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21/02/2023 | FRANCE | N°21/16659

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 21 février 2023, 21/16659


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 21 FEVRIER 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16659 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CELRL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 juin 2021 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 20/06511



APPELANT



Monsieur [H] [V] né le 15 février 1996 à [Localité 5] (Mali)

,



Chez Monsieur [C] [A]

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Christelle MONCONDUIT, avocat postulant du barreau du VAL D'OISE

assisté de Me Ghizlaine DEBBAGH BO...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 21 FEVRIER 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/16659 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CELRL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 juin 2021 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 20/06511

APPELANT

Monsieur [H] [V] né le 15 février 1996 à [Localité 5] (Mali),

Chez Monsieur [C] [A]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Christelle MONCONDUIT, avocat postulant du barreau du VAL D'OISE

assisté de Me Ghizlaine DEBBAGH BOUTARBOUCH, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : E1150

INTIME

LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE NATIONALITÉ

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté à l'audience par Mme M.-D. PERRIN, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 janvier 2023, en audience publique, l' avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 3 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté la régularité de l'action au regard de l'article 1043 du code de procédure civile, écarté des débats l'expédition certifiée conforme en date du 28 janvier 2019 d'un jugement supplétif n°1430 en date du 10 juin 2016 du tribunal civil de Diema concernant le grand-père paternel revendiqué, M. [O] [V], né le 24 janvier 1947 à [Localité 6], comme pièce non contradictoire, débouté M. [H] [V] de l'ensemble de ses demandes, jugé que M. [H] [V], se disant né le 15 février 1996 à [Localité 5] (Mali), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil, l'a débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamné aux dépens et l'a débouté de sa demande de distraction des dépens ;

Vu la déclaration d'appel en date du 20 septembre 2021 et les dernières conclusions notifiées le 19 octobre 2022 par M. [H] [V] qui demande à la cour de déclarer son appel en date du 20 septembre 2021 recevable, infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 3 juin 2021 en ce qu'il a écarté des débats l'expédition certifiée conforme en date du 28 janvier 2019 d'un jugement supplétif n°1430 du tribunal civil de Diema du 10 juin 2016 concernant le grand-père paternel et en ce qu'il a conclu à l'extranéité de M. [H] [V], constater sa nationalité française, y faisant droit, ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil, condamner l'Etat au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner le Trésor public aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Christelle MONCONDUIT, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2022 par le ministère public qui demande à la cour de dire que le récépissé prévu par l'article 1040 du code de procédure civile a été délivré, confirmer le jugement rendu le 3 juin 2021 et statuant à nouveau, dire que M. [H] [V], se disant né le 15 février 1996 à [Localité 5] (Mali), n'est pas français, le débouter de l'ensemble de ses demandes et ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 10 novembre 2022 ;

MOTIFS :

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 04 janvier 2022 par le ministère de la Justice.

Invoquant l'article 18 du code civil, M. [H] [V] soutient qu'il est français par filiation paternelle pour être né le 15 février 1996 à [Localité 5] (Mali), de M. [N] [V], né le 18 octobre 1978 à [Localité 7], celui-ci étant français par double droit du sol en vertu de l'article 19-3 du code civil en ce que son père, M. [O] [V], né le 24 janvier 1947 à [Localité 6] (Mali), et sa mère, Mme [L] [V], née le 26 mai 1961 à [Localité 6] (Mali), sont tous deux nés avant l'indépendance du Mali prononcée le 20 juin 1960, sur un territoire qui avait le statut de colonie ou de territoire d'Outre-Mer de la République française (Ex-Soudan français) au moment de leur naissance.

M. [H] [V] s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de nationalité française par le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France le 22 décembre 2014, aux motifs qu'il produisait un acte de naissance établi le 2 juillet 2013 suivant un jugement supplétif de la même date et que la preuve de son lien de filiation paternelle n'était pas légalement rapportée. Le refus de délivrance a été confirmé par le ministère de la Justice le 20 juin 2017 au motif que le jugement supplétif était contraire à l'ordre public international.

En application de l'article 30 alinéa 1er du code civil, il appartient à celui qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, lorsqu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du code civil.

N'étant pas personnellement titulaire d'un certificat de nationalité française, il appartient à M. [H] [V] en application de l'article 30 du code civil de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions requises par la loi pour l'établissement de sa nationalité française en justifiant de sa filiation à l'égard de [N] [V] et de la nationalité française de ce dernier au moyen d'actes d'état civil fiables et probants au sens de l'article 47 du code civil selon lequel « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Sur la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a écarté des débats l'expédition certifiée conforme en date du 28 janvier 2019 d'un jugement supplétif n°1430 en date du 10 juin 20016 du tribunal civil de Diema, concernant le grand-père paternel revendiqué de M. [H] [V]

M. [H] [V] justifie que l'expédition certifiée conforme du 28 janvier 2019 du jugement supplétif n°1430 du tribunal civil de Diema du 10 juin 2016 (pièce 19) ainsi que le bordereau de communication de pièces le mentionnant en pièce 19 avaient été adressés au tribunal judiciaire et au procureur de la République par message RPVA du 21 février 2019 par le biais de son avocat postulant et qu'il a adressé les originaux au tribunal par lettre recommandée avec avis de réception signé le 28 octobre 2019. C'est donc à tort que le tribunal a écarté des débats cette pièce. Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur la nationalité de M. [H] [V]

