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15/03/2023 | FRANCE | N°21/02309

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 15 mars 2023, 21/02309


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1



ARRET DU 15 MARS 2023



(n° 2023/ , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02309 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDB3D



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2021 - Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 16/15404





APPELANT



Monsieur [W] [V]

né le 23 Avril 1958 à [Localité 21]



[Adresse 23]

[Adresse 27] - TUNISIE



représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat p...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRET DU 15 MARS 2023

(n° 2023/ , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02309 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDB3D

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2021 - Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 16/15404

APPELANT

Monsieur [W] [V]

né le 23 Avril 1958 à [Localité 21]

[Adresse 23]

[Adresse 27] - TUNISIE

représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

ayant pour avocat plaidant Me Ali ZARROUK, avocat au barreau ed PARIS, toque : P60

INTIMES

Monsieur [S] [E] [V]

né le 23 Mars 1960 à [Localité 21]

[Adresse 5]

[Localité 18] - ETATS UNIS

Madame [I] [Y] [V]

née le 27 Mars 1966 à [Localité 21]

[Adresse 4]

[Localité 9]

représentés et plaidant par Me Isabelle FARGIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0051

Madame [P] [V] épouse [EW]

née le 11 Février 1965 à [Localité 21]

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée et plaidant par Me Laurent CARETTO, avocat au barreau de PARIS, toque : D0413

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Patricia GRASSO, Président

Mme Sophie RODRIGUES, Conseiller

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Patricia GRASSO, Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE :

[W] [V], est décédé le 1er octobre 2014 à [Localité 20], laissant pour lui succéder ses quatre enfants: [W] [F], [S], [P] et [I] [V].

Il était propriétaire des biens suivants :

-un appartement et des chambres situés [Adresse 22] à [Localité 20],

-un emplacement de parking situé [Adresse 6] à [Localité 20],

-une propriété dénommée « [Adresse 15] » située [Adresse 17] à [Localité 29] (27),

-des droits indivis sur un bien immobilier situé aux Etats-Unis,

-2 250 parts d'une société Cotag, société de droit tunisien.

Les immeubles situés à [Localité 20] ont été vendus amiablement et le prix a été réparti entre les héritiers.

Par actes d'huissier des 21 et 28 septembre 2016, M. [S] [V] et Mme [I] [V] ont assigné M. [W] [F] [V] et Mme [P] [V] devant le tribunal de grande instance de Paris, désormais dénommé tribunal judiciaire, aux fins notamment de déclarer la loi française applicable à la succession des meubles du défunt et de ses immeubles situés en France et d'ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de cette succession.

Par jugement du 14 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a notamment statué dans les termes suivants :

-constate que le dernier domicile de [W] [V] était au [Adresse 22] à [Localité 20],

-se déclare compétent pour statuer sur le partage de la succession des meubles de [W] [V], comprenant les parts de la société Cotag, et de ses immeubles sis en France,

-dit que la loi française est applicable à cette succession,

-en ordonne le partage,

-sursoit à statuer sur la commission d'un notaire et d'un juge et sur la demande de licitation du bien sis à [Localité 29],

-fixe les créances suivantes de la succession :

*sur [P] [V] :

$gt; une somme égale à 70,58 % de la valeur au jour du partage des lots 33 et 53 de la copropriété sise [Adresse 7] à [Localité 20] dans son état au 6 mars 1997,

$gt;une somme de 1 830 € à titre de reliquat de loyers dus au défunt,

*sur [W] [F] [V] : une somme de 9 909 € au titre d'un prêt accordé par le défunt le 19 mai 1999,

-commet, en qualité d'expert, [Z] [A] exerçant [Adresse 2], qui, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles et avoir entendu les parties, aura pour mission de :

*estimer sur pièces la valeur des parts de la société Cotag au jour de l'expertise et au 1er octobre 2014,

*s'expliquer sur tous dires et observations des parties et recueillir leur accord, le cas échéant,

*enjoint aux parties de fournir immédiatement à cet expert toutes pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

*fait d'ores et déjà injonction à [W] [F] [V], gérant de la société Cotag, de remettre à l'expert les documents suivants dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision :

*les bilans et comptes de résultat de la société Cotag à compter de 2014,

*les relevés des comptes bancaires de cette société à compter de 2014;

-commet, en qualité d'expert, [B] [MA] exerçant [Adresse 12] à [Localité 9], qui, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles et avoir entendu les parties, aura pour mission de :

*estimer au jour de l'expertise et au 1er octobre 2014 les lots 33 et 53 de la copropriété sise [Adresse 7] à [Localité 20] dans l'état qui était le leur au 6 mars 1997,

*s'expliquer sur tous dires et observations des parties et recueillir leur accord, le cas échéant,

-déboute [S] et [I] [V] de leurs demandes tendant à :

*condamner in solidum [P] et [W] [F] [V] à leur verser à chacun un quart de la différence entre la somme de 90 000 € et le prix de licitation du bien immobilier sis à [Localité 29],

*fixer les créances suivantes de l'indivision successorale :

$gt;sur [W] [F] [V] : une somme égale à la valeur de la villa sise à [Localité 16] en Tunisie au jour du partage,

*condamner in solidum [P] et [W] [V] à une indemnité de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-déboute [W] [F] [V] de ses demandes tendant à :

*fixer les créances suivantes de l'indivision successorale :

$gt;sur [S] [V] : une indemnité pour l'occupation de l'appartement du défunt sis [Adresse 22] à [Localité 20] de 1 000 € par mois,

*ordonner à [S], [P] et [I] [V] de produire tous éléments relatifs:

