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28/02/2023 | FRANCE | N°20/03507

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 28 février 2023, 20/03507


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 28 FEVRIER 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03507 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQKD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 janvier 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 16/13963

Après arrêt avant'dire-droit du 15 février 2022 rendu par la cour de céans



APPELANT



LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE NATIONALITÉ

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté à l'audience par ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 28 FEVRIER 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03507 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQKD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 janvier 2020 rendu par le tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 16/13963

Après arrêt avant'dire-droit du 15 février 2022 rendu par la cour de céans

APPELANT

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE NATIONALITÉ

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme M.[Y]. [E], substitut général

INTIMÉE

Madame [W] [M] née le 26 juin 1981 à [Localité 5] (Côte d'Ivoire)

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Raymond MAHOUKOU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0420

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 janvier 2023, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimée ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller,

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement du 23 janvier 2020 du tribunal judiciaire de Paris qui a constaté le respect des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, jugé l'action du ministère public recevable, jugé que le certificat de nationalité française délivré le 22 novembre 1999 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Paris 14ème arrondissement sous le n° CNF 301/2002 à Mme [W] [T] [M] née le 26 juin 1981 à [Localité 5] (Côte d'Ivoire) a été délivré valablement, jugé que Mme [W] [T] [M] née le 26 juin 1981 à [Localité 5] a acquis la nationalité française par l'effet collectif de la déclaration de réintégration souscrite par M. [O] [M] le 5 octobre 1990 devant le juge d'instance de Palaiseau et enregistrée sous le n°20683/1991, déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles formées à l'endroit de [J] [X] [K]-[U] et [S] [K], ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil, laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens, débouté Mme [W] [T] [M] de sa demande de distraction, débouté Mme [W] [T] [M] de sa demande au titre des frais irrépétibles, et rappelé que le prononcé de l'exécution provisoire n'est pas compatible avec le contentieux de la nationalité française ;

Vu la déclaration d'appel du 17 février 2020 formée par le ministère public ;

Vu les conclusions notifiées le 31 mars 2022 par lesquelles le ministère public demande à la cour de constater le respect des formalités de l'article 1043 du code de procédure civile, infirmer le jugement et statuant à nouveau, dire qu'un certificat de nationalité française a été délivré à tort à l'intéressé, constater l'extranéité de l'intéressée, ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil ;

Vu les conclusions notifiées le 27 mai 2022 par lesquelles Mme [W] [M] demande à la cour de constater l'autorité de chose jugée, confirmer le jugement attaqué, octroyer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 décembre 2022 ;

MOTIFS

Sur le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 ancien du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la présente instance par la production du récépissé délivré le 27 avril 2020 par le ministère de la Justice.

Sur la nationalité de Mme [W] [T] [M]

Mme [W] [T] [M], se disant née le 26 juin 1981 à Bregbo (Côte d'Ivoire), indique qu'elle est française par filiation paternelle pour être née de M. [O] [M], né le 1er janvier 1956 à Séguéla (Côte d'Ivoire), celui-ci ayant souscrit une déclaration de nationalité française le 5 octobre 1990 devant le juge d'instance de Palaiseau, enregistrée le 13 août 1991 sous le n°20683/91, déclaration dont l'intimée revendique le bénéfice de l'effet collectif.

Elle s'est vu délivrer un certificat de nationalité française le 22 novembre 1999 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Paris (14ème arrondissement), eu égard à l'effet collectif attaché à la déclaration de nationalité française souscrite par M. [O] [M].

Sur le moyen tiré de l'autorité de chose jugée

Mme [W] [T] [M] se prévaut de l'autorité de la chose jugée attachée, selon elle, à un jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 24 novembre 2016 qui a dit n'y avoir lieu à refus ou sursis à l'exploitation de l'acte de naissance de Mme [W] [T] [M], ordonné la délivrance de la copie de son acte de naissance, dit que les dépens seront à la charge du Trésor public et ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Toutefois, ainsi que l'a retenu le tribunal judiciaire de Paris par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, Mme [W] [T] [M] ne peut pas utilement opposer au ministère public l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement, au sens de l'article 1355 du code civil qui énonce que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement. Il faut que la chose demande soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ».

En effet, les deux procédures, devant le tribunal de grande instance de Nantes et devant le tribunal judiciaire de Paris puis devant cette cour, n'ont ni le même objet ni la même cause. La première procédure visait l'obtention de la délivrance d'une copie d'acte de naissance, alors que la seconde concerne la nationalité de Mme [W] [T] [M], étant précisé que le dispositif du jugement du 24 novembre 2016 n'a pas jugé que son acte de naissance est probant.

Sur la contestation du certificat de nationalité française

Le ministère public soutient que le certificat de nationalité française délivré à Mme [W] [T] [M] l'a été à tort.

