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16/03/2023 | FRANCE | N°21/16618

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 16 mars 2023, 21/16618


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 16 MARS 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16618 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CELMJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/00866





APPELANT



Monsieur [P] [B] né le 2 novembre 1948 à [Localité 4

] (Algérie),



[Localité 7] [Localité 4]

[Localité 1] / ALGERIE



représenté par Me Amèle BENTAHAR, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : G0469

assisté de Me Samir KHAR...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 16 MARS 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16618 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CELMJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 19/00866

APPELANT

Monsieur [P] [B] né le 2 novembre 1948 à [Localité 4] (Algérie),

[Localité 7] [Localité 4]

[Localité 1] / ALGERIE

représenté par Me Amèle BENTAHAR, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : G0469

assisté de Me Samir KHARROUBY, avocat plaidant du barreau d'ALGER

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE NATIONALITÉ

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme RAYNAUD, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 janvier 2023, en audience publique, l' avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre,

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 18 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a débouté M. [P] [B] de l'ensemble de ses demandes, jugé que ce dernier, se disant né le 2 novembre 1948 à [Localité 4] (Algérie), n'est pas français, ordonné les mentions prévues par l'article 28 du code civil et l'a condamné aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 17 septembre 2021 et les dernières conclusions notifiées le 1er juillet 2022 par M. [P] [B] qui demande à la cour d'infirmer le jugement du 18 juin 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris, statuant à nouveau, dire que M. [P] [B] est le fils de [C] [X], française de statut civil de droit commun, juger que M. [P] [B], né le 2 novembre 1948 à [Localité 4] (Algérie), est de nationalité française, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et statuer ce que de droit quant aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2022 par le ministère public qui demande à la cour de confirmer le jugement de première instance, ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil et condamner l'appelant au paiement des entiers dépens;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 25 octobre 2022 ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 28 janvier 2022 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 32-1 du code civil, M. [P] [B], né le 2 novembre 1948 à [Localité 4] (départements français d'Algérie), soutient qu'il est français en tant que descendant dans la branche maternelle de [O] [J] [R] [X], né en 1850 à [Localité 4], admis à la qualité de citoyen français par décret du 15 février 1881.

L'intéressé s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française par le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France le 10 octobre 2006 (décision n°6582/06, pièce n°1 de l'appelant).

N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il lui appartient donc en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française.

Les certificats de nationalité française délivrés à [C] [X], [U] [B] et [K] [B], seraient-ils respectivement sa mère et ses frères, n'ont pas d'effet quant à la charge de la preuve qui repose sur l'intéressé (pièces n° 8,34, 35 de l'appelant).

Il en va de même pour les trois jugements que M. [P] [B] produit en ses pièces n°29, n°31 et n°32, par lesquels le tribunal de grande instance de Paris a dit de nationalité française respectivement [I] [B], [N] [X] et [A] [X], que l'appelant décrit comme étant des membres de sa famille descendant également de l'admis revendiqué.

En effet, contrairement à ce qu'affirme l'intéressé, si l'autorité de chose jugée à l'égard de tous, résultant de l'article 29-5 du code civil, interdit à quiconque de remettre en cause la nationalité française desdits [I] [B], [N] [X] et [A] [X], celle-ci n'a lieu que relativement à ce qui a été tranché dans le dispositif des décisions invoquées et ne s'étend pas aux motifs de celles-ci, seraient-ils le soutien nécessaire du dispositif.

Ces jugements ne dispensent donc pas M. [P] [B] d'apporter la preuve de sa nationalité française.

A cet égard, il convient de rappeler que les effets sur la nationalité française de l'accession à l'indépendance des départements français d'Algérie sont régis par l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966, dont les dispositions sont codifiées aux articles 32-1 et 32-2 du code civil. Il résulte de ces textes que les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie le 3 juillet 1962 ont conservé de plein droit la nationalité française, alors que les Français de statut de droit local originaires d'Algérie qui se sont vus conférer la nationalité de cet État ont perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, sauf s'ils justifient avoir souscrit la déclaration récognitive prévue aux articles 2 de l'ordonnance précitée et 1er de la loi du 20 décembre 1966.

L'article 32-1 du code civil dispose à ce sujet que « Les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l'annonce officielle des résultats du scrutin d'autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne ».

En outre, l'article 47 du code civil dispose que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. »

Ainsi, comme l'a énoncé à juste titre le tribunal, il appartient notamment à M. [P] [B] de démontrer qu'il dispose d'un état civil certain et de rapporter la preuve de l'admission à la qualité de citoyen français de [O] [J] [R] [X], né en 1850 à [Localité 4] (Algérie) ainsi que de l'existence d'une chaîne de filiation légalement établie et ininterrompue à l'égard de celui-ci, au moyen d'actes d'état civil probants au sens de l'article 47 du code civil.

Il n'est pas contesté que M. [P] [B] dispose d'un état civil certain, ni que [O] [J] [R] [X] a été admis à la qualité de citoyen français par décret du 15 février 1881, l'intéressé en produisant une copie en sa pièce n°21. Relativement à la chaîne de filiation qu'il revendique à l'égard de l'admis, l'intéressé affirme être l'enfant de [C] [X], née le 30 mars 1926 à [Localité 4] de [E] [W] [Z] [H] et de [D] [X], ce dernier étant l'enfant, né le 1er mars 1883, de [S] [B] et de [O] [J] [R] [X], âgé de 40 ans en 1890, l'admis revendiqué.