$gt;aux encaissements suivants :

par [S] [V] du prix de vente d'une maison sise dans le Connecticut acquise en indivision avec son père en 1995, prix investi ensuite dans une SCI constituée avec son épouse et propriétaire d'un appartement sis [Adresse 10] à [Localité 20],

par [S] [V] de fonds de son père lui ayant permis de financer son agence de mannequins « american models » au début des années 1990,

par [I] [V] d'une somme de 35 000 $ pour l'acquisition d'un appartement à NewYork,

par [I] [V] des sommes versées par [S] [V] pour le compte de son père et à titre de remboursement du prêt consenti par ce dernier au premier afin de financer son agence de mannequins,

par [P] [V] d'une somme de 1 830 € à titre d'indemnité d'occupation,

$gt; à l'emploi par [I] [V] de fonds reçus dans l'acquisition de son appartement de la [Adresse 25] à [Localité 20],

*condamner solidairement [S] et [I] [V] à payer les pénalités afférentes aux droits de succession,

*les condamner solidairement à lui verser une somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-déboute [P] [V] de ses demandes tendant à :

*fixer au bénéfice de l'indivision successorale les créances suivantes :

$gt;sur [W] [F] [V] : une somme égale à la valeur de la villa sise à [Localité 16] en Tunisie au jour du partage,

$gt;sur [I] [V] : une somme de 35 000 dollars au titre d'un prêt pour l'acquisition d'un appartement à [Localité 19],

$gt;sur [S] [V] : une indemnité de 1 000 € par mois à compter du 1er décembre 2014 pour son occupation du bien sis [Adresse 22] à [Localité 20],

*ordonner à [S] et [I] [V] de produire les documents réclamés par [W] [F] [V],

*ordonner à [W] [F] [V] de produire tous les comptes sociaux et les relevés de compte bancaire de la société Cotag,

*condamner [S] et [I] [V] à lui verser une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonne l'exécution provisoire,

-renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 14 avril 2021 à 13h30 pour vérification du paiement des consignations et pour faire le point sur la communication par [W] [F] [V] des documents à remettre à l'expert chargé de l'évaluation des parts de la société Cotag,

-réserve les dépens.

M. [W] [F] [V] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 2 février 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2023, l'appelant demande à la cour de :

-déclarer recevable l'appel formé par [W] [F] [V],

et y faisant droit,

-infirmer le jugement rendu le 14 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

*rejeté les conclusions et pièces de [W] [F] [V] du 14 octobre 2020,

*constaté que le dernier domicile de [W] [V] était au [Adresse 22] à [Localité 20],

*s'est déclaré compétent pour statuer sur le partage de la succession des meubles de [W] [V], comprenant les parts de la société Cotag, et de ses immeubles sis en France,

*dit que la loi française est applicable à cette succession,

*en a ordonné le partage,

*rejeté la demande de [W] [F] [V] concernant les pénalités de 250 000 € dues à l'administration fiscale, du fait de la procédure entamée par ses frères et s'urs et de par la sous-estimation des biens lors de la déclaration de succession faite à son insu,

*rejeté la demande de [W] [F] [V] consistant à obtenir du tribunal la condamnation de [S] à payer une indemnité d'occupation exclusive de l'appartement du défunt [Adresse 13],

et, statuant à nouveau :

-constater que le dernier domicile de M. [W] [V] était en Tunisie sis [Adresse 24], Tunisie,

-se déclarer incompétent au profit des juridictions tunisiennes, juridictions du dernier domicile de [W] [V], pour statuer sur les parts de la société Cotag,

-dire et juger que la loi française n'est pas applicable à la société Cotag,

-rejeter la demande de désignation d'expert pour l'évaluation des parts sociales de la société Cotag,

-condamner M. [S] [V] à payer à l'indivision une indemnité d'occupation mensuelle de 1 000 € depuis le 1er décembre 2014, au titre de son occupation de l'appartement du défunt, situé [Adresse 22] à [Localité 9].

-condamner solidairement Mme [I] [V], M. [S] [V] et Mme [P] [V] à rembourser à M. [W] [F] [V] les pénalités liées à la déclaration de succession estimées à 64 988 € (sauf à parfaire),

en tout état de cause et y ajoutant :

-débouter Mme [P] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce compris son appel incident,

-condamner solidairement Mme [I] [V], M. [S] [V] et Mme [P] [V] au paiement de la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 Code de procédure civile,

-condamner solidairement Mme [I] [V], M. [S] [V] et Mme [P] [V] aux frais et dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2023, M. [S] [V] et Mme [I] [V], intimés, demandent à la cour de :

-débouter M. [W] [F] [V] de l'ensemble de ses demandes en appel, fins et conclusions,

-débouter Mme [P] [V] de l'ensemble de ses demandes en appel, fins et conclusions,

en conséquence,

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il :

*s'est déclaré compétent pour statuer sur la succession mobilière de M. [W] [V], incluant les parts sociales de la société Cotag, et a déclaré la loi française applicable à cette succession,

*a fixé la créance de la succession sur Mme [P] [V] à une somme égale à 70,58% de la valeur au jour du partage des lots 33 et 53 de la copropriété sise [Adresse 7] à [Localité 20], dans son état au 6 mars 1997,

y ajoutant,

-condamner in solidum Mme [P] [V] et M. [W] [F] [V] à payer à M. [S] [V] et Mme [I] [V] une indemnité de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles en appel,

-les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Isabelle Fargier, Avocat, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses uniques conclusions notifiées le 30 septembre 2021, Mme [P] [V], intimée, demande à la cour de :