Il doit en apporter la preuve en application de l'article 30 du code civil, étant précisé que la force probante d'un certificat de nationalité française dépend des documents qui ont servi à l'établir et si le ministère public prouve que ce certificat a été délivré à tort à l'intéressée ou sur la base d'actes erronés, ce certificat perd toute force probante.

Le ministère public fait valoir que Mme [W] [T] [M] a produit, pour obtenir la délivrance de ce certificat, une copie, délivrée le 9 janvier 1988, d'un acte de naissance n° 436, dressé le 6 septembre 1987, qui indique qu'elle est née le 26 juin 1981 à Brègbo (Côte d'Ivoire), de [O] [M] et de [L] [F] [W]. L'acte a été dressé sur déclaration du père en présence de deux témoins, [Z] [N] et [B] [A], qui ont attesté de la sincérité de la déclaration. L'acte indique également avoir été signé par l'officier d'état civil seul, le déclarant et les témoins ne sachant pas signer.

Il soutient que l'acte de naissance est apocryphe, qu'il est affecté de diverses insuffisances au regard des exigences d'établissement des actes de naissance, qui doivent conduire à retenir que Mme [W] [T] [M] ne dispose pas d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil, qui dispose que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Dans ce cadre, la cour relève que le jugement a retenu que la transcription de l'acte de naissance de Mme [W] [T] [M] par le service central de l'état civil faisait obstacle à la mise en cause de sa force probante.

Toutefois, en premier lieu, comme l'indique le ministère public, la circonstance que l'acte de naissance étranger a été transcrit par le service central de l'état civil de Nantes n'a pas pour effet de rendre les dispositions de l'article 47 du code civil inopérantes dès lors que la valeur probante de cette transcription est subordonnée à celle de l'acte étranger à partir duquel la transcription a été effectuée.

La cour relève en deuxième lieu que l'acte indique avoir été dressé le 6 septembre 1987 sans mention de l'heure, alors que l'article 24 du code civil dispose que les actes de l'état civil énoncent l'année, le mois, le jour et l'heure où ils sont reçus.

En troisième lieu, l'acte de naissance a été dressé plus de six ans après la naissance, comme le permet la loi ivoirienne n° 84-1243 du 8 novembre 1984, qui dispose que jusqu'au 30 juin 1985, date prorogée au 31 décembre 187 par la loi n° 86-1237 du 15 décembre 1986 (art. 1), la naissance de tout ivoirien vivant, non constatée par un acte d'état civil, pourra être déclarée au lieu de celle-ci (art. 2). Toutefois, la déclaration doit être reçue au lieu de naissance en présence de deux témoins majeurs pouvant en attester la sincérité (art. 3 de la loi du 8 novembre 1984) et ils doivent en outre certifier l'identité des parties (art. 24 du code civil ivoirien). Or, l'acte de naissance de Mme [W] [T] [M] indique que les deux témoins ont attesté la sincérité de leur déclaration mais aucune mention ne précise qu'ils ont certifié l'identité des parties et donc de Mme [W] [T] [M].

Au regard de ces éléments, la cour retient que l'acte de naissance de Mme [W] [T] [M] n'est pas probant au sens de l'article 47 du code civil.

Mme [W] [T] [M] invoque toutefois l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, qui énonce que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants ('), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». Elle indique en substance que si son extranéité devait être retenue, la nationalité de ses deux filles mineures, nées en France, serait mise en cause. Toutefois, la référence à cet article 3 manque en droit. La procédure devant la cour concerne en effet Mme [W] [T] [M] et non pas ses enfants.

Au regard de ces éléments, la cour retient que, comme le soutient le ministère public, le certificat de nationalité française délivré à Mme [W] [T] [M] l'a été à tort, dès lors que nul ne peut prétendre à la nationalité française s'il ne dispose d'un état civil fiable et probant.

Il lui appartient donc de rapporter la preuve de sa nationalité française à un autre titre. Toutefois, elle n'allègue pas disposer d'un autre titre.

L'extranéité de Mme [W] [T] [M] doit donc être constatée et le jugement infirmé.

Sur les dépens

Mme [W] [T] [M], qui succombe, est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Constate que le récépissé par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ;

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Juge que le certificat de nationalité française délivré le 22 novembre 1999 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Paris 14ème arrondissement sous le n° CNF 301/2002 à Mme [W] [T] [M], se disant née le 26 juin 1981 à [Localité 5] (Côte d'Ivoire), l'a été à tort ;

Juge que Mme [W] [T] [M], se disant née le 26 juin 1981 à [Localité 5] (Côte d'Ivoire), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Condamne Mme [W] [T] [M] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/03507
Date de la décision : 28/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-28;20.03507 ?
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