible, il ne saurait être opposé aux personnes exerçant une action déclaratoire de nationalité le délai de 50 ans prévu par l'article 30-3. Néanmoins, ce moyen est lui aussi inopérant, dans la mesure où l'office du juge est d'appliquer la loi et où il n'est pas invoqué une contrariété de cet article 30-3 à des normes supérieures.

Sur l'application de l'article 30-3 du code civil

Ainsi, il y a lieu de retenir que l'article 30-3 du code civil est bien applicable en l'espèce.

Ce texte dispose que : « Lorsqu'un individu réside ou a résidé habituellement à l'étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n'ont pas eu la possession d'état de Français.

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue.»

L'article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Édictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir (Civ 1ère, 13 juin 2019, pourvoi n°18-16.838).

Il convient en conséquence d'examiner si les conditions de l'article 30-3 du code civil sont réunies à l'égard de Mme [R].

Il est établi que Mme [R] ne réside pas et n'a jamais résidé en France. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, il importe peu que la condition de résidence à l'étranger durant cinquante ans prévue par l'article 30-3 ne puisse pas lui être opposée, celle-ci ayant moins de 50 ans, cette condition devant en effet également être appréciée dans la personne de son père, M. [I] [R], né en Algérie avant l'indépendance. Or, il n'est pas démontré que ce dernier aurait résidé habituellement en France sur la période concernée par l'article 30-3.

Enfin, Mme [R] ne produit ni pour elle-même, ni pour son père, d'éléments de possession d'état de Français.

Les conditions de l'article 30-3 du code civil sont donc réunies.

Le jugement sera infirmé.

Il y a lieu de juger que Mme [R] n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française, qu'elle est réputée l'avoir perdue à la date du 4 juillet 2012 et de constater son extranéité.

Sur la nationalité des enfants

Mme [R] n'étant pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française, l'extranéité de ses enfants doit être constatée, les appelants n'alléguant pas qu'ils pourraient être français à un autre titre.

Sur les dépens

Les appelants, qui succombent, sont condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Déclare irrecevables les conclusions et pièces n° 59 notifiées le 25 janvier 2023,

Ecarte des débats les pièces n°1 à 58,

Infirme le jugement,

Constate que les conditions de l'article 30-3 du code civil sont remplies à l'égard de Mme [D] [R],

Dit que Mme [D] [R], née le 9 septembre 1974 à [Localité 6], ([Localité 4] ' Algérie), n'est pas admise à faire la preuve de ce qu'elle a, par filiation, la nationalité française,

Dit que Mme [D] [R] est présumée avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012,

Juge que [V] [M], née le 16 juin 2017 à [Localité 6], [Localité 5] ([Localité 4]-Algérie) et [I] [M], né le 5 novembre 2005 à [Localité 6] ([Localité 4]-Algérie) ne sont pas français,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne in solidum Mme [D] [R] épouse [M] et M. [S] [M] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/17854
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.17854 ?
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