-confirmer le jugement en ce qu'il :

*s'est déclaré compétent pour statuer sur la succession immobilière en France et mobilière de M. [W] [V], et faire application de la loi française,

*a fixé sur [W] [F] [V] une créance de la succession à hauteur de 9 909 € et a commis un expert pour estimer sur pièces la valeur des parts de la société Cotag,

-infirmer le jugement en ce qu'il a fixé sur [P] [V] une créance de la succession à hauteur de 70,58 % de la valeur des lots 33 et 53 de la copropriété sise [Adresse 7] à [Localité 20] et fixer cette créance à 35,29%

-condamner solidairement Mme [I] [V] et MM. [S] et [W] [F] [V] à régler à Mme [P] [V] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 et les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience du 31 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'appel principal interjeté par M. [W] [F] [V]

Sur la compétence juridictionnelle et la loi applicable

M. [W] [F] [V] critique le jugement en ce qu'il a retenu que le dernier domicile de [W] [V] était situé en France, à [Adresse 22] et a donc déclaré compétent le tribunal judiciaire de Paris pour statuer sur la demande de partage de la succession mobilière de [W] [V] notamment en ce qu'elle porte sur les parts sociales de la société de droit tunisien Gotag et a dit que la loi française était applicable à cette succession.

[W] [V] étant décédé avant le 17 août 2015, date d'entrée en vigueur du règlement de l'UE n°650/2012, ce texte n'est pas applicable.

En l'espèce, [W] [V] est né à [Localité 20] le 20 novembre 1932 d'un père tunisien ([L] [N]) et d'une mère française ([H] [T]) ; il était français et tunisien de naissance, et a conservé jusqu'à son décès survenu en France cette double nationalité.

Les intimés demandent l'application de la convention bilatérale signée le 28 juin 1972 entre la France et la Tunisie relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires et du protocole additionnel ratifiée dans l'ordre juridique français par la loi n°73-464 du 9 mai 1973 et mise en 'uvre par le décret d'application n°74-249 du 11 mars 1974.

L'article 15 de cette convention prévoit qu'en matière civile et commerciale les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Tunisie sont reconnues de plein droit sur le territoire de l'autre Etat si la décision émane d'une juridiction compétente au sens de l'article 16 de cette convention.

Le paragraphe e) de cet article 15 qui vise en premier lieu les contestations concernant la succession mobilière d'un national de l'Etat où la décision a été rendue, prévoit ainsi la compétence des tribunaux dont le défunt a la nationalité. Cependant, cette règle est en principe inopérante en cas de cumul de nationalités [Civ 1ère, 3 juin 1998 n°96-11206], la nationalité française étant alors seule prise en compte par le juge français qui d'ailleurs en l'espèce a été le seul saisi du règlement de la succession de [W] [V]. Cependant, contrairement à ce que soutiennent les intimés, la compétence du juge français ne saurait être déduite du seul motif que [W] [V] avait la nationalité française ; en effet, le paragraphe e) de l'article 16 en visant en second lieu l'existence d'une contestation concernant une succession mobilière ouverte dans l'Etat dont une de ses juridictions est saisie renvoie de façon indirecte à l'article 720 du code civil en application duquel le lieu d'ouverture de la succession se détermine par le lieu du dernier domicile du défunt. De plus, en application de l'article 45 du code de procédure civile, le lieu d'ouverture de la succession est le critère de la compétence juridictionnelle des litiges entre héritiers

Ainsi le lieu du dernier domicile du défunt détermine la compétence juridictionnelle et la loi applicable à la succession mobilière de [W] [V], n'étant pas discuté que la succession portant sur les immeubles situés en France était soumise à la loi française.

Les parties s'opposent sur le lieu du dernier domicile du défunt, M. [W] [F] [V] soutenant qu'il était situé en Tunisie tandis que les intimés prétendent qu'il était situé en France.

Le domicile définit par l'article 102 du code civil comme le lieu du principal établissement s'entend en matière successorale transnationale du lieu de résidence effective du défunt ; doit être pris en compte l'ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de celui-ci, à savoir le centre de ses intérêts et les liens d'attachements qui ne se résument pas à des choix opportunistes ou de circonstances liés notamment à une réglementation fiscale plus favorable ou même à une situation sanitaire ou à un système médical estimés plus performants.

Le prénom et le nom de naissance du défunt étaient [SM] [W] [N] ; par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 3 février 1978, celui-ci a pris pour seul prénom [W] et par conséquent a abandonné le prénom de [SM] ; par ailleurs, par décret du 15 juin 1979, le nom patronymique du défunt « [N] » a été modifié, celui-ci étant autorisé à s'appeler légalement « [V] ». Si l'abandon du prénom « [SM] » et la modification de nom patronymique peuvent apparaître comme une volonté d'affirmer son appartenance et son attachement à la nationalité française par rapport à sa nationalité tunisienne, ce dernier à l'égard des autorités tunisiennes, ne s'est pas prévalu du changement de son prénom et de la modification de son nom de famille, continuant à se faire appeler et à utiliser comme prénom « [SM] [W] » et comme nom patronymique « [N] » comme le montre sa carte d'identité tunisienne établie le 13 novembre 2001 où figure son double prénom et le seul nom de « [N] ». Il ne peut donc être retenu comme l'ont fait les premiers juges que ces modifications de prénom et de nom démontrent sa volonté de s'établir en France.

