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23/02/2023 | FRANCE | N°19/07636

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 23 février 2023, 19/07636


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 8



ARRET DU 23 FEVRIER 2023



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07636 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAJKI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mai 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS CEDEX 10 - RG n° F 15/07747





APPELANTE



SAS CANAL TOYS

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représ

entée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480





INTIMÉ



Monsieur [C] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représenté par Me Mickaël RUBINSOHN, avocat au barreau de PARIS...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRET DU 23 FEVRIER 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07636 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAJKI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mai 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS CEDEX 10 - RG n° F 15/07747

APPELANTE

SAS CANAL TOYS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

INTIMÉ

Monsieur [C] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Mickaël RUBINSOHN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0586

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nathalie FRENOY, présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [C] [B] a été engagé par la société Canal Toys Asia (société de Droit hong-kongais) par contrat à durée indéterminée à compter du 8 juillet 2006, en qualité d''administrative manager'.

Par courrier du 25 août 2014, la société Canal Toys Asia a notifié à M. [B] son licenciement, à effet au 24 octobre 2014.

M. [B] a travaillé à nouveau au sein de la société Canal Toys Asia du 25 octobre 2014 au 25 février 2015.

Affirmant avoir travaillé pour la société Canal Toys depuis février 2008 dans le cadre d'un contrat de travail de Droit français- suspendu pendant son expatriation en Asie -, et avoir découvert lors de son licenciement par la société Canal Toys Asia Ltd qu'il n'était pas affilié au régime d'assurance-chômage, M. [B], pour obtenir notamment sa réintégration au sein de la structure française, a saisi le 22 juin 2015 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 29 mai 2019, notifié aux parties par lettre du 31 mai 2019, a :

-ordonné sa réintégration au sein de la société Canal Toys sur un emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein,

-condamné la société Canal Toys à payer à M. [B] les sommes suivantes :

-185 832 euros à titre de provision sur le rappel de salaires,

-18 583 euros au titre des congés payés afférents,

-2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provision à hauteur de neuf mois de salaire soit :

-46 458 euros,

-4 645 euros de congés payés afférents,

-condamné la société Canal Toys aux dépens.

Par déclaration du 1er juillet 2019, la société Canal Toys a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 17 octobre 2022, la société appelante demande à la cour :

-de dire et juger que la société Canal Toys est recevable et bien fondée en son appel et en l'ensemble de ses moyens, prétentions, fins et conclusions,

y faire droit,

-d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la réintégration de M. [C] [B] au sein de la société Canal Toys sur un emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein, condamné la société Canal Toys à payer à M. [B] 185 832 euros à titre de provision sur le rappel de salaires, 18 583 euros au titre des congés payés afférents, 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ordonné l'exécution provisoire à hauteur de neuf mois de salaire, soit 46 458 euros, outre 4 645 euros de congés payés afférents, condamné la société Canal Toys aux dépens,

-de débouter en conséquence M. [C] [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-de condamner Monsieur [C] [B] à verser à la société Canal Toys la somme de 5 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance du 17 mai 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions déposées par M. [B] le 27 mai 2020.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 novembre 2022 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 15 décembre 2022.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens devant la cour.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le statut de salarié :

Arguant de la falsification manifeste du contrat du 12 février 2008 invoqué par M. [B] et pris en considération par le jugement de première instance, la société Canal Toys conteste l'existence d'une quelconque relation de travail entre elle et l'intimé et souligne que les attributions de ce dernier au sein de Canal Toys Asia Ltd lui permettaient de réaliser ce faux qui n'a pas été paraphé par son signataire. Rappelant que M. [B] a été salarié de la société Canal Toys Asia à compter de 2006, a effectué sa prestation de travail en Asie, l'appelante relève l'absence des conditions nécessaires à la reconnaissance du statut de salarié expatrié, M. [B] n'ayant eu aucune fonction précédemment au sein de la structure en France et ayant retrouvé un emploi au sein d'autres sociétés, pour conclure au rejet de la demande formulée d'une particulière mauvaise foi par l'intéressé qui n'a même jamais mentionné son nom parmi les employeurs qu'il a listés sur son site professionnel.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité en cause.

Le conseil de prud'hommes a relevé l'existence d'un contrat à l'en-tête de la société Canal Toys, concernant M. [C] [B], établi en date du 12 février 2008.

En présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

Si, en l'espèce, un contrat de travail a été établi à l'en-tête de la société Canal Toys en date du 12 février 2008, avec le tampon de cette dernière domiciliée au [Localité 5], force est de constater que les stipulations contractuelles concernent la société Canal Toys Asia Ltd et que le préambule de ce contrat qui relate une embauche 'à compter du 1er octobre 2005 par la société Canal Toys au sein de laquelle il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur adjoint filiale Asie' ainsi qu'une situation d'expatriation, est manifestement différent de la situation juridique et de fait établie par les pièces fournies; en effet, aucun autre élément corroborant un lien contractuel avec la société Canal Toys (bulletin de salaire, documents sociaux ou autres) n'est produit alors qu'est versé aux débats le contrat conclu entre Canal Toys Asia Ltd et M. [B] en date du 8 juillet 2006, donnée empêchant la situation d'expatriation invoquée, puisqu'aucune des conditions requises par l'article L1231-5 du code du travail n'est vérifiée en l'espèce.

Au surplus, il est démontré par les pièces produites que M. [B] a travaillé en Asie au sein du personnel établi à Hong Kong, et a été payé pour sa prestation de travail en devises étrangères par la société Canal Toys Asia Ltd, du 8 juillet 2006 jusqu'à la rupture de la relation de travail, ayant auparavant et pendant un certain temps concomitamment collaboré au sein de la société S.D., en Asie, éléments objectifs contrastant avec le prétendu élément nouveau tiré d'une situation d'expatriation, explicitée dans le contrat du 12 février 2008.

Au surplus, rédigé en langue française alors qu'il est justifié de l'usage de la langue anglaise dans les documents administratifs et au sein du personnel de la société Canal Toys Asia Ltd, comme notamment dans la rédaction du contrat du 8 juillet 2006, le document litigieux du 12 février 2008, qui n'est pas intitulé 'avenant au contrat de travail', mais 'contrat de travail' de façon invraisemblable dans la mesure où il est destiné, comme indiqué dans son préambule, 'à préciser les conditions d'emploi salarial de M. [C] [B] compter du 1er février 2008', n'est au surplus pas paraphé par un de ses signataires, contrairement à sa mention finale 'ce contrat comporte quatre pages paraphées par les parties'.

La société Canal Toys relève à juste titre que l'adresse de M. [B] y est différente de celle déclarée dans les documents officiels, comme d'ailleurs celle de Canal Toys Asia Ltd.

Il est établi également que si le contrat du 8 juillet 2006 a été effectivement archivé par la société Canal Toys Asia Limited, cette dernière a informé par courriel du 29 septembre 2022 son correspondant de Canal Toys en France de ce qu'aucun contrat en date du 12 février 2008 n'existait dans ses archives. Dans ce courriel, il est fait mention également qu'il est impossible que le représentant de la société Canal Toys Asia Ltd, compte tenu de ses habitudes, n'ait pas paraphé toutes les pages.

La société Canal Toys établit enfin que la position de M. [B] au sein de la structure Canal Toys Asia Ltd rendait possible la création d'un tel contrat par ce dernier, lequel 'disposait d'un accès illimité à l'ensemble des documents sociaux' et s'occupait seul du traitement des contrats de travail.

Surabondamment, les profils professionnels émanant de l'intimé ne contiennent aucune mention de son statut de salarié au sein de la société Canal Toys, mais seulement de sa collaboration de septembre 2005 jusqu'en mars 2015 avec Canal Toys Asia Ltd, à Hong Kong et [Localité 6], Chine.

Enfin, alors que la preuve d'aucun autre indice objectif de prestation de travail de M. [B] au profit de la société Canal Toys dans le cadre d'un lien de subordination n'est rapportée, il convient de constater que la société Canal Toys produit une attestation d'un salarié de Canal Toys Asia Ltd faisant état de ce que l'intimé 'était complètement déconnecté de la société française Canal Toys France. Chaque entité a son propre fonctionnement et son propre directeur'.

Par conséquent, en l'état des documents produits n'établissant pas le statut de salarié de M. [B] avec la société appelante et démontrant le caractère fictif du document litigieux en date du 12 février 2008, le jugement de première instance, qui a ordonné sa réintégration au sein de la société Canal Toys et qui a condamné cette dernière à diverses sommes à titre de rappel de salaire notamment, doit être infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [C] [B], qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d'appel.

L'équité commande d'infirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société appelante à hauteur de 800 € pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONSTATE l'absence de relation salariale entre M. [C] [B] et la société Canal Toys,

REJETTE les demandes formulées par M. [C] [B],

CONDAMNE M. [C] [B] à payer à la société Canal Toys France la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [B] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 19/07636
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;19.07636 ?
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