Pour justifier de son état civil, M. [H] [V] produit :

- le volet 3 (original remis au déclarant) de son acte de naissance n°427 RG9 dressé le 10 juillet 2013 par Mme [E] [K] [Y], officier d'état civil en vertu d'un « jugement 0994 du 2 juillet 2013 du tribunal 1er Inst II » aux termes duquel [H] [V] est né le 15 février 1996 à [Localité 5] de [N] [V], domicilié à [Localité 5], ouvrier et de [G] [S], domiciliée à [Localité 5], ménagère, sur la déclaration de [N] [V]  (pièce n°1 de l'appelant) ;

- un « jugement supplétif d'acte de naissance n°0994 » du tribunal civil de [Localité 5] rendu le 2 juillet 2013, délivré le 8 juillet 2013 pour extrait conforme par le greffier en chef, indiquant que [H] [V] habitant à [Localité 5] est né le 15/02/1996 à [Localité 5] de [N] [V], ouvrier et de [G] [S], ménagère (pièce n°3 de l'appelant) ;

- un « extrait des minutes du greffe du tribunal » du jugement 994 rendu par le tribunal de grande instance de la commune II du district de [Localité 5] indiquant que [H] [V], fils de [N], ouvrier et [G] [S], ménagère, demeurant à [Localité 5] est né le 15/02/1996 à [Localité 5] (pièce n°17 de l'appelant) ;

- un certificat de non appel concernant ledit jugement supplétif établi le 27 septembre 2018 ;

Toutefois, au vu de l'ensemble de ces pièces, comme le soutient le ministère public, M. [H] [V] échoue à rapporter la preuve d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil.

En premier lieu, l'acte de naissance de M. [H] [V] ne comporte pas l'âge, la date et lieux de naissance de ses parents. Dès lors, en l'absence de ces mentions, il n'est pas possible de rattacher l'intéressé à M. [N] [V], né le 18 octobre 1978 à Paris dont il dit tenir la nationalité. En outre, il est relevé que cet acte a été dressé en exécution d'un jugement supplétif mais que le père de l'intéressé qui n'est pourtant pas à l'origine de ce dernier est mentionné comme déclarant. Les observations de M. [H] [V] à cet égard sont insuffisantes à expliquer cette contradiction.

En second lieu, lorsqu'un acte d'état civil étranger assure la publicité d'une décision de justice, il devient indissociable de celle-ci, dont l'opposabilité en France, reste subordonnée à sa régularité internationale. Ainsi, toute mention figurant dans l'acte d'état civil en exécution d'une décision de justice étrangère ne peut faire foi au sens de l'article 47 du code civil qu'à la condition que cette décision soit produite et remplisse les conditions pour sa régularité internationale.

Or, selon l'article 31 de l'accord de coopération en matière de justice entre la France et le Mali du 9 mars 1962, en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par des juridictions siégeant sur le territoire de la République du Mali doivent, pour avoir l'autorité de la chose jugée en France, « remplir les conditions prévues par la législation de cet État » et parmi ces conditions, figure la conformité à la conception française de l'ordre public international laquelle exige que le jugement soit motivé.

En l'espèce, la pièce n°3 de l'appelant intitulée « jugement supplétif d'acte de naissance n°0994 » n'est en réalité qu'un extrait, comme il l'est indiqué au bas du document, ne comportant aucune motivation mais seulement la transcription du dispositif.

Quant à la pièce n°17 intitulée « extrait des minutes du greffe du tribunal », délivrée le 1er octobre 2018 à [Localité 5] par [O] [R], greffier en chef, elle est dépourvue de motivation. En effet, la référence à l'audition de témoins non identifiés et la mention selon laquelle « il résulte de l'enquête à laquelle il a été procédé la preuve des faits énoncés en ladite requête » ne satisfont pas à l'exigence de motivation, M. [H] [V] ne produisant pas la requête visée dans le jugement, pourtant susceptible de suppléer la motivation défaillante.

Dans ces conditions, le jugement supplétif d'acte de naissance est inopposable en France.

En conséquence, l'acte de naissance n°427 RG9, établi en exécution de cette décision, n'a pas de valeur probante au sens de l'article 47 du code civil.

Or, nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française s'il ne justifie pas d'une identité certaine, attestée par des actes d'état civil fiables au sens de cet article.

Le jugement de première instance est donc confirmé sauf en ce qu'il a écarté des débats l'expédition certifiée conforme en date du 28 janvier 2019, d'un jugement supplétif n°1430 en date du 10 juin 2016 du tribunal civil de Diema, concernant le grand-père paternel revendiqué de M. [H] [V]. L'extranéité de M. [H] [V] doit être constatée. Sa demande tendant au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 ne peut qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS

Constate l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1043 du code de procédure civile,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a écarté des débats l'expédition certifiée conforme en date du 28 janvier 2019, d'un jugement supplétif n°1430 en date du 10 juin 2016 du tribunal civil de Diema concernant le grand-père paternel revendiqué de M. [H] [V],

Ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil,

Rejette la demande de M. [H] [V] formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] [V] aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/16659
Date de la décision : 21/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-21;21.16659 ?
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