M. [W] [F] [V] soutient que depuis que [W] [V] a pris sa retraite, ce dernier s'est installé de façon continue dans la villa située à [Localité 16], commune située à proximité de [Localité 26] et s'est consacré à la gestion de la société Cotag dont il était le gérant depuis 1991 et qu'il n'avait plus de résidence en France, son appartement de l'[Adresse 13] dans le 16ème arrondissement étant occupé par sa fille, son mari et leurs trois enfants, les autres biens immobiliers situés dans cet arrondissement ayant été mis en location et le bien immobilier situé à [Localité 29] est une maison de campagne occupée par [P] et [I] [V].

Il résulte des pièces produites par M. [W] [F] [V] lui-même que la villa de [Localité 16] qui était la propriété de la société Cotag alors dirigée par [W] [V] a été vendue à M. [W] [F] [V] par acte du 27 décembre 2005. Cette société a engagé une action en résiliation de cette vente devant le tribunal de première instance de Tunis pour défaut du paiement du prix par ce dernier qui a abouti à un jugement du 29 novembre 2012 ayant débouté la société Cotag ayant alors pour seul gérant [W] [V] de sa demande. La vente de la villa de [Localité 16] à M. [W] [F] [V] et le contentieux qui s'en est suivi entre le fils et le père par la société Cotag interposée ainsi que d'autres contentieux portant sur la cession par le défunt des parts sociales de cette société Cotag à son fils et sur la gestion de cette société par ce dernier devenu co-gérant allant jusqu'au déppot d'une plainte pénale rendent peu plausible la version de l'appelant selon laquelle [W] [V] avait fixé jusqu'à son décès sa résidence habituelle dans cette villa devenue la propriété de son fils.

L'attestation du Maire de la commune de [Localité 16] qui repose uniquement sur des éléments fiscaux, à savoir l'inscription pour la période décennale allant de 2007 à 2016 sur le registre de recouvrement relatif à la taxation des immeubles à usage d'habitation au nom de M. [SM] [W] [N] ne suffit pas à démontrer l'effectivité d'une fixation de la résidence de ce dernier dans cette commune puisqu'elle se rapporte non pas à des constatations mais à « ce qui est consigné sur le registre de recouvrement ». Il en est également ainsi de l'attestation d'un précédent avocat de M. [W] [F] [V] selon laquelle [W] [V] habitait de manière permanente et sans interruption à [Localité 16] et n'allait en France que de manière très ponctuelle et très brève pour son suivi médical ; en effet, outre que l'auteur de cette attestation qui a défendu les intérêts de M. [W] [F] [V] contre [W] [V] n'est pas impartial, celui-ci n'indique pas les faits dont il aurait été personnellement témoin d'où il tire ses déclarations de sorte que cette attestation n'est aucunement circonstanciée. La circonstance que les factures d'eau et d'électricité relatives à la villa de [Localité 16] aient été toujours été libellées au nom du défunt montre simplement qu'il n'y a pas eu de changement d'abonnement.

Les relevés du compte bancaire du défunt ouvert dans les livres de la banque tunisienne BIAT, s'agissant du seul compte de ce dernier ouvert dans une banque tunisienne dont il est fait état dans le présent litige, indiquent non pas comme adresse, celle de la villa de [Localité 16], mais [Adresse 1] à [Localité 28] qui est le lieu du siège social de la société Cotag. Egalement, sur l'extrait Kbis de cette société, à la rubrique contenant les renseignements sur l'administration de cette société, il est mentionné s'agissant de l'adresse de [W] [V], [Adresse 1] à [Localité 28] tandis que pour M. [W] [F] [V], il est mentionné l'adresse de [Localité 16].

Enfin sur le passeport de [W] [V] et sa carte d'identité tunisiens délivrés tous deux le 13 novembre 2001 figure comme adresse celle de l'appartement du [Adresse 22] [Localité 9] à [Localité 20].

Cette adresse correspond à l'appartement de six pièces acquis le 30 janvier 1976 par le défunt et son épouse dont il a divorcé depuis, le défunt ayant seul conservé la propriété de ce bien jusqu'à son décès. Il résulte du constat d'huissier dressé le 11 juin 2019 à la requête de l'appelant que cet appartement, outre le séjour salle-à-manger comporte quatre chambres à coucher ce qui rend compatible son occupation simultanée par sa fille [P], le mari de cette dernière et leurs trois enfants ainsi que par [W] [V] qui était séparé de son épouse.

Deux des petits enfants de [W] [V] attestent que leur grand-père habitait dans l'appartement du [Adresse 22]. Mme [T] qui est une cousine du défunt par sa mère née [T] déclare que la fille aînée de [W] [V], son gendre et leurs trois enfants habitaient chez lui à [Localité 20], [Adresse 13] où [W] [V] résidait également, précisant qu'il la recevait au moins une fois par année à la période de Noël. Mme [M] [C], amie d'enfance d'[P] [V] épouse [EW] déclare avoir vu [W] [V] à maintes reprises dans l'appartement du [Adresse 22] qui était son domicile, notamment lors d'événements festifs et l'avoir croisé dans le quartier, faisant des courses. Mme [R] [G] ancienne épouse de [W] [V] déclare qu'elle est toujours restée proche de son ex-mari qui lui payait chaque année ses billets d'avion pour lui permettre de se rendre à [Localité 20] afin de lui rendre visite à Noël et au cours de l'été, qu'il était très proche de sa fille [P] et de ses trois enfants, qu'ils vivaient tous comme une famille de trois générations dans son appartement du [Adresse 22]. M. [J] qui tient depuis 35 ans un commerce de fruits et légumes en face de l'immeuble du [Adresse 11] déclare que [W] [V] a été un client très régulier, achetant tout le long de l'année des produits et qu'il ne s'absentait jamais pour de longues périodes.