Le ministère public conteste l'existence de cette chaîne de filiation, faisant valoir d'une part le caractère incertain de l'état civil de [D] [X], grand-père allégué de l'intéressé, et d'autre part l'inexistence d'un lien de filiation juridique valablement établi entre celui-ci et [C] [X], mère revendiquée de l'appelant, du temps de la minorité de cette dernière.

Toutefois, ces moyens ne sauraient prospérer.

En effet en premier lieu, relativement à l'état civil de [D] [X], le ministère public se prévaut du fait que les deux extraits relatifs au n°71616 du registre matrice de 1890 concernant ce dernier, qui sont versés par l'appelant en ses pièces n°13 et n°37, comportent une divergence sur la mention substantielle de la date de naissance de [D] [X], seule l'année de naissance 1883 étant indiquée dans la pièce n°13 alors que dans la pièce n°37 apparaît également la mention d'une date exacte, le 1er mars 1883.

Toutefois, la cour relève que si seul l'un des deux extraits versés par l'intéressé en ses pièces n°13 et n°37 mentionne le jour et le mois de naissance de [D] [X], l'année de naissance de ce dernier est identique dans les deux documents, à l'instar de toutes les autres mentions portées par ceux-ci, parfaitement concordantes, de sorte que le simple ajout de la date du 1er mars dans l'un des deux extraits, s'agissant d'une naissance qui remonte au 19ème siècle, ne suffit pas à elle seule à mettre en doute l'identité de [D] [X].

Celle-ci ne saurait en outre être remise en cause, en deuxième lieu, par les variations orthographiques de son prénom ' observables dans les mentions relatives à [D] [X] figurant dans les pièces produites par l'appelant, celui-ci étant désigné comme « [D] [X] ['] âgé de 43 ans » dans la copie intégrale de l'acte de naissance algérien de [C] [X] en sa pièce n°36, comme « [T] [X], ['] né le 1er mars 1883 ['] à [Localité 6] » dans l'acte de naissance de celle-ci transcrit à [Localité 5] en pièce n°5, comme « [D] [X] » dans l'extrait du registre matrice relatif au n°71616 susmentionné en sa pièce n°13 ainsi que dans la copie délivrée par les autorités algériennes de l'acte de mariage n°6 entre celui-ci et [E] [H] (pièce n°14 de l'appelant notamment) et la photocopie du registre des actes de mariage y afférente (sa pièce n°19), cette dernière mentionnant à son tour la date de naissance du 1er mars 1883.

En effet, d'une part, contrairement à ce qu'affirme le ministère public, de légères divergences dans l'orthographe de la retranscription en alphabet latin du prénom « [D] », parfois indiqué comme « [T] », ne sauraient suffire à prouver qu'un prénom différent a été retranscrit dans les différents actes.

D'autre part, les autres variations relatives aux mentions portant sur [D] [X], dont on indique tantôt seulement l'âge, tantôt précisément la date et le lieu de naissance, ne sont aucunement incohérentes entre elles et s'expliquent simplement par la nature diverse des mentions exigées pour chaque acte concerné.

Le moyen soulevé à ce sujet est donc inopérant.

En troisième lieu, contrairement à ce qu'affirme le ministère public, le lien de filiation entre [D] [X] et [C] [X] est établi.

A cet égard, le ministère public se prévaut des mentions de la copie de l'acte de mariage n°6 entre [D] [X] et [E] [H], versée par l'appelant en sa pièce n°38, et de la photocopie du registre relatif à cet acte produite par l'intéressé en sa pièce n°19.

Lesdites pièces n°38 et n°19 portent mention marginale du fait que dans le cadre de l'inscription de leur union dans les registres de l'état civil en date du 26 juin 1950 [D] [X] et [E] [H] « veulent légitimer les enfants ci-après nommés ['] [C] ' 30.3. 1926 ».

Contrairement à ce que soutient le ministère public, aucune conséquence ne peut être tirée de l'existence de cette mention marginale sur l'acte de mariage. Cette mention ne saurait en effet exclure à elle seule qu'un mariage coutumier ait pu être célébré entre les parents de [C] [X] antérieurement à sa naissance, étant relevé que l'intéressé produit en ses pièces n°15 à n°18 des copies certifiées conformes à la minute délivrées le 11 août 2021, accompagnées de leurs traductions en langue française, des jugements algériens n°893/17 du 9 juillet 2017 et n°1701/17 du 29 octobre 2017, soit les décisions évoquées par la copie de l'acte de mariage n°6 versée en pièce n°38 susmentionnée, qui établissent la célébration d'un mariage coutumier entre [D] [X] et [E] [H] en 1910.

En vertu de cette union célébrée en 1910, dont la preuve est ainsi rapportée par l'appelant, [C] [X] est donc née dans le mariage entre [D] [X] et [E] [H], sa filiation paternelle légitime étant donc établie, contrairement à ce qu'affirme le ministère public, depuis sa naissance.

Il en résulte que l'intéressé, étant l'enfant de [C] [X], petite-fille de [O] [J] [R] [X], admis à la qualité de citoyen français, a pu conserver sa nationalité française lors de l'accession de l'État algérien à l'indépendance. Précision : monsieur, étant né en 1948, était mineur à ce moment-là, d'où mon choix de faire référence à sa mère

M. [P] [B], né le 2 novembre 1948 à [Localité 4] (Algérie), est de nationalité française. Le jugement est infirmé.

Les dépens seront supportés par le Trésor public.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau ;

Dit que M. [P] [B], né le 2 novembre 1948 à [Localité 4] (Algérie), est de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Condamne le Trésor public aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/16618
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.16618 ?
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