En plus de son appartement parisien, [W] [V] avait fait l'acquisition en Normandie dans la commune de [Localité 29] d'une résidence secondaire où il passait de nombreuses vacances avec sa famille.

Il est ainsi justifié que [W] [V] possédait plusieurs biens immobiliers en France, dont celui de [Localité 20], [Adresse 22] à usage de résidence principale tandis qu'en Tunisie il ne justifie d'aucun titre de propriété ni d'occupation.

Afin de prouver la présence quotidienne de [W] [V] au siège de la société Cotag M. [W] [F] [V] a versé aux débats la veille de la clôture trois attestations émanant de M. [LL], de Mme [D], et de M. [U] ; ces attestations qui émanent de salariés de cette société et qui ont un lien de subordination avec M. [W] [F] [V] actuel dirigeant de cette société sont donc à prendre avec circonspection. De plus, l'examen comparé des écritures figurant sur l'attestation de Mme [D] et de M. [U] permet de constater qu'elles sont écrites de la même main, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et les rend donc suspectes. Elles sont donc écartées des débats.

S'agissant de M. [LL] qui exerce la profession de chauffeur livreur au sein de la société Cotag, il indique dans la même attestation avoir appris la mort de [W] [V] par un appel téléphonique du frère de son gendre [K] [EW] (le mari d'[P] [V]) et quelques lignes après avoir appris sa mort par un fax que la famille du défunt a envoyé. Cette contradiction retire à cette attestation sa fiabilité.

Alors qu'il n'est pas contesté que depuis 2007, M. [W] [F] [V] était cogérant de la société Cotag, l'existence de plusieurs courriers ou autres documents indiquant comme signataire [W] [V] entre le 20 janvier 2014 et le 9 juillet 2014 ne suffit pas à établir que ce dernier était de façon permanente en Tunisie pour les besoins de la gestion de la société Cotag.

[W] [V], Docteur en médecine avait fait ses études de médecin en France et obtenu son diplôme de médecine des universités françaises (page 3 des écritures de M. [W] [F] [V]) ; M. [W] [F] [V] soutient que [W] [V] avait assuré des cours à la faculté de médecin de [Localité 26] dont il était un des membres fondateurs et qu'il avait été pendant plusieurs années chef de service à l'hôpital universitaire de [Localité 26] sans pour autant justifier de ces différentes allégations. Il est en revanche constant que [W] [V] a été pendant 24 ans chef de service au CHU [14] jusqu'à sa retraite

Certes, le défunt après avoir pris sa retraite de médecin hospitalier a continué d'occuper jusqu'à son décès le mandat social de gérant de la société Cotag qu'il exerçait depuis le décès de son père survenu en 1991 et qu'il partage depuis 2007 avec son fils M. [W] [F] [V].

Cependant, selon les indications fournies par l'appelant lui même (page 37 de ses écritures) gérant de la société Cotag et porteur de la moitié des parts de cette société et qui est donc parfaitement à même de connaître l'activité de cette société, « la société Cotag est une société à vocation agricole dont l'activité l'activité principale est l'exploitation d'une terre agricole ».

Sans être contredits, les intimés indiquent dans leurs écritures que les biens à vocation agricole appartenant à la société Cotag constituent l'élément d'actif principal de celle-ci ; ils produisent à l'appui un rapport d'expertise concluant à une estimation de ces terres agricoles à hauteur de 3 761 250 dinars tunisiens, soit l'équivalent en € de 1 150 500 €.

A suivre l'appelant dans son raisonnement, les autres activités exercées par la société Cotag sont donc secondaires. Or, les courriers et autres documents portant la signature du défunt en sa qualité de gérant de la société Cotag concernent exclusivement l'activité de vente et de distribution de matériel médical que poursuit également cette société. [W] [V] en marge de sa signature faisant le plus souvent état de sa qualité de Docteur en médecine, laquelle pouvant constituer un gage de de compétence et de sérieux dans le cadre de cette activité secondaire de la société Cotag. Mais il n'est produit aucun document portant la signature de [W] [V] concernant l'activité agricole de cette société, pourtant principale. Il est donc déduit que [W] [V] s'occupait essentiellement de l'activité de la société Cotag en lien avec le domaine médical, laquelle était secondaire, ce qui minimise sa participation dans l'activité de cette société même si au cours des deux dernières années de sa vie, il a été amené en sa qualité de gérant de cette société à conclure plusieurs accords sur la distribution de matériel et de souscrire à cet effet des engagements financiers.

Il n'est pas anodin, par ailleurs, qu'au moment de son décès, le seul document d'identité en cours de validité que détenait [W] [V] était sa carte d'identité française valable jusqu'au 18 mars 2017 tandis que son passeport et sa carte d'identité tunisienne étaient expirés depuis le 12 novembre 2006.

Comme l'établit l'avis d'imposition versé aux débats, sa pension de retraite figure au titre de ses revenus imposables en France. S'agissant des revenus que [W] [V] a pu tirer de sa qualité d'associé et de ses fonctions de gérant de la société Cotag, M. [W] [F] [V] qui était pourtant le co-associé et le gérant de cette société du vivant de [W] [V] et le demeure à ce jour ne fournit aucun élément sur les revenus générés par cette société qui ont pu être versés aux défunt. Il n'est donc pas justifié que le défunt ait perçu des revenus en provenance de Tunisie.

Il était affilié à la sécurité sociale, section [Localité 20] et non à la Caisse des français de l'étranger comme l'établit l'attestation de droit versée aux débats ; il ne disposait pas d'une assurance sociale tunisienne puisque les soins médicaux qui ont pu lui être prodigués en Tunisie lui étaient remboursés. Le choix de [W] [V] de dépendre de la sécurité sociale française et de se faire soigner en France ' ce dernier étant d'ailleurs décédé centre hospitalier [14] dont il a été un des chefs de services n'est pas purement opportuniste, mais exprime dans le prolongement de sa carrière professionnelle sa fidélité au système de santé français et plus particulièrement à l'établissement hospitalier où il a exercé pendant de nombreuses années. En l'espèce, il constitue au regard et en prolongement de sa carrière professionnelle aussi un lien d'attachement concourant à la détermination du lieu de son dernier domicile.

[W] [V] pouvant entrer sur le territoire tunisien comme l'admet d'ailleurs M. [W] [F] [V] page 23 de ses dernières écritures sur la présentation de sa carte d'identité française en cours de validité, la police aux frontières tunisienne n'avait pas à répertorier ses entrées si ce document lui était présenté. Il ne peut donc être déduit du document établi par la police aux frontières tunisienne, la durée des périodes où [W] [V] a été en France ou en Tunisie.

Enfin le lieu du domicile ne se détermine pas d'abord en fonction du seul critère mathématique de la durée des périodes où le défunt a demeuré à tel endroit plutôt qu'à tel autre mais en fonction des différents liens d'attachement du défunt ; le domicile présente donc aussi un caractère intentionnel.

Il est attesté que [W] [V] portait un grand attachement à sa famille ; le fait que le défunt faisait le choix de passer les fêtes de fin d'année en France en réunissant sa famille dans son appartement parisien dont il était propriétaire depuis de longues années et qu'il n'a cessé d'habiter, montre le rôle primordial joué par ce lieu dans la vie du défunt.

Au vu des motifs qui précèdent qui complètent ceux non contraires des premiers juges, il est retenu que le centre des intérêts professionnels, familiaux, sociaux, financiers du défunt était situé en France et le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu que le dernier domicile de [W] [V] était au [Adresse 22] à [Localité 20].

Il suit donc qu'en application de l'article 16 e) de la convention franco-tunisienne, le tribunal de grande instance désormais dénommé judiciaire de Paris dans le ressort duquel était situé le dernier domicile du défunt, est compétent pour connaître du litige opposant les héritiers de [W] [V] sur sa succession mobilière.

Pour écarter l'application de la règle de droit international privé selon lequel la succession mobilière est soumise à la loi du dernier domicile du défunt, M. [W] [F] [V] fait valoir que la décision à intervenir sur la répartition des parts sociales de la société Cotag ne pourrait pas faire l'objet d'une exequatur en Tunisie au motif que la dévolution successorale en droit tunisien n'est pas égalitaire entre les héritiers du défunt selon qu'ils soient du sexe masculin ou féminin, ceux du sexe masculin ayant vocation à recevoir le double de ceux du sexe féminin.

Certes l'article 15 de cette convention prévoit comme condition pour qu'une décision rendue par une juridiction d'un de ces deux Etats (Tunisie ou France) soit reconnue de plein droit dans l'autre Etat, qu'elle « ne contient rien de contraire à l'ordre public de l'Etat où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans cet Etat ».

Cependant, M. [W] [F] [V] sur lequel en application du principe énoncé à l'article 9 du code de procédure civile selon lequel il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, ne rapporte pas la preuve que le principe égalitaire entre les héritiers du défunt quelque soit leur sexe qui régit en droit français la dévolution successorale soit contraire à l'ordre public international tunisien, cet ordre public ne se confondant pas avec l'état du droit positif tunisien, ni même avec l'ordre public national tunisien. D'ailleurs, en réponse au moyen défendu par les intimés selon lequel l'application de la loi tunisienne serait contraire à l'ordre public français en ce qu'elle aboutirait à désavantager les filles du défunt dans l'attribution des parts sociales de la société Cotag par rapport à ses fils, M. [W] [F] [V] explique que le défunt aurait par voie testamentaire ou par donation pu éviter que ses filles soient in fine désavantagées par rapport à leurs frères, plaidant ainsi a contrario que le caractère inégalitaire de la dévolution légale en droit tunisien ne relève pas de l'ordre public international tunisien.

Par ailleurs, la dévolution successorale porte sur les parts sociales de la société Cotag qui appartenaient au défunt et non sur cette société puisqu'en application du principe de l'autonomie de la personnalité quand bien même [W] [V] aurait détenu l'ensemble des parts sociales de cette société, il n'y aurait pas eu confusion entre ce dernier et cette société. Ainsi la règle de l'article 59 du code tunisien du droit selon laquelle « les biens meubles immatriculées sont soumis à la loi de l'Etat du lieu où ils sont immatriculés ou inscrits » n'est pas applicable puisque si la société Cotag est effectivement immatriculée, tel n'est pas le cas des parts sociales de cette société.

Pour écarter l'application de la loi française, M. [W] [F] [V] conteste que la société Cotag puisse constituer un bien meuble au motif qu'en application de la législation tunisienne, les terres à vocation agricole ne peuvent appartenir qu'à des personnes physiques de nationalité tunisienne ou à des sociétés civiles et à responsabilité limitée dont tous les participants sont des personnes physiques de nationalité tunisienne ; il produit à l'appui un avis de droit de M. [L] [X] [O], professeur agrégé émérite en droit privé et avocat à la Cour de cassation tunisienne.

D'une part, il n'a pas été prétendu que la société Cotag qui est une personne morale soit un bien meuble, seules les parts sociales composant son capital social ayant une nature mobilière ; de plus, la dévolution successorale porte comme il a été dit ci-avant sur ces parts sociales et non sur la société en tant que telle qui bénéficie d'une autonomie par rapport à la personne du défunt.

D'autre part, tous les héritiers du défunt comme l'affirme M. [W] [F] [V] lui-même (page 34 de ses écritures) ont tout comme leur père, la nationalité tunisienne qui se manifeste notamment par l'attribution d'un prénom tunisien, ayant donc la double nationalité franco-tunisienne.

Ainsi, sur le plan juridique au regard de la réglementation applicable développée dans l'avis de droit produit, la détention par les héritiers du défunt des parts sociales de la société Cotag qui appartenaient au défunt n'est pas contraire à la législation tunisienne ; en effet, cette détention n'introduit pas de modification par rapport à la situation antérieure puisque le défunt était également franco-tunisien comme l'était déjà du vivant de [W] [V] l'autre associé de la société Cotag qui n'est autre que l'appelant.

Partant, pour les motifs qui précèdent qui complètent ceux non contraires des premiers juges, le jugement est confirmé en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître du partage de la succession des meubles de [W] [V] comprenant les parts de la société Gotag, et de ses immeubles en France et a dit que la loi française est applicable à cette succession.

Sur le rejet des conclusions remises par M. [W] [F] [V] le 14 octobre 2020

Les premiers juges ont écarté des débats les conclusions remises par M. [W] [F] [V] le 14 octobre 2020 jour de la clôture annoncée et à laquelle elle a été effectivement prononcée par application du principe de contradiction du fait que ses adversaires ont été empêchés de répliquer.

Il résulte des développements de M. [W] [F] [V] que la clôture initialement fixée au 16 septembre 2020 avait été reportée au 14 octobre 2020 afin de lui permettre de conclure en réplique à de précédentes écritures des intimés qui étaient les demandeurs devant le tribunal, avec maintien de la date des plaidoiries au 5 novembre 2020.

Les premiers juges ont pu valablement considérer que la remise par M. [W] [F] [V] d'écritures le jour de la clôture annoncée alors qu'il avait bénéficié d'un report de la clôture pour remettre ses ultimes écritures portait atteinte au principe de contradiction en ce que ses adversaires ne pouvaient y répliquer alors même que la date de plaidoirie était proche et que la bonne administration de la justice s'opposait à un report de cette date.

N'étant pas fait mention au dispositif du jugement du rejet des écritures remises le 14 octobre 2020 par M. [W] [F] [V], le jugement est complété en ce sens.

Sur la demande en paiement des pénalités de retard au titre des droits de succession

M. [W] [F] [V] critique le jugement qui l'a débouté de sa demande à voir condamner solidairement M. [S] [V], Mme [I] [V] et Mme [P] [V] à lui payer les pénalités afférentes aux droits de succession.

Le tribunal a motivé le débouté de cette demande du fait qu'il n'était nullement établi que M. [W] [F] [V] avait payé des pénalités de 250 000 € à l'administration fiscale.

Devant la cour, M. [W] [F] [V] indique dans la partie discussion de ses conclusions qu'il « se trouve aujourd'hui redevable d'une pénalité de 250 000 € due au fisc » et demande dans leur dispositif de « condamner solidairement M. [S] [V], Mme [I] [V] et Mme [P] [V] à lui rembourser les pénalités liées à la déclaration de succession estimées à 64 988 € (sauf à parfaire) ».

Il produit à l'appui de sa demande un document qui porte comme intitulé « décompte [V] » (pièce 57) et un document qui porte en en-tête « Net à partager revenant à : » suivi de l'indication des sommes devant revenir à chacun des héritiers de [W] [V] sur le prix de vente de l'appartement du [Adresse 22] après déduction de diverses sommes.

Outre qu'il n'est pas précisé quel est l'auteur de ces deux documents et que n'étant pas signés, ils n'ont donc pas de valeur contractuelle, il y est seulement fait état d'une provision pour intérêts de retard de trois des héritiers de [W] [V] (M. [W] [F] [V], M. [S] [V] et Mme [I] [V]) d'un montant de 11 667 €. Ils sont donc impropres à faire la preuve des majorations de retard que M. [W] [F] [V] prétend avoir supportés pour dépôt tardif de la déclaration de succession ; le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] [F] [V] de sa demande de ce chef, sans qu'il n'y ait lieu de se prononcer plus avant sur l'imputabilité de la tardiveté du dépôt de la déclaration de succession.

Sur la demande de M. [W] [F] [V] en paiement d'une indemnité d'occupation à l'encontre de M. [S] [V]

Devant le tribunal, M. [W] [F] [V] et Mme [P] [V] réclamaient la fixation d'une indemnité d'un montant de 1 000 € par mois à compter du 1er septembre 2014 à l'encontre de M. [S] [V] pour l'occupation par ce dernier de l'appartement du [Adresse 22] dépendant de la succession ; ils ont été déboutés de cette demande, le tribunal ayant considéré qu'ils échouaient à rapporter la preuve d'une occupation exclusive de ce bien par M. [S] [V].

Si M. [W] [F] [V] a formé appel principal de ce jugement, Mme [P] [V] n'a pas formé appel incident de ce même chef.

La circonstance que M. [S] [V] ait vendu son domicile situé à New York ne constitue pas un élément de preuve d'une occupation exclusive par ce dernier du bien indivis dépendant de la succession.

Par ailleurs, un protocole d'accord a été signé le 14 mars 2019 entre les quatre héritiers de [W] [V] aux termes duquel Mme [P] [V] était autorisée à accéder librement dans l'appartement du [Adresse 22] pour lui permettre d'enlever les meubles lui appartenant et qui y ont été entreposés. Or, le garnissement du bien indivis par des meubles appartenant à Mme [P] [V] fait obstacle à l'existence d'une jouissance exclusive du bien indivis par M. [S] [V].

Partant, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] [F] [V] de sa demande en fixation et paiement d'une indemnité pour l'occupation du bien indivis sis [Adresse 22] dirigée contre M. [S] [V].

Sur l'appel incident formé par Mme [P] [V]

Mme [P] [V] a formé appel du chef du jugement qui fixé la créance de la succession sur Mme [P] [V] à une somme de 70,58% de la valeur au jour du partage des lots 33 et 53 de la copropriété sise [Adresse 7] dans son état au 6 mars 1997.

Cette créance est due au titre du rapport de la donation qui a été consentie à Mme [P] [V] par acte authentique reçu le 6 mars 1997. Aux termes de cet acte, [W] [V] et Mme [R] [G], alors divorcés, ont consenti à leur fille Mme [P] [V] une donation d'une somme espèce de 600 000 Frs, étant indiqué que [W] [V] donnait la somme de 300 000 Frs et Mme [R] [G] le même montant.

Par acte du même jour, Mme [P] [V] faisait l'acquisition d'un bien indivis sis [Adresse 7] au prix de 850 000 Frs qui a été financé en partie par la donation précitée.

Au vu d'une attestation de Mme [R] [G] selon laquelle aucune somme faisant l'objet de donation consentie à Mme [P] [V] n'avait été versée par elle et que les fonds donnés provenaient entièrement du patrimoine du défunt et au motif que la prise en compte de ce fait ne supposait pas une inscription de faux authentique ' les constatations du notaire ayant reçu l'acte portant seulement sur les déclarations des donateurs selon lesquelles le versement était de 300 000 Frs chacun et non pas sur le versement par chacun des donateurs de cette somme, le tribunal a retenu que l'intégralité de la somme de 600 000 Frs avait été donnée par [W] [V]. En application de la règle de trois en fonction du montant de la donation par rapport au prix d'achat (600 000 X 100/850 000), le tribunal a jugé que Mme [P] [V] avait acquis un bien immobilier en le finançant à hauteur de 70,58% par la donation consentie par son père et sur le fondement des articles 860 et 860-1 du code civil, qu'elle devait le rapport de 70,58% de sa valeur au jour du partage.

Mme [P] [V] critique le jugement en ce qu'il s'est écarté de l'acte authentique pour considérer que seul le défunt avait donné la somme de 600 000 Frs, faisant valoir que l'acte de donation porte constatation du versement par chacun des donateur de la somme de 300 000 Frs.

Cependant, si le versement de la somme de 600 000 Frs s'est effectué par la comptabilité du notaire qui a reçu l'acte, il ne résulte pas de l'acte que celui-ci a été amené à constater personnellement l'origine des fonds. Il n'échappe pas à la cour que cette donation n'a donné lieu à la perception d'aucun droit, comme il résulte du paragraphe sur les sommes taxables qui mentionne que chaque somme de 300 000 € bénéficie d'un abattement intégral ; c'est d'ailleurs uniquement dans ce paragraphe qu'il est indiqué que [W] [V] donne 300 000 Frs et Mme [R] [G] la même somme. En effet, en vertu de la réglementation fiscale alors en vigueur, chaque ascendant pouvait donner à chacun de ses descendants une somme de 300 000 Frs libre de droits. Il y avait donc un intérêt fiscal à ce que formellement, il apparaisse que chacun des ascendants de Mme [P] [V] lui donne la somme de 300 000 Frs.

Il résulte par ailleurs des éléments du dossier que Mme [R] [G] de nationalité américaine et qui vivait aux Etats Unis après son divorce est restée dépendante financièrement de son ex-époux qui lui versait une rente à titre de prestation compensatoire et qui payait également le montant des billets d'avion pour lui permettre de se rendre en France afin de passer en famille les fêtes de fin d'année et une partie des congés d'été. Après son décès, les quatre enfants du défunt se sont d'ailleurs accordés pour que soit versée à leur mère, sur l'argent provenant de la succession, la somme de 200 000 Frs incluant le solde de la prestation compensatoire chiffrée à 148 484,97 €.

Mme [P] [V] ne fournissant aucun élément pour contredire l'attestation de sa mère que corroborent les faits ci-avant relevés, le jugement est confirmé en ce qu'il a fixé la créance de la succession sur Mme [P] [V] à une somme égale à 70,58% de la valeur au jour du partage des lots 33 et 53 de la copropriété sise [Adresse 7] à [Localité 20], dans son état au 6 mars 2017.

Sur les demandes accessoires

M. [W] [F] [V] et Mme [P] [V] échouant en leur appel supporteront les dépens d'appel et se voient déboutés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ils seront par ailleurs respectivement condamnés à payer la somme de 2 000 € à chacun de M. [S] [V] et Mme [I] [V].

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement en l'ensemble de ses chefs dévolus à la cour ;

Y ajoutant :

Complète le jugement comme suit :

Rejette les conclusions remises par M. [W] [F] [V] le 14 octobre 2020 ;

Condamne M. [W] [F] [V] et Mme [P] [V] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [W] [F] [V] à payer à M. [S] [V] la somme de 2 000 € et la somme du même montant à Mme [I] [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [P] [V] à payer à M. [S] [V] la somme de 2 000 € et la somme du même montant à Mme [I] [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/02309
Date de la décision : 15/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-15;21.02309 